La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/2020 | FRANCE | N°19-22619

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 décembre 2020, 19-22619


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 décembre 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1388 F-P+B+I

Pourvoi n° D 19-22.619

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 DÉCEMBRE 2020

M. N... L..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° D 19-

22.619 contre l'arrêt rendu le 11 juillet 2019 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. W... L..., domic...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 décembre 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1388 F-P+B+I

Pourvoi n° D 19-22.619

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 DÉCEMBRE 2020

M. N... L..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° D 19-22.619 contre l'arrêt rendu le 11 juillet 2019 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. W... L..., domicilié [...] ,

2°/ à la Société [...], société par actions simplifiée,

3°/ à la société Holding L... gestion, société à responsabilité limitée,

ayant toutes deux leur siège [...] ,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. N... L..., de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. W... L..., de la Société [...] et de la société Holding L... gestion, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 novembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 11 juillet 2019 ), M. N... L..., mettant en doute la gestion de la Société [...] (la société SNTD) dont il est associé minoritaire, laquelle est présidée par la société Holding L... gestion, elle-même détenue par M. W... L..., a assigné ces sociétés devant le juge des référés d'un tribunal de commerce pour obtenir, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la désignation d'un expert.

2. La société SNTD et la société Holding L... gestion ont interjeté appel de l'ordonnance ayant fait droit à sa demande.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. N... L... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'expertise fondée sur l'article 145 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que la mesure d'instruction in futurum a pour objet de permettre la conservation ou l'établissement avant tout procès de la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, s'il existe un motif légitime à cette fin ; qu'il ne peut être exigé du requérant qu'il produise des éléments de nature à prouver la réalité des faits pour lesquels la mesure d'instruction est sollicitée ; qu'en retenant, pour exclure l'existence d'un motif légitime, que M. L... ne produisait aucun document apportant la moindre consistance à ses soupçons et que ses déductions ne reposaient sur aucun fait précis objectif et vérifiable, la cour d'appel, qui a statué au vu de la seule absence de preuve des faits que la mesure d'instruction sollicitée avait précisément pour objet d'établir, a violé l'article 145 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge du référé in futurum ne saurait préjuger du litige au fond ; qu'ainsi, le motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, justifiant une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, ne saurait être subordonnée à la preuve par le demandeur du bien-fondé de la prétention qu'il pourrait formuler dans le cadre du litige qu'il serait susceptible d'engager, ni à la preuve de l'atteinte effective à ses droits, dont l'expertise in futurum sollicitée a précisément pour objet de permettre l'établissement en vue d'un éventuel procès ; qu'en l'espèce, en rejetant la demande d'expertise de M. N... L... comme dépourvue de motif légitime, au motif inopérant, s'agissant de l'existence d'abus de biens sociaux qu'il ne ferait fait état d'aucune réserve de sa part dans la gestion ou la comptabilité de l'entreprise et, quant aux dépens sponsoring et la gestion des comptes, qu'il ne contredirait pas les pièces produites par les parties adverses lesquelles auraient justifié le développement des activités « en dehors » de l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;

3°/ que la mesure d'instruction in futurum a pour objet de permettre la conservation ou l'établissement avant tout procès de la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, s'il existe un motif légitime à cette fin ; qu'en écartant l'existence d'un motif légitime car M. L... ne démontrerait pas l'existence d'un litige potentiel futur dont le contenu et le fondement sont cernés au prétexte que l'expertise aurait pour finalité une information sur des questions de gestion et non pas un intérêt probatoire pour un éventuel litige futur quand elle avait pourtant relevé que l'exposant reprochait à la holding et à M. W... L... une gestion contraire à l'intérêt social, qu'il envisageait une action en responsabilité et suggérait en termes clairs l'existence d'abus de biens sociaux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 145 du code de procédure civile ;

4°/ que, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu'en retenant, pour rejeter la demande d'expertise de M. L..., que certaines des questions posées dans la mission confiée par le premier juge à l'expert constitueraient des mesures d'investigation d'ordre général, tout en relevant que ces missions étaient précises et avaient un objet spécifiquement défini, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;

5°/ que le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien ; que tel est le cas pour définir les modalités d'exécution et de facturation d'une convention ou définir l'incidence d'un changement de méthode comptable sur les droits d'un associé minoritaire ; qu'en ayant jugé du contraire, au regard de la convention conclue entre la SARL Holding L... gestion et la SAS SNTD et du changement de méthode comptable entrepris depuis 2013 par cette dernière société sur le calcul de son bénéfice, dont M. N... L... est associé minoritaire, la cour d'appel de Toulouse a violé l'article 232 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

