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16/12/2020 | FRANCE | N°18-20229

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 décembre 2020, 18-20229


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 décembre 2020

Rejet

Mme DARBOIS, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président

Arrêt n° 784 F-P+B

Pourvoi n° K 18-20.229

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 DÉCEMBRE 2020


La société [...] , société anonyme, dont le siège est [...] ), a formé le pourvoi n° K 18-20229 contre l'arrêt rendu le 26 mars 2018 par la cou...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 décembre 2020

Rejet

Mme DARBOIS, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président

Arrêt n° 784 F-P+B

Pourvoi n° K 18-20.229

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 DÉCEMBRE 2020

La société [...] , société anonyme, dont le siège est [...] ), a formé le pourvoi n° K 18-20229 contre l'arrêt rendu le 26 mars 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ au ministre des finances et comptes publics, domicilié [...] ,

2°/ à la direction générale des douanes, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de la société [...] , de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du ministre des finances et comptes publics et de la direction générale des douanes, et l'avis de M. Debacq, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mars 2018), la société [...] (la société [...]), implantée à Mouscron en Belgique, qui exerce une activité de commissionnaire en douanes, a accompli, pour le compte de la société Jost Logistique France, commissionnaire en transport, les formalités de dédouanement de marchandises que celle-ci a importées de pays tiers à l'Union européenne, placées sous titre de transit communautaire externe à leur arrivée à Marseille ou Algeciras en Espagne.

2. A la suite d'un contrôle a posteriori des opérations de transit, l'administration des douanes a notifié à la société [...] un procès-verbal de constat d'infractions concernant des soustractions de marchandises sous régime suspensif en cours de transport et a liquidé d'office les droits et taxes y afférents. La société [...] ne s'étant pas acquittée des sommes qui lui étaient demandées, l'administration des douanes a émis à son encontre un avis de mise en recouvrement (AMR). Sa contestation de cet avis ayant été rejetée, la société [...] a assigné l'administration des douanes en annulation de la décision de rejet et de l'AMR.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3. La société [...] fait grief à l'arrêt de reconnaître la compétence matérielle des juridictions françaises et de rejeter ses contestations, alors :

« 1°/ qu'en vertu des articles 92-1 et 96 du code des douanes communautaire, le régime de transit externe permettant aux marchandises de circuler d'un point à un autre au sein de l'Union européenne en suspension de droits de douanes prend fin lorsque les documents sont présentés au bureau des douanes de destination qui accepte ainsi la déclaration de mise en libre pratique des marchandises ; que cette mise en libre pratique détermine la compétence douanière pour connaître des irrégularités éventuelles affectant ladite opération, y compris tout fait de soustraction à la surveillance douanière née de l'absence physique de la marchandise à ce moment, irrégularité susceptible de générer une dette douanière ; que la localisation ultérieure en France de la livraison matérielle desdites marchandises est sans emport sur la compétence exclusive des autorités douanières belges de sorte que les douanes françaises ont excédé leur compétence en violation des textes susvisés ;

2°/ qu'aux termes de la combinaison des articles 201, 203, 204 et 215 du code des douanes communautaire, la dette douanière née de la mise en libre pratique de marchandises passibles de droits à l'importation au moment de la déclaration en douane correspondante, peut également prendre naissance quand lesdites marchandises sont réputées avoir été soustraites à la surveillance des douanes, faute de pouvoir être représentées au bureau des douanes du pays de destination ayant accepté la déclaration susvisée ; que la constatation et la sanction des irrégularités afférentes à ces opérations appartiennent exclusivement aux autorités du pays de destination sur le territoire desquelles a été commise la première infraction ; qu'en reconnaissant cependant compétence à la douane française pour considérer qu'une dette douanière était née en France lors même que la première infraction était située en Belgique, motif inopérant pris de la livraison ultérieure en France par le transporteur des marchandises auparavant mises en libre pratique en Belgique, la cour a méconnu les règles d'ordre public gouvernant la matière au sein de l'Union douanière en violation des textes susvisés. »

