La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2019 | FRANCE | N°18-10272

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 décembre 2019, 18-10272


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 octobre 2017), qu'agissant dans le cadre d'une demande d'intervention préalable de la société européenne Schneider Electric SE (la société Schneider Electric), titulaire de la marque communautaire semi-figurative « Schneider Electric » n° 1103787 et de la marque française verbale « Schneider Electric » n° 98735702, le service des douanes de Lyon Saint-Exupéry a procédé, le 10 août 2015, à la retenue, au titre de l'article 17 du

règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013, d'un lot de matériel électrique en ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 octobre 2017), qu'agissant dans le cadre d'une demande d'intervention préalable de la société européenne Schneider Electric SE (la société Schneider Electric), titulaire de la marque communautaire semi-figurative « Schneider Electric » n° 1103787 et de la marque française verbale « Schneider Electric » n° 98735702, le service des douanes de Lyon Saint-Exupéry a procédé, le 10 août 2015, à la retenue, au titre de l'article 17 du règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013, d'un lot de matériel électrique en provenance de Turquie, présumé contrefaire ces marques ; que la société Schneider Electric, informée le 11 août 2015 de cette retenue et après prolongation de celle-ci, à sa demande, jusqu'au 7 septembre suivant, a constaté l'authenticité du matériel ; que le service des douanes a, le 8 septembre 2015, établi un procès-verbal de clôture et de mainlevée de la mise en retenue ; que le 17 septembre 2015, la société Schneider Electric a obtenu, sur requête aux fins de saisie-contrefaçon, une ordonnance autorisant, dans les locaux du service des douanes, notamment, la copie des documents relatifs à cette retenue des marchandises, la saisie description des articles incriminés et la saisie réelle de deux échantillons de chacun des articles ; qu'un procès-verbal des opérations de saisie-contrefaçon a été dressé les 18 et 30 septembre 2015 ; que produisant, au soutien de sa requête, l'ordonnance du 17 septembre 2015 et le procès-verbal de saisie-contrefaçon des 18 et 30 septembre 2015, la société Schneider Electric, a, le 12 octobre 2015, demandé et obtenu une ordonnance l'autorisant à faire pratiquer une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Euro négoce B et J (la société Euro négoce) ; qu'à la suite du procès-verbal de ces opérations, dressé le 14 octobre 2015, la société Schneider Electric a assigné la société Euro négoce en contrefaçon de marque ; que cette société a demandé la rétractation de l'ordonnance du 17 septembre 2015 ;

Attendu que la société Schneider Electric fait grief à l'arrêt de rétracter l'ordonnance du 17 septembre 2015 ayant autorisé une saisie-contrefaçon dans les locaux des douanes de Lyon Saint-Exupéry, d'ordonner en conséquence la restitution immédiate de l'ensemble des pièces et documents saisis ainsi que la destruction immédiate de l'ensemble des copies de ces pièces et de lui interdire d'utiliser ou de rendre publics, notamment dans la procédure au fond engagée par assignation du 30 octobre 2015 devant le tribunal de grande instance de Paris, le procès-verbal de la saisie-contrefaçon menée en application de cette ordonnance ainsi que les pièces et documents saisis alors, selon le moyen :

1°/ que la contrefaçon peut être prouvée par tous moyens ; qu'à cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, des produits ou services prétendument contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant ; qu'elle est seulement tenue de se pourvoir au fond, par la voie civile ou pénale, dans le délai réglementaire ; qu'aucune autre condition que celle afférente à un droit sur la marque contrefaite n'est exigée par ce texte ; qu'en affirmant que la société Schneider Electric ne pouvait recourir à une saisie-contrefaçon motif pris de l'existence antérieure d'une retenue douanière dont il avait été donné mainlevée, qui lui interdirait de recourir à la procédure de saisie-contrefaçon de droit commun, la cour d'appel a ajouté au texte une condition qu'il ne contient pas et a, partant, violé les dispositions de l'article L. 716-7 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ que le bénéficiaire d'une retenue douanière n'est pas tenu de la valider ; qu'il peut, postérieurement au délai de retenue, et après mainlevée de celle-ci, procéder à une saisie-contrefaçon sur le fondement du droit commun dès lors que sont remplies les conditions posées par l'article L. 716-7 du code de la propriété intellectuelle ; qu'en affirmant que la société Schneider ne pouvait solliciter sur requête une saisie-contrefaçon de droit commun motif pris de ce qu'une retenue douanière avait auparavant été opérée sur les marchandises litigieuses, dont la mainlevée avait eu lieu antérieurement au dépôt de la requête, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 23 du règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013 ;

