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11/07/2019 | FRANCE | N°18-16866

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 11 juillet 2019, 18-16866


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Numismatique et change de Paris du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la SCP Bourdel, Abgrall, Dray, Dejean de la Batie, Liva et Bouillot ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 février 2018), que, le 1er octobre 1996, la société Numismatique et change de Paris (NCP) a pris à bail commercial un local appartenant à la société Foncière de la Muette Brochant, qui, par acte du 14 décembre 2004, lui a délivré un congé avec refus de renouvell

ement et offre d'indemnité d'éviction à effet au 30 juin 2005 ; qu'en mai 2006, ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Numismatique et change de Paris du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la SCP Bourdel, Abgrall, Dray, Dejean de la Batie, Liva et Bouillot ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 février 2018), que, le 1er octobre 1996, la société Numismatique et change de Paris (NCP) a pris à bail commercial un local appartenant à la société Foncière de la Muette Brochant, qui, par acte du 14 décembre 2004, lui a délivré un congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction à effet au 30 juin 2005 ; qu'en mai 2006, ce local a été vendu à la société Castrum France et Cie, qui l'a elle-même cédé, par acte du 7 novembre 2013, à la société Rue de la Bourse 2 ; qu'un arrêt du 18 décembre 2013 a fixé l'indemnité d'éviction ; qu'une ordonnance du 2 avril 2014 a autorisé la société Rue de la Bourse 2, qui avait accepté de prendre à sa charge le paiement de l'indemnité d'éviction, à la consigner entre les mains d'un séquestre ; que, le 25 avril 2014, la société Rue de la Bourse 2 a notifié à la NCP le versement de cette indemnité et l'a mise en demeure de quitter les lieux dans un délai de trois mois ; que, le 10 juillet 2014, la NCP a assigné les sociétés Castrum France et Cie et Rue de la Bourse 2 en inopposabilité du versement de l'indemnité d'éviction par la société Rue de la Bourse 2 au séquestre ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Attendu que la NCP fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande ;

Mais attendu que le paiement par un tiers qui n'est pas subrogé dans les droits du créancier éteint la dette ; que la cour d'appel a constaté que la société Rue de la Bourse 2 avait versé à un séquestre, conformément aux dispositions de l'article L. 145-29 du code de commerce, l'indemnité due par la société Castrum France et Cie à la locataire ; qu'elle n'a pas constaté que la NCP ait soutenu qu'elle aurait eu un intérêt légitime à refuser ce paiement ; qu'il en résulte que le versement effectué par la société Rue de la Bourse 2 a éteint l'obligation de la société Castrum France et Cie ; que, par ces motifs substitués à ceux justement critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Numismatique et change de Paris aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Numismatique et change de Paris et la condamne à payer aux sociétés Castrum France et Cie et AEW Ciloger la somme globale de 5 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Delamarre et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société Numismatique et change de Paris

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Numismatique et Change de Paris de ses demandes en nullité et en inopposabilité de la vente du 7 novembre 2013 et en restitution subséquente des indemnités d'occupation versées par elle à la société Rue de La Bourse 2, ainsi que de ses demandes tendant à voir dire que la société Castrum France et Cie est seule débitrice de l'indemnité d'éviction qui sera due telle que son montant sera définitivement fixé, que le délai de trois mois prévu à l'article L. 145-29 du code de commerce n'a jamais commencé à courir à son encontre, qu'elle a droit au maintien dans les lieux aux conditions du bail expiré et que les dispositions de l'article L. 145-30 du code de commerce n'ont pas à s'appliquer, ainsi que de ses demandes en inopposabilité du versement de l'indemnité d'éviction par la société Rue de La Bourse 2 au séquestre et en nullité de la signification du 25 avril [indiqué mars par erreur] 2014 ;

AUX MOTIFS QUE « la société Numismatique et Change de Paris soutient également que l'acte notarié du 7 novembre 2013 serait nul car il fonde une opération de fraude à la loi, dont il constitue avec l'acte de cession de parts du 28 octobre 2013, l'un des éléments essentiels et indivisibles ; que selon elle, les modalités de financement de cette acquisition prévues à l'acte notarié du 7 novembre 2013 établissent que l'opération caractérise un montage fiscalement dénoncé : celui des centrales de trésorerie ; qu'elle se prévaut des articles 1131 et 1133 du code civil ;
qu'outre le fait que la fraude fiscale alléguée n'est pas démontrée, faute de préciser quel article du code des impôts serait violé, il n'est pas établi que l'acte de vente du 7 novembre 2013 aurait une cause illicite ;
que par ailleurs il convient de rappeler que l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 réformant le droit des obligations ne s'applique pas aux instances en cours introduites avant le 1er octobre 2016, si bien que la société Numismatique et Change de Paris ne peut fonder de demandes sur l'application des nouveaux textes ;
que dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Numismatique et Change de Paris de ses demandes en nullité de l'acte de vente du 7 novembre 2013 ainsi que de ses demandes en restitution » ;

