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14/10/2020 | FRANCE | N°18-15229

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 octobre 2020, 18-15229


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 octobre 2020

Cassation

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 871 F-P+B

Pourvoi n° A 18-15.229

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. C....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 13 juillet 2018.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 OCTOBRE 2020

La société [...], société...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 octobre 2020

Cassation

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 871 F-P+B

Pourvoi n° A 18-15.229

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. C....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 13 juillet 2018.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 OCTOBRE 2020

La société [...], société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 18-15.229 contre l'arrêt rendu le 16 février 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (18e chambre), dans le litige l'opposant à M. D... C..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Richard, conseiller, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société [...], de Me Laurent Goldman, avocat de M. C..., après débats en l'audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Richard, conseiller rapporteur, M. Maron, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 février 2018), M. C..., employé depuis le 5 janvier 2009 par la société [...] en qualité d'ouvrier peintre et placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 1er novembre 2016, a été déclaré inapte à tout poste par le médecin du travail.

2. Par ordonnance de référé du 11 août 2017, la juridiction prud'homale a débouté l'employeur de sa demande aux fins d'expertise médicale fondée sur les dispositions de l'article L. 4624-7 du code du travail, alors applicable, et a débouté le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure dilatoire.

3. La société a relevé appel de cette ordonnance selon déclaration d'appel du 5 septembre 2017 rédigée comme suit : « Objet de l'appel : appel total : en ce que l'ordonnance dont appel estime que : la procédure mise en place par la SARL [...] pourrait avoir pour objectif d'éviter le paiement de l'indemnité de licenciement due à Monsieur D... C.... » La cour d'appel a déclaré l'appel irrecevable.

Examen du moyen

4. Il est statué sur ce moyen après avis de la deuxième chambre civile, sollicité en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile.

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable, alors :

« 1° / que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en déclarant irrecevable l'appel de la société [...] en ce que la déclaration d'appel avait été rédigée comme suit : « Objet/portée de l'appel : appel total : en ce que l'ordonnance dont appel estime que : la procédure mise en place par la SARL [...] pourrait avoir pour objectif d'éviter le paiement de l'indemnité de licenciement due à M. D... C... », de sorte que l'appel était partiel dans la mesure où il visait expressément le passage de la décision indiquant le motif du rejet de la demande, ce qui ne correspondait pas à un chef de la décision, quand le visa des motifs de la décision attaquée ne pouvait permettre d'assimiler l'appel, mentionné comme étant total, à un appel limité, la cour d'appel a violé l'article 901 du code de procédure civile ;

2°/ que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en se déterminant de la sorte, quand en outre le visa, dans la déclaration d'appel, des motifs de la décision attaquée par lesquels le premier juge avait justifié le rejet des demandes renvoyait nécessairement au chef ayant ainsi rejeté ces demandes, la cour d'appel a violé l'article 901 du code de procédure civile ;

3°/ que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en toute hypothèse, en déclarant irrecevable l'appel de la société [...] en ce que la déclaration d'appel avait été rédigée comme suit : « Objet/portée de l'appel : appel total : en ce que l'ordonnance dont appel estime que : la procédure mise en place par la SARL [...] pourrait avoir pour objectif d'éviter le paiement de l'indemnité de licenciement due à M. D... C... », de sorte que l'appel était partiel dans la mesure où il visait expressément le passage de la décision indiquant le motif du rejet de la demande, ce qui ne correspondait pas à un chef de la décision, quand il ne pouvait en résulter que la nullité de la déclaration d'appel et non pas l'irrecevabilité de l'appel, la cour d'appel a violé l'article 901 du code de procédure civile ;

4°/ que l'irrégularité de la déclaration d'appel est une irrégularité de forme, laquelle ne peut être sanctionnée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief qu'elle lui cause ; qu'au demeurant, en se déterminant de la sorte, sans en tout état de cause relever l'existence d'un grief subi par M. C..., la cour d'appel a violé l'article 114 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 901-4 ° du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

6. Selon ce texte, la déclaration d'appel est faite par un acte contenant à peine de nullité les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

7. Selon les trois avis de la Cour de cassation du 20 décembre 2017 (Avis de la Cour de cassation, 20 décembre 2017, n° 17-70.034, n° 17-70.035 et n° 17-70.036 ; Bull. 2017, Avis, n° 12), la sanction attachée à la déclaration d'appel formée à compter du 1er septembre 2017 portant comme objet "appel total", sans viser expressément les chefs du jugement critiqués lorsque l'appel ne tend pas à l'annulation du jugement ou que l'objet n'est pas indivisible, est une nullité pour vice de forme au sens de l'article 114 du code de procédure civile.

8. En outre, deux des avis précités (n° 17-70.035 et n° 17-70.036) précisent qu'il ne résulte de l'article 562, alinéa 1, du code de procédure civile, qui dispose que l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, aucune fin de non-recevoir.

9. Il en résulte, d'une part, que la déclaration d'appel ne peut être limitée que par la mention des chefs du dispositif du jugement attaqué et, d'autre part, qu'en l'absence de cette mention, lorsque l'appel ne tend pas à l'annulation du jugement ou que l'objet n'est pas indivisible, la déclaration d'appel encourt la nullité, à l'exclusion de toute irrecevabilité.

