La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/03/2020 | FRANCE | N°17-22518

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 mars 2020, 17-22518


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 mars 2020

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 267 FS-P+B

Pourvoi n° C 17-22.518

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 MARS 2020

La société Arconic architectural products, soc

iété par actions simplifiée, dont le siège est [...], anciennement dénommée Alcoa architectural products, a formé le pourvoi n° C 17-22.518 cont...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 mars 2020

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 267 FS-P+B

Pourvoi n° C 17-22.518

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 MARS 2020

La société Arconic architectural products, société par actions simplifiée, dont le siège est [...], anciennement dénommée Alcoa architectural products, a formé le pourvoi n° C 17-22.518 contre l'arrêt rendu le 4 mai 2017 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile, section A), dans le litige l'opposant :

1°/ au directeur régional des douanes et droits indirects de Mulhouse, domicilié [...],

2°/ au directeur général des douanes et droits indirects, domicilié [...],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Arconic architectural products, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du directeur régional des douanes et droits indirects de Mulhouse et du directeur général des douanes et droits indirects, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 février 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, Mmes Darbois, Poillot-Peruzzetto, Pomonti, Champalaune, Daubigney, Sudre, Michel-Amsellem, M. Ponsot, Mme Boisselet, conseillers, Mmes Le Bras, de Cabarrus, Lefeuvre, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 4 mai 2017), la société Alcoa architectural products, devenue la société Arconic architectural products (la société Arconic), qui exerce une activité de transformation de produits plats en alliage d'aluminium, bénéficie, par autorisations régulièrement renouvelées, du régime douanier de « perfectionnement actif suspension avec compensation à l'équivalent et exportation anticipée. »

2. Cette société a fait l'objet d'un contrôle des opérations de fabrication réalisées sous le couvert de ces autorisations, à la suite duquel l'administration des douanes a établi cinq procès-verbaux de constat dont le dernier, notifié le 18 février 2011, portait sur l'utilisation, au lieu des produits importés pour la fabrication des produits compensateurs, de bobines d'alliage d'aluminium achetées sur le marché communautaire, dont les caractéristiques ne permettaient pas de bénéficier du régime douanier de perfectionnement actif.

3. Le 21 février 2011, l'administration des douanes a émis un avis de mise en recouvrement (AMR) portant notamment sur un rappel de droits de douane, que la société Arconic a contesté par lettre du 11 juillet 2011. Sa réclamation ayant été rejetée le 10 avril 2012, elle a assigné l'administration des douanes en annulation de l'AMR le 12 juin 2012, puis à nouveau le 11 septembre 2012, la première assignation ayant été déclarée caduque, faute de comparution de la demanderesse.

4. Par un jugement du 20 août 2013, cette seconde action a été déclarée irrecevable pour avoir été introduite plus de deux mois après le rejet de la contestation.

5. La société Arconic ayant, le 20 décembre 2012, formulé une nouvelle contestation de l'AMR, qui a été rejetée par décision du 20 juin 2013, elle a formé, le 14 août 2013, un recours contre cette décision de rejet.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La société Arconic fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable alors « que toute contestation d'une créance douanière peut être formée dans un délai de trois ans suivant sa notification ; qu'en conséquence, aucune irrégularité tirée de ce qu'une réclamation antérieure dirigée contre la même imposition aurait déjà été rejetée ne peut être opposée à une nouvelle contestation formulée dans le délai légal ni au recours formé contre cette décision qui a rejeté la dernière réclamation et qui ne peut être regardée comme confirmative du rejet d'une réclamation précédente ; que la circonstance qu'à la date où le contribuable a formé sa nouvelle réclamation, un premier recours relatif à la créance litigieuse avait été formé, ne privait pas le redevable du droit de formuler une nouvelle réclamation, fût-ce sur le même fondement, et de saisir la juridiction compétente d'une nouvelle requête ; qu'en statuant ainsi, l'arrêt attaqué a violé par fausse application les articles 345, 346 et 347 du code des douanes. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 346 et 347 du code des douanes, dans leur rédaction issue respectivement des lois n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 et n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 :

7. Il résulte de ces textes qu'une dette douanière peut être contestée dans les trois ans qui suivent la notification de l'AMR et que la réponse donnée par l'administration des douanes à cette réclamation peut faire l'objet d'un recours en justice dans le délai de deux mois à compter de sa réception.

8. Si aucune limitation du nombre de contestations d'un AMR ne résulte de ces dispositions, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a cependant jugé, par un arrêt du 25 juin 2013 (Com., 25 juin 2013, pourvoi n° 12-17.109) qu'était irrecevable en raison de sa tardiveté et en l'absence d'élément nouveau, le recours contre une décision rejetant une nouvelle réclamation introduite aux mêmes fins qu'une précédente.

