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14/11/2019 | FRANCE | N°18-20408

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 novembre 2019, 18-20408


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 626-5, alinéa 2, et R. 626-7, II du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société GDKS, mise en sauvegarde le 27 janvier 2016, a proposé un plan de sauvegarde prévoyant l'apurement de son passif par un paiement de 35 % des créances en principal le 1er septembre 2017 (option A) ou un paiement de 100 % des créances en 10 annuités (option B) ; que la société Le Crédit lyonnais (la banque), consultée sur

ces propositions de règlement par une lettre reçue le 20 décembre 2016, a répond...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 626-5, alinéa 2, et R. 626-7, II du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société GDKS, mise en sauvegarde le 27 janvier 2016, a proposé un plan de sauvegarde prévoyant l'apurement de son passif par un paiement de 35 % des créances en principal le 1er septembre 2017 (option A) ou un paiement de 100 % des créances en 10 annuités (option B) ; que la société Le Crédit lyonnais (la banque), consultée sur ces propositions de règlement par une lettre reçue le 20 décembre 2016, a répondu au mandataire judiciaire le 23 janvier 2017, en précisant opter pour l'option B ; que considérant que cette réponse était tardive, de sorte qu'était acquis l'accord de la banque pour un paiement de sa créance selon l'option A, le mandataire judiciaire a présenté le plan de sauvegarde au tribunal en précisant que la créance serait remboursée suivant cette option ; que cette modalité d'apurement a été reprise par le plan de sauvegarde adopté par un jugement du 1er mars 2017, auquel la banque a formé tierce-opposition en invoquant l'irrégularité de la lettre de consultation, au motif qu'elle n'était pas accompagnée d'un état de la situation passive et active de la société débitrice, comme l'exige l'article R. 627-6 du code de commerce ;

Attendu que pour rejeter cette tierce-opposition, l'arrêt retient que si une notification irrégulière ou incomplète peut avoir pour effet de ne pas faire courir le délai de 30 jours, c'est à la condition que l'irrégularité ou l'incomplétude portent sur des éléments déterminants qui auraient empêché le créancier de pouvoir valablement opter dans le délai requis, et que tel n'est pas le cas en l'espèce ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la notification au créancier d'une lettre de consultation à laquelle n'est pas joint l'un des documents exigés par l'article R. 626-7, II du code de commerce, ne fait pas courir le délai de réponse prévu par l'article L. 626-5, alinéa 2, du même code, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la tierce-opposition formée par la société Le Crédit lyonnais, l'arrêt rendu le 29 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne la société GDKS aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société Le Crédit lyonnais

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit mal fondée et d'avoir rejeté la tierce-opposition formée par la société LCL Crédit Lyonnais à l'encontre du jugement arrêtant le plan de redressement de la société GDKS ;

Aux motifs que « sur le bien-fondé du recours, il est établi que la banque LCL Le Crédit Lyonnais a été destinataire le 20 décembre 2016 du courrier daté de la veille émanant du mandataire judiciaire et adressé, par lettre recommandée avec accusé de réception, aux créanciers de la société GDKS en vue de les consulter sur le plan d'apurement proposé par celle-ci et adressé, par lettre recommandée avec accusé de réception, aux créanciers de la société GDKS en vue de les consulter sur le plan d'apurement proposé par celle-ci ; que conformément aux dispositions de l'article L. 626-5 du code de commercé il y était rappelé que le délai de réponse à la consultation était de 30 jours et que l'absence de réponse équivaudrait à une acceptation tacite de l'option A qui proposait le paiement de 35 % de la créance au 1er septembre 2017 et l'abandon du surplus ; qu'il est constant que la banque a répondu postérieurement à l'expiration du délai de 30 jours mais elle prétend que ce délai n'aurait pas couru en l'absence de notification régulière faisant valoir qu'il n'aurait pas été satisfait aux prescriptions de l'article R. 626-7 du code de commerce en ce qu'elles prévoient que sont joints à la lettre de consultation adressée par le mandataire 1° Un état de la situation active et passive avec ventilation du passif privilégié et du passif chirographaire, 2° L'ensemble des propositions relatives au règlement des dettes et l'indication des garanties offertes, 3° L'avis du mandataire judiciaire ainsi que des contrôleurs s'il en a été nommé ; que ce texte ne prévoit aucune sanction aux éventuelles irrégularités affectant le courrier de consultation et s'il peut néanmoins être soutenu qu'une notification irrégulière ou incomplète pourrait avoir pour effet de ne pas faire courir le délai de 30 jours c'est à la condition toutefois que l'irrégularité ou l'incomplétude portent sur des éléments déterminants qui auraient empêché le créancier de pouvoir valablement opter dans le délai requis ; qu'or en l'espèce, il a d'une part été rappelé que le courrier contenait en caractères gras la mention du délai pour répondre et les conséquences d'un défaut de réponse dans le délai indiqué ; que d'autre part le courrier mentionnait l'état du passif déclaré à titre chirographaire et échu ainsi que le passif à échoir et l'avis favorable du mandataire judiciaire ; qu'enfin, un courrier d'accompagnement de la société SARL GDKS était joint, il reprenait l'historique de la société, sa fonction de holding, ses difficultés, la nature de son passif et son détail en renvoyant à une pièce 1 correspondant à l'état des créances établi par le mandataire en juin 2016, l'évolution au cours de la période d'observation ainsi que les propositions complètes de règlement du passif ; qu'il s'évince de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la banque LCL Crédit Lyonnais, la notification opérée par le mandataire comportait bien l'essentiel des éléments nécessaires aux créanciers pour se déterminer sur le choix des options proposées et qu'ainsi elle a pu produire ses effets à l'égard de ce créancier qui, faute de réponse, s'est vu imposer, conformément à ce qui lui avait été précisé, l'acceptation tacite de l'option A ; qu'il conviendra en conséquence de rejeter la tierce-opposition qui n'est fondée » ;

