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25/03/2021 | FRANCE | N°19-20603

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 25 mars 2021, 19-20603


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mars 2021

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 284 FS-P

Pourvoi n° N 19-20.603

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2021

1°/ M. W... B..., domicilié [...] ,

2°/ Mme N... B..., épouse M

..., domiciliée [...] ,

ont formé le pourvoi n° N 19-20.603 contre l'arrêt rendu le 6 juin 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), da...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mars 2021

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 284 FS-P

Pourvoi n° N 19-20.603

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2021

1°/ M. W... B..., domicilié [...] ,

2°/ Mme N... B..., épouse M..., domiciliée [...] ,

ont formé le pourvoi n° N 19-20.603 contre l'arrêt rendu le 6 juin 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme G... R..., veuve K..., domiciliée [...] , agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de Q... K...,

2°/ à M. E... K..., domicilié [...] ) (États-Unis),

3°/ à M. V... K..., domicilié [...] ) (États-Unis),

tous deux pris en leur qualité d'héritiers de Q... K...,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jariel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. B... et de Mme M..., de la SCP Boulloche, avocat des consorts K..., et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 février 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jariel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Parneix, Barbieri, Jessel, David, Jobert, conseillers, Mme Collomp, M. Béghin, Mmes Schmitt, Aldigé, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 juin 2019), Q... K..., aux droits duquel se trouvent MM. E... et V... K..., ses fils, et Mme K..., son épouse, (les consorts K...), propriétaires de la parcelle [...] , ont assigné M. B... et Mme M..., propriétaires de la parcelle contiguë, cadastrée [...] , en reconnaissance d'une servitude conventionnelle de passage par tout véhicule sur cette parcelle. Un arrêt du 6 novembre 2007, devenu irrévocable, a reconnu un seul droit de passage piétonnier.

2. Un arrêt, devenu irrévocable, du 24 septembre 2015 a rejeté la demande reconventionnelle des consorts K... en reconnaissance d'une servitude conventionnelle de passage en voiture sur la parcelle [...] , propriété de M. B... et Mme M....

3. Se prévalant de l'absence d'accès à leur parcelle en voiture, les consorts K... ont assigné M. B... et Mme M... en reconnaissance de l'existence d'une servitude de passage pour cause d'enclave. Après expertise, ils ont sollicité que le passage ait pour assiette les parcelles [...] et [...] . Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. B... et Mme M... font grief à l'arrêt de déclarer l'action recevable, alors :

« 1°/ que le juge doit tirer les conséquences qui procèdent de l'autorité de la chose jugée de ce qui a fait l'objet d'un jugement définitif entre les parties en leurs mêmes qualités, sur la même cause et le même objet ; qu'en l'espèce, il est constant que la demande de désenclavement formulée par les consorts K... avait fait l'objet d'une décision définitive leur reconnaissant le bénéfice d'une servitude conventionnelle depuis l'arrêt de rejet rendu par la Cour de cassation le 3 mars 2009, ce dont il s'induisait que la même demande de servitude, cette fois fondée sur le cadre légal, était frappée d'irrecevabilité ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil (devenu 1355 du code civil) ;

2°/ que l'autorité de la chose jugée de ce qui a fait l'objet d'un jugement définitif entre les parties prises dans leurs mêmes qualités, sur la même cause et le même objet empêche les juges de statuer sur une demande qui a déjà été tranchée ; qu'en l'espèce, en faisant droit à la demande de désenclavement tandis qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que par un « arrêt du 6 novembre 2007, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a considéré que le droit de passage conventionnel bénéficiant au fonds [...] des consorts K... s'entendait d'un droit de passage piétonnier s'exerçant sur un chemin de un mètre de large sur la parcelle [...] des consorts B... » et, que par « un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 24 septembre 2015, la cour a rejeté les demandes des consorts K..., au vu des actes de propriété des 17 mars 1964 et 20 avril 1964, qui ne prévoient qu'un droit de passage à pied », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article 1351 du code civil (devenu 1355) par fausse application ;