Réponse de la Cour

4. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que doit être considérée comme une soustraction à la surveillance douanière tout acte ou omission qui a pour résultat d'empêcher, ne serait-ce que momentanément, l'autorité douanière compétente d'accéder à une marchandise sous surveillance douanière et d'effectuer les contrôles prévus par la réglementation douanière communautaire (Arrêt 11 juillet 2002, Liberexim, C-371/99) et que si le lieu de l'infraction ou de l'irrégularité pouvait être établi, les dispositions des articles 203 et 215 du code des douanes communautaire permettent de désigner comme compétent pour recouvrer la dette douanière l'Etat membre sur le territoire duquel a été commise la première infraction ou irrégularité susceptible d'être qualifiée de soustraction à la surveillance douanière (Arrêt 3 avril 2008, Militzer et Münch, C-230/06).

5. Après avoir énoncé que le régime de transit suppose une surveillance des marchandises par l'administration des douanes, dont il ne peut être disposé avant que les formalités de dédouanement aient été accomplies, et que leur mise en libre pratique ne pouvait intervenir qu'à la fin du régime de transit, qui impliquait l'arrivée des marchandises au bureau des douanes ou dans les locaux du commissionnaire en douane, l'arrêt retient que les opérations d'importation en cause étaient irrégulières puisque les marchandises parties de Marseille ou Algeciras sous titre de transit communautaire avaient pour destination Mouscron en Belgique et avaient fait l'objet d'une notification d'arrivée dans le système informatique de dédouanement dédié aux marchandises circulant sous titre de transit, cependant qu'elles n'avaient jamais été acheminées en Belgique mais qu'elles avaient été livrées en région parisienne.

6. Il relève encore que la soustraction au régime de transit, c'est-à-dire la mise sur le marché de la marchandise en dehors des conditions prévues au régime douanier, a été opérée en France.

7. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel déduit à bon droit que l'administration des douanes françaises était compétente pour connaître des irrégularités affectant les opérations litigieuses.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

9. La société [...] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en l'absence de contestation portant sur la déclaration d'origine des marchandises dont l'importation était soumise à un tarif douanier préférentiel, les douanes françaises ne pouvaient légalement taxer d'office lesdites marchandises à un taux exorbitant et disproportionné, sans autrement s'en expliquer au regard des exigences issues des articles 91 et suivants du code des douanes communautaire, ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

10. Le bénéfice d'un régime préférentiel est subordonné à la présentation d'une preuve de l'origine des marchandises, qui doit, en principe, intervenir au moment du dédouanement et suppose la possibilité de leur contrôle physique par l'administration des douanes.

11. Ayant retenu, par motifs adoptés, que la société [...] ne pouvait bénéficier du tarif douanier préférentiel du fait des irrégularités commises lors de l'importation des marchandises en cause, et notamment de leur soustraction à la surveillance douanière, la cour d'appel, en jugeant que la dette douanière ne devait pas prendre en compte les droits sur une base de régime préférentiel mais sur celle du tarif extérieur commun, a légalement justifié sa décision.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

13. La société [...] fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ qu'en vertu de l'article 7 § 3 1er alinéa de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 modifiée, la TVA sur l'importation n'est pas due si les marchandises ne sortent pas du régime douanier sous lequel elles ont été placées, même si naît une dette douanière à raison de l'inexécution de l'une des obligations propres à l'utilisation de ce régime douanier ; qu'en prétendant mettre à la charge du transitaire la TVA afférente à des marchandises mises en libre pratique avant d'être acquises par des tiers qui n'ont pas réglé la TVA, la cour a méconnu les exigences susvisées ;

2°/ que l'article 345 du code des douanes français, s'il permet aux douanes de recouvrer "les créances de toute nature" ne les autorise pas à recouvrer des taxes dans des conditions étrangères aux prévisions du code des douanes communautaire ; qu'en déclarant le contraire, la cour a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

