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02/12/2020 | FRANCE | N°18-26480

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 02 décembre 2020, 18-26480


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 décembre 2020

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 804 FS-P

Pourvoi n° E 18-26.480

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 DÉCEMBRE 2020

1°/ M. D... M...,

2°/ Mme J... Y...,<

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domiciliés tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° E 18-26.480 contre l'arrêt n° RG : 17/06573 rendu le 29 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 décembre 2020

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 804 FS-P

Pourvoi n° E 18-26.480

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 DÉCEMBRE 2020

1°/ M. D... M...,

2°/ Mme J... Y...,

domiciliés tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° E 18-26.480 contre l'arrêt n° RG : 17/06573 rendu le 29 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige les opposant :

1°/ au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, domicilié [...] , agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques,

2°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Cabinet Colin-Stoclet, avocat de M. M... et de Mme Y..., de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et du directeur général des finances publiques, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Darbois, Poillot-Peruzzetto, Champalaune, Daubigney, Michel-Amsellem, M. Ponsot, Mme Boisselet, M. Mollard, conseillers, Mmes Le Bras, Lefeuvre, Bessaud, Tostain, Bellino, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 2018, n° RG : 17/06573), M. M... et son épouse, Mme Y..., se sont acquittés, au titre de l'année 2012, de la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF) instituée par l'article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012. Contestant la conformité de cette contribution avec les dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de son caractère rétroactif et de l'absence de tout dispositif de plafonnement, ils en ont demandé le remboursement. Après rejet de leur réclamation, ils ont assigné l'administration fiscale pour demander l'annulation de cette décision et la restitution de l'impôt acquitté.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa septième branche

Enoncé du moyen

2. M. M... et Mme Y... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « que méconnaissent le droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme les dispositions qui soumettent un contribuable à une imposition établie en fonction d'éléments antérieurs à l'entrée en vigueur du texte prévoyant l'imposition, si cette rétroactivité n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général suffisant ; qu'en l'espèce, la (CEF) instaurée par l'article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 est établie en fonction de la valeur des biens et droits détenus au 1er janvier 2012 ; qu'en retenant que ces dispositions ne portaient pas atteinte au principe de non-rétroactivité de la loi fiscale, pour en déduire qu'elles ne méconnaissaient pas l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a méconnu ce texte. »

Réponse de la Cour

3. L'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'interdit pas, en tant que telle, l'application rétroactive d'une loi fiscale.

4. La loi n° 2012-958 du 16 août 2012, qui instaure la CEF, est intervenue au cours de l'exercice au titre duquel cet impôt est dû. Si une telle mesure est, au sens de la Convention, rétroactive en ce que la CEF due au titre de l'année 2012 est établie en fonction de la valeur des biens et droits détenus au 1er janvier 2012, ce qui s'analyse, en droit interne, comme une mesure rétrospective dès lors que le fait générateur de l'imposition est la situation du contribuable à la date de l'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative, elle ne présente toutefois aucun caractère exceptionnel du point de vue du droit fiscal.

5. En outre, l'acquittement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dû au titre de l'année 2012, par des contribuables auxquels l'allégement, issu de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, de cet impôt a été accordé sans contrepartie, n'a pu faire naître aucune attente légitime quant au fait qu'aucun supplément d'imposition sur le patrimoine ne serait décidé par le législateur pour cette même année.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième branches

Enoncé du moyen

7. M. M... et Mme Y... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors :

« 1°/ que l'obligation financière née du prélèvement d'impôts ou de contributions méconnaît la garantie consacrée par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dès lors qu'elle impose au contribuable une charge excessive ou porte fondamentalement atteinte à sa situation financière ; qu'en l'espèce, M. M... et Mme Y... faisaient valoir qu'ils s'étaient acquittés en 2012 d'un montant d'impôts directs de 126 789 euros, dont 45 042 euros au titre de l'ISF et 52 425 euros au titre de la CEF, alors que leurs revenus disponibles déclarés en 2012 au titre de 2011 s'élevaient à la somme de 114 661 euros ; qu'en jugeant, par des motifs inopérants, que la CEF réclamée à M. M... et Mme Y... ne revêtait pas un caractère confiscatoire, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le montant total des impositions directes acquittées par M. M... et Mme Y... en 2012 n'avait pas excédé les revenus dont ils avaient disposé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel précité ;

2°/ qu'en retenant, pour juger que la CEF réclamée à M. M... et Mme Y... ne méconnaissait pas le droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, que le plafonnement par rapport aux revenus ne s'imposait pas à un impôt qui a pour assiette le patrimoine indépendamment du niveau des revenus, cependant que méconnaissent l'article 1er du premier protocole additionnel précité les impositions payées au cours d'une année dont le montant cumulé excède les revenus dont le contribuable a disposé, quelle que soit leur assiette, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel précité ;

3°/ que, en se fondant, pour juger que la contribution litigieuse ne présentait pas un caractère confiscatoire, sur le fait que ce montant demeurait limité par rapport au patrimoine des contribuables, cependant que revêt un caractère confiscatoire une imposition lorsque le montant cumulé des impositions directes payées par les contribuables excède les revenus dont ils ont disposé, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a violé l'article 1er du premier protocole additionnel précité ;

4°/ que, en se fondant encore, pour juger que la contribution litigieuse ne présentait pas un caractère confiscatoire, sur le fait que cette contribution présentait un caractère exceptionnel, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel précité ;

5°/ que, en se fondant, par motifs adoptés, pour juger que la contribution litigieuse ne présentait pas un caractère confiscatoire, sur le fait que le montant des revenus de M. M... et Mme Y... aurait été le résultat des choix qu'ils avaient opérés en matière d'investissements, la cour d'appel s'est derechef déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel précité ;

6°/ que, en tout état de cause, M. M... et Mme Y... avaient fait valoir, pour contester le fait que le niveau de leurs revenus aurait résulté d'un choix de leur part, que leur patrimoine se composait à hauteur de 1 700 000 euros de biens immobiliers non productifs de revenus, à hauteur de zéro euro de contrat d'assurance vie et, à hauteur de 54,08 % de titres côtés de la société Schlumberger, qui avait donné lieu à un montant de dividendes de 89 763 euros au titre de l'année 2011 ; qu'en retenant que le montant des revenus de M. M... et Mme Y... résultait du choix qu'ils avaient fait de procéder à des investissements massifs non productifs de revenus, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. En premier lieu, le caractère confiscatoire de la CEF, qui s'acquitte pour partie par imputation de l'ISF dû au titre de l'année 2012, s'apprécie en prenant en compte le montant de cette seule contribution et non pas celui d'autres impôts.

Les griefs des première, deuxième et troisième branches, qui postulent le contraire, manquent en droit.