3°/ que lorsque le titulaire de la décision a reçu les informations visées à l'article 17, paragraphe 4, il est autorisé à les divulguer ou les utiliser aux fins d'engager une procédure visant à déterminer s'il a été porté atteinte à un droit de propriété intellectuelle ou les exploiter dans le cadre de ces procédures ; qu'à ce titre, le titulaire de la décision peut faire état de la lettre de notification des douanes de la retenue douanière, laquelle ne constitue aucune levée du secret et la produire à l'appui d'une demande en justice ultérieure ayant pour objet une mesure probatoire relative aux droits objet de la décision ; qu'en affirmant que la société Schneider Electric ne pouvait faire usage de la lettre de notification des douanes du 11 août 2015 et en en déduisant que sa requête en saisie-contrefaçon présentée le 17 septembre 2015 n'était pas fondée sur un motif légitime, la cour d'appel a violé l'article 21 du règlement (UE) ;

Mais attendu qu'après avoir reproduit les dispositions des articles 21 et 23 du règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013 qui prévoient, pour le premier, que le titulaire de la décision ne peut divulguer ou utiliser les informations relatives à une retenue douanière qu'aux fins, notamment, d'engager une procédure visant à déterminer s'il a été porté atteinte à un droit de propriété intellectuelle ou les exploiter dans le cadre de ces procédures et, pour le second, que les autorités douanières octroient la mainlevée des marchandises ou mettent fin à leur retenue immédiatement après l'accomplissement de toutes les formalités douanières, lorsque, dans les délais impartis, elles n'ont pas été dûment informées de l'ouverture d'une procédure visant à déterminer s'il a été porté atteinte à un droit de propriété intellectuelle, l'arrêt retient que ces règles de procédure, favorables au bénéficiaire de la retenue puisqu'elles vont jusqu'à la levée du secret douanier en sa faveur, ont pour contrepartie le respect d'un régime procédural strict obéissant à un calendrier déterminé, et qu'elles prévoient, de surcroît, des conditions précises d'obtention et d'utilisation des informations communiquées par les douanes, dérogatoires au secret professionnel auquel celles-ci sont soumises ; qu'il en déduit que les renseignements n'étant donnés que pour permettre l'engagement des actions en justice, ils ne peuvent être utilisés que dans ce cas et une fois remplies les conditions procédurales, notamment de délais ; qu'en cet état, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'a ni interdit par principe le recours à la procédure de saisie-contrefaçon de droit commun, ni censuré la production, au soutien de la requête, de la lettre de notification de la mise en retenue douanière, a retenu qu'après la mainlevée de cette dernière, la société Schneider Electric ne pouvait obtenir l'autorisation de procéder à la saisie-contrefaçon des documents relatifs à ladite retenue ; que le moyen, qui manque en fait en ses première et troisième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Schneider Electric SE aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Euro négoce B et J la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour la société Schneider Electric SE.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du 26 mai 2016 rétractant l'ordonnance du 17 septembre 2015 ayant autorisé une saisie-contrefaçon dans les locaux de douanes de Lyon Saint-Exupéry, ordonnant en conséquence la restitution immédiate de l'ensemble des pièces et documents saisis ainsi que la destruction immédiate de l'ensemble des copies de ces pièces et interdisant à la société Schneider Electric SE d'utiliser ou de rendre publics, notamment dans la procédure au fond engagée par assignation du 30 octobre 2015 devant le tribunal de grande instance de Paris, le procès-verbal de la saisie-contrefaçon menée en application de cette ordonnance ainsi que les pièces et documents saisis,