14. Selon les dispositions combinées de l'article 285 du code des douanes et des articles 291 et 293 A du code général des impôts, l'administration des douanes est compétente pour recouvrer les taxes sur le chiffre d'affaires et tous autres droits et taxes exigibles à l'importation du bien, c'est-à-dire au moment de l'entrée en France d'un bien, originaire ou en provenance d'un Etat ou d'un territoire n'appartenant pas à la Communauté européenne et qui n'a pas été mis en libre pratique.

15. Après avoir énoncé que l'article 285 du code des douanes autorise l'administration des douanes à recouvrer toute TVA exigible en cas de fraude liée à une déclaration d'importation, que l'importation soit ou non réalisée, et retenu que la société [...] ne pouvait bénéficier du régime de suspension de droit prévu par les articles 91 et suivants du code des douanes communautaire pour les marchandises en transit, faute d'avoir respecté les formalités prévues par ces textes, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que les marchandises ont été importées de Tunisie et du Maroc, pays tiers à l'Union européenne, qu'elles n'ont pas été valablement mises en pratique, puisqu'elles ne l'ont été que par suite de manoeuvres frauduleuses, et qu'elles doivent ainsi être considérées comme importées en France.

16. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel a déduit, à bon droit, que la société [...] était redevable de la TVA à l'importation auprès de l'administration des douanes.

17. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société [...] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [...] et la condamne à payer au ministre de l'action et des comptes publics et au directeur général des douanes et droits indirects la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour la société [...] .

Premier moyen de cassation

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir reconnu la compétence matérielle des juridictions françaises et d'avoir rejeté les contestations de la société [...] tendant à obtenir l'annulation de l'avis de résultat d'enquête mentionnant une dette douanière de 2.114.626 € (3 juin 2014) et de l'avis de mise en recouvrement (13 octobre 2014) correspondant ;