9. En second lieu, l'arrêt constate que cette contribution s'est élevée, pour M. M... et Mme Y..., à la somme de 52 425 euros après imputation de l'ISF d'un montant de 45 042 euros. Il retient, par motifs propres et adoptés, que si M. M... et Mme Y... ont perçu des revenus d'un montant de 114 661 euros selon leur déclaration de 2011, ils détenaient au 1er janvier 2012 un patrimoine d'une valeur nette de 9 128 301 euros, de sorte que la CEF n'a représenté que 1,06 % de sa valeur. Il ajoute que cette contribution n'a pas conduit à la diminution de leur patrimoine, quand bien même auraient-ils choisi de céder telles ou telles actions pour s'acquitter de ces impositions, leur patrimoine déclaré imposable au titre de l'ISF ayant été estimé à la somme de 12 044 815 euros au 1er janvier 2012, puis à celle de 12 585 176 euros au 1er janvier 2013, après paiement de la CEF. En l'état de ces seuls motifs, dont il résulte que le paiement de la CEF n'avait pas constitué, pour M. M... et Mme Y..., une charge excessive au regard de leur situation patrimoniale, la cour d'appel, qui a légalement justifié sa décision, a pu écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Par conséquent, le moyen, inopérant en ses cinquième et sixième branches, qui critiquent des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. M... et Mme Y... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. M... et Mme Y... et les condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Cabinet Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. M... et Mme Y....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. M... et Mme Y... de leur demande de décharge des impositions mises à leur charge au titre de la contribution exceptionnelle sur la fortune 2012 à hauteur de 52.425 euros et de restitution de cette somme ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE les époux M... allèguent que la contribution exceptionnelle sur la fortune constitue une ingérence excessive dans leur droit de propriété au sens de l'article 1 de la convention européenne des droits de l'homme ; qu'un impôt est qualifié de confiscatoire s'il n'est pas vérifié que le montant de l'impôt dû demeure inférieur aux revenus perçus par le contribuable l'année précédente ; que la contribution exceptionnelle sur la fortune n'est soumise à aucun plafonnement ce qui présente en l'espèce un caractère confiscatoire et excessif, ce dernier devant être évalué en fonction de leurs revenus disponibles ; que la somme des impôts qu'ils ont acquittés en 2012 est très nettement supérieure au montant de leurs revenus (environ 111 % de ceux-ci) la CEF représentant à elle seule 46 % de leurs revenus ; qu'ils soutiennent que la CEF 2012 qu'ils ont acquittée présente ainsi un caractère confiscatoire, dans la mesure où elle a conduit à l'absorption intégrale de leurs revenus ; qu'en tout état de cause, une telle atteinte au droit de propriété ne pourrait être considérée comme proportionnée au but poursuivi d'accroissement des recettes fiscales de l'Etat ; que les époux M... prétendent également que l'instauration de cet impôt a pour unique objectif d'augmenter le montant d'ISF des contribuables ; que son assiette serait identique à celle de l'ISF avec mêmes contrôles, mêmes procédures et mêmes sanctions ; qu'il serait ainsi porté atteinte à leur droit de propriété car la rétroactivité de la loi fiscale modifierait rétroactivement le montant d'ISF qu'ils auraient dû payer à la date du 1er janvier 2012 ; que les services fiscaux sont bien fondés à s'opposer aux griefs portant tant sur le caractère confiscatoire de la CEF que sur son caractère rétroactif ; que sur le caractère confiscatoire et sur l'atteinte disproportionné aux droits des appelants ; la CEF s'inscrit dans le droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur des lois qui assurent le paiement de l'impôt dès lors que ses principes de fonctionnement et modalités de calcul sont précisés par une loi conforme à la constitution ; que la CEF qui comporte plusieurs tranches est exigible au titre de la seule année 2012 et que le montant brut de cet impôt est établi après déduction de l'ISF ; que les époux M... ont acquitté la CEF 2012 pour 52 425 euros soit 98 067 euros diminués du montant de l'ISF (45 642 euros) ; que le plafonnement par rapport aux revenus ne s'impose pas à un impôt qui a pour assiette le patrimoine indépendamment du niveau des revenus ; que les époux M... détenaient au 1er janvier 2012 un patrimoine d'une valeur nette de 9 128 301 euros en 2012, pour un actif brut déclaré de 12 044 815 euros ; que, rapporté à ce montant, le montant de la CEF correspond à 0,574 % de leur patrimoine net imposable et à 1,06 % en incluant l'ISF ; que le patrimoine brut ISF des époux M... qui portait sur un montant déclaré de 12 044 815 euros le 1er janvier 2012 a porté sur un montant de 12 585 176 euros au 1er janvier 2013 après paiement de la CEF ; que les griefs liés de spoliation et d'appauvrissement du patrimoine ne sont dès lors pas caractérisés, peu important que les contribuables aient choisi de céder telles ou telles actions pour s'acquitter des dites impositions ; sur le caractère rétroactif de la CEF 2012 ; que si la valeur de l'assiette d'imposition est celle au 1er janvier 2012, le fait générateur de l'imposition est la situation du contribuable à la date d'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative du 16 août 2012 ; qu'un contribuable assujetti à l'ISF au titre de l'année 2012 et qui serait décédé avant cette date ne serait pas assujetti à la CEF ; que les contribuables ayant quitté le territoire national entre le 1er janvier et le 4 juillet 2012, date de la présentation du projet de loi de finances rectificative, seront imposés non en raison de leur patrimoine mondial mais de leur patrimoine situé en France ; que par ce mécanisme, le législateur a expressément prévu un régime de calcul de l'assiette de la contribution exceptionnelle différent du régime de calcul de l'assiette de l'ISF 2012 ; que le conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 août 2012, a expressément rappelé que cette imposition n'affectait pas une situation légalement acquise et ne portait pas atteinte au principe de non rétroactivité de la loi fiscale ; que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions ;

ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE M. D... M... et Mme J... Y... épouse M... soutiennent que l'imposition sur le patrimoine dont leur foyer fiscal a fait l'objet au titre de l'année 2012, pour un montant total de 52 425 euros au titre de la contribution exceptionnelle sur la fortune pour l'année 2012 serait contraire, au principe de proportionnalité résultant de l'article 1 du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce que cette imposition présenterait un caractère confiscatoire et excessif ; que l'article 1 du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens.
Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ». ; que si l'imposition fiscale constitue en principe une ingérence dans le droit garanti par le premier alinéa de cet article, cette ingérence se justifie conformément au deuxième alinéa de cet article, qui prévoit expressément une exception pour ce qui est du paiement des impôts ou d'autres contributions ; que ce deuxième alinéa doit toutefois se lire à la lumière du principe consacré par la première phrase de l'article et il s'ensuit qu'une mesure d'ingérence doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; que, par conséquent, l'obligation financière née du prélèvement d'impôts ou de contributions peut léser la garantie consacrée par cette disposition si elle impose à la personne ou à l'entité en cause une charge excessive ou porte fondamentalement atteinte à sa situation financière ; que s'agissant du grief tiré de la rétroactivité de la loi du 16 août 2012 portant création de la contribution exceptionnelle sur la fortune, il y a lieu de relever que l'article 4 de cette loi instaure une taxe distincte, laquelle ne se confond pas avec l'impôt de solidarité sur la fortune puisqu'il ne s'agit pas pour le législateur de procéder à une nouvelle liquidation de l'impôt sur la base du tarif applicable en 2011, étant cependant précisé que l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2011 faisait l'objet d'un plafonnement qui n'a pas été appliqué à la contribution exceptionnelle sur la fortune nouvellement instituée ; qu'en tout état de cause, l'application rétroactive d'une loi fiscale ne constitue pas en soi une violation de l'article premier du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'étant pas interdite en tant que telle par cette disposition ; qu'il suffit que la loi ménage un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et la sauvegarde des droits fondamentaux des contribuables ; que la loi de finances votée à la fin de chaque année civile définit notamment les règles en matière d'impôt sur le revenu applicable aux revenus perçus au cours de l'année écoulée ; qu'ainsi, l'imposition litigieuse ne présente à cet égard aucun caractère exceptionnel au regard du droit fiscal, la loi étant intervenue au cours de l'année considérée ; que sur l'absence de mécanisme de plafonnement de la contribution exceptionnelle sur la fortune, il doit être rappelé que, chronologiquement, jusqu'à l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2011, un mécanisme de plafonnement spécifique était appliqué afin que le montant cumulé de l'impôt de solidarité sur la fortune et des impôts dus en France, à l'exclusion de la taxe foncière et de la taxe d'habitation, et à l'étranger, au titre des revenus et produits de l'année précédente, ne pût excéder 85 % des revenus perçus au titre de cette même année par le redevable de l'impôt ; qu'à compter de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2012, la réforme de la fiscalité du patrimoine instituée par la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 a notamment eu pour principal objet de simplifier le tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune en instituant deux tranches d'imposition et un taux marginal d'imposition réduit, à savoir 0,50 % au lieu de 1,8 % ; que compte tenu de l'abaissement du taux marginal d'imposition opéré, le