AUX MOTIFS QUE la société Euro Négoce soutient d'abord que la déloyauté de la société Schneider Electric qui n'a pas fait état du résultat de la retenue douanière qui l'a amenée à présenter sa requête et dont elle savait par ailleurs qu'elle aurait dû la solliciter avant la clôture de la retenue, justifie la rétractation de l'ordonnance qui y a fait droit, ainsi que l'ordonnance entreprise l'a retenu. Toutefois, il est constant que le juge, tenu d'apprécier les mérites d'une requête au regard des seules conditions susvisées de l'article 145 susvisé, doit seulement s'assurer de l'existence d'un motif légitime à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement, sans avoir à rechercher si les requérants auraient manqué à un devoir de loyauté dans l'exposé des faits. La société Euro Négoce soutient ensuite que la société Schneider Electric ne pouvait solliciter la saisie contrefaçon litigieuse au-delà du délai impératif prévu à l'article 23 du paragraphe 3 du règlement pour les marchandises extra-communautaires ou de l'article L 716-8 alinéa 4 du code de la propriété intellectuelle pour le droit interne, qui est de 20 jours ouvrables maximum à partir de la notification de la retenue en douane des marchandises, soit en l'espèce jusqu'au 5 septembre 2015, prorogé au 7 septembre 2015. Elle fait valoir que la société Schneider Electric reconnaît d'ailleurs dans la procédure au fond qu'elle « n'a pas pu (
.) entreprendre des mesures appropriées dans le délai de la retenue », ou encore qu'elle « n'a pas pu valider la retenue douanière à temps ». Elle en déduit que cet aveu judiciaire caractérise le détournement de procédure et justifie la rétractation de la requête qui est tardive, partant inutile s'agissant d'informations qu'il aurait été loisible à la société Schneider Electric d'obtenir des douanes sur le fondement de l'article 17 point 4 du règlement ou de l'article L 716-8 du code de la propriété intellectuelle. La société Schneider Electric soutient en revanche que dès lors qu'elle n'a ni sollicité ni validé la retenue préalable des marchandises objet de sa requête, celle-ci est autonome par rapport à la retenue douanière et n'est donc pas soumise à l'article 23 susvisé du règlement, ce d'autant qu'elle concerne des importations parallèles, mais seulement au droit commun de l'article L 716-7 du code de la propriété intellectuelle qui n'impose de délai que pour la saisine du juge du fond. Dans sa requête aux fins de saisie contrefaçon, la société Schneider Electric vise le règlement, en ses articles 17 et 19, relatifs à la retenue douanière de marchandises soupçonnées de porter atteinte aux droits de propriété intellectuels à la demande du titulaire des droits de marque et à la possibilité pour lui de les inspecter. Le procès-verbal de constat des services de la Douane de Lyon Saint-Exupéry confirment d'ailleurs que les marchandises retenues le 10 août 2015 comme susceptibles de contrefaire la marque Schneider Electric l'ont été u titre de l'article 17 du règlement, énonçant expressément : « la marque ayant déposé une demande d'intervention auprès de la direction générale des douanes
». La société Schneider Electric expose dans cette requête que : - elle est titulaire des marques communautaire et française susvisées, - les Douanes ont procédé le 10 août 2015 à la retenue douanière d'un lot de 10.715 pièces de matériels électriques présumées les contrefaire et lui ont communiqué huit photos dont deux sont reproduites, - l'analyse des marchandises retenues a révélé que ces marchandises provenaient de Turquie et n'avaient pas été mises dans le commerce dans l'Union européenne avec son consentement, - les faits visés constituent donc des actes de contrefaçon et d'usage illicite de marque, même s'il s'agit de produits authentiques, lesquels sont prohibés notamment par l'article 9 du règlement CE n° 207 /2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire et les articles L 717-1 et L 713-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle, - elle n'entend pas se prévaloir de l'infraction douanière mais en revanche et « en application de l'article 103 du règlement précité et de l'article L 716-7 du code de la propriété intellectuelle », elle est fondée « à faire procéder à la constatation légale de la matérialité, de l'origine et de l'étendue de ces actes de contrefaçon et ainsi à la description détaillée, avec prélèvement d'échantillons le cas échéant, de l'ampleur des agissements et de tout document s'y rapportant ». Sont versées à l'appui de la requête les notices relatives aux marques en cause, un extrait K bis de la société Schneider Electric, un procès-verbal d'AG du 6 mai 2014 attestant du changement de forme sociale de SA en SE et la lettre de notification des Douanes du 11 août 2015 et ses annexes. Il s'ensuit que la société Schneider Electric fonde sa requête aux fins de contrefaçon sur les éléments obtenus à la faveur de la retenue douanière litigieuse et que les éléments de preuve qu'elle s'estime fondée à recueillir se rapportent à cette retenue douanière, sans qu'elle justifie en quoi sa demande vise une communication plus large que celle de l'article 17 point 4 du règlement ou de l'article L 716-8 du code de la propriété intellectuelle. La société Schneider Electric ne peut donc utilement prétendre à l'autonomie de sa procédure de saisie-contrefaçon par rapport à cette retenue préalable des marchandises en cause, notamment quant au délai pour déposer une requête à cette fin. A cet égard, il importe peu que sa requête ne vise que des importations parallèles. En effet, d'une part, elle les considère comme des actes de contrefaçon qu'elle envisage de poursuivre en justice, d'autre part elle n'allègue ni ne justifie s'être heurtée au refus des douanes de lui fournir les informations visées à l'article 17 point 4 du règlement ou à l'article L 716-8 du code de la propriété intellectuelle, enfin elle se borne à affirmer qu'elle n'était pas en mesure de savoir s'il y avait lieu ou non d'engager une action en justice avant d'obtenir communication de ces informations complémentaires par ordonnance sur requête et qu'elle a été contrainte d'initier les mesures litigieuses postérieurement à la retenue. De même, il est inopérant qu'elle n'ait pas « validé » cette retenue, mais au contraire reconnu, à l'issue de l'inspection des marchandises retenues en application de l'article 19 susvisé, leur authenticité, dès lors qu'elle entend initier une procédure visant à déterminer s'il a été porté atteinte à un droit de propriété intellectuelle, telle que visée à l'article 23 du règlement ou qu'elle allègue la contrefaçon de ses marques telle que visée à l'article L 716-8 du code de la propriété intellectuelle. Enfin, il est indifférent que sa requête ne tende pas à la saisie réelle du stock de marchandises en cause, qu'il conviendrait de libérer au plus tôt mais ne vise qu'à une saisie descriptive avec prélèvement d'échantillon le cas échéant. En effet, la condition tenant au délai imparti pour initier une procédure visant à déterminer s'il a été porté atteinte à un droit de propriété intellectuelle, telle que visée à cet article 23 et reprise à l'article L 716-8 du code de la propriété intellectuelle, ne distingue pas entre saisie réelle ou saisie purement descriptive. Au demeurant, la raison d'être du délai ainsi imparti en droit de l'Union européenne et en droit interne n'est pas seulement de limiter la durée de retenue des marchandises au préjudice de leur détenteur au strict temps nécessaire aux constats utiles à l'établissement éventuel de la contrefaçon suspectée. Les règles de procédure fixées par le règlement, ou par l'article L 716-8, sont favorables au bénéficiaire de la retenue puisqu'elles vont jusqu'à la levée du secret douanier en sa faveur. Elles ont pour contrepartie le respect d'un régime procédural strict qui obéit à un calendrier précis. Elles prévoient de surcroît des conditions précises d'obtention et d'utilisation des informations par les Douanes dérogatoires au secret professionnel auquel celles-ci sont soumises (article 21 du règlement et L 716-8 du code de la propriété intellectuelle). De ce fait, la société Schneider Electric, titulaire d'une convention de retenue avec les services douaniers puisqu'elle fonde sa requête sur l'article 17 du règlement, soutient en vain que, si le délai imparti susvisé n'est pas respecté ou si les marchandises sont reconnues comme authentiques bien qu'ayant été mises dans le commerce dans l'Union européenne sans son consentement, seule la saisie est levée mais que les documents remis peuvent servir à initier une procédure en contrefaçon en dehors de tout délai, comme en l'espèce. Aucun élément en débat ne justifie utilement une telle autonomie de la procédure de saisie contrefaçon consécutive à une retenue douanière par rapport à cette dernière, alors même que la saisie-contrefaçon est un moyen de preuve strictement encadré, sous le contrôle du juge s'agissant d'une procédure dérogatoire au droit commun, en particulier quant au principe du contradictoire et au secret professionnel, qui tend à la recherche d'équilibre entre les droits du titulaire de la marque et ceux du détenteur des marchandises présumées les contrefaire, qui doit être mis en mesure de savoir à quoi s'en tenir à ce titre dans les meilleurs délais. Ainsi, si le saisissant en matière de saisie-contrefaçon n'agit pas dans le délai imparti , il perd le bénéfice de sa procédure et ne peut donc faire état d'aucune description ni d'aucun document saisi lors des opérations dans le cadre d'une action en contrefaçon engagée tardivement, ce d'autant que l'article 21 du règlement, comme le sixième alinéa de l'article 716-8 du code de la propriété intellectuelle, prévoit explicitement que les renseignements ne sont donnés que pour permettre l'engagement des actions en justice. Ils ne peuvent donc être utilisés que dans ce cas et une fois remplies les conditions procédurales, notamment de délais. La société Schneider Electric ne dispose donc pas d'un motif légitime à obtenir la saisie contrefaçon sollicitée des documents relatifs à la retenue après l'expiration du délai fixé par l'article 23 du règlement repris à l'article L 716-8 du code de la propriété intellectuelle. L'ordonnance entreprise doit donc encore être confirmée des chefs de la rétractation, par substitution de motifs, de la restitution des pièces et documents saisis et de l'interdiction d'utiliser ou de rendre public le procès-verbal de la saisie contrefaçon litigieuse (arrêt, p. 7 à 10)