9. Cette chambre juge en revanche, depuis un arrêt du 6 décembre 1978 rendu au sujet de réclamations successives contre une imposition, adressées à l'administration fiscale (Com., 6 décembre 1978, pourvoi n° 77-13.521, Bull. n° 299), que les redevables ont le droit de réclamer utilement contre les impositions auxquelles ils sont assujettis jusqu'à l'expiration des délais impartis et qu'en conséquence, aucune irrecevabilité tirée de ce qu'une réclamation antérieure dirigée contre la même imposition aurait déjà été rejetée par le directeur des impôts ne peut être opposée à une nouvelle réclamation formulée dans le délai légal ni au recours formé contre la décision qui a rejeté la dernière réclamation.

10. Il apparaît nécessaire d'adopter une solution cohérente en matière de recouvrement des créances fiscales et douanières et de reconnaître au redevable de droits de douane le droit de contester utilement un AMR émis à son encontre tant que le délai de trois ans qui suit sa notification n'est pas expiré, en amendant la jurisprudence de cette chambre qui, en cas de réclamations successives formées contre le même AMR, subordonnait la recevabilité du recours exercé contre la dernière décision de rejet à l'existence d'éléments nouveaux survenus depuis la précédente.

11. Pour déclarer irrecevable le recours formé par la société Arconic contre la décision de rejet de sa seconde réclamation du 20 décembre 2012, l'arrêt retient qu'elle tend strictement aux mêmes fins que celle du 11 juillet 2011, à savoir la contestation des droits de douane et des intérêts réclamés par l'AMR du 21 février 2011, que la circonstance que la société Arconic ait soulevé des moyens nouveaux, en plus de ceux déjà développés au soutien de la première contestation, ne donne pas de caractère nouveau à la seconde et ne lui permet pas de contester un rejet devenu définitif, en l'absence d'élément nouveau survenu depuis sa première contestation.

12. En statuant ainsi, alors que les redevables de droits de douane ont le droit de former plusieurs réclamations contre un AMR jusqu'à l'expiration du délai de trois ans qui suit sa notification et qu'en conséquence, aucune irrecevabilité tirée de ce qu'une réclamation antérieure dirigée contre le même AMR aurait déjà été rejetée par l'administration des douanes ne peut être opposée à une nouvelle réclamation formulée dans le délai légal ni au recours formé contre la décision qui a rejeté cette nouvelle réclamation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne le directeur régional des douanes et droits indirects de Mulhouse et le directeur général des douanes et droits indirects aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour la société Arconic architectural products.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement déféré rendu le 16 février 2016 par le tribunal de grande instance de Mulhouse et, statuant à nouveau, d'avoir déclaré irrecevable la demande de la société Arconic architectural products ;