5. L'appréciation du motif légitime au sens de ce texte relève du pouvoir souverain du juge du fond.

6. Ayant relevé qu'aucun des documents produits par M. N... L... n'apportait la moindre consistance à ses soupçons de fautes de gestion, d'intention malveillante à l'encontre de la société SNTD et de ses associés et d'abus de biens sociaux, que celui-ci ne procédait que par déductions et affirmations, qui ne reposaient sur aucun fait précis, objectif et vérifiable, et qu'il ne démontrait donc pas l'existence d'un litige plausible, crédible, bien qu'éventuel et futur, dont le contenu et le fondement seraient cernés, approximativement au moins, et sur lesquels pourrait influer le résultat de l'expertise à ordonner, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, qui n'a pas statué au vu de la seule absence de preuve de faits que la mesure d'instruction in futurum avait pour objet d'établir, a retenu, abstraction faite des motifs surabondants relatifs aux mesures d'investigation d'ordre général et aux questions posées à l'expert excédant des constatations de fait d'ordre technique, que M. L... ne justifiait pas d'un motif légitime à l'obtention de la mesure sollicitée.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. N... L... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. N... L... et le condamne à payer à la Société [...], la société Holding L... gestion et M. W... L... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour M. N... L...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. N... L... de sa demande d'expertise fondée sur l'article 145 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « les deux expertises ont des objectifs totalement différents. Alors que l'expertise de gestion tend à conforter l'information des associés, l'expertise de l'article 145 ne peut être ordonnée que sur démonstration d'un motif légitime visant à établir avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ; si la mise en oeuvre de ce texte ne se conçoit qu'en prévision d'un possible litige, elle n'exige pas que le fondement et les limites d'une action par hypothèse incertaine, soient déjà fixées ; le motif légitime existe dès lors que l'éventuelle action au fond n'est pas manifestement vouée à l'échec, que la mesure demandée est légalement admissible, qu'elle est utile et améliore la situation probatoire des parties et qu'elle ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes de l'adversaire ; ainsi, ce texte exige que la mesure soit pertinente et qu'elle ait pour but d'établir une preuve dont la production est susceptible d'influer sur la solution d'un litige futur ; il appartient donc au demandeur d'établir l'existence d'un litige plausible, crédible, bien qu'éventuel et futur, dont le contenu et le fondement soient cernés, approximativement au moins, et sur lequel pourra influer le résultat de la mesure à ordonner ; mais l'article 145 du code de procédure civile n'exige pas que le fondement et les limites d'une action par hypothèse incertaine, soient déjà fixées ; en l'espèce, il appartient à M. N... L... requérant à la mesure de l'article 145 du code de procédure civile, de justifier des conditions d'application de ce texte ; il soutient que la SARL Holding L... Gestion et M. W... L... exercent une gestion volontairement opaque de la SAS SNTD de nature à nuire à l'intérêt social, au travers d'une convention de prestations de services du 10 janvier 2013 ; notamment, il indique que des frais annuels et des honoraires très élevés ont été facturés par la Holding sans contrepartie réelle, ni justificatifs en 2014 et 2015 ; qu'il craint un "siphonnage" de la société d'exploitation par la Holding et le développement d'une activité parallèle. Il soupçonne un enrichissement illicite en raison de l'absence de contrepartie consentie par la Holding : il s'interroge en effet sur les causes des paiements effectués par la SAS SNTD à la Holding alors que le personnel de la Holding n'a pas les compétences techniques internes et d'autant que M. C... a indiqué lors de l'assemblée générale du 13 décembre 2017, qu'il entendait réduire l'activité de la SAS SNTD. L'expertise sera donc pour lui, le "prélude à une action en responsabilité" ; il produit à l'appui de sa démonstration : - la convention litigieuse d'animation et de prestation de services du 10 janvier 2013, - les procès-verbaux des assemblées générales de la SAS SNTD des 22 mai 2015 et 6 juin 2017, visant l'approbation du rapport de gestion du gérant, du rapport général et du rapport spécial sur les conventions visées à l'article 223-19 du code de commerce établis par le commissaire aux comptes, l'approbation des comptes et quitus à la présidence et, l'affectation des résultats, - le procès-verbal d'assemblée générale du 13 décembre 2017 relatif à l'approbation du rapport de la présidence sur la nature des relations entre les actionnaires et l'examen des mesures à décider et à prendre quant à la sauvegarde de l'activité de la société, - le rapport du président préalable à l'assemblée générale du 13 décembre 2017, - l'ensemble des questions écrites qu'il a posées en vue des assemblées générales 2014, 2015, - son courrier du 7 décembre 2017 sollicitant en sa qualité d'actionnaire des informations préalablement à l'assemblée générale du 13 décembre 2017, - les réponses écrites données par la SAS SNTD à l'occasion de l'assemblée générale du 22 mai 2015, - le