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20/02/2020 | FRANCE | N°20-12184

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 20 février 2020, 20-12184


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2 / ELECT

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 février 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 336 F-P+B+I

Pourvoi n° H 20-12.184

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 FÉVRIER 2020

Mme U... I... W... , domiciliée [...] , a formé le pour

voi n° H 20-12.184 contre le jugement rendu le 24 janvier 2020 par le tribunal de première instance de Papeete (contentieux des élections politiqu...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2 / ELECT

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 février 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 336 F-P+B+I

Pourvoi n° H 20-12.184

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 FÉVRIER 2020

Mme U... I... W... , domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° H 20-12.184 contre le jugement rendu le 24 janvier 2020 par le tribunal de première instance de Papeete (contentieux des élections politiques), dans le litige l'opposant à la commune de Papeete, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité [...], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Touati, conseiller référendaire, les observations de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de Mme W..., et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Touati, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et Mme Cos, greffier de chambre.

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal de première instance de Papeete, 24 janvier 2020), rendu en dernier ressort, le maire de Papeete a, par décision notifiée le 9 décembre 2019, refusé l'inscription de Mme W... sur les listes électorales de cette commune.

2. Contestant cette décision, Mme W... , après le rejet par la commission de contrôle de son recours administratif, a par requête du 10 janvier 2020 formé un recours contentieux.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Mme W... fait grief au jugement de rejeter son recours formé en vue de son inscription sur les listes électorales de Papeete, alors :

« 1°/ qu'un bail d'habitation en sous-location confère au preneur le même droit à la jouissance privative des lieux loués que celui dont bénéficie un locataire principal ; que dès lors, en décidant que le logement sous-loué par M. F... Q... ne pouvait être qualifié de local d'habitation du fait du caractère professionnel du bail principal et en l'absence de tout caractère privatif des lieux occupés, le tribunal a méconnu les dispositions des articles 1713, 1717 et 1719 du code civil ;

2°/ que suivant l'article L. 11 I 1°du code électoral; sont inscrits sur la liste électorale tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune ou y habitent depuis six mois au moins ; qu'en jugeant, pour refuser à Mme W... son inscription sur les listes électorales de la commune de Papeete, que le logement sous-loué à M. Q... par le parti politique qu'il présidait, inclus dans les locaux loués par ce parti, ne saurait être qualifié de local d'habitation en l'absence d'aménagement permettant une habitabilité pleine des lieux (absence de cuisine), le tribunal, qui s'est prononcé par ces motifs inopérants tenant à des caractéristiques du logement loué sans rechercher si M. Q... et sa compagne n'avaient pas néanmoins, à la date de référence, fixé leur domicile réel dans ce logement dont ils réglaient les quittances EDF et où ils laissaient leurs effets personnels, n'a pas donné une base légale à sa décision au regard dudit article. »

Réponse de la Cour

4. Après avoir exactement rappelé que l'article 102 du code civil définit le domicile comme le lieu où la personne a son principal établissement, le jugement retient que pour justifier sa demande, Mme W..., qui indique vivre en concubinage avec M. Q..., produit un contrat de sous-location, daté du 19 août 2019, par lequel l'association Tahoeraa Huiraatira, représentée par son premier vice-président, a donné à bail à M. Q... un local d'une superficie de 15 mètres carrés, ainsi que des factures d'électricité établies au nom de M. Q..., et un procès-verbal d'huissier de justice constatant la présence d' affaires personnelles.

5. Le jugement relève ensuite que les locaux loués font partie intégrante du local occupé par l'association Tahoeraa Huiraatira, parti politique dont M. Q... est le président, et que la destination des lieux loués à cette association est l'exercice de l'activité professionnelle du preneur.

6. Il constate également, au vu du plan des locaux, que le logement de 15 mètres carrés concerne une pièce comprenant une salle d'eau et que la cuisine n'est pas comprise dans le local loué.

7. Il retient que le fait que Mme W... ait déposé des effets personnels ou encore que M. Q... règle des factures d'électricité ne saurait à lui seul faire du local concerné un domicile personnel.