législateur n'a pas conservé le mécanisme de plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune ; que l'instauration de la contribution exceptionnelle sur la fortune par la loi du 16 août 2012 n'a pas été accompagnée d'une mesure de rétablissement d'un mécanisme de plafonnement de l'impôt ; que l'exposé des motifs de la loi du 16 août 2012 précise que la contribution exceptionnelle sur la fortune a eu pour objet de réduire le déficit public pour 2012 en faisant participer les contribuables les plus aisés de façon à répartir équitablement la charge fiscale supplémentaire ; que cette réduction caractérise les exigences de l'intérêt général de la communauté, au sens de la Convention, exigences que les demandeurs n'allèguent pas être déraisonnables ; que la contribution critiquée a eu un caractère exceptionnel ; qu'elle n'a pas été maintenue au-delà de l'année 2012, que l'article 13, paragraphe premier, F, de la loi de finances pour 2013 a rétabli un mécanisme de plafonnement spécifique de l'impôt de solidarité sur la fortune prévu à l'article 885 V bis du code général des impôts ; que les contribuables ont été en mesure de déduire de la contribution exceptionnelle sur la fortune, le montant brut de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2012, sans que fussent remises en cause les réductions imputées par eux sur ledit impôt de solidarité sur la fortune ; qu'en termes de trésorerie, les contribuables étaient susceptibles de bénéficier d'un droit à restitution au titre du bouclier fiscal 2011, sur les impôts payés en 2011 sur les revenus de 2010, qu'ils pouvaient imputer sur leur impôt de solidarité sur la fortune 2012, ce qui permettait également de limiter l'importance de la charge financière de la contribution exceptionnelle sur la fortune ; qu'au cas d'espèce, il n'est pas contesté que les revenus disponibles de M. D... M... et Mme J... Y... épouse M... se sont élevés, selon leur déclaration 2011, à la somme de 114.661 euros tandis que le montant acquitté pour le paiement de la contribution exceptionnelle sur la fortune s'est élevé à 52.425 euros ; que toutefois, l'origine de ces revenus, limités au regard du patrimoine détenu par les requérants, résulte d'un choix d'investissement massif de M. D... M... et Mme J... Y... épouse M... dans des contrats d'assurance-vie, ou des biens immobiliers peu productifs de revenus immédiats, mais qui ne peut être opposé à l'administration fiscale ; qu'en outre, les facultés contributives de M. D... M... et Mme J... Y... épouse M..., et l'éventuel caractère confiscatoire et excessif de la contribution exceptionnelle sur la fortune à laquelle ils ont été assujettis, doivent être appréciés au regard de l'ensemble du patrimoine des requérants dont il n'est pas contesté qu'il s'élevait, au 1er janvier 2012 à 9.128.301 euros de sorte que le taux d'imposition de ces derniers au regard de la contribution exceptionnel sur la fortune s'élevait à 0,574% de leur patrimoine déclaré imposable ; qu'il n'est pas non plus contesté que leur patrimoine déclaré imposable au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune a augmenté entre le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2013 de 12.044.815 euros à 12.585.176 euros ; que M. D... M... et Mme J... Y... épouse M... ne justifient pas de l'aliénation d'une partie de leur patrimoine pour acquitter leurs charges fiscales ; qu'ainsi, l'obligation financière née du prélèvement de la contribution exceptionnelle sur la fortune n'a en définitive imposé à M. D... M... et Mme J... Y... épouse M... aucune charge excessive, ni n'a porté fondamentalement atteinte à leur situation financière, de sorte qu'elle ne méconnaît pas la garantie consacrée par l'article premier du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. D... M... et Mme J... Y... épouse M... sont donc déboutés de leur demande et la décision de rejet en date du 26 juin 2015 est donc confirmée ;

