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07/05/2019 | FRANCE | N°17-27768

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 mai 2019, 17-27768


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un groupement momentané d'entreprises composé des sociétés Numericâble, LD Collectivités et Eiffage, devenu la société Sequalum SAS, a conclu en 2008 avec le département des Hauts-de-Seine une convention de délégation de service public portant sur la construction et l'exploitation d'un réseau départemental de télécommunications à très haut débit par fibre optique ; que la société Sequalum SAS ayant entrepris le déploiement de ce réseau, la société Orange l'

a assignée en soutenant qu'elle occupait, sans droit ni titre, des infrastructur...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un groupement momentané d'entreprises composé des sociétés Numericâble, LD Collectivités et Eiffage, devenu la société Sequalum SAS, a conclu en 2008 avec le département des Hauts-de-Seine une convention de délégation de service public portant sur la construction et l'exploitation d'un réseau départemental de télécommunications à très haut débit par fibre optique ; que la société Sequalum SAS ayant entrepris le déploiement de ce réseau, la société Orange l'a assignée en soutenant qu'elle occupait, sans droit ni titre, des infrastructures lui appartenant et en demandant l'indemnisation de son préjudice financier pour la période comprise entre le début de ce déploiement et la date d'effet de la résiliation de la délégation de service public qui lui avait été concédée ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter les demandes de la société Orange, l'arrêt retient que, si la société Sequalum SAS ne conteste pas avoir, dans le cadre de la délégation de service public qui lui avait été consentie, utilisé les installations techniques de la société Orange en s'adossant au droit d'usage détenu par la société Numéricâble, aux droits de laquelle elle se trouve, les documents produits aux débats par la société Orange elle-même établissent que cette société n'a ni soutenu ni admis avoir déployé ex nihilo et sans autorisation des fibres optiques dans le réseau civil de la société Orange en dehors du périmètre géographique des réseaux cédés entre 1999 et 2004 à cette dernière société, "aux droits de laquelle elle se trouve" ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi les documents qu'elle citait étaient pertinents sur ce point, ni dire à quel titre la société Sequalum SAS était venue aux droits de la société Numéricâble, ce qui était contesté, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter les demandes de la société Orange, l'arrêt retient que, si la société Sequalum SAS ne conteste pas avoir, dans le cadre de la délégation de service public qui lui a été consentie, utilisé les installations techniques de la société Orange en s'adossant aux droits d'usage détenus par la société Numéricâble, aux droits de laquelle elle se trouve, les documents produits aux débats établissent que cette société n'a ni soutenu, ni admis avoir déployé, ex nihilo et sans autorisation, des fibres optiques dans le réseau civil de la société Orange en dehors du périmètre géographique des réseaux cédés entre 1999 et 2004 à cette dernière société, aux droits de laquelle elle se trouve ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la société Sequalum SAS prétendait qu'elle tenait de la société Numéricâble le droit de déployer des fibres optiques, ce dont il résultait que les parties étaient d'accord sur le fait que la société Sequalum SAS avait développé un réseau dans les infrastructures de génie civil affectés aux réseaux cédés, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Sequalum SAS aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Orange la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Orange

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif d'avoir débouté la société Orange de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que la société Sequalum a engagé sa responsabilité en occupant, de 2010 à 2015, sans aucun droit ni titre et sans bourse délier les infrastructures de génie civil appartenant à la société Orange et à ce que la société Sequalum soit condamnée à payer à la société Orange la somme de 4.038.914,88 euros sauf à parfaire, en réparation du préjudice financier subi par la société Orange à raison de cette occupation illicite ;