1°) Alors que la consultation individuelle des créanciers sur les propositions d'apurement du passif a lieu par lettre recommandée avec avis de réception mentionnant la conséquence attachée par l'article L. 626-5 du code de commerce à un défaut de réponse dans un délai de trente jours ; qu'à cette lettre doivent être joints un état de la situation active et passive avec ventilation du passif privilégié et du passif chirographaire, l'ensemble des propositions relatives au règlement des dettes et l'indication des garanties offertes, ainsi que l'avis du mandataire judiciaire ; que l'omission de l'une de ces formalités prive de tout effet la consultation des créanciers s'agissant notamment de la présomption d'acceptation des propositions du plan par les créanciers n'ayant pas répondu dans un délai de trente jours ; qu'au cas présent, en retenant au contraire que l'irrégularité ou l'incomplétude de la consultation des créanciers ne pouvait être sanctionnée qu'à la condition que l'information omise présente un caractère déterminant empêchant le créancier de pouvoir valablement exercer son choix dans le délai requis, la cour d'appel a violé les articles R. 626-7, L. 626-5 et L. 626-18 du code de commerce ;

2°) Alors que, subsidiairement, la connaissance par le créancier consulté de la situation active du débiteur est déterminante pour le choix qu'il doit opérer entre les différentes propositions d'apurement du passif ; qu'en retenant en l'espèce, pour rejeter la tierce-opposition, que l'absence de communication au Crédit Lyonnais de l'état de la situation active du débiteur, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 626-7 du code de commerce, n'était pas déterminante, dès lors que la lettre de consultation comportait par ailleurs les autres éléments exigés par ce texte, cependant que cette circonstance privait le créancier de la possibilité d'apprécier les perspectives de remboursement de sa créance sur dix ans selon l'une des deux options proposées, et présentait dès lors pour lui un caractère déterminant, la cour d'appel a violé les articles R. 626-7, L. 626-5 et L. 626-18 du code de commerce ;

3°) Alors que, en toute hypothèse, en retenant, pour juger que l'information du créancier avait été suffisante pour lui permettre de se déterminer sur le choix des options proposées, que la lettre de consultation comportait, notamment, un courrier du débiteur exposant la nature de son passif et son détail en renvoyant à une pièce n° 1 correspondant à l'état de créances établi par le mandataire en juin 2016, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl. p. 8 in limine), si ladite pièce, qui n'était nullement mentionnée dans la lettre de consultation et qui ne figurait pas comme pièce jointe à la fin du courrier du débiteur, avait effectivement été jointe à la lettre de consultation reçue par le Crédit Lyonnais, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 626-7, L. 626-5 et L. 626-18 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-20408
Date de la décision : 14/11/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Sauvegarde - Plan de sauvegarde - Apurement du passif - Remises ou délais accordés - Consultation des créanciers - Lettre de consultation - Conditions de forme - Non-respect - Sanction - Détermination - Portée

La notification au créancier d'une lettre de consultation à laquelle n'est pas joint l'un des documents exigés par l'article R. 626-7, II, du code de commerce, ne fait pas courir le délai de réponse prévu par l'article L. 626-5, alinéa 2, du même code


Références :

articles L. 626-5, alinéa 2, et R. 626-7, II, du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 29 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 nov. 2019, pourvoi n°18-20408, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, Me Rémy-Corlay

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.20408
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