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20/01/2021 | FRANCE | N°19-20076

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 janvier 2021, 19-20076


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 janvier 2021

Rejet

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 51 F-P

Pourvoi n° Q 19-20.076

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 JANVIER 2021

La société

MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [...] , en la personne de Mme Y... P..., agissant en qualité de liquidateur judic...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 janvier 2021

Rejet

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 51 F-P

Pourvoi n° Q 19-20.076

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 JANVIER 2021

La société MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [...] , en la personne de Mme Y... P..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Victoires, a formé le pourvoi n° Q 19-20.076 contre l'arrêt rendu le 19 mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Paris Croix des Petits Champs, société en nom collectif, dont le siège est [...] ,

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [...],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société MJA, ès qualités, de Me Bertrand, avocat de la société Paris Croix des Petits Champs, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 novembre 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, Mme Henry, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 mars 2019) et les productions, la société Victoires a été mise en redressement judiciaire le 25 janvier 2017, la société MJA étant désignée en qualité de mandataire judiciaire et la société Ascagne AJ, en celle d'administrateur judiciaire, avec une mission d'assistance.

2. Une procédure opposant la société Victoires à son bailleur, la société Paris Croix des Petits Champs, la société débitrice et son administrateur ont présenté, le 30 octobre 2017, une requête au juge-commissaire afin d'autoriser une transaction portant sur une résiliation amiable du bail commercial, négociée le 29 septembre 2017.

3. Par une ordonnance du 8 novembre 2017, le juge-commissaire a autorisé la transaction nonobstant la rétractation de la société Paris Croix des Petits Champs.

4. La société Paris Croix des Petits Champs a formé un recours contre cette ordonnance, laquelle a été maintenue par un jugement du tribunal de commerce de Paris le 29 mai 2018.

5. Le 4 décembre 2018, le redressement judiciaire de la société Victoires a été converti en liquidation judiciaire, la société MJA étant désignée en qualité de liquidateur.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. La société MJA, en sa qualité de liquidateur de la société Victoires, fait grief à l'arrêt de rejeter la requête du 30 octobre 2017 de la société Victoires et de son administrateur judiciaire aux fins d'être autorisées à signer une transaction avec la société Paris Croix des Petits Champs, alors « que le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation ; que le pollicitant ne peut plus rétracter sa proposition lorsqu'elle a été acceptée ; que l'offre de transaction d'un tiers ne peut donc plus être rétractée dès lors qu'elle a été acceptée par le débiteur en redressement judiciaire et l'administrateur, peu important que la transaction n'ait pas encore été autorisée par le juge-commissaire ; qu'en effet l'autorisation du juge-commissaire est une condition non pas d'existence, mais de validité de la transaction, celle-ci étant conclue dès que l'offre a été acceptée par le débiteur et l'administrateur judiciaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que l'offre de la société Paris Croix des Petits Champs avait été acceptée par la société Victoires et M. G..., ès qualités, de sorte que "les parties étaient parvenues à s'entendre sur les modalités d'une résiliation amiable du bail et l'apurement des comptes" ; qu'en retenant pourtant que "la rétractation de la proposition étant intervenue avant que le juge-commissaire n'autorise l'administrateur judiciaire et le débiteur à accepter l'offre par voie de transaction, le juge-commissaire ne pouvait pas, le 8 novembre 2017, autoriser une transaction inexistante", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles L. 622-7 du code de commerce et 1113 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. L'arrêt relève que la requête aux fins d'être autorisé à transiger a été présentée le 30 octobre 2017 cependant qu'à cette date la société Paris Croix des Petits Champs ne maintenait pas son offre. Il retient que si les parties étaient parvenues à s'entendre sur les modalités d'une résiliation amiable du bail et l'apurement des comptes, toutefois ni l'administrateur judiciaire ni la société Victoires n'avaient, au regard des exigences impératives de l'article L. 622-7, II du code de commerce, le pouvoir de transiger sans l'autorisation préalable du juge-commissaire.

8. Par ces seuls motifs, la cour d'appel, qui a constaté que la proposition du bailleur et son acceptation, fût-elle donnée sous réserve de cette autorisation, étaient intervenues avant que le juge-commissaire autorise l'administrateur et la société débitrice à transiger, a légalement justifié sa décision.

9. Le moyen n'est donc pas fondé

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société MJA, en sa qualité de liquidateur de la société Victoires aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société MJA, ès qualités.