aux motifs que « la cour est saisie d'une demande d'indemnisation de préjudice financier, prétendument subi par la société Orange anciennement dénommée France Telecom, opérateur historique de télécommunications, par suite de l'occupation estimée sans droit ni titre par la société Sequalum du réseau d'infrastructures de génie civil occupant le domaine public qui lui appartient, la société Sequalum ayant bénéficié jusqu'au 30 juin 2015 d'une délégation de service public consentie par le département des Hauts-de-Seine pour la construction et l'exploitation d'un réseau de communications électroniques à très haut débit par fibres optiques destiné à l'ensemble des 36 communes de ce département ; (
) c'est à tort qu'au vu des éléments d'appréciation qui leur avaient été soumis, les premiers juges ont retenu qu'une occupation sans droit ni titre du génie civil de la société Orange dans le département des Hauts-de-Seine peut être imputée à la société Sequalum. S'il est exact que la société Sequalum ne conteste pas avoir dans le cadre de la délégation de service public qui lui a été consentie, utilisé les installations techniques de la société Orange en s'adossant au droit d'usage détenu par la société Numéricâble aux droits de laquelle elle se trouve, les documents produits aux débats par la société Orange elle-même établissent que cette société n'a ni soutenu ni admis avoir déployé ex nihilo et sans autorisation des fibres optiques dans le réseau civil de la société Orange en dehors du périmètre géographique des réseaux cédés entre 1999 et 2004 à cette dernière société aux droits de laquelle elle se trouve – voir côte 36 du dossier de la société Orange. La société Orange ne justifie aucunement de la réalité contraire, par quelqu'élément de preuve que ce soit. Le procès-verbal de constat du 31 janvier 2017 établi à sa demande – voir côte 39 du dossier de la société Orange, n'est en effet de ce point de vue, nullement opératoire compte tenu de ses énonciations succinctes, partielles et strictement techniques et partant, non significatives. Ce constat reprend seulement les allégations de la société requérante (Orange) et ne fait que prendre acte de la présence de câbles, sans permettre de déduire que ces derniers établissent, d'une manière ou d'une autre, la matérialité d'une occupation sans droit ni titre de la société Sequalum. Les documents que la société Orange soumet par ailleurs aux débats démontrent à l'inverse qu'elle cherche à obtenir de son adversaire «l'ensemble des éléments de nature à lui permettre d'appréhender l'emprise exacte de l'occupation du réseau déployé dans son génie civil par la société Sequalum » (voir côte 36). La demande de production de pièces présentée au magistrat de la mise en état était de même nature. Ce faisant, la société Orange opère un renversement de la charge de la preuve qui ne saurait dans ces conditions lui ouvrir droit à quelque indemnisation que ce soit. Les contrats des 6 mai 1999, 18 mai 2001, 2 juillet et 21 décembre 2004 comprennent chacun des clauses et annexes techniques détaillant les conditions d'accès et les droits d'intervention et de modification voire d'extension des réseaux cédés à la société Numéricâble, en déployant notamment de la fibre optique (voir côte 1 du dossier de la société Sequalum pp.6 et 18 « que ce soit pour les réseaux jusqu'à la date de mise en service ou pour les réseaux rénovés pendant une durée de 20 ans à compter de la date d'effet, FT [France Telecom] accorde à l'acquéreur, pour chaque site, un droit de passage dans ses installations et des conditions de maintenance et d'interventions techniques sur ces installations ». « Ce droit d'occupation est lié à la qualité de propriétaire [de l'acquéreur] sur les installations concernées » ; - voir côte 2 p. 3 à 5 et p.11) « pour le prix forfaitaire et pendant une durée de 20 ans à compter de la date des présentes, FT consent [à l'acquéreur] le droit d'occuper les installations de génie civil de FT nécessaires pour assurer le maintien et exercer la maintenance des infrastructures existantes ou assimilées » ; « A l'intérieur des zones cerclées, [l'acquéreur] pourra également occuper les installations de génie civil de FT pour redéployer et étendre les infrastructures de son réseau de vidéocommunications et de télécommunications (
) conformément au cahier des charges annexé » ; « les droits et prestations garanties par FT en vertu de la présente convention, de son cahier des charges et de ses annexes pourront être librement cédés ou transférés par [l'acquéreur] (
) ; - voir côtes 3 et 4, pp.8, 13, 15, 20 et 21. Il n'est enfin, ni soutenu, ni établi, s'agissant des déploiements qui ont pu être réalisés ex nihilo que les termes des offres « GC Fttx » ou « GC BLO » présupposant qu'il soit demandé à la société Orange l'accès à ses infrastructures n'ont pas été respectés. Les premiers juges ont au demeurant rappelé que les deux parties reconnaissent que la société Sequalum passe des commandes d'accès au génie civil de la société Orange en conformité avec ses offres pour les zones géographiques non couvertes par les contrats de cession et leurs avenants du 12 décembre 2011» ;