3°/ qu'il incombe au demandeur, avant qu'il ne soit statué sur sa demande, d'exposer l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; qu'il s'ensuit que, dans une même instance, une prétention rejetée ne peut être présentée à nouveau sur un autre fondement ; qu'en l'espèce, pour déclarer la demande recevable aux motifs que « l'avantage recherché » par les consorts K... était différent, cependant que leur demande de désenclavement visait la même finalité d'obtention d'une servitude de passage tout en étant présentée sous le couvert d'un nouveau moyen, de sorte qu'ils n'étaient pas recevables à faire juger à nouveau cette prétention, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil (devenu 1355 du code civil) par fausse application. »

Réponse de la Cour

6. En application de l'article 1355 du code civil, il a été jugé que se heurtait à l'autorité de la chose jugée une demande fondée sur une servitude par destination du père de famille, qui, opposant les mêmes parties, tendait, comme la demande originaire pour cause d'enclave, à la reconnaissance d'un droit de passage grevant et profitant aux mêmes parcelles sur un fondement juridique différent, alors que les demandeurs se bornaient à développer des moyens nouveaux qu'il leur appartenait d'invoquer lors de la précédente instance (3e Civ., 16 juin 2011, pourvoi n° 10-18.925, Bull. 2011, III, n° 105).

7. Or, la demande de reconnaissance d'une servitude de passage du fait de l'homme et celle d'une servitude légale n'ont pas le même objet, de sorte que, le principe de concentration des moyens n'étant pas applicable, la seconde demande ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée sur la première.

8. Ayant retenu que les consorts K... ne demandaient plus une servitude conventionnelle comme dans les instances antérieures, mais un désenclavement sur le fondement des articles 682 et suivants du code civil, soit une servitude légale, de sorte que, l'avantage recherché étant différent, il n'y avait pas identité d'objet, la cour d'appel en a exactement déduit que leur action était recevable.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. B... et Mme M... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. B... et Mme M... et les condamne à payer à Mme K..., à titre personnel et en sa qualité d'héritière de son époux, et MM. E... et V... K..., en leur qualité d'héritier de Q... K..., la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. W... B..., Mme N... B... épouse M...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit l'action en désenclavement des consorts K... recevable ;

AUX MOTIFS QUE :

« Les consorts W... B... et N... B... épouse M... soutiennent que l'autorité de la chose jugée fait obstacle à la recevabilité de l'action des consorts K... et qu'en outre le principe de la concentration des moyens conduit à écarter l'argument de l'enclavement du fonds invoqué par ces derniers.

En vertu de l'article 1351 du code civil dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; qu'elle soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Il en résulte que toute demande identique par les parties, par son objet et par sa cause se heurte à l'autorité de la chose jugée et est irrecevable conformément à l'article 122 du code de procédure civile ; si l'une des trois conditions n'est pas remplie, la demande est recevable.

L'objet de la demande se définit comme l'avantage recherché par le justiciable, déterminé par des éléments de fait et de droit ; si l'objet est différent dans les demandes successives, il ne peut être opposé l'autorité de la chose jugée.

Il convient donc de distinguer les moyens, dont la concentration est imposée, des demandes, dont l'objet est différent, qui elles, sont parfaitement recevables.

En l'espèce, les consorts K..., dans le cadre de la présente instance, sollicitent le bénéfice d'une servitude légale de passage pour cause d'enclave ; cette demande de servitude légale n'a jamais fait l'objet d'un jugement et n'a jamais été tranchée.
En effet, les consorts K... ont seulement demandé un droit de passage conventionnel dans l'instance introduite les 23 et 29 mars 2004, lequel leur a été accordé sur une largeur de un mètre par arrêt du 6 novembre 2007 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence définitif en l'état du rejet du pourvoi par la cour de cassation dans son arrêt du 3 mars 2009 ; ensuite, dans l'instance introduite par les consorts B... le 31 janvier 2008 aux fins notamment d'enlèvement de véhicules stationnés sur la parcelle [...] et d'octroi de dommages-intérêts, les consorts K... ont sollicité reconventionnellement un droit de passage conventionnel en voiture sur ladite parcelle ; ce dont ils ont été déboutés par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 24 septembre 2015, définitif en l'état du rejet du pourvoi par la cour de cassation le 15 décembre 2016.

