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13/02/2020 | FRANCE | N°18-26662

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 13 février 2020, 18-26662


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 février 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 220 F-P+B+I

Pourvoi n° C 18-26.662

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 FÉVRIER 2020

La caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, dont l

e siège est [...] , a formé le pourvoi n° C 18-26.662 contre le jugement rendu le 23 octobre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité socia...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 février 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 220 F-P+B+I

Pourvoi n° C 18-26.662

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 FÉVRIER 2020

La caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° C 18-26.662 contre le jugement rendu le 23 octobre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Charlevilles-Mézières, dans le litige l'opposant à Mme A... C..., épouse Q..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 janvier 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Le Fischer, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre.

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de Charleville-Mézières, 23 octobre 2018), rendu en dernier ressort, et les productions, la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes (la caisse) a, le 13 mars 2014, réclamé à Mme Q..., infirmière libérale, le remboursement de soins facturés par voie électronique, les 13 novembre et 25 décembre 2013, en raison de la transmission tardive des ordonnances correspondantes.

2. Mme Q... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Énoncé du moyen

3. La caisse fait grief au jugement d'annuler l'indu notifié à Mme Q..., alors :

« 1°/ que le paiement des soins dispensés par un infirmier exerçant à titre libéral est subordonné à la transmission par ce dernier des pièces justificatives dans les délais fixés par les articles R. 161-47 et R. 161-48 du code de la sécurité sociale ; que ces textes, par renvoi à des dispositions conventionnelles, fixent à un mois le délai de transmission des pièces justificatives ; qu'en faisant droit au recours de Mme Q... concernant des lots transmis les 13 novembre 2013 et 25 décembre 2013, quand ils constataient pourtant que les pièces justificatives n'avaient été communiquées à la caisse qu'après le 13 mars 2014, soit hors le délai d'un mois, les juges du fond ont violé les articles L. 161-33, R. 161-39, R. 161-40, R. 161-47 et R. 161-48 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que le paiement des soins dispensés par un infirmier exerçant à titre libéral est subordonné à la transmission par ce dernier des pièces justificatives dans les délais fixés par les articles R. 161-47 et R. 161-48 du code de la sécurité sociale ; que ces textes, en l'absence de dispositions conventionnelles, fixent à trois ou huit jours ouvrés, selon les cas, le délai de transmission des pièces justificatives ; qu'en faisant droit au recours de Mme Q... concernant des lots transmis les 13 novembre 2013 et 25 décembre 2013, quand ils constataient pourtant que les pièces justificatives n'avaient été communiquées à la caisse qu'après le 13 mars 2014, soit hors le délai de trois ou huit jours ouvrés, les juges du fond ont violé les articles L. 161-33, R. 161-39, R. 161-40, R. 161-47 et R. 161-48 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 161-33, alinéas 1 et 3, et R. 161-48,I, du code de la sécurité sociale :

4. Il résulte du premier de ces textes que lorsque le professionnel de santé a transmis, hors du délai prévu par le second, les ordonnances correspondant aux feuilles de soins électroniques, l'organisme d'assurance maladie peut exiger de ce dernier la restitution de tout ou partie des prestations servies à l'assuré.

5. Pour accueillir le recours formé par Mme Q..., le jugement relève que la caisse verse aux débats la copie de deux courriers datés des 15 janvier et 5 février 2014 mentionnant qu'elle a réglé à Mme Q... des prestations en précisant le numéro de lot, le nombre de factures, les dates de transmission et de paiement ainsi que le montant correspondant à chaque lot ; que ces courriers indiquent que les pièces justificatives correspondantes n'ont pas été reçues par l'organisme ; que le 13 mars 2014, la caisse a mis en demeure l'intéressée de payer la somme de 2 856,58 euros en faisant état des courriers précités par lesquels elle demande la restitution des pièces justificatives pour les lots n° 522 et n° 523 transmis le 13 novembre 2013, et le lot n° 559 transmis le 25 décembre 2013 ; que la caisse ne justifie pas de la réception par Mme Q... des courriers des 15 janvier et 5 février 2014 qui faisaient état de l'absence de transmission de pièces pour d'autres lots ; que pour ces autres lots, il semble que les pièces n'ont pas été davantage transmises dans les délais de trois ou huit jours ouvrés visés à l'article R. 161-47 du code de la sécurité sociale ; que la caisse ne donne aucune explication sur les suites qu'elle a données à ce défaut de communication des pièces pour les lots non visés dans la mise en demeure ; que Mme Q... verse aux débats un courrier du 25 avril 2014 émanant de la caisse, dans lequel l'organisme reconnaît que les pièces justificatives lui ont été transmises postérieurement à la mise en demeure du 13 mars 2014, tout en faisant état d'un délai conventionnel d'un mois qui n'aurait pas été respecté après les télétransmissions ; que compte tenu des divergences contenues dans les courriers des 15 janvier et 5 février 2014, d'une part, et de la mise en demeure du 13 mars 2014, d'autre part, quant aux lots concernés par l'absence de transmission de pièces justificatives, d'autant qu'il n'est pas contesté que les pièces ont été communiquées dès que Mme Q... a eu connaissance des motifs de la mise en demeure, et à défaut de preuve d'une quelconque information antérieure, l'indu réclamé à Mme Q... n'est pas justifié.

6. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il résultait de ses propres constatations que les documents auxquels est subordonnée l'ouverture du droit aux prestations de l'assurance maladie n'avaient pas été adressés à la caisse, par Mme Q..., dans les délais requis par les textes susvisés, le tribunal a violé ces derniers.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 23 octobre 2018, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Charleville-Mézières ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Reims ;

Condamne Mme Q... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par M. Pireyre, président de chambre, et par Mme Pontonnier, greffier de chambre présent lors de la mise à disposition de l'arrêt le treize février deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes.

Le jugement attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a annulé l'indu d'un montant de 2.856,58 euros notifié le 13 mars 2014 à Mme Q... et infirmé la décision de la commission de recours amiable de la Caisse en date du 5 octobre 2014 ayant rejeté la contestation de Mme Q... concernant l'indu d'un montant de 2.856,58 euros correspondant à la télétransmission des lots 522, 523 et 559 sans pièces justificatives ;

AUX MOTIFS QU' « Il résulte de l'article L 161-33 du code de la sécurité sociale qu'en cas de transmission électronique, si te professionnel, l'organisme ou l'établissement dispensant des actes ou prestations remboursables par l'assurance maladie est responsable d'un défaut de transmission à la caisse du bénéficiaire de documents nécessaires à la constatation des soins ou d'une incapacité de travail ou s'il tes a transmis hors du délai prévu, la caisse peut exiger du professionnel ou de l'organisme concerné la restitution de tout ou partie des prestations servies à l'assuré, étant précisé que, pour son recouvrement, cette restitution est assimilée à une cotisation de sécurité sociale. Les articles R 161-47 et R 161-48 du code de la sécurité sociale déterminent les délais dans lesquels le professionnel envoie à la caisse primaire d'assurance maladie les feuilles de soins par voie électronique et les pièces justificatives. En l'espèce, La CPAM des Ardennes verse aux débats la copie de deux courriers datés des 15 janvier 2014 et 5 février 2014 mentionnant qu'elle a réglé à Madame A... Q... des prestations en précisant le numéro de lot, le nombre de factures, les dates de transmission et de paiement ainsi que le montant correspondant à chaque lot. Ces courriers indiquent que les pièces justificatives correspondantes n'ont pas été reçues par l'organisme. Par courrier du 13 mars 2014, la CPAM des Ardennes met en demeure Madame A... Q... de payer la somme de 2856,58 euros en faisant état des courriers des 15 janvier 2014 et 5 février 2014 par lesquels elle a demandé la restitution des pièces justificatives pour les lots n°522 et n°523 transmis le 13 novembre 2013 et n°559 transmis le 25 décembre 2013. Le tribunal ne peut que constater que la CPAM des Ardennes ne justifie pas de la réception par Madame A... Q... des courriers des 15 janvier et 5 février 2014 qui faisaient état de l'absence de transmission de pièces pour d'autres lots. Or, pour ces autres lots, il semble que les pièces n'avaient pas été davantage transmises dans les délais de 3 ou 8 jours ouvrés visés à l'article R 161-47 du code de la sécurité sociale. Malgré cela, la caisse ne donne aucune explication sur les suites qu'elle a données à ce défaut de communication des pièces pour les lots non visés dans la mise en demeure du 13 mars 2014. Par ailleurs, Madame A... Q... verse aux débats un courtier daté du 25 avril 2014 émanant de la CPAM des Ardennes, indiquant en objet « confirmation de mise en demeure », dans lequel l'organisme reconnaît que les pièces justificatives lui ont été transmises postérieurement à la mise en demeure du 13 mars 2014, tout en faisant état d'un délai conventionnel d'un mois qui n'aurait pas été respecté après les télétransmissions. Compte tenu des divergences contenues dans les courriers des 15 janvier et 5 février 2014, d'une part, et de la mise en demeure du 13 mars 2014, d'autre part, quant aux lots concernés par l'absence de transmission de pièces justificatives, d'autant qu'il n'est pas contesté que les pièces ont été communiquées dès que Madame A... Q... a eu connaissance des motifs de la mise en demeure, à défaut de preuve d'une quelconque information antérieure, il convient de déclarer que l'indu réclamé à Madame A... Q... n'est pas justifié. En conséquence, la décision de la commission de recours amiable de la CPAM des Ardennes en date du 5 juin 2014 sera infirmée et la caisse déboutée de sa demande reconventionnelle. » ;

