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14/10/2020 | FRANCE | N°19-19021

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 octobre 2020, 19-19021


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 octobre 2020

Cassation sans renvoi

Mme BATUT, président

Arrêt n° 608 F-P+B

Pourvoi n° T 19-19.021

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. V....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 7 mai 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2020

M. U... V..., domicilié chez M. C... M.....

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 octobre 2020

Cassation sans renvoi

Mme BATUT, président

Arrêt n° 608 F-P+B

Pourvoi n° T 19-19.021

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. V....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 7 mai 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2020

M. U... V..., domicilié chez M. C... M..., [...] , a formé le pourvoi n° T 19-19.021 contre l'ordonnance rendue le 19 janvier 2019 par le premier président de la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant :

1°/ au préfet de police de Paris, domicilié 9 boulevard du Palais, 75004 Paris,

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, 34 quai des Orfèvres, 75055 Paris cedex 01,

3°/ au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, domicilié en son parquet, parvis du tribunal de Paris, 75859 Paris cedex 17,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. V..., et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 19 janvier 2019), et les pièces de la procédure, le 15 janvier 2019, M. V..., de nationalité ivoirienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai et d'un arrêté de placement en rétention administrative.

2. Le 17 janvier 2019, le préfet a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la mesure.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. M. V... fait grief à l'ordonnance de prolonger la mesure de rétention administrative, alors « que l'ordonnance du 17 janvier 2019 du juge des libertés et de la détention mentionne seulement, en dernière page : « informons l'intéressé qu'il est maintenu à disposition de la justice pendant un délai de dix heures à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République » ; qu'en énonçant toutefois que figuraient au pied de l'ordonnance des mentions permettant de s'assurer que les droits de M. V... lui avaient été notifiés, à savoir, contacter un avocat, contacter un tiers, rencontrer un médecin et s'alimenter, quand l'ordonnance était muette sur ce point, le premier président de la cour d'appel, qui l'a dénaturée, a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

5. Pour prolonger la rétention, l'ordonnance retient que figuraient au pied de la décision du juge des libertés et de la détention des mentions permettant de s'assurer que les droits de M. V... lui avaient été notifiés, à savoir, contacter un avocat, contacter un tiers, rencontrer un médecin et s'alimenter.

6. En statuant ainsi, alors que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention informant l'étranger de son maintien à disposition de la justice pendant un délai de dix heures à compter de sa notification au procureur de la République, ne mentionnait pas la possibilité pour lui pour de contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s'alimenter durant cette période et, le cas échéant celle s'écoulant jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'effet suspensif de l'appel ou le jugement au fond, le premier président a violé le principe susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

7. M. V... fait le même grief à l'ordonnance, alors « que la preuve de l'effectivité de l'exercice de ses droits par un étranger placé en rétention administrative doit résulter des pièces de la procédure ; qu'en énonçant, pour considérer que M. V... avait pu exercer ses droits durant la période de mise à disposition de la justice, qu'il avait pu bénéficier d'un avocat, énonciation impropre à justifier de ce qu'il aurait pu exercer l'ensemble de ses droits, le délégué du premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 552-10 du CESEDA. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 552-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

8. Il résulte de ce texte que, durant la période pendant laquelle l'étranger est maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce que l'ordonnance du premier président statuant sur l'effet suspensif de l'appel du ministère public soit rendue et, si elle donne un tel effet, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond, cette personne peut, si elle le souhaite, contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s'alimenter.

9. Pour prolonger la rétention, l'ordonnance retient que M. V... a exercé ses droits, dès lors qu'il était assisté en cause d'appel par un avocat de son choix qui a été en mesure, en temps utile, de déposer des conclusions.

10. En statuant ainsi, alors que la seule assistance d'un conseil en appel ne pouvait suffire à rapporter la preuve de l'exercice effectif des droits pendant le maintien à disposition de la justice, le premier président a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. Les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la quatrième branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 19 janvier 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. V... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. V...

Il est fait grief à la décision attaquée D'AVOIR ordonné la prolongation de la rétention de M. V... dans les locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire ;

