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24/09/2020 | FRANCE | N°19-14395

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 24 septembre 2020, 19-14395


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 septembre 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 885 FS-P+B+I

Pourvoi n° Q 19-14.395

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020

La fédération départementale des chasseurs de la Côte d'Or

(FDC), dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-14.395 contre l'arrêt rendu le 15 janvier 2019 par la cour d'appel de Dijon (1re cham...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 septembre 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 885 FS-P+B+I

Pourvoi n° Q 19-14.395

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020

La fédération départementale des chasseurs de la Côte d'Or (FDC), dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-14.395 contre l'arrêt rendu le 15 janvier 2019 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à l'EARL de Cheneroilles, entreprise unipersonnelle agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la fédération départementale des chasseurs de la Côte d'Or, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de l'Earl de Cheneroilles, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, M. Besson, Mme Bouvier, conseillers, Mmes Touati, Guého, M. Talabardon, Mme Bohnert, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et Mme Cos, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 15 janvier 2019) et les productions, le Gaec de Cheneroilles devenu l'Earl de Cheneroilles (l'Earl) a, le 18 décembre 2015 puis les 18 et 20 mars 2016, adressé à la fédération départementale des chasseurs de la Côte d'Or (la fédération) des déclarations aux fins d'indemnisation des dégâts causés par le grand gibier à ses récoltes, en application des dispositions de l'article R. 426-12 du code de l'environnement.

2. Après avoir obtenu la désignation d'un expert par un tribunal d'instance, l'Earl a sollicité la condamnation de la fédération à lui payer une certaine somme en réparation de sa perte de récoltes.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La fédération fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'Earl la somme de 9 591,92 euros alors :

« 1°/ que le juge judiciaire ne peut statuer sur une demande d'indemnisation de dégâts de gibiers par la fédération départementale des chasseurs sur le fondement de l'article L. 426-1 du code de l'environnement, tant que la procédure non contentieuse d'indemnisation organisée par les articles R. 426-12 et suivants du code de l'environnement, mise en oeuvre par le plaignant, n'a pas donné lieu à une décision de la Commission nationale d'indemnisation laquelle peut le cas échéant être déférée au juge judiciaire ; qu'en décidant qu'une procédure administrative d'indemnisation non contentieuse des dégâts de gibiers préalablement engagée n'interdirait pas au réclamant de saisir le juge judiciaire aux fins d'indemnisation de ces dégâts par la fédération départementale des chasseurs sur le fondement de l'article L. 426-1 du code de l'environnement, la cour d'appel a violé les articles L. 426-1, L. 426-4, L. 426-5, L. 426-7 et R. 426-17 du code de l'environnement ;

2°/ que la mise en oeuvre de la procédure prévue par les articles R. 426-13 et suivants du code de l'environnement ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action en réparation des dégâts litigieux, lorsque cette action est fondée sur la responsabilité pour faute ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans caractériser une faute commise par la fédération départementale des chasseurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 426-4 du code de l'environnement. »

Réponse de la Cour :

4. Aux termes de l'article L. 426-6 du code de l'environnement, tous les litiges nés de l'application des articles L. 426-1 à L. 426-4 du même code sont de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire.

5. Il résulte de ces dispositions et de celles des articles L. 426-5 et R. 426-12 à R. 426-19 du même code, relatives à la procédure non contentieuse d'indemnisation des dégâts occasionnés par le grand gibier aux cultures et aux récoltes agricoles, que l'exploitant agricole qui a préalablement formé la demande d'indemnisation prévue par l'article R. 426-12 du code de l'environnement peut, en cas de litige, saisir, à tout moment, le juge judiciaire d'une action aux fins d'indemnisation forfaitaire de ces dégâts par la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs.

6. L'arrêt constate que l'Earl a adressé à la fédération des déclarations aux fins d'indemnisation des dégâts occasionnés par le grand gibier puis qu'elle a saisi, sur le fondement de l'article R. 426-24 du code de l'environnement, un tribunal d'instance aux fins d'expertise préalable à son indemnisation.