rapport de gestion de la SAS SNTD sur les opérations de l'exercice clos le 31 décembre 2017 ; or, aucun de ces documents n'apporte la moindre consistance à ses soupçons ; il ne procède que par déductions et affirmations ; il déduit en effet, les fautes de gestion et l'intention malveillante à l'encontre de la SAS SNTD et de ses associés, des faits suivants : - le défaut de production de la convention de 2013 jusqu'au jour de l'audience devant le juge des référés du tribunal de commerce, - l'absence de réponse à ses questions écrites sur la réalité des contreparties aux dépenses d'honoraires de prestation de service et frais payés par la SAS SNTD à la Holding et notamment, l'augmentation du double de ses honoraires en 2015, - le silence gardé sur la marge dégagée par la Holding, - la stagnation du bénéfice voire sa régression ; mais ces déductions ne reposent sur aucun fait précis, objectif et vérifiable ; il procède également par simples affirmations lorsqu'il indique que M. W... L... perçoit des sommes directement comme indirectement de la SAS SNTD, suggérant en termes clairs l'existence d'abus de biens sociaux, alors qu'il a eu connaissance des rapports du commissaire aux comptes à l'occasion de chaque assemblée générale et qu'il ne fait état d'aucune réserve de sa part dans la gestion ou la comptabilité de l'entreprise ; il émet également des doutes sur les dépenses de sponsoring mais il ne tire aucun argument de l'extrait du grand livre sponsoring 2016, produit au débat par les parties adverses ; par ailleurs, l'extrait des comptes sociaux SNTD de 2010 à 2016 vise une progression significative du chiffre d'affaire et du résultat, et si les perspectives de la SAS SNTD sont devenues alarmantes, M. W... L... a expliqué lors de l'assemblée générale du 13 décembre 2017, que la société avait connu des difficultés financières durant l'année 2017 en même temps que le départ de l'entreprise de son directeur technique, ce qui le conduisait à réduire l'activité bâtiment pour consolider l'entreprise et à développer des activités "en dehors" d'elle ; et ces affirmations ne sont contredites par aucune pièce versée au débat ; M. N... L... ne démontre donc pas l'existence d'un litige plausible, crédible, bien qu'éventuel et futur, dont le contenu et le fondement sont cernés, approximativement au moins, et sur lesquels pourrait influer le résultat de l'expertise à ordonner ; et il le reconnaît lui-même puisqu'il écrit qu'il sollicite une expertise judiciaire en vue de connaître "une situation réelle sur un ensemble d'opérations de gestion bien précises" ou pour obtenir un "éclairage objectif sur la situation de la SAS SNTD", ce qui constitue la démonstration que le but poursuivi est une information sur des questions de gestion et non pas l'amélioration de sa situation probatoire ou la consolidation de la preuve dans le cadre d'un litige futur ; ainsi, les missions suivantes confiées à l'expert par le premier juge apparaissent purement informatives : - le prix de vente moyen au m² de plancher facturé par la SAS SNTD au titre de ses principaux chantiers sur les exercices 2015 à 2017, - le nombre de salariés dédiés à l'activité « bâtiment » et le nombre de salariés dédiés à l'activité "travaux publics" au titre des exercices 2015 à 2017, - le taux de marge moyen dégagé au titre de l'activité "bâtiment" pour les exercices 2015 à 2017, - le taux de marge moyen dégagé au titre de l'activité "travaux publics" pour les exercices 2015 à 2017, par ailleurs, le juge des référés ne peut ordonner une mesure d'investigation générale qui s'analyse alors comme une mesure qui n'est pas légalement admissible ; or, les questions suivantes posées dans la mission confiée à l'expert par le premier juge constituent des mesures d'investigations générales : - déterminer les prestations entreprises par la SAS SNTD au bénéfice direct ou indirect de M. W... L... à l'occasion des travaux entrepris (au nombre de 10), sur divers biens immobiliers appartenant à M. W... L... "ou ses proches" ; la circonstance que ces chantiers soient précisés n'est pas de nature à gommer le caractère général des investigations réclamées ; - l'examen des modalités d'exécution et de facturation de la convention conclue entre la SAS SNTD et la SARL Holding L... Gestion et notamment, l'étendue des contreparties fournies et la marge dégagée par la SARL Holding L... Gestion ; en outre, en application de l'article 232 du code de procédure civile, l'expert désigné ne peut être investi que d'une mission portant sur une question de fait d'ordre technique dont seul le juge peut se réserver d'en tirer toute conséquence juridique ; dès lors, ne sont pas admissibles, les questions suivantes confiées à l'expert par le premier juge : - l'examen de la convention conclue entre la SAS SNTD et la SARL Holding L... Gestion, - la pertinence du changement de méthode entrepris depuis 2013 consistant en une majoration des produits constatés d'avance et de limitation des stocks et des en cours et son impact sur les droits de M. N... L... en qualité d'associé minoritaire ; en conséquence, il apparaît que la demande ne remplit pas les conditions de l'article 145 du code de procédure civile, de sorte que l'ordonnance déférée doit être infirmée en ce qu'elle a désigné M. Q... I... en qualité d'expert et réservé les dépens ainsi que les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile » (arrêt p. 9 à 12) ;