aux motifs que, sur l'existence de la dette douanière, il résulte des dispositions de l'article 92-1 du code des douanes communautaire que le régime de transit externe permettant aux marchandises de circuler d'un point à un autre au sein de l'Union européenne en suspension de droits de douane prend fin lorsque les documents sont présentés au bureau des douanes de destination qui accepte la déclaration en libre pratique ; que l'article 96 du même code dispose que le principal obligé ainsi que le destinataire des marchandises est tenu de présenter les marchandises intactes au bureau des douanes de leur lieu de destination ; que selon l'article 372-1 e) des dispositions d'application du code le principal obligé ou le destinataire des marchandises doit avoir recours à un destinataire agrée ; / qu'aux termes de l'article 203-1 du code des douanes communautaire, une dette douanière nait à l'importation en cas de soustraction à la surveillance douanière d'une marchandise passible de droits à l'importation ; que la notion de soustraction s'entend comme tout acte ou omission ayant pour résultat d'empêcher ne serait-ce que momentanément l'autorité douanière d'accéder aux marchandises sous surveillance douanière et d'effectuer des contrôles ; qu'elle ne suppose pas un élément intentionnel mais présuppose la réunion de conditions de nature objective, telle l'absence physique des marchandises dans le lieu de dépôt au moment où l'autorité douanière entend procéder à leur examen ou le fait qu'elles aient été soustraites à des contrôles, indépendamment du fait qu'ils aient été effectivement réalisés par l'autorité douanière ; / que le régime en matière de transit implique une surveillance des marchandises et interdit d'en disposer avant qu'il n'y soit mis fin après que les formalités de dédouanement ont été accomplies ; / que la mise en libre pratique qui permet de disposer librement des marchandises ne peut intervenir qu'à la fin du régime de transit ce qui implique l'arrivée des marchandises au bureau de douane, en application de l'article 92-1 du code des douanes communautaire ou dans les locaux du destinataire agréé ; / qu'en l'espèce, l'enquête douanière a permis d'établir que sur 241 opérations d'importation, 92 sont irrégulières puisque les marchandises parties de Marseille ou Algésiras sous-titre de transit communautaire avec pour destination Mouscron ont fait l'objet de notification d'arrivée dans le système informatique de dédouanement dédié aux marchandises circulant sous-titre de transit alors qu'elles avaient été soustraites sur le territoire français puisqu'elles n'avaient jamais été conduites en Belgique, les chauffeurs ayant déclaré qu'ils transportaient toujours les marchandises selon le même itinéraire Marseille - Paris sauf exception ; / que la société [...] estime que la soustraction des marchandises à la surveillance douanière a été commise à Mouscron en Belgique ; que l'infraction alléguée par la douane française (dédouanement à Mouscron en Belgique sans présentation des marchandises) est forcément la première infraction douanière commise ; qu'à titre subsidiaire si était retenue une infraction en France, celle-ci serait postérieure à l'infraction de mise en libre pratique des marchandises de textile en Belgique, notamment la déclaration douanière à Mouscron sans que les marchandises ne soient présentées dans les installations de [...] ; qu'elle fait valoir que tant que les marchandises voyageaient sur le territoire de l'Union européenne, c'est à dire depuis Algésiras / Marseille jusqu'à Garonor, il ne pouvait y avoir soustraction à la surveillance douanière et que sous le couvert d'un T1 réglementairement établi, les marchandises étaient à l'abri d'une infraction et restaient réglementairement sous la surveillance de la douane ; que la première soustraction à la surveillance douanière s'est produite à Mouscron en Belgique ; que lorsque les marchandises ont été déchargées à Garonor, elles étaient auparavant dédouanées par [...] et se trouvaient légitimement en libre pratique ; qu'elle en déduit que la douane française n'était pas fondée à relever et à notifier l'infraction de soustraction et que, par voie de conséquence, les tribunaux français ne sont pas compétents pour connaître du litige et l'administration française incompétente pour recouvrer la dette douanière ; que seul le pays où la première infraction à la surveillance de la douane a été commise est bien fondé à procédé au recouvrement ; / que ceci étant exposé, aux termes de l'article 215-1 du code des douanes communautaire, le lieu de naissance de la dette douanière est celui où se produisent les faits qui font naître cette dette, ou si