8. En l'état de ces seuls motifs, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que le tribunal, sans encourir les griefs du moyen, a estimé que Mme W... ne justifiait pas d'un domicile réel dans la commune de Papeete.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. Mme W... fait le même grief au jugement, alors :

« 1°/ qu'en se prononçant ainsi par des motifs inopérants tirés de l'absence des caractéristiques supposées d'un local d'habitation, en l'occurrence, l'absence d'une cuisine, sans vérifier si M. Q... et sa compagne n'habitaient pas néanmoins dans ce logement pour une durée de 6 mois au moins, le tribunal n'a pas donné à sa décision de base légale au regard de l'article L. 11 I 1° du code électoral.

2°/ que la condition de durée de la résidence ouvrant droit à l'inscription sur les listes électorales d'une commune s'apprécie à la date de la clôture des listes ; qu'en jugeant que la durée de la résidence s'appréciait à la date de la demande d'inscription sur la liste électorale, le tribunal a violé l'article L. 11 du code électoral. »

Réponse de la Cour

11. Il résulte de l'article L. 11, I, 1° du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016, applicable en la cause, que la condition d'habitation d'au moins six mois doit être remplie à la date de dépôt de la demande d'inscription sur les listes électorales communales.

12. Ayant relevé que ce délai n'était pas acquis à la date de la demande d'inscription de Mme W... sur les listes électorales de Papeete, de sorte que cette dernière ne justifiait pas habiter dans cette commune depuis au moins six mois, le tribunal, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 11, I, 1° du code électoral, a par ces seuls motifs légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt février deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour Mme W....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Mme U... W... fait grief au jugement attaqué d'avoir rejeté son recours formé en vue de son inscription sur les listes électorales de Papeete ;

AUX MOTIFS QUE Mme U... W..., qui indique vivre en concubinage avec M. Q..., produit un contrat de bail de sous-location daté du 19 août 2019 par lequel l'association Tahoeraa Huiraatira, représentée par son Premier Vice-Président, donne à bail à loyer à titre de bail d'habitation, à Monsieur F... Q... un local d'une superficie de 15 mètres carrés situé [...] .
Ce bail de sous-location a été conclu pour une durée de trois ans, prenant effet le 1" août 2019, et moyennant un loyer mensuel de 15.000 Fcfp.
Mme U... W... produit également des factures EDT au nom de M. F... Q... concernant le local visé ci-dessus.
Elle produit enfin un constat d'huissier établi à la demande de M. F... Q... le 26 décembre 2019 lequel constate la présence d'affaires personnelles de Monsieur F... Q... et de Mme U... W... dans le local visé ci-dessus.
Au vu de ces éléments, il peut être relevé que Madame U... W... n'a pas résidé ou été domiciliée à PAPEETE avant les mois de juillet ou août 2019.
La destination des lieux loués à l'association Tahoeraa Huiraatira est l'exercice de l'activité professionnelle du preneur ; ce local devant servir à l'usage exclusif de bureaux, de salles de réunions et d'un logement pour le gardien de l'association.
Ce n'est que l'avenant au bail du 19 août 2019, qui n'a, au demeurant, pas remis en cause la destination des lieux loués, à savoir l'exercice d'une activité professionnelle, qui a ajouté la possibilité que les lieux soient utilisés pour le logement du Président de l'association.
Ainsi, le local concerné, inclus dans un local plus vaste loué à l'association Tahoeraa Huiraatira, parti politique dont Monsieur F... Q... est le Président et utilisé à cette fin, ne saurait être qualifié de local d'habitation en l'absence d'aménagement permettant une habitabilité pleine des lieux (absence de cuisine) et de tout caractère privatif des lieux occupés.