1°/ ALORS QUE, d'une part, la mesure d'instruction in futurum a pour objet de permettre la conservation ou l'établissement avant tout procès de la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, s'il existe un motif légitime à cette fin ; qu'il ne peut être exigé du requérant qu'il produise des éléments de nature à prouver la réalité des faits pour lesquels la mesure d'instruction est sollicitée ; qu'en retenant, pour exclure l'existence d'un motif légitime, que M. L... ne produisait aucun document apportant la moindre consistance à ses soupçons et que ses déductions ne reposaient sur aucun fait précis objectif et vérifiable, la cour d'appel, qui a statué au vu de la seule absence de preuve des faits que la mesure d'instruction sollicitée avait précisément pour objet d'établir, a violé l'article 145 du code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE, d'autre part, le juge du référé in futurum ne saurait préjuger du litige au fond ; qu'ainsi, le motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, justifiant une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, ne saurait être subordonnée à la preuve par le demandeur du bien-fondé de la prétention qu'il pourrait formuler dans le cadre du litige qu'il serait susceptible d'engager, ni à la preuve de l'atteinte effective à ses droits, dont l'expertise in futurum sollicitée a précisément pour objet de permettre l'établissement en vue d'un éventuel procès ; qu'en l'espèce, en rejetant la demande d'expertise de M. N... L... comme dépourvue de motif légitime, au motif inopérant, s'agissant de l'existence d'abus de biens sociaux qu'il ne ferait fait état d'aucune réserve de sa part dans la gestion ou la comptabilité de l'entreprise et, quant aux dépens sponsoring et la gestion des comptes, qu'il ne contredirait pas les pièces produites par les parties adverses lesquelles auraient justifié le développement des activités « en dehors » de l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;

3°/ ALORS QUE, en outre, la mesure d'instruction in futurum a pour objet de permettre la conservation ou l'établissement avant tout procès de la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, s'il existe un motif légitime à cette fin ; qu'en écartant l'existence d'un motif légitime car M. L... ne démontrerait pas l'existence d'un litige potentiel futur dont le contenu et le fondement sont cernés au prétexte que l'expertise aurait pour finalité une information sur des questions de gestion et non pas un intérêt probatoire pour un éventuel litige futur quand elle avait pourtant relevé que l'exposant reprochait à la holding et à M. W... L... une gestion contraire à l'intérêt social, qu'il envisageait une action en responsabilité et suggérait en termes clairs l'existence d'abus de biens sociaux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 145 du code de procédure civile ;

4°/ ALORS QUE, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu'en retenant, pour rejeter la demande d'expertise de M. L..., que certaines des questions posées dans la mission confiée par le premier juge à l'expert constitueraient des mesures d'investigation d'ordre général, tout en relevant que ces missions étaient précises et avaient un objet spécifiquement défini, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile.

5°/ ALORS QUE le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien ; que tel est le cas pour définir les modalités d'exécution et de facturation d'une convention ou définir l'incidence d'un changement de méthode comptable sur les droits d'un associé minoritaire ; qu'en ayant jugé du contraire, au regard de la convention conclue entre la SARL Holding L... Gestion et la SAS SNTD et du changement de méthode comptable entrepris depuis 2013 par cette dernière société sur le calcul de son bénéfice, dont M. N... L... est associé minoritaire, la cour d'appel de Toulouse a violé l'article 232 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-22619
Date de la décision : 10/12/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine - Mesures d'instruction - Sauvegarde de la preuve avant tout procès - Motif légitime

MESURES D'INSTRUCTION - Sauvegarde de la preuve avant tout procès - Motif légitime - Appréciation souveraine

L'appréciation du motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile relève du pouvoir souverain du juge du fond


Références :

article 145 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 11 juillet 2019

A rapprocher : 2e Civ., 20 mars 2014, pourvoi n° 13-14985, Bull. 2014, II, n° 78 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 déc. 2020, pourvoi n°19-22619, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.22619
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award