1) ALORS QUE la contrefaçon peut être prouvée par tous moyens ; qu'à cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, des produits ou services prétendument contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant ; qu'elle est seulement tenue de se pourvoir au fond, par la voie civile ou pénale, dans le délai réglementaire ; qu'aucune autre condition que celle afférente à un droit sur la marque contrefaite n'est exigée par ce texte ; qu'en affirmant que la société Schneider Electric ne pouvait recourir à une saisie-contrefaçon motif pris de l'existence antérieure d'une retenue douanière dont il avait été donné mainlevée, qui lui interdirait de recourir à la procédure de saisie-contrefaçon de droit commun, la Cour d'appel a ajouté au texte une condition qu'il ne contient pas et a, partant, violé les dispositions de l'article L 716-7 du code de la propriété intellectuelle ;

2) ALORS QUE le bénéficiaire d'une retenue douanière n'est pas tenu de la valider ; qu'il peut, postérieurement au délai de retenue, et après mainlevée de celle-ci, procéder à une saisie-contrefaçon sur le fondement du droit commun dès lors que sont remplies les conditions posées par l'article L. 716-7 du code de la propriété intellectuelle ; qu'en affirmant que la société Schneider ne pouvait solliciter sur requête une saisie-contrefaçon de droit commun motif pris de ce qu'une retenue douanière avait auparavant été opérée sur les marchandises litigieuses, dont la mainlevée avait eu lieu antérieurement au dépôt de la requête, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 23 du règlement (UE) n° 608/2013 du 12 juin 2013 ;

3) ALORS QUE lorsque le titulaire de la décision a reçu les informations visées à l'article 17, paragraphe 4, il est autorisé à les divulguer ou les utiliser aux fins d'engager une procédure visant à déterminer s'il a été porté atteinte à un droit de propriété intellectuelle ou les exploiter dans le cadre de ces procédures ; qu'à ce titre, le titulaire de la décision peut faire état de la lettre de notification des douanes de la retenue douanière, laquelle ne constitue aucune levée du secret et la produire à l'appui d'une demande en justice ultérieure ayant pour objet une mesure probatoire relative aux droits objet de la décision ; qu' en affirmant que la société Schneider Electric ne pouvait faire usage de la lettre de notification des douanes du 11 août 2015 et en en déduisant que sa requête en saisie contrefaçon présentée le 17 septembre 2015 n'était pas fondée sur un motif légitime, la cour d'appel a violé l'article 21 du règlement (UE).


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-10272
Date de la décision : 18/12/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

PROPRIETE INDUSTRIELLE - Marques - Contentieux - Retenue douanière - Saisie-contrefaçon - Autorisation - Mainlevée de la retenue douanière - Portée

DOUANES - Retenue douanière - Mainlevée - Saisie-contrefaçon des documents relatifs à la retenue douanière - Autorisation - Possibilité (non)

Les règles de procédure prévues par les articles 21 et 23 du règlement (UE) n° 608/2013 du Parlement européen du 12 juin 2013, favorables au bénéficiaire d'une retenue douanière puisqu'elles vont jusqu'à la levée du secret douanier en sa faveur, ont pour contrepartie le respect d'un régime procédural strict obéissant à un calendrier déterminé, et prévoient, de surcroît, des conditions précises d'obtention et d'utilisation des informations communiquées par les douanes, dérogatoires au secret professionnel auquel celles-ci sont soumises. Il en résulte que les renseignements n'étant donnés que pour permettre l'engagement des actions en justice, ils ne peuvent être utilisés que dans ce cas et une fois remplies les conditions procédurales, notamment de délais. C'est donc à bon droit qu'une cour d'appel, sans interdire par principe le recours à la procédure de saisie-contrefaçon, a retenu qu'après la mainlevée de la retenue douanière, une société ne pouvait obtenir l'autorisation de procéder, dans les locaux des douanes, à la saisie-contrefaçon des documents relatifs à ladite retenue


Références :

Articles 21 et 23 du règlement (UE) n° 608/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 déc. 2019, pourvoi n°18-10272, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, SCP Hémery, Thomas-Raquin et Le Guerer

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.10272
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award