ALORS QU' un bail d'habitation en sous-location confère au preneur le même droit à la jouissance privative des lieux loués que celui dont bénéficie un locataire principal ; que dès lors, en décidant que le logement sous-loué par M. F... Q... ne pouvait être qualifié de local d'habitation du fait du caractère professionnel du bail principal et en l'absence de tout caractère privatif des lieux occupés, le tribunal a méconnu les dispositions des articles 1713, 1717 et 1719 du code civil ;

ET ALORS QUE suivant l'article L.11 I 1°du code électoral; sont inscrits sur la liste électorale tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune ou y habitent depuis six mois au moins ; qu'en jugeant, pour refuser à Mme W... son inscription sur les listes électorales de la commune de Papeete, que le logement sous-loué à M. Q... par le parti politique qu'il présidait, inclus dans les locaux loués par ce parti, ne saurait être qualifié de local d'habitation en l'absence d'aménagement permettant une habitabilité pleine des lieux (absence de cuisine), le tribunal, qui s'est prononcé par ces motifs inopérants tenant à des caractéristiques du logement loué sans rechercher si M. Q... et sa compagne n'avaient pas néanmoins, à la date de référence, fixé leur domicile réel dans ce logement dont ils réglaient les quittances EDF et où ils laissaient leurs effets personnels, n'a pas donné une base légale à sa décision au regard dudit article.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Mme U... W... fait grief au jugement attaqué d'avoir rejeté son recours formé en vue de son inscription sur les listes électorales de Papeete ;

AUX MOTIFS QUE le local visé par Mme U... W... comme consistant son logement ne pouvant être considéré comme un local d'habitation pour les motifs évoqués ci-dessus, ce local ne saurait être considéré comme la résidence de Monsieur F... Q....
Au demeurant, la durée de six mois n'est pas acquise. En effet, si antérieurement à la loi n°2016-1048 du 1er août 2016, l'article L11 précisait que "Sont également inscrits, dans les mêmes conditions, les citoyens qui, ne remplissant pas les conditions d'âge et de résidence cidessus indiquées lors de la formation des listes, les rempliront avant la clôture définitive", il convient d'observer que cette disposition n'a pas été reprise par la nouvelle loi.
Dès lors, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 1er août 2016, à savoir le 1er janvier 2019, cette disposition n'ayant pas été reprise, le délai de six mois doit être acquis lors de la demande d'inscription sur les listes.
En l'occurrence, il est constant que ce délai n'était pas acquis au 5 décembre 2019, date de la demande d'inscription sur les listes électorales de Papeete.
Ainsi, Madame U... W... ne justifie pas habiter dans la Commune de Papeete depuis au moins six mois.

ALORS QU'en se prononçant ainsi par des motifs inopérants tirés de l'absence des caractéristiques supposées d'un local d'habitation, en l'occurrence, l'absence d'une cuisine, sans vérifier si M. Q... et sa compagne n'habitaient pas néanmoins dans ce logement pour une durée de 6 mois au moins, le tribunal n'a pas donné à sa décision de base légale au regard de l'article L.11 I 1° du code électoral.

ET ALORS QUE la condition de durée de la résidence ouvrant droit à l'inscription sur les listes électorales d'une commune s'apprécie à la date de la clôture des listes ; qu'en jugeant que la durée de la résidence s'appréciait à la date de la demande d'inscription sur la liste électorale, le tribunal a violé l'article L.11 du code électoral.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-12184
Date de la décision : 20/02/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

ELECTIONS - Liste électorale - Inscription - Résidence - Conditions - Date d'appréciation

Il résulte de l'article L. 11, I, 1°, du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016, applicable en la cause, que la condition d'habitation d'au moins six mois doit être remplie à la date de dépôt de la demande d'inscription sur les listes électorales communales


Références :

article L. 11, I, 1°, du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016

Décision attaquée : Tribunal de première instance de Papeete, 24 janvier 2020

Sous l'empire de l'article L. 11 du code électoral, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016, date à laquelle la condition de durée de la résidence doit être appréciée, à rapprocher :2e Civ., 23 février 1983, pourvoi n° 83-60175, Bull. 1983, II, n° 53 (cassation) ;

2e Civ., 16 mars 2017, pourvoi n° 17-60094, Bull. 2017, II, n° 56 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 20 fév. 2020, pourvoi n°20-12184, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 21/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:20.12184
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