Aux motifs que « conformément aux articles 345 et 346 du code des douanes, les créances de toute nature constatées et recouvrées par l'administration des douanes font l'objet d'un avis de mise en recouvrement qui indique le fait générateur de la créance ainsi que sa nature, son montant et les éléments de sa liquidation, et dont une copie est notifiée au redevable ; que toute contestation de la créance doit être adressée à l'autorité qui a signé l'avis de mise en recouvrement dans les trois ans qui suivent sa notification, et le directeur régional des douanes statue sur la contestation dans un délai de six mois à compter de sa réception ; que, selon l'article 347 du code des douanes, dans sa rédaction en vigueur antérieurement au 1er janvier 2013, dans le délai de deux mois suivant la réception de la réponse du directeur régional des douanes ou, à défaut de réponse, à l'expiration du délai de six mois prévu à l'article précédent, le redevable peut saisir le tribunal d'instance ; en l'espèce, que la société Arconic architectural products, après avoir reçu, le 23 février 2011, notification de l'avis de mise en recouvrement du 21 février 2011, a formé, le 11 juillet 2011, une contestation des droits de douane et des intérêts compensatoires réclamés, laquelle a été rejetée le 10 avril 2012 ; qu'elle disposait alors d'un délai de deux mois pour saisir la juridiction compétente et que, passé ce délai, son action est irrecevable ; que, si aucune disposition légale n'interdit au redevable de droits de douane de former plusieurs réclamations distinctes dans le délai de trois ans à compter de la signification de l'avis de mise en recouvrement, en l'espèce la réclamation formée par la société Arconic architectural products le 20 décembre 2012 tend strictement aux mêmes fins que celle du 11 juillet 2011, à savoir la contestation des droits de douane et des intérêts réclamés par l'avis de mise en recouvrement du 21 février 2011 ; que la circonstance que la société Arconic architectural products a soulevé des nouveaux moyens, en sus de ceux déjà développés au soutien de la première contestation, ne donne pas de caractère nouveau à la seconde et ne lui permet pas de contester un rejet devenu définitif ; que la société Arconic architectural products ne produit aucun élément de preuve nouveau ; que le seul élément nouveau invoqué par la société Arconic architectural products est un arrêt de la Cour de cassation en date du 20 mars 2012 ayant déclaré éteinte une dette douanière au motif qu'une communication au débiteur du montant des droits légalement dus, lorsqu'elle ne permet pas le recouvrement de ces droits faute d'avoir été précédée de la prise en compte de leur montant par l'autorité douanière, ne peut interrompre la prescription triennale, prévue par l'article 221 du code des douanes communautaires, et qui court à compter de la date de naissance de la dette douanière ; cependant, que, d'une part, contrairement aux affirmations de la société Arconic architectural products, cet arrêt ne se prononce pas sur la durée de l'effet interruptif de prescription des procès-verbaux douaniers, mais seulement sur l'absence d'effet interruptif d'une communication des droits au débiteur lorsqu'elle n'a pas été précédée de la prise en compte de leur montant par l'autorité douanière ; que, d'autre part, il ne s'agit pas d'un revirement de jurisprudence postérieur à la première réclamation, mais d'une application de principes dégagés par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne pour l'application de l'article 221 du code des douanes communautaires, et ce avant même l'avis de mise en recouvrement litigieux ; que la société Arconic architectural products ne caractérise ainsi aucun élément nouveau survenu depuis sa première contestation et susceptible de conférer un caractère nouveau à celle formée le 20 décembre 2012 ; ».

1° Alors, en premier lieu que toute contestation d'une créance douanière peut être formée dans un délai de trois ans suivant sa notification ; qu'en conséquence, aucune irrégularité tirée de ce qu'une réclamation antérieure dirigée contre la même imposition aurait déjà été rejetée ne peut être opposée à une nouvelle contestation formulée dans le délai légal ni au recours formé contre cette décision qui a rejeté la dernière réclamation et qui ne peut être regardée comme confirmative du rejet d'une réclamation précédente ; que la circonstance qu'à la date où le contribuable a formé sa nouvelle réclamation, un premier recours relatif à la créance litigieuse avait été formé, ne privait pas le redevable du droit de formuler une nouvelle réclamation, fut-ce sur le même fondement, et de saisir la juridiction compétente d'une nouvelle requête ; qu'en statuant ainsi, l'arrêt attaqué a violé par fausse application les articles 345, 346 et 347 du code des douanes.

2° Alors, en second lieu, qu'à supposer même que le rejet d'une seconde réclamation n'ouvre aucun délai de recours contentieux en l'absence d'élément nouveau, un revirement jurisprudentiel est constitutif d'un tel élément ; qu'en l'espèce, l'arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 20 mars 2012, qui constitue la première annulation d'une procédure douanière pour méconnaissance du paragraphe l'article 221 du code des douanes communautaire, réalise un revirement par rapport à un précédent arrêt de la même chambre en date du 1er juillet 2008 ; qu'en statuant ainsi, l'arrêt attaqué a violé par fausse application les articles 345, 346 et 347 du code des douanes.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-22518
Date de la décision : 18/03/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

DOUANES - Droits - Recouvrement - Avis de mise en recouvrement - Contestation - Réclamation préalable - Rejet - Nouvelle réclamation - Réclamation formée dans le délai légal - Recevabilité

Les redevables de droits de douane ont le droit de former plusieurs réclamations contre un avis de mise en recouvrement jusqu'à l'expiration du délai de trois ans qui suit sa notification, prévu à l'article 346 du code des douanes. En conséquence, aucune irrecevabilité tirée de ce qu'une réclamation antérieure dirigée contre le même avis de mise en recouvrement aurait déjà été rejetée par l'administration des douanes ne peut être opposée à une nouvelle réclamation formulée dans le délai légal ni au recours formé contre la décision qui a rejeté cette nouvelle réclamation


Références :

article 346 du code des douanes

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 04 mai 2017

Sur la recevabilité d'une réclamation formulée dans le délai légal suite au rejet d'une première réclamation en matière fiscale, à rapprocher :Com., 6 décembre 1978, pourvoi n° 77-13521, Bull. 1978, IV, n° 299 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 mar. 2020, pourvoi n°17-22518, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SARL Cabinet Briard, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:17.22518
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award