ALORS QUE, premièrement, le paiement des soins dispensés par un infirmier exerçant à titre libéral est subordonné à la transmission par ce dernier des pièces justificatives dans les délais fixés par les articles R. 161-47 et R. 161-48 du code de la sécurité sociale ; que ces textes, par renvoi à des dispositions conventionnelles, fixent à un mois le délai de transmission des pièces justificatives ; qu'en faisant droit au recours de Mme Q... concernant des lots transmis les 13 novembre 2013 et 25 décembre 2013, quand ils constataient pourtant que les pièces justificatives n'avaient été communiquées à la Caisse qu'après le 13 mars 2014, soit hors le délai d'un mois, les juges du fond ont violé les articles L. 161-33, R. 161-39, R. 161-40, R. 161-47 et R. 161-48 du code de la sécurité sociale ;

ALORS QUE, deuxièmement, et en tout état, le paiement des soins dispensés par un infirmier exerçant à titre libéral est subordonné à la transmission par ce dernier des pièces justificatives dans les délais fixés par les articles R. 161-47 et R. 161-48 du code de la sécurité sociale ; que ces textes, en l'absence de dispositions conventionnelles, fixent à 3 ou 8 jours ouvrés, selon les cas, le délai de transmission des pièces justificatives ; qu'en faisant droit au recours de Mme Q... concernant des lots transmis les 13 novembre 2013 et 25 décembre 2013, quand ils constataient pourtant que les pièces justificatives n'avaient été communiquées à la Caisse qu'après le 13 mars 2014, soit hors le délai de 3 ou 8 jours ouvrés, les juges du fond ont violé les articles L. 161-33, R. 161-39, R. 161-40, R. 161-47 et R. 161-48 du code de la sécurité sociale ;

ALORS QUE, troisièmement, en statuant comme ils l'ont fait, au motif inopérant que la Caisse ne justifie pas de la réception par Mme Q... des courriers des 15 janvier et 5 février 2014 faisant état de l'absence de transmission des pièces, quand il appartient au professionnel de santé de s'assurer spontanément de la transmission des pièces justificatives en temps requis, les juges du fond ont encore violé les articles L. 161-33, R. 161-39, R. 161-40, R. 161-47 et R. 161-48 du code de la sécurité sociale ;

ALORS QUE, quatrièmement, le juge ne peut méconnaître les termes du litige, tels que fixés par les parties ; qu'en opposant à la Caisse son absence d'explication quant aux lots, autres que les lots n°522, 523 et 559, visés par les courriers des 15 janvier et 5 février 2014, mais non visés par la mise en demeure du 13 mars 2014, quand il ressortait des conclusions des parties que ces autres lots n'avaient pas donné lieu à discussion entre les parties, les juges du fond ont violé l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-26662
Date de la décision : 13/02/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Prestations (dispositions générales) - Frais médicaux - Feuilles de soins - Transmission électronique - Production simultanée des ordonnances papier - Délai - Inobservation - Effet - Remboursement des prestations servies à l'assuré

Il résulte de l'article L. 161-33, alinéas 1 et 3, du code de la sécurité sociale que lorsque le professionnel de santé a transmis, hors du délai prévu par l'article R. 161-48,I du même code, les ordonnances correspondant aux feuilles de soins électroniques, l'organisme d'assurance maladie peut exiger de ce dernier la restitution de tout ou partie des prestations servies à l'assuré


Références :

articles L. 161-33, alinéas 1 et 3, R. 161-48, I, du code de la sécurité sociale

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale des Ardennes, 23 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 13 fév. 2020, pourvoi n°18-26662, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.26662
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