ce lieu ne peut être déterminé, celui où les autorités douanières constatent que la marchandise se trouve dans une situation ayant fait naître une dette douanière ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que, sur une totalité de 241 opérations d'importation, 92 sont irrégulières ; que les marchandises en question sont parties de Marseille ou Algésiras sous titre de transit communautaire externe, avec pour destination Mouscron et ont fait l'objet de notifications d'arrivée dans le système informatique de dédouanement dédié aux marchandises circulant sous titre de transit (NSTI) alors qu'elles n'y étaient pas présentes physiquement ; que les marchandises n'ont jamais été conduites en Belgique et ont été soustraites à la surveillance douanière à partir du moment où elles ont été acheminées vers la région parisienne pour prise en charge ou déchargement ; que c'est donc bien en France que la soustraction au régime de transit, en l'espèce la mise sur le marché de la marchandise en dehors des conditions prévues au régime douanier, a été opérée de sorte que le recouvrement de la dette douanière incombe à la douane française ; / que l'appelante conteste sa responsabilité en se prévalant de son statut de destinataire agréé ; que l'administration des douanes réplique que ce statut douanier de destinataire agréé prévu aux articles 406 à 408 des dispositions d'application du code des douanes communautaire octroie certaines facilités à son bénéficiaire, notamment celle de recevoir dans ses locaux des marchandises circulant sous titres de transit ; que pour autant, le statut de destinataire agréé n'autorise nullement son bénéficiaire à notifier l'arrivée des marchandises au bureau de douane d'arrivée, dans le but de mettre fin au régime du transit, en l'absence de celles-ci ; qu'il doit se conformer à la réglementation sur le transit externe telle que prévue aux articles 91 à 97 du code des douanes communautaire ; qu'il est reproché à la société [...] la non présentation des marchandises au bureau de douane de destination, celui de Mouscron ; que si le statut de destinataire agréé permet en effet à son titulaire de ne pas présenter physiquement la marchandise à ce bureau, cette présentation reste toutefois exigée et se fait virtuellement, le destinataire agréé devant en effet informer le bureau de douane de destination de la prise en charge dans ses locaux, au moment de l'arrivée physique des marchandises placées sous T1, par l'envoi d'un message de notification d'arrivée via le système informatique du transit ; / que ceci étant exposé, il n'est pas contesté qu'en l'espèce, la société [...] a été chargée, par la société Jost Logistique, d'effectuer les formalités de dédouanement des marchandises ; que l'article 96-2 du code des douanes communautaire étend l'obligation de présentation en douane incombant au principal obligé ayant souscrit un régime de transit, aux autres professionnels ayant participé à l'importation, notamment aux destinataires des marchandises ; qu'à ce titre, la société [...] doit se conformer à cette obligation de présentation en douane ; / qu'aux termes de l'article 203-3 du même code, est débiteur de la dette douanière : « - la personne qui a soustrait la marchandise à la surveillance douanière, - les personnes qui ont participé à cette soustraction en sachant ou en devant raisonnablement « savoir qu'il s'agissait d'une soustraction de la marchandise à la surveillance douanière, - celles qui ont acquis ou détenu la marchandise en cause et qui savaient ou devaient raisonnablement « savoir au moment où elles ont acquis ou reçu cette marchandise qu'il s'agissait d'une « marchandise soustraite à la surveillance douanière [...] » ; qu'il est établi par l'enquête douanière et non contesté par ailleurs par la société [...] que cette dernière, destinataire agréé, a envoyé le message de notification d'arrivée des marchandises dans ses locaux à la douane belge alors que celles-ci n'étaient pas en Belgique mais étaient restées en France ; qu'elle n'a donc pas respecté ses obligations de destinataire de marchandises sous sujétion douanière puisqu'elle n'a pas pris en charge ces marchandises arrivant sous couvert de titres de transit dans ses locaux ; qu'elle n'a pas pu constater leur intégrité physique et envoyé sans disposer des marchandises le message de notification d'arrivée au bureau de douane belge ; qu'elle a joué un rôle déterminant et actif et donc participé à la soustraction des marchandises faite en France et est donc débitrice, en application de l'article 203-3 du code des douanes communautaires, de la dette douanière née de cette soustraction (arrêt p. 4 à 6 ; adde : TGI p. 4 à 6) ;