1°) ALORS QUE l'obligation financière née du prélèvement d'impôts ou de contributions méconnait la garantie consacrée par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dès lors qu'elle impose au contribuable une charge excessive ou porte fondamentalement atteinte à sa situation financière ; qu'en l'espèce, M. M... et Mme Y... faisaient valoir qu'ils s'étaient acquittés en 2012 d'un montant d'impôts directs de 126 789 euros, dont 45.042 euros au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune et 52.425 euros au titre de la seule contribution exceptionnelle sur la fortune, alors que leurs revenus disponibles déclarés en 2012 au titre de 2011 s'élevaient à la somme de 114.661 euros ; qu'en jugeant, par des motifs inopérants, que la contribution exceptionnelle sur la fortune réclamée à M. M... et Mme Y... ne revêtait pas un caractère confiscatoire, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le montant total des impositions directes acquittées par M. M... et Mme Y... en 2012 n'avait pas excédé les revenus dont ils avaient disposé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel précité ;

2°) ALORS QU'en retenant, pour juger que la contribution exceptionnelle sur la fortune réclamée à M. M... et Mme Y... ne méconnaissait pas le droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, que le plafonnement par rapport aux revenus ne s'imposait pas à un impôt qui a pour assiette le patrimoine indépendamment du niveau des revenus, cependant que méconnaissent l'article 1er du premier protocole additionnel précité les impositions payées au cours d'une année dont le montant cumulé excède les revenus dont le contribuable a disposé, quelle que soit leur assiette, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel précité ;

3°) ALORS QUE, en se fondant, pour juger que la contribution litigieuse ne présentait pas un caractère confiscatoire, sur le fait que ce montant demeurait limité par rapport au patrimoine des contribuables, cependant que revêt un caractère confiscatoire une imposition lorsque le montant cumulé des impositions directes payées par les contribuables excède les revenus dont ils ont disposé, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a violé l'article 1er du premier protocole additionnel précité ;

4°) ALORS QUE, en se fondant encore, pour juger que la contribution litigieuse ne présentait pas un caractère confiscatoire, sur le fait que cette contribution présentait un caractère exceptionnel, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel précité ;

5°) ALORS QUE, en se fondant, par motifs adoptés, pour juger que la contribution litigieuse ne présentait pas un caractère confiscatoire, sur le fait que le montant des revenus de M. M... et Mme Y... aurait été le résultat des choix qu'ils avaient opérés en matière d'investissements, la cour d'appel s'est derechef déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel précité ;

6°) ALORS QUE, en tout état de cause, M. M... et Mme Y... avaient fait valoir, pour contester le fait que le niveau de leurs revenus aurait résulté d'un choix de leur part, que leur patrimoine se composait à hauteur de 1.700.000 euros de biens immobiliers non productifs de revenus, à hauteur de zéro euro de contrat d'assurance vie et, à hauteur de 54,08% de titres côtés de la société Schlumberger (conclusions, p. 8), qui avait donné lieu à un montant de dividendes de 89.763 euros au titre de l'année 2011 ; qu'en retenant que le montant des revenus de M. M... et Mme Y... résultait du choix qu'ils avaient fait de procéder à des investissements massifs non productifs de revenus, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°) ALORS QUE méconnaissent le droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme les dispositions qui soumettent un contribuable à une imposition établie en fonction d'éléments antérieurs à l'entrée en vigueur du texte prévoyant l'imposition, si cette rétroactivité n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général suffisant ; qu'en l'espèce, la contribution exceptionnelle sur la fortune instaurée par l'article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 est établie en fonction de la valeur des biens et droits détenus au 1er janvier 2012 ; qu'en retenant que ces dispositions ne portaient pas atteinte au principe de non rétroactivité de la loi fiscale, pour en déduire qu'elles ne méconnaissaient pas l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a méconnu ce texte.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Impôt de solidarité sur la fortune - Contribution exceptionnelle sur la fortune - Caractère confiscatoire - Eléments d'appréciation - Montant d'autres impôts (non)

IMPOTS ET TAXES - Impôt de solidarité sur la fortune - Contribution exceptionnelle sur la fortune - Convention européenne des droits de l'homme - Article 1er du premier protocole additionnel - Compatibilité

Le caractère confiscatoire de la contribution exceptionnelle sur la fortune, qui s'acquitte pour partie par imputation de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2012, s'apprécie en prenant en compte le montant de cette seule contribution et non celui d'autres impôts


Références :

article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 octobre 2018

Sur la compatibilité de l'impôt de solidarité sur la fortune à l'article 1er du premier protocole additionnel, à rapprocher : Com., 25 janvier 2005, pourvoi n° 03-10068, Bull., 2005, IV, n° 16 (rejet).


Publications
Proposition de citation: Cass. Com., 02 déc. 2020, pourvoi n°18-26480, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles
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Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Cabinet Colin - Stoclet, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Formation : Chambre commerciale
Date de la décision : 02/12/2020
Date de l'import : 19/01/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18-26480
Numéro NOR : JURITEXT000042664752 ?
Numéro d'affaire : 18-26480
Numéro de décision : 42000804
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2020-12-02;18.26480 ?
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