AUX MOTIFS QUE « la cour considère que c'est à tort que le premier juge a constaté l'irrégularité de la procédure au motif qu'il n'a pas été notifié à M. U... F... K... V... « certains droits indiqués sur le justificatif de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français lui permettant de justifier de la date à laquelle il a exécuté cette mesure » ; le contrôle de la régularité de la notification de la mesure d'éloignement, en application de l'article L.512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne relève pas de la compétence du juge judiciaire mais exclusivement de celle, exclusive, de la juridiction administrative ; l'exception de nullité était donc inopérante devant le juge des libertés et de la détention ; sur le second moyen, soulevé par voie de conclusions d'intimé, et tenant à l'exercice des droits entre le 17 janvier 2019 à 14 h 45 et l'heure de retour au centre de rétention administrative, la cour observe que l'ordonnance du premier juge, qui mettait un terme à la rétention, a été rendue le 17 janvier 2019 à 14 h 45, avis étant aussitôt donné à M. U... V..., contrairement à ce qu'il soutient dans les écritures de son conseil, qu'il était maintenu à la disposition de la justice pendant un délai de 10 heures à compter de la notification de cette décision au procureur de la République et que pendant ce délai, il pouvait exercer ses droits, à savoir, contacter un avocat, contacter un tiers, rencontrer un médecin et s'alimenter, ces mentions figurant au pied de l'ordonnance querellée, dont une copie lui a été remise, ainsi qu'à son conseil ; ces dispositions procédurales, prévues par l'article R.552-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, avaient seulement pour effet que la mainlevée de la rétention ordonnée par le premier juge était suspendue à l'exercice éventuel de la faculté donnée au procureur de la République de former appel en sollicitant du premier président ou de son délégué qu'il déclare l'appel suspensif ; aucun élément du dossier de la procédure ne suggère que M. U... F... K... n'aurait pu exercer les droits qui lui ont été notifiés – sauf inévitablement, en conséquence des dispositions nouvelles introduites par la loi du 10 septembre 2018, pendant le transfert, lorsque, comme les autres retenus, il a été, à l'issue de l'audience du juge des libertés et de la détention, reconduit au centre de rétention administrative ; et il faut bien constater que M. U... F... K... V..., a exercé ses droits puisqu'il s'est fait assister en cause d'appel par un avocat qu'il a choisi, lequel a pu, dans le délai d'appel, déposer des conclusions d'intimé ; M. U... F... K... V... ne rapporte pas ainsi la preuve de l'irrégularité qu'il invoque ; le moyen, dès lors en application de l'article 9 du code de procédure civile, ne peut qu'être rejeté ; il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance querellée et statuant à nouveau, de déclarer à la requête du préfet de police recevable et d'ordonner la prolongation de la rétention administrative de M. U... F... K... V... pour une durée maximale de vingt-huit jours ; au vu des débats, il convient en outre d'inviter l'administration à faire établir un avis médical sur la compatibilité de l'état de santé de M. U... F... K... V... avec les modalités de la rétention et celle de son éloignement » ;

1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'intimé, M. V... soutenait qu'il n'avait pas été informé des effets de l'interdiction de retour dont il faisait l'objet et des modalités de constat de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français permettant de faire courir le délai de cette interdiction ; qu'en se bornant à examiner la question de la régularité de la notification de la mesure d'éloignement elle-même, sans répondre au moyen invoqué par M. V..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE l'ordonnance du 17 janvier 2019 du juge des libertés et de la détention mentionne seulement, en dernière page : « informons l'intéressé qu'il est maintenu à disposition de la justice pendant un délai de dix heures à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République » ; qu'en énonçant toutefois que figuraient au pied de l'ordonnance des mentions permettant de s'assurer que les droits de M. V... lui avaient été notifiés, à savoir, contacter un avocat, contacter un tiers, rencontrer un médecin et s'alimenter, quand l'ordonnance était muette sur ce point, le premier président de la cour d'appel, qui l'a dénaturée, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE la preuve de l'effectivité de l'exercice de ses droits par un étranger placé en rétention administrative doit résulter des pièces de la procédure ; qu'en énonçant, pour considérer que M. V... avait pu exercer ses droits durant la période de mise à disposition de la justice, qu'il avait pu bénéficier d'un avocat, énonciation impropre à justifier de ce qu'il aurait pu exercer l'ensemble de ses droits, le délégué du premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.552-10 du Ceseda ;

4°) ALORS QUE, en tout état de cause, toute décision doit être motivée ; qu'en ordonnant la prolongation de la rétention administrative de M. V..., sans donner aucun motif à sa décision permettant de la justifier, le délégué du premier président a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-19021
Date de la décision : 14/10/2020
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Appel du ministère public - Maintien à disposition de la justice - Exercice des droits

Il résulte de l'article L. 552-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, durant la période pendant laquelle l'étranger est maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce que l'ordonnance du premier président statuant sur l'effet suspensif de l'appel du ministère public soit rendue et, si elle donne un tel effet, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond, cette personne peut, si elle le souhaite, contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s'alimenter. La seule assistance d'un conseil en appel ne peut suffire à rapporter la preuve de l'exercice effectif des droits de l'étranger pendant le maintien à disposition de la justice


Références :

article L. 552-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 14 oct. 2020, pourvoi n°19-19021, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Zribi et Texier

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.19021
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