Dans la présente instance, les consorts K... demandent aujourd'hui un désenclavement au visa des articles 682 et suivants du code civil, savoir une servitude légale ; ils ne demandent plus une servitude conventionnelle comme dans les procédures antérieures ; l'avantage recherché est donc différent.

Il n'y a donc pas identité d'objet. Il importe peu dès lors qu'il y ait identité de cause et de parties, les trois conditions devant être cumulativement réunies pour déclarer une demande irrecevable.

La demande des consorts K... est par conséquent recevable.

Le jugement sera réformé en ce qu'il déclare leur action irrecevable ».

1°) ALORS, de première part, QUE le juge doit tirer les conséquences qui procèdent de l'autorité de la chose jugée de ce qui a fait l'objet d'un jugement définitif entre les parties en leurs mêmes qualités, sur la même cause et le même objet ; qu'en l'espèce, il est constant que la demande de désenclavement formulée par les consorts K... avait fait l'objet d'une décision définitive leur reconnaissant le bénéfice d'une servitude conventionnelle depuis l'arrêt de rejet rendu par la Cour de cassation le 3 mars 2009, ce dont il s'induisait que la même demande de servitude, cette fois fondée sur le cadre légal, était frappée d'irrecevabilité ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil (devenu 1355 du code civil) ;

2°) ALORS, de deuxième part, QUE l'autorité de la chose jugée de ce qui a fait l'objet d'un jugement définitif entre les parties prises dans leurs mêmes qualités, sur la même cause et le même objet empêche les juges de statuer sur une demande qui a déjà été tranchée ; qu'en l'espèce, en faisant droit à la demande de désenclavement tandis qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que par un « arrêt du 6 novembre 2007, la cour d'appel d'Aix en Provence a considéré que le droit de passage conventionnel bénéficiant au fonds [...] des consorts K... s'entendait d'un droit de passage piétonnier s'exerçant sur un chemin de un mètre de large sur la parcelle [...] des consorts B... » (arrêt, p. 2 in fine) et, que par « un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 24 septembre 2015, la cour a rejeté les demandes des consorts K..., au vu des actes de propriété des 17 mars 1964 et 20 avril 1964, qui ne prévoient qu'un droit de passage à pied » (arrêt, p. 3 § 1er), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article 1351 du code civil (devenu 1355) par fausse application ;

3°) ALORS, de troisième part, QU'il incombe au demandeur, avant qu'il ne soit statué sur sa demande, d'exposer l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; qu'il s'ensuit que, dans une même instance, une prétention rejetée ne peut être présentée à nouveau sur un autre fondement ; qu'en l'espèce, pour déclarer la demande recevable aux motifs que « l'avantage recherché » par les consorts K... était différent, cependant que leur demande de désenclavement visait la même finalité d'obtention d'une servitude de passage tout en étant présentée sous le couvert d'un nouveau moyen, de sorte qu'ils n'étaient pas recevables à faire juger à nouveau cette prétention, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil (devenu 1355 du code civil) par fausse application.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'état d'enclave de la parcelle [...] sise à Menton (06) et appartenant aux consorts K... était caractérisée ; d'AVOIR en conséquence dit qu'ils étaient bien-fondés en leur demande de servitude légale ; d'AVOIR ordonné la mise en oeuvre de la servitude légale de passage ;

AUX MOTIFS QUE :

« Les consorts K... sollicitent le désenclavement de leur parcelle [...] , selon le tracé préconisé par monsieur U..., expert judiciaire, au visa des articles 682 et suivants du code civil.