10. Pour déclarer l'appel de l'employeur irrecevable, l'arrêt retient que la déclaration d'appel ne saurait être considérée comme valant appel total dans la mesure où elle vise expressément le passage de la décision indiquant le motif du rejet de la demande et que cet appel partiel, qui ne vise qu'une motivation et ne porte sur aucun chef de décision, est irrecevable.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la déclaration d'appel ne visait que les motifs du jugement, de sorte qu'elle était irrégulière et encourait, comme telle, la nullité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne M. C... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Jean-Philippe Caston, avocat aux Conseils, pour la société [...]

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'appel de la société [...] ;

AUX MOTIFS QU'en droit, l'article 901, 4° du code de procédure civile dispose que la déclaration d'appel est faite par acte contenant notamment, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en l'espèce, la déclaration d'appel est rédigée comme suit ; « Objet/portée de l'appel : appel total : en ce que l'ordonnance dont appel estime que : la procédure mise en place par la SARL [...] pourrait avoir pour objectif d'éviter le paiement de l'indemnité de licenciement due à M. D... C.... » ; que cet appel ne saurait être considéré comme un appel total dans la mesure où il vise expressément le passage de la décision indiquant le motif du rejet de la demande, soit l'objectif caché de l'employeur de se dispenser du paiement de l'indemnité de licenciement ; que le recours doit, par conséquent, nécessairement être considéré comme un appel partiel ; qu'or cet appel partiel ne peut viser qu'un chef de décision, et non une motivation ; qu'en l'espèce, la formulation de l'appel indique expressément que la décision doit être réformée en ce qu'elle estime que la procédure mise en place par l'employeur est destinée à éviter une condamnation à paiement ; qu'une telle mention ne constitue pas un chef de la décision dont il est possible d'interjeter appel, mais une simple motivation ; qu'il s'ensuit que l'appel, ne portant sur aucun chef de décision, et ne pouvant être considéré comme un appel total, est irrecevable (v. arrêt, p. 4) ;

1°) ALORS QUE la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en déclarant irrecevable l'appel de la société [...] en ce que la déclaration d'appel avait été rédigée comme suit : « Objet/portée de l'appel : appel total : en ce que l'ordonnance dont appel estime que : la procédure mise en place par la SARL [...] pourrait avoir pour objectif d'éviter le paiement de l'indemnité de licenciement due à M. D... C... », de sorte que l'appel était partiel dans la mesure où il visait expressément le passage de la décision indiquant le motif du rejet de la demande, ce qui ne correspondait pas à un chef de la décision, quand le visa des motifs de la décision attaquée ne pouvait permettre d'assimiler l'appel, mentionné comme étant total, à un appel limité, la cour d'appel a violé l'article 901 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en se déterminant de la sorte, quand en outre le visa, dans la déclaration d'appel, des motifs de la décision attaquée par lesquels le premier juge avait justifié le rejet des demandes renvoyait nécessairement au chef ayant ainsi rejeté ces demandes, la cour d'appel a violé l'article 901 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en toute hypothèse, en déclarant irrecevable l'appel de la société [...] en ce que la déclaration d'appel avait été rédigée comme suit : « Objet/portée de l'appel : appel total : en ce que l'ordonnance dont appel estime que : la procédure mise en place par la SARL [...] pourrait avoir pour objectif d'éviter le paiement de l'indemnité de licenciement due à M. D... C... », de sorte que l'appel était partiel dans la mesure où il visait expressément le passage de la décision indiquant le motif du rejet de la demande, ce qui ne correspondait pas à un chef de la décision, quand il ne pouvait en résulter que la nullité de la déclaration d'appel et non pas l'irrecevabilité de l'appel, la cour d'appel a violé l'article 901 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE l'irrégularité de la déclaration d'appel est une irrégularité de forme, laquelle ne peut être sanctionnée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief qu'elle lui cause ; qu'au demeurant, en se déterminant de la sorte, sans en tout état de cause relever l'existence d'un grief subi par M. C..., la cour d'appel a violé l'article 114 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-15229
Date de la décision : 14/10/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

APPEL CIVIL - Acte d'appel - Mentions nécessaires - Chefs du jugement critiqués - Défaut - Portée

PROCEDURE CIVILE - Acte de procédure - Nullité - Vice de forme - Applications diverses - Déclaration d'appel - Chefs du jugement critiqués - Défaut - Portée PRUD'HOMMES - Appel - Acte d'appel - Mentions obligatoires - Chefs du dispositif du jugement - Défaut - Sanction - Détermination - Portée

En application des dispositions de l'article 901, 4°, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel ne peut être limité que par la mention dans la déclaration d'appel des chefs du dispositif du jugement attaqué. En l'absence de cette mention, lorsque l'appel ne tend pas à l'annulation du jugement ou que l'objet n'est pas indivisible, la déclaration d'appel encourt la nullité. Encourt dès lors la cassation, l'arrêt qui retient que la déclaration d'appel qui vise un extrait de la motivation de la décision est un appel partiel qui doit être déclaré irrecevable


Références :

Article 901, 4°, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017.

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 16 février 2018

Sur la nécessité dans l'acte d'appel d'une mention critiquant les chefs du dispositif du jugement, à rapprocher :2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16954, Bull. 2020, (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 oct. 2020, pourvoi n°18-15229, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Jean-Philippe Caston, Me Laurent Goldman

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.15229
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