1°) alors que, d'une part, en vertu des articles 92-1 et 96 du code des douanes communautaire, le régime de transit externe permettant aux marchandises de circuler d'un point à un autre au sein de l'Union européenne en suspension de droits de douanes prend fin lorsque les documents sont présentés au bureau des douanes de destination qui accepte ainsi la déclaration de mise en libre pratique des marchandises ; que cette mise en libre pratique détermine la compétence douanière pour connaître des irrégularités éventuelles affectant ladite opération, y compris tout fait de soustraction à la surveillance douanière née de l'absence physique de la marchandise à ce moment, irrégularité susceptible de générer une dette douanière ; que la localisation ultérieure en France de la livraison matérielle desdites marchandises est sans emport sur la compétence exclusive des autorités douanières belges de sorte que les douanes françaises ont excédé leur compétence en violation des textes susvisés ;

2°) alors, d'autre part, qu'aux termes de la combinaison des articles 201, 203, 204 et 215 du code des douanes communautaire, la dette douanière née de la mise en libre pratique de marchandises passibles de droits à l'importation au moment de la déclaration en douane correspondante, peut également prendre naissance quand lesdites marchandises sont réputées avoir été soustraites à la surveillance des douanes, faute de pouvoir être représentées au bureau des douanes du pays de destination ayant accepté la déclaration susvisée ; que la constatation et la sanction des irrégularités afférentes à ces opérations appartiennent exclusivement aux autorités du pays de destination sur le territoire desquelles a été commise la première infraction ; qu'en reconnaissant cependant compétence à la douane française pour considérer qu'une dette douanière était née en France lors même que la première infraction était située en Belgique, motif inopérant pris de la livraison ultérieure en France par le transporteur des marchandises auparavant mises en libre pratique en Belgique, la cour a méconnu les règles d'ordre public gouvernant la matière au sein de l'Union douanière en violation des textes susvisés ;

3°) alors, en tout état de cause, qu'en l'absence de contestation portant sur la déclaration d'origine des marchandises dont l'importation était soumise à un tarif douanier préférentiel, les douanes françaises ne pouvaient légalement taxer d'office lesdites marchandises à un taux exorbitant et disproportionné, sans autrement s'en expliquer au regard des exigences issues des articles 91 et suivants du code des douanes communautaire, ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Second moyen de cassation

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir reconnu la compétence matérielle des juridictions françaises et d'avoir rejeté les contestations de la société [...] tendant à obtenir l'annulation de l'avis de résultat d'enquête mentionnant une « dette douanière » de 2.114.626 € (3 juin 2014), comprenant 6.143 € de taxe pour le développement de l'industrie de l'habillement et 345.537 € de TVA, ensemble l'avis de mise en recouvrement (13 octobre 2014) correspondant ;

aux motifs que, sur l'incompétence de l'administration des douanes à percevoir la TVA, la société [...] soutient qu'elle n'est pas redevable de la TVA ; qu'elle soutient qu'elle a payé les droits sur les marchandises lors de leur mise en libre pratique ; / que l'administration des douanes indique que les droits qui ont pu être acquittés au titre d'opérations de dédouanement ne sauraient être pris en compte dans le cadre d'une dette douanière dont la société est débitrice du fait des soustractions répétées de marchandises sous douane auxquelles elle a pleinement participé ; que la perception de la TVA relève bien des services douaniers français dans la mesure où les faits ont été qualifiés de contrebande et que le régime préférentiel ne saurait trouver à s'appliquer puisque la soustraction des marchandises placées sous régime suspensif de transit ont rendu impossible l'identification des marchandises importées à titre général et, plus spécifiquement, par rapport aux documents attestant leur origine préférentielle et que c'est à bon droit que la dette douanière ne prend pas en compte les droits sur une base de régime préférentiel mais sur celle du tarif extérieur commun ; que l'article 345 du code des douanes permet à l'administration des douanes de recouvrer « les créances de toute nature » qui auraient fait l'objet d'un AMR, dès lors que cet AMR vise l'article du code des douanes qui génère ces créances, et à condition que les conditions de cet article soient réunies ; / que, ceci étant exposé, en l'espèce, l'AMR émis le 13 octobre 2014 à l'encontre de la société [...] vise bien l'article 417-2 c du code des douanes, dont les conditions sont réunies au regard de la soustraction des marchandises ; que la créance ainsi générée, englobant la TVA, est donc exigible par l'administration des douanes ; que l'article 285-1 du code des douanes autorise l'administration des douanes à recouvrer toute TVA exigible en cas de fraude liée à une déclaration d'importation, que l'importation soit ou non réalisée ; que les droits acquittés sur le territoire belge par la société [...] l'ont été à la suite de manoeuvres frauduleuses consistant à déclarer des importations effectuées sur ce territoire qui en réalité, l'ont été en France ; que cette dernière ne peut donc se prévaloir du paiement de ces droits ; qu'elle ne peut non plus prétendre à bénéficier du régime de suspension de droit prévu par les articles 91 et suivants du code des douanes communautaire pour les marchandises en transit si elle n'a pas respecté les formalités prévues par ces textes ; / que le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions ; que la société [...] succombant en son appel sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure ; qu'elle sera condamnée, sur ce même fondement, à payer à l'administration des douanes, la somme de 2 000 euros (arrêt p. 6 ; adde : TGI p. 5 et 6) ;