Il est fait grief à la décision infirmative attaquée d'avoir débouté la société Victoires et la Selas Ascage AJ, aux droits de laquelle vient désormais la société MJA, ès qualités, de sa requête en date du 30 octobre 2017 aux fins d'être autorisées à signer une transaction avec la société Paris Croix des Petits Champs ;

aux motifs qu' « il résulte de l'article L 622-7, II du code du commerce, que le juge-commissaire peut autoriser le débiteur à transiger ; que l'administrateur judiciaire, son administrée, et la société bailleresse se sont rapprochés sur les litiges les opposant, dans les circonstances ci-après ; que par courriel du 29 septembre 2017, faisant suite à une rencontre la veille en l'étude de l'administrateur judiciaire, Maître V..., avocat de la SNC Paris Croix des Petits Champs indiquait à Maître G... : « Je réitère la proposition de la Société PARIS CROIX DES PETITS CHAMPS, propriétaire des locaux loués à la Société VICTOIRES. La Société PARIS CROIX DES PETITS CHAMPS serait prête à une résiliation du bail moyennant indemnité à hauteur de 230.000 euros, se décomposant de la façon suivante : - Indemnité 56.000 euros, - Remboursement intégral du dépôt de garantie - 70.000 euros - Abandon du loyer du 3ème trimestre échu - 40.000 euros - Abandon de deux mois de loyers à échoir -30.000 euros - Sous-total -200.000 euros - Abandon de la créance déclarée au passif -30.000 euros Soit un total de 30.000 euros. Les locaux seraient libérés par la Société VICTOIRES au plus tard le 30 novembre 2017. L'indemnité de 56.000 euros et le remboursement du dépôt de garantie intervenant à la remise des clefs. La Société VICTOIRES se désisterait de toutes instances et actions à l'encontre de la Société PARIS CROIX DES PETITS CHAMPS et renoncerait notamment à toutes réclamations en ce qui concerne un éventuel trop-perçu de charges. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir me confirmer que cette offre sera transmise au Juge-Commissaire. Je vous serais également reconnaissant de me confirmer que le rendez-vous prévu ce jour pour régularisation d'un contrat de sous-location est annulé, dans l'attente de la décision du Tribunal [....] » ; que par courriel du même jour, Maître G... accusait réception de cette correspondance, et répondait à Maître V..., que la question de l'abandon de créance mériterait d'être précisée, afin de ne pas laisser penser que l'abandon est limité à 30.000 euros sur les 110.000 déclarés, alors que c'est bien cette somme qui est abandonnée en totalité, mais que la valeur de l'abandon est forfaitaisé entre les parties à 30.000 euros ; qu'elle ajoutait, in fine « Sous le bénéfice de cette précision que je vous remercie de bien vouloir apporter, je demande à mon administrée d'annuler le rendez-vous de signature qui était prévu tout à l'heure et je présenterai une requête aux fins de transaction sur ces bases à Monsieur le Juge Commissaire avec mon avis favorable [....] » ; que par mail concomitant, Maître O... , conseil de la société sous procédure collective ajoutait qu'il lui paraissait également utile de mentionner que l'abandon de créance s'entendait hors taxes ; que Maître V... répondait le même jour dans le sens souhaité par Maître G... et Maître O... ; que le 10 octobre 2017, Maître V... informait Maître G..., ès qualités, que suite au changement de dirigeant décidé lors de l'assemblée générale du 30 septembre 2017, la société Paris Croix des Petits Champs n'entendait pas maintenir l'offre contenue dans son courrier du 29 septembre 2017, lui demandant d'en informer le juge-commissaire dans l'hypothèse où la requête aurait été déposée ; que c'est dans ce contexte que la requête aux fins d'être autorisé à transiger a été déposée le 30 octobre 2017, le juge-commissaire étant informé du revirement de la société Paris Croix des Petits Champs ; que pour autoriser la transaction, le juge-commissaire a notamment considéré que la proposition transactionnelle formée le 29 septembre 2017 par le conseil de la SNC Paris Croix des Petits Champs, complétée par un mail du même jour précisant la portée de l'abandon de créances, s'analysait en un engagement unilatéral courant jusqu'à l'ordonnance, que l'exigence d'autorisation préalable qu'édicte l'article L 622-7 du code du commerce ne concernait que la société sous procédure collective et non l'émetteur, que l'administrateur judiciaire avait donné son accord sous la seule réserve de l'autorisation du juge-commissaire, que la société Victoires, à la demande de la bailleresse, avait donné un commencement d'exécution à cette transaction en renonçant à une sous-location ; que le tribunal a confirmé l'ordonnance, aux motifs que la proposition d'accord de la bailleresse avait été acceptée, par retour, par Maître G... et la société Victoires, que la transaction comporte des concessions réciproques sans condition suspensive, ni mention de délai de rétractation et qu'il n'avait pas à trancher le caractère ou non abusif de la rétractation du 10 octobre 2017 ; que la recevabilité de l'appel à l'encontre du jugement n'est pas discutée ; qu'au soutien de son appel, la SNC Paris Croix des Petits Champs fait valoir que la transaction ne pouvant, à peine de nullité, être régularisée avant son autorisation par le juge-commissaire, aucun contrat, par rencontre d'une offre et de son acceptation, n'a pu se former avant une telle autorisation, de sorte qu'il n'existait à la date de rétractation de l'offre aucun contrat formé, ajoutant, qu'en vertu de l'article 1116 du code civil en sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, une offre peut être rétractée tant qu'elle n'a pas été acceptée, peu important que cette rétractation soit licite et puisse engager la responsabilité de son auteur ; qu'il ressort des courriels échangés le 29 septembre 2017, que les parties étaient parvenues à s'entendre sur les modalités d'une résiliation amiable du bail et l'apurement des comptes. ; que toutefois, ni l'administrateur judiciaire, investi d'une mission d'assistance, ni le débiteur, n'ayant, au regard des exigences impératives de l'article L. 622-7,II du code du commerce, le pouvoir de transiger sans l'autorisation préalable du juge-commissaire, l'accord donné à la proposition de la société Paris Croix des Petits Champs, le 29 septembre 2017, ne vaut pas acceptation formelle de l'offre, et partant formation d'un contrat au sens de l'article 1113 du code civil, en sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; que la rétractation de la proposition étant intervenue avant que le juge-commissaire n'autorise l'administrateur judiciaire et le débiteur à accepter l'offre par voie de transaction, le juge-commissaire ne pouvait pas, le 8 novembre 2017, autoriser une transaction inexistante ; que la cour n'a pas, dans la présente instance, à apprécier si cette rétractation engage ou non-responsabilité de la société Paris Croix des Petits Champs ; qu'il s'ensuit que le jugement doit être infirmé, sauf en ce qu'il a dit le recours recevable. Il y lieu, statuant à nouveau, d'infirmer l'ordonnance du 8 novembre 2017 ayant autorisé le débiteur et l'administrateur judiciaire à transiger avec la société Paris Croix des Petits Champs et de rejeter la requête du 30 octobre 2017 » ;