Pour s'opposer à la demande, les consorts B... soutiennent que la parcelle [...] n'est pas juridiquement compte tenu du droit de passage consenti suivant acte du 16 octobre 2000, reprenant l'acte de vente du 17 mars 1964 signé avec madame X... ; ils ajoutent que la propriété n'a pas pour vocation une exploitation agricole, industrielle ou commerciale et qu'il n'y a pas de demande d'autorisation de construire ou de demande de création de lotissement ; de plus, ils font valoir que la distance de 30 m à parcourir entre leur portail et la propriété K... est minime ; enfin, ils précisent que les consorts K... ont acheté leur bien en parfaite connaissance de la situation.

Cette argumentation est cependant inopérante.

En effet, l'accès avec un véhicule automobile correspond à l'usage normal d'un fonds destiné à l'habitation.

Or sur la parcelle [...] des consorts K..., se trouve la villa Sosta correspondant à leur maison d'habitation ; cette villa est située au bout d'un chemin qui prend naissance sur la voie publique dénommée [...] ainsi qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire et de la photographie aérienne produite par les appelants.

Selon le procès-verbal de constat d'huissier du 6 juin 2001, les lieux sont inaccessibles en véhicule, du fait d'une barrière posée par les consorts B..., en amont du portail d'entrée de la villa Sosta ; ce qui empêche le passage de camions de livraison et oblige à porter à bras d'homme de lourdes charges sur une distance significative.

L'expert judiciaire a relevé lui-même qu'à partir de l'[...], il existe un chemin bétonné jusqu'à la propriété K..., mais qu'au début de ce chemin un portail a été posé par les consorts B..., empêchant la circulation en voiture.

En réalité, les consorts K... ne bénéficient conventionnellement que d'un droit de passage piéton sur ledit chemin ; il importe peu à l'égard des consorts B..., tiers à l'acte d'achat et voisins, qu'ils aient acheté leur bien en toute connaissance de cette situation.

L'état d'enclave est par suite caractérisé.

S'agissant du tracé de désenclavement, il ressort des différentes décisions de justice définitives précitées et du rapport d'expertise judiciaire que les propriétés des consorts K... et B... ont une origine commune, par suite de la division de la propriété de mademoiselle X... ; dès lors, le passage ne peut être demandé que sur le terrain des consorts B..., sauf impossibilité d'établir un passage suffisant sur le fonds divisé, conformément à l'article 684 du code civil.

En l'occurrence, l'expert judiciaire a relevé la présence d'un chemin bétonné menant de la voie publique ([...]) à la propriété K... et a indiqué qu'il suffirait d'enlever le portail posé par les consorts B... ou de prévoir une clé d'accès au profit des consorts K..., pour leur permettre de bénéficier d'un passage routier.

Ces constatations mettent à néant toute solution alternative proposée par les consorts B..., en leur interdisant d'invoquer valablement le fait que le trajet ne serait pas le plus court et le moins dommageable, pour des raisons de sécurité et de visibilité ; de même, leur solution consistant à accéder à pied à la propriété ne peut qu'être rej etée, compte tenu de la distance entre leur portail et la villa Sosta.

Par conséquent, le tracé proposé par l'expert judiciaire sera retenu au bénéfice des consorts K..., lequel correspond physiquement au tracé de l'ancienne servitude de passage décrite dans les termes suivants : « avec droit de passage sur le chemin en ciment dépendant de la villa Victoria dont l'entrée porte le numéro [...] (devenu [...] ), ledit droit de passage profitant également aux villas Oasis et Claude des sources » ; ce tracé est décrit dans les actes de division de la propriété X... en 1964 et rappelé par l'expert judiciaire dans son rapport au chapitre VI-2-1 vente X...-B... et au chapitre VI-1 - 2 vente X...-
I... (auteur de K...), ainsi qu'en annexes 1 et 4 selon teinte jaune.