7. La décision relève ensuite que la poursuite d'une procédure administrative d'indemnisation des dégâts de gibier préalablement engagée n'interdit pas au réclamant de saisir le juge judiciaire aux fins d'indemnisation de ces dégâts et que, tout comme l'engagement de la procédure administrative, la saisine de la juridiction judiciaire est enfermée dans un délai de prescription de six mois courant à compter de la commission des dégâts.

8. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit qu'était recevable l'action judiciaire en indemnisation formée par l'exploitant agricole, en application de l'article L. 426-1 du code de l'environnement, dans le délai imparti par l'article L. 426-7 du même code, nonobstant le fait que la procédure non contentieuse était en cours.

9. Et, après avoir rappelé que l'indemnisation doit être fixée conformément au régime de la procédure administrative lorsque la demande est formée devant le juge judiciaire sur le fondement des articles L. 426-1 à L. 426-6 du code de l'environnement, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une action en responsabilité fondée sur la faute de la fédération, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

10. Le moyen n'est dès lors pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la fédération départementale des chasseurs de la Côte d'Or aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la fédération départementale des chasseurs de la Côte d'Or et la condamne à payer à l'Earl de Cheneroilles la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Gelbard le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la fédération départementale des chasseurs de la Côte d'Or.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Fédération Départementale des Chasseurs de la Côte d'Or à payer au GAEC de Cheneroilles la somme de 9.591,92 euros ;

AUX MOTIFS QUE sur la recevabilité, la Fédération Départementale des Chasseurs fait valoir que, dès lors que le GAEC de Cheneroilles s'était, par les déclarations de dégâts qu'elle lui avait adressées, engagé dans la voie de la procédure d'indemnisation non contentieuse des dégâts de grand gibier, il lui fallait poursuivre cette procédure jusqu'à son terme, mais ne pouvait saisir le tribunal d'instance d'une procédure d'indemnisation judiciaire. Toutefois, la poursuite d'une procédure administrative d'indemnisation des dégâts de gibier préalablement engagée n'interdit pas au réclamant de saisir le juge judiciaire aux fins d'indemnisation de ces dégâts. Cela est d'autant moins contestable que, comme l'a pertinemment souligné le premier juge, tout comme l'engagement de la procédure administrative, la saisine de la juridiction judiciaire est enfermée dans un délai de prescription de 6 mois courant à compter de la commission des dégâts. La fin de non-recevoir soulevée par l'appelante sera donc rejetée.

Sur le fond, l'appelante s'oppose à la demande en soutenant que, dès lors que le GAEC de Cheneroilles avait choisi la voie judiciaire pour obtenir la réparation du préjudice subi, il lui appartenait de démontrer la commission d'une faute par la fédération départementale des chasseurs, ce qu'elle ne faisait d'aucune manière.

Toutefois, lorsque la demande est formée judiciairement à l'encontre de la fédération départementale des chasseurs, l'indemnisation est fixée conformément aux dispositions des articles L 426-1 à L 426-6 du code de l'environnement régissant la procédure d'indemnisation non contentieuse, sans qu'il y ait lieu de rechercher les éléments permettant de caractériser l'existence d'une faute. C'est ce que rappelle l'article R 426-24 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-1221 du 23 décembre 2013, qui fixe la mission de l'expert désigné par le tribunal en distinguant expressément son contenu selon que la demande est ou non dirigée contre la fédération des chasseurs. Ce texte dispose en effet qu'il appartient à l'expert « de définir le montant du dommage en faisant application des dispositions des articles L 426-1 à L 426-6, dans le cas où l'action est dirigée contre la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs », et « de constater l'état des récoltes, l'importance des dommages causés aux récoltes par le gibier, d'indiquer d'où provient ce gibier, de préciser la cause de ces dommages, de rechercher si le gibier est en nombre excessif et pour quelle raison, sans les autres cas. » C'est ainsi à bon droit que le tribunal a accordé au GAEC de Cheneroilles une indemnisation en appliquant les principes posés aux articles L 426-1 à L 426-6, indépendamment de la caractérisation de la commission par la fédération départementale des chasseurs d'une quelconque faute.

1°- ALORS QUE le juge judiciaire ne peut statuer sur une demande d'indemnisation de dégâts de gibiers par la fédération départementale des chasseurs sur le fondement de l'article L 426-1 du code de l'Environnement, tant que la procédure non contentieuse d'indemnisation organisée par les articles R 426-12 et suivants du code de l'environnement, mise en oeuvre par le plaignant, n'a pas donné lieu à une décision de la Commission nationale d'indemnisation laquelle peut le cas échéant être déférée au juge judiciaire ; qu'en décidant qu'une procédure administrative d'indemnisation non contentieuse des dégâts de gibiers préalablement engagée n'interdirait pas au réclamant de saisir le juge judiciaire aux fins d'indemnisation de ces dégâts par la fédération départementale des chasseurs sur le fondement de l'article L 426-1 du code de l'environnement, la Cour d'appel a violé les articles L 426-1, L 426-4, L 426-5, L 426-7, R 426-17 du code de l'environnement ;

2°- ALORS QUE la mise en oeuvre de la procédure prévue par les articles R. 426-13 et suivants du code de l'environnement ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action en réparation des dégâts litigieux, lorsque cette action est fondée sur la responsabilité pour faute ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans caractériser une faute commise par la Fédération Départementale des Chasseurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 426-4 du code de l'environnement.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CHASSE - Gibier - Dégâts causés aux récoltes - Sangliers ou grands gibiers - Régime spécial de responsabilité et d'indemnisation - Indemnisation par une fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs - Juge judiciaire - Compétence

CHASSE - Gibier - Dégâts causés aux récoltes - Sangliers ou grands gibiers - Procédure administrative d'indemnisation en cours - Introduction d'une instance judiciaire - Possibilité CHASSE - Gibier - Dégâts causés aux récoltes - Sangliers ou grands gibiers - Procédure administrative d'indemnisation en cours - Introduction d'une instance judiciaire - Effet

Aux termes de l'article L. 426-6 du code de l'environnement, tous les litiges nés de l'application des articles L. 426-1 à L. 426-4 du même code sont de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire. Il résulte de ces dispositions et de celles des articles L. 426-5 et R. 426-12 à R. 426-19 du même code, relatives à la procédure non contentieuse d'indemnisation des dégâts occasionnés par le grand gibier aux cultures et aux récoltes agricoles, que l'exploitant agricole qui a préalablement formé la demande d'indemnisation prévue par l'article R. 426-12 du code de l'environnement peut, en cas de litige, saisir à tout moment le juge judiciaire d'une action aux fins d'indemnisation forfaitaire de ces dégâts par une fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs. En conséquence, justifie légalement sa décision une cour d'appel qui, ayant constaté qu'un exploitant agricole avait adressé à la fédération départementale des chasseurs ses déclarations de dégâts avant de saisir un tribunal d'instance d'une demande d'expertise, en déduit qu'est recevable l'action judiciaire formée par cet exploitant, en application de l'article L. 426-1 du code de l'environnement, dans le délai imparti par l'article L. 426-7 du même code, nonobstant le fait que la procédure non contentieuse était en cours, et rappelle que l'indemnisation doit alors être fixée par le juge judiciaire conformément au régime de la procédure administrative


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 15 janvier 2019


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 2e, 24 sep. 2020, pourvoi n°19-14395, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles
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Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 2
Date de la décision : 24/09/2020
Date de l'import : 16/02/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19-14395
Numéro NOR : JURITEXT000042397782 ?
Numéro d'affaire : 19-14395
Numéro de décision : 22000885
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2020-09-24;19.14395 ?
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