alors que le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation ; que le pollicitant ne peut plus rétracter sa proposition lorsqu'elle a été acceptée ; que l'offre de transaction d'un tiers ne peut donc plus être rétractée dès lors qu'elle a été acceptée par le débiteur en redressement judiciaire et l'administrateur, peu important que la transaction n'ait pas encore été autorisée par le juge-commissaire ; qu'en effet l'autorisation du juge-commissaire est une condition non pas d'existence, mais de validité de la transaction, celle-ci étant conclue dès que l'offre a été acceptée par le débiteur et l'administrateur judiciaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que l'offre de la société SNC Paris Croix des Petits Champs avait été acceptée par la société Victoires et Me G..., ès qualités, de sorte que « les parties étaient parvenues à s'entendre sur les modalités d'une résiliation amiable du bail et l'apurement des comptes » (arrêt, p. 5, alinéa 5) ; qu'en retenant pourtant que « la rétractation de la proposition étant intervenue avant que le juge-commissaire n'autorise l'administrateur judiciaire et le débiteur à accepter l'offre par voie de transaction, le juge-commissaire ne pouvait pas, le 8 novembre 2017, autoriser une transaction inexistante » (arrêt, p. 5, alinéa 6), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles L. 622-7 du code de commerce et 1113 du code civil.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Redressement judiciaire - Période d'observation - Gestion - Transaction - Conditions - Autorisation préalable du juge-commissaire

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Organe - Juge-commissaire - Autorisation - Applications diverses - Transaction

Il résulte des exigences impératives de l'article L. 622-7, II, du code de commerce, que le pouvoir de transiger est subordonné à l'autorisation préalable du juge-commissaire. Il s'ensuit qu'une cour d'appel, qui a constaté que la proposition du bailleur et son acceptation, fût-elle donnée sous réserve de cette autorisation, étaient intervenues avant que le juge-commissaire autorise l'administrateur et la société débitrice à transiger sur les modalités d'une résiliation amiable du bail et l'apurement des comptes, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de rejeter la requête aux fins d'une telle autorisation


Références :

article L. 622-7, II, du code de commerce.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 mars 2019


Publications
Proposition de citation: Cass. Com., 20 jan. 2021, pourvoi n°19-20076, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles
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Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard, Me Bertrand

Origine de la décision
Formation : Chambre commerciale
Date de la décision : 20/01/2021
Date de l'import : 09/02/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19-20076
Numéro NOR : JURITEXT000043087393 ?
Numéro d'affaire : 19-20076
Numéro de décision : 42100051
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2021-01-20;19.20076 ?
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