1°) alors que, d'une part, en vertu de l'article 7 § 3 1er alinéa de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 modifiée, la TVA sur l'importation n'est pas due si les marchandises ne sortent pas du régime douanier sous lequel elles ont été placées, même si naît une dette douanière à raison de l'inexécution de l'une des obligations propres à l'utilisation de ce régime douanier ; qu'en prétendant mettre à la charge du transitaire la TVA afférente à des marchandises mises en libre pratique avant d'être acquises par des tiers qui n'ont pas réglé la TVA, la cour a méconnu les exigences susvisées ;

2°) alors en tout état de cause que l'article 345 du code des douanes français, s'il permet aux douanes de recouvrer « les créances de toute nature » ne les autorise pas à recouvrer des taxes dans des conditions étrangères aux prévisions du code des douanes communautaire ; qu'en déclarant le contraire, la cour a violé le texte susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-20229
Date de la décision : 16/12/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

UNION EUROPEENNE - Douanes - Dette douanière - Recouvrement - Compétence territoriale - Détermination - Lieu de la première infraction ou irrégularité - Applications diverses - Soustraction au régime de transit

La Cour de justice de l'Union européenne ayant dit pour droit que devait être considérée comme une soustraction à la surveillance douanière tout acte ou omission qui a pour résultat d'empêcher, ne serait-ce que momentanément, l'autorité douanière compétente d'accéder à une marchandise sous surveillance douanière et d'effectuer les contrôles prévus par la réglementation douanière communautaire (CJUE, arrêt 11 juillet 2002, Liberexim, C-371/99) et que si le lieu de l'infraction ou de l'irrégularité pouvait être établi, les dispositions des articles 203 et 215 du code des douanes communautaire permettaient de désigner comme compétent pour recouvrer la dette douanière l'Etat membre sur le territoire duquel avait été commise la première infraction ou irrégularité susceptible d'être qualifiée de soustraction à la surveillance douanière (CJUE, arrêt 3 avril 2008, Militzer et Münch, C-230/06), une cour d'appel qui, après avoir énoncé que le régime de transit suppose une surveillance des marchandises par l'administration des douanes, dont il ne peut être disposé avant que les formalités de dédouanement aient été accomplies et que leur mise en libre pratique ne pouvait intervenir qu'à la fin du régime de transit, qui impliquait l'arrivée des marchandises au bureau des douanes ou dans les locaux du commissionnaire en douane, retient que les marchandises parties de Marseille ou Algeciras sous titre de transit communautaire à destination de la Belgique et ayant fait l'objet d'une notification d'arrivée dans le système informatique de dédouanement dédié aux marchandises circulant sous titre de transit, n'ayant jamais été acheminées en Belgique mais livrées en région parisienne, les opérations d'importations en cause étaient irrégulières, et qui relève que la soustraction au régime de transit, c'est à dire la mise sur le marché de la marchandise en dehors des conditions prévues au régime douanier, avait été opérée en France, déduit à bon droit que l'administration des douanes françaises était compétente pour connaître des irrégularités affectant ces opérations


Références :

articles 203 et 215 du code des douanes communautaire.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 mars 2018

Sur la notion de soustraction à la surveillance douanière, cf. : CJUE, arrêt du 11 juillet 2002, Liberexim, C-371/99 ;

Sur la compétence territoriale en matière de recouvrement de la dette douanière, cf. : CJUE, arrêt du 3 avril 2008, Militzer et Münch, C-230/06.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 déc. 2020, pourvoi n°18-20229, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Darbois (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.20229
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