1°/ ALORS QU'il appartient au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; que dans l'hypothèse où le demandeur n'a pas précisé le fondement juridique de sa demande, les juges du fond doivent examiner les faits sous tous leurs aspects juridiques conformément aux règles de droit qui leur sont applicables ; qu'ils doivent alors expliciter le fondement juridique de la demande dont ils sont saisis, à charge pour eux le cas échéant d'inviter les parties à s'expliquer contradictoirement sur les demandes présentées ; qu'en rejetant la demande en nullité de l'acte de vente du 7 novembre 2013 au motif que la fraude fiscale alléguée ne serait pas démontrée « faute de préciser quel article du code des impôts serait violé », la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE la recherche de déductions fiscales illégales entache d'illicéité la conclusion du contrat ; qu'en se bornant à retenir qu'« outre le fait que la fraude fiscale alléguée n'est pas démontrée, faute de préciser quel article du code des impôts serait violé, il n'est pas établi que l'acte de vente du 7 novembre 2013 aurait une cause illicite », sans s'expliquer sur le moyen par lequel la société Numismatique et Change de Paris faisait valoir que cette vente était la pierre angulaire d'un montage financier visant à alimenter une centrale de trésorerie en Belgique, processus dénoncé par la Direction des vérifications nationales et internationales au Ministère de l'économie et des finances, chargée d'enquêter sur les évasions de capitaux, puis à échapper au paiement de droits d'enregistrement au moyen d'une donation déguisée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du code civil, en sa rédaction applicable au litige ;

3°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la fraude consiste à commettre un acte d'apparence régulière dans le but de nuire aux intérêts d'autrui ; que la société Numismatique et Change de Paris faisait valoir que la vente du 7 novembre 2013 était un acte frauduleux en ce qu'il visait à contourner ses propres droits de locataire alors en pourparlers pour acquérir les locaux qu'elle louait depuis 44 ans ; qu'en se bornant à retenir que la fraude fiscale n'aurait pas été démontrée et qu'il n'aurait pas été « établi que l'acte de vente du 7 novembre 2013 aurait une cause illicite » (cf. arrêt p. 7 al. 6), n'entendant ainsi la notion de fraude que comme la violation d'un texte, qui pourrait être réprimée par elle-même, sans rechercher, comme elle y était invitée si la vente litigieuse n'avait pas été conclue dans le but de nuire à ses intérêts, de sorte qu'elle ne pouvait lui être opposée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe fraus omnia corrumpit.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Numismatique et Change de Paris de ses demandes tendant à voir dire que la société Castrum France et Cie est seule débitrice de l'indemnité d'éviction qui sera due telle que son montant sera définitivement fixé, que le délai de trois mois prévu à l'article L. 145-29 du code de commerce n'a jamais commencé à courir à son encontre, qu'elle a droit au maintien dans les lieux aux conditions du bail expiré, que les dispositions de l'article L. 145-30 du code de commerce n'ont pas à s'appliquer et d'avoir débouté la société Numismatique et Change de Paris de sa demande en inopposabilité du versement de l'indemnité d'éviction par la société Rue de La Bourse 2 au séquestre, ainsi que de ses demandes en inopposabilité du versement de l'indemnité d'éviction par la société Rue de La Bourse 2 au séquestre et en nullité de la signification du 25 avril [indiqué mars par erreur] 2014 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'acte de vente du 7 novembre 2013 intervenu entre la société Castrum France et Cie et la société Rue de La Bourse 2, contient la clause suivante : « le vendeur déclare qu'une procédure de refus de renouvellement de ce bail avec offre éventuelle d'indemnité d'éviction est actuellement en cours avec le locataire. (
) L'acquéreur s'engage à faire son affaire de la procédure en cours et le cas échéant à en assumer les obligations financières telles que les frais ultérieurs de procédure et le paiement d'une éventuelle indemnité d'éviction qui ne restera pas à la charge du vendeur » ; qu'ainsi que le soutient la société Castrum France et Cie, cette clause s'analyse non en une cession de dette, mais en une délégation imparfaite de paiement en application de l'article 1275 du code civil, laquelle n'opère pas novation et n'a pas à être acceptée par le créancier ; que dans ces conditions, cette délégation est opposable à la société Numismatique et Change de Paris et la société Rue de La Bourse 2 pouvait régler, aux lieu et place de la société Castrum France et Cie, la date d'indemnité d'éviction dont bénéficiait la société locataire ; qu'il s'ensuit que la séquestration de l'indemnité opérée par la société Rue de La Bourse 2 est valable de même que la notification par acte d'huissier en justice qui s'en est suivie ; qu'en conséquence il convient de débouter la société Numismatique et Change de Paris de ses demandes tendant à voir dire que la société Castrum France et Cie est seule débitrice de l'indemnité d'éviction, que le délai de trois mois de l'article L. 145-29 du code de commerce n'a pas commencé à courir, qu'elle a droit au maintien dans les lieux aux clauses et conditions du contrat expiré, que les dispositions de l'article L. 145-30 du code de commerce n'ont pas lieu de s'appliquer » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur la validité de l'acte d'huissier du 24 (lire 25) avril 2014 ; que délivré à la requête de la société Rue de La Bourse 2, l'acte litigieux a informé la société Numismatique de la consignation de l'indemnité d'éviction, lui a fait sommation de quitter les lieux dans un délai de 3 mois et lui a indiqué qu'à défaut de remise des clés dans le délai imparti, il serait restitué au bailleur 1% de l'indemnité d'éviction par jour de retard ; que la société Numismatique conteste la validité de cet acte aux motifs : que la société Rue de La Bourse 2 n'étant ni propriétaire du local occupé, ni débitrice de l'indemnité d'éviction elle ne pouvait mandater un huissier de justice pour signifier une sommation de quitter les lieux et le versement de l'indemnité d'éviction, que l'huissier a agi sans pouvoir, que l'acte est nul en application de l'article 117 du code de procédure civile ; sur ce sans même discuter de la propriété du local occupé ou de l'identité du débiteur de l'indemnité d'éviction, il demeure que l'acte litigieux a été pris à la requête de la société Rue de La Bourse 2 et en son nom ; qu'en saisissant l'huissier, la société Rue de La Bourse 2 lui a donné pouvoir pour délivrer des actes en son nom ; que l'irrégularité manque donc en fait ;
(
)
que la société Numismatique conclut à l'inopposabilité du versement fait par la société Rue de La Bourse 2 de l'indemnité d'éviction au séquestre ; que cependant un fait est opposable aux tiers ; que le versement litigieux est donc opposable à la société Numismatique » ;

1°/ ALORS QUE la délégation, même imparfaite, doit être acceptée par toutes les parties ; qu'en jugeant que la clause de l'acte de vente du 7 novembre 2013, aux termes de laquelle la société Rue de La Bourse 2 s'engageait à « faire son affaire de la procédure en cours [avec le locataire] et le cas échéant à en assumer les obligations financières telles que les frais ultérieurs de procédure et le paiement d'une éventuelle indemnité d'éviction qui ne restera pas à la charge du vendeur » s'analysait en une délégation imparfaite qui, en tant que telle, n'aurait pas eu à être acceptée par le créancier, de sorte que la séquestration de l'indemnité d'éviction par la société Rue de La Bourse 2 aurait pu être opposée à la société Numismatique et Change de Paris, la cour d'appel a violé l'article 1275 du code civil, en sa rédaction applicable en la cause ;

2°/ ALORS QUE si une obligation peut en principe être acquittée par un tiers, le créancier peut refuser le paiement fait par ce tiers si ce refus est dicté par un intérêt légitime ; qu'en retenant que la société Rue de La Bourse 2 pouvait régler aux lieu et place de la société Castrum la dette d'indemnité d'éviction dont bénéficiait la société locataire, pour en déduire que la séquestration de l'indemnité pourrait être opposée à la société Numismatique et Change de Paris, cependant que cette dernière, qui avait un intérêt légitime à refuser un tel paiement pour autrui compte tenu des conséquences qui s'y attachent par application du statut des baux commerciaux et qui a refusé cette substitution ne pouvait se voir opposer l'application de l'article 1236 du code civil, la cour d'appel a violé ce texte, en sa rédaction applicable au litige, par fausse application.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-16866
Date de la décision : 11/07/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 11 jui. 2019, pourvoi n°18-16866


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Delamarre et Jehannin, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.16866
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