Il convient d'ordonner à cet effet, au bénéfice de la parcelle cadastrée [...] des consorts K..., la mise en oeuvre de la servitude légale de passage, qui aura pour assiette le chemin existant cadastré [...] et la parcelle [...] , telle que décrite ci-avant, le tout reliant l'[...] à la parcelle [...] sur laquelle se trouve édifiée la villa Sosta, selon teinte jaune sur l'extrait de plan annexe 4 du rapport d'expertise de monsieur U... ».

ALORS QU'une servitude de passage a pour objet de mettre fin à un état d'enclavement caractérisé ; qu'en l'espèce, il résulte du rapport d'expertise établi par M. U... que la parcelle des consorts K... n'était « pas juridiquement enclavée » (production n° 6, p. 21) ; qu'en faisant cependant droit à la demande de désenclavement des consorts K..., sans tirer les conséquences légales du droit de passage accordé sur le chemin en ciment tel que constaté par l'expert, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 682 du code civil.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné une nouvelle expertise et d'AVOIR dit que cette expertise aurait lieu au frais avancés des consorts B... qui consigneront ensemble au greffe, avant le 6 août 2019, la somme de 2000 euros à titre de provision à valoir sur les frais et honoraires de l'expert et d'AVOIR dit en conséquence que l'affaire était renvoyée à une audience ultérieure ;

AUX MOTIFS QUE :

« Sur l'indemnité au titre de la servitude de passage, au profit des consorts B... :

Selon l'article 682 du code civil, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.

S'agissant de l'indemnité prévue à l'article qui précède, les consorts K... demandent que les conclusions de l'expert judiciaire soient suivies en ce qu'il indique que la voie est existante et que les frais d'entretien doivent être répartis au prorata des longueurs utilisées par chacun.

C'est à bon droit cependant que les consorts B... soutiennent que l'expert n'a pas chiffré l'indemnité due en application de l'article 682 du code civil.

Aucun élément n'est produit en outre par les parties pour évaluer ladite indemnité, alors qu'il n'est pas contesté que les consorts K... qui n'ont jusqu'alors qu'un droit de passage piéton, emprunteront le chemin avec un véhicule.

Il convient donc d'ordonner une expertise, selon les modalités définies dans le dispositif ci-après aux frais avancés des consorts B..., demandeurs à l'indemnité, et dans l'intérêt desquels est ordonnée la mesure d'instruction ».

ET QUE :

« Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il convient de surseoir à statuer sur les demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens, y compris les frais d'expertise, compte tenu de la nouvelle expertise ordonnée, dans l'attente du dépôt du rapport et des conclusions à venir en lecture de rapport » ;

ALORS QU'il incombe au demandeur à l'action de supporter le coût d'une expertise diligentée dans son intérêt ; qu'en jugeant en l'espèce, que les frais de l'expertise pour fixer le montant de l'indemnité au titre de la servitude de passage accordée sur le fonds servant des consorts B... devaient être avancés par ces derniers aux motifs inopérants qu'ils étaient « demandeurs à l'indemnité » et que cette mesure d'instruction était ordonnée dans « leur intérêt » (arrêt, p. 7 § 5), la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 284 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-20603
Date de la décision : 25/03/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CHOSE JUGEE - Identité de cause - Obligation de concentration des moyens - Domaine d'application - Exclusion - Demandes successives fondées sur les mêmes faits mais tendant à un objet distinct

CHOSE JUGEE - Identité d'objet - Définition - Exclusion - Cas - Demande de reconnaissance d'une servitude conventionnelle de passage et demande de reconnaissance d'une servitude légale de passage pour cause d'enclave

La demande de reconnaissance d'une servitude de passage du fait de l'homme et celle d'une servitude légale n'ont pas le même objet, de sorte que, le principe de concentration des moyens n'étant pas applicable, la seconde demande ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée sur la première


Références :

article 1355 du code civil.

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 06 juin 2019

A rapprocher : 3e Civ., 16 juin 2011, pourvoi n° 10-18925, Bull. 2011, III, n° 105 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 25 mar. 2021, pourvoi n°19-20603, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Boulloche

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.20603
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