alors 1/ que tout jugement doit être motivé; qu'en considérant que la société Sequalum viendrait aux droits de la société Numéricâble, ce que contestait la société Orange, sans motiver sa décision sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

alors 2/ que tout jugement doit être motivé ; qu'en se bornant, pour estimer que l'occupation sans droit ni titre des infrastructures de génie civil de la société Orange par la société Sequalum ne serait pas établie, à relever que les contrats des 6 mai 1999, 18 mai 2001, 2 juillet et 21 décembre 2004 comprennent des clauses et annexes techniques détaillant les conditions d'accès et les droits d'intervention et de modification voire d'extension des réseaux cédés à la société Numéricâble, puis à citer, hors de leur contexte contractuel, quelques phrases éparses et ne correspondant pas aux références qu'elle a indiquées, de sorte qu'il est impossible d'identifier les conventions dont elles sont issues et les clauses précises auxquelles elles correspondent, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

alors 3/ qu'il n'est pas permis au juge de dénaturer les termes du litige ; que la société Orange faisait valoir que la société Sequalum avait, de 2010 à 2015, occupé sans droit ni titre ses infrastructures de génie civil, y compris celles affectées aux réseaux cédés par les contrats de 1999, 2001 et 2004 et acquis par la société Numéricâble et que la société Sequalum prétendait qu'elle disposait du droit de poser ou faire poser des câbles en fibre optique en suivant le parcours des réseaux cédés par ces contrats, de sorte que les parties étaient d'accord sur le fait que la société Sequalum avait déployé un réseau dans les infrastructures de génie civil affectées aux réseaux cédés par les contrats de 1999, 2001 et 2004 ; qu'en considérant que la société Orange n'aurait pas justifié de ce que la société Sequalum avait déployé son réseau hors du périmètre des réseaux cédés, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

alors 4/ qu'il était constant et acquis au débat qu'aux termes des contrats de 1999, 2001 et 2004, le droit d'accès et d'occupation du génie civil de la société Orange était accessoire à la cession des anciens réseaux câblés, donc indissociable de la propriété de ces réseaux et que la société Numéricâble n'avait pas cédé ou transféré à la société Sequalum les réseaux acquis par ces contrats ; qu'en considérant que l'occupation sans droit ni titre des infrastructures de génie civil de la société Orange par la société Sequalum ne serait pas établie, après avoir constaté que la société Sequalum avait utilisé les installations techniques de la société Orange en s'adossant au droit d'usage de la société Numéricâble, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

alors 5/ en toute hypothèse qu'en considérant que l'occupation sans droit ni titre de la société Sequalum ne serait pas établie, après avoir constaté que selon les contrats de 1999, 2001 et 2004, le droit d'accès et d'occupation du génie civil de la société Orange était lié à la qualité de propriétaire des réseaux cédés par la société France Télécom et que la société Sequalum avait utilisé de telles infrastructures sans constater qu'elle en était propriétaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige ;

alors 6/ qu'il n'est pas permis aux juges de dénaturer les termes d'un contrat ; que l'annexe 1 au protocole d'accord du 6 mai 1999 « convention 1G » stipulait en sa quatrième partie que « ce droit d'occupation est lié à la qualