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13/06/2019 | FRANCE | N°18-14653

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 13 juin 2019, 18-14653


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris,12 mars 2018), que N... J... est décédée le [...] des suites d'un cancer consécutif à son exposition à l'amiante au cours de sa vie professionnelle ; que ses enfants, Mme X... V... et M. P... J..., et ses petits enfants, M. L... V... et M. U... V..., alors mineur, représenté par ses parents, M. G... V... et Mme X... J... épouse V..., ont demandé au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) l'indemnisation des préjudic

es subis par N... J... avant son décès et de leur préjudice moral ; que le...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris,12 mars 2018), que N... J... est décédée le [...] des suites d'un cancer consécutif à son exposition à l'amiante au cours de sa vie professionnelle ; que ses enfants, Mme X... V... et M. P... J..., et ses petits enfants, M. L... V... et M. U... V..., alors mineur, représenté par ses parents, M. G... V... et Mme X... J... épouse V..., ont demandé au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) l'indemnisation des préjudices subis par N... J... avant son décès et de leur préjudice moral ; que le [...] , le FIVA a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice moral de M. U... V... considérée comme prescrite et qu'ils ont alors saisi la cour d'appel de Paris pour contester cette décision ;

Attendu que le FIVA fait grief à l'arrêt de dire que la demande d'indemnisation formée par M. U... V... représenté par M. G... V... et Mme X... J... épouse V..., au titre de son préjudice moral n'est pas prescrite, alors, selon le moyen, que suivant l'article 53, III bis de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, dans sa rédaction issue de l'article 92 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011, les droits à l'indemnisation des préjudices causés par l'amiante se prescrivent par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante ; que, faute pour le législateur d'avoir précisé les causes interruptives et suspensives inhérentes au nouveau régime de prescription qu'il a institué, ces dispositions doivent s'entendre comme ne modifiant pas, pour les créances publiques, les causes interruptives et suspensives prévues par la loi du 31 décembre 1968 ; qu'en énonçant cependant, pour décider que la prescription avait été suspendue pendant la minorité du demandeur, que, en modifiant complètement le régime de la prescription dans sa durée et dans ses points de départ pour les demandes des victimes auprès du FIVA, le législateur a entendu instaurer un régime spécifique et écarter l'application de la loi du 31 décembre 1968, quand bien même le FIVA est un établissement public doté d'un comptable public, au profit du régime de droit commun de la prescription civile, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 et l'article 2235 du code civil ;

Mais attendu qu'en introduisant, par la loi n° 2010-1954 du 20 décembre 2010, dans la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, un article 53, III bis, aux termes duquel les droits à indemnisation des préjudices concernés se prescrivent par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante, sauf exceptions qu'il énumère, et en décidant que ce délai de prescription s'applique immédiatement en tenant compte du délai écoulé depuis l'établissement du premier certificat médical mentionné à l'article précité, mais que ceux établis avant le 1er janvier 2004 sont réputés l'avoir été à cette date, le législateur a entendu évincer le régime spécial de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissement publics, aucune demande de réparation du préjudice des victimes de l'amiante n'étant soumise à la prescription quadriennale que cette loi prévoit, pour lui substituer le régime de prescription de droit commun, ainsi aménagé ; qu'il en résulte que les causes de suspension et d'interruption de la prescription prévues par ladite loi ne sont pas applicables à ces demandes ; que dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel a écarté les dispositions de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 et a fait application des articles 2240 à 2242 du code civil pour décider que la demande d'indemnisation du préjudice moral de M. U... V... n'était pas prescrite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. U... V... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR dit que la demande d'indemnisation formée par M. U... V... représenté par M. G... V... et Mme X... J... épouse V..., au titre de son préjudice moral n'est pas prescrite et qu'elle est recevable et alloué à M. U... V..., représenté par M. G... V... et Mme X... J... épouse V..., la somme en principal de 3 300 euros en indemnisation de son préjudice moral ;

AUX MOTIFS QUE « les parties sont d'accord pour fixer le point de départ du délai de prescription décennale au 5 décembre 2006, date du certificat médical établissant le lien de causalité entre le décès de Mme N... J... et sa pathologie liée à son exposition à l'amiante ; que les consorts J... soutiennent que la prescription décennale est suspendue pendant le temps de la minorité de M. U... V..., ce que le FIVA conteste en opposant les règles de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ; que les consorts J... soutiennent que le délai décennal de prescription est soumis aux règles de droit commun régies notamment par le code civil dès lors que la loi du 20 décembre 2010, en instaurant une prescription de dix ans, a entendu écarter l'application de la loi du 31 décembre 1968 ; que le FIVA considère que le régime de prescription applicable, du fait qu'il est un établissement public doté d'un comptable public, ressort de la loi du 31 décembre 1968 et que la loi du 20 décembre 2010 s'est bornée à modifier le délai de prescription sans rien apporter sur le régime de l'interruption ou de la suspension de cette prescription ; que les victimes d'une maladie liée à une exposition à l'amiante tiennent leur droit à réparation directement de l'article 53 de la loi 2000-1257 du 23 décembre 2000 ; que cet article instaurait initialement un délai de prescription de ces droits à indemnisation de quatre ans pour tenir compte de la loi du 31 décembre 1968 sur les créances à l'encontre des personnes publiques ; qu'il a été modifié par l'article 92 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 qui dispose désormais que les droits à indemnisation des préjudices liés à l'exposition à l'amiante se prescrivent par dix ans ; que l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000, dans sa version initiale, appliquait au FIVA, établissement public national doté d'un comptable public, le régime spécifique à ce type d'établissement prévu par l'article 1 de la loi du 31 décembre 1968 sur les créances à l'encontre des personnes publiques ; qu'en particulier, le point de départ de la prescription obéissait aux règles de ladite loi, c'est à dire qu'il était fixé au premier janvier de l'année suivant la date à laquelle le droit était acquis et non à la date de la consolidation ; que la loi n°2010-1594 du 20 décembre 2010 a modifié l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 non seulement en portant le délai de prescription à dix ans afin d'aligner le délai pour les victimes sur celui de l'article 2226 du code civil mais aussi en modifiant, de manière spécifique, les points de départ de ladite prescription de la demande d'indemnisation puisque, désormais, le délai court à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante, à compter de la date de constatation de l'aggravation en lien de causalité avec l'exposition à l'amiante et, comme en l'espèce, à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre le décès et cette exposition ; qu'en modifiant complètement le régime de la prescription dans sa durée et dans ses points de départ pour les demandes des victimes auprès du FIVA, le législateur a entendu instaurer un régime spécifique et écarter l'application de la loi du 31 décembre 1968, quand bien même le FIVA est un établissement public doté d'un comptable public, au profit du régime de droit commun de la prescription tel qu'il est régi par les articles du code civil ; que c'est donc à tort que le FIVA soutient que le régime de la prescription tel qu'il est régi par la loi du 31 décembre 1968 en ses articles 2 et 3 est applicable en l'espèce d'autant qu'il admet que le point de départ de la prescription est le 5 décembre 2006, date à laquelle le décès de Mme N... J... a été établi comme étant en lien de causalité avec sa pathologie liée à son exposition à l'amiante conformément à l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 modifié par la loi du 20 décembre 2010 ; qu'en droit commun, et en application de l'article 2235 du code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue contre les mineurs non émancipés ; que M. U... V... est né le [...] ; que, dès lors, le délai de prescription ne commencera à courir que le 24 juin 2018, date à laquelle il aura acquis sa majorité ; que sa demande d'indemnisation est donc recevable ; que, pour autant, les consorts J... ne produisent aux débats aucun élément pertinent permettant de majorer l'offre du FIVA, dans ses dernières écritures à titre subsidiaire, à hauteur de 3 300 euros en indemnisation du préjudice moral de M. U... V..., le préjudice d'accompagnement n'étant pas démontré ; qu'il n'y a donc pas lieu de majorer cette offre » ;

ALORS QUE, suivant l'article 53, III bis de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, dans sa rédaction issue de l'article 92 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011, les droits à l'indemnisation des préjudices causés par l'amiante se prescrivent par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante ; que, faute pour le législateur d'avoir précisé les causes interruptives et suspensives inhérentes au nouveau régime de prescription qu'il a institué, ces dispositions doivent s'entendre comme ne modifiant pas, pour les créances publiques, les causes interruptives et suspensives prévues par la loi du 31 décembre 1968 ; qu'en énonçant cependant, pour décider que la prescription avait été suspendue pendant la minorité du demandeur, que, en modifiant complètement le régime de la prescription dans sa durée et dans ses points de départ pour les demandes des victimes auprès du FIVA, le législateur a entendu instaurer un régime spécifique et écarter l'application de la loi du 31 décembre 1968, quand bien même le FIVA est un établissement public doté d'un comptable public, au profit du régime de droit commun de la prescription civil, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 et l'article 2235 du code civil.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 mars 2018


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 2e, 13 jui. 2019, pourvoi n°18-14653

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Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 2
Date de la décision : 13/06/2019
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18-14653
Numéro NOR : JURITEXT000038674724 ?
Numéro d'affaire : 18-14653
Numéro de décision : 21900838
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2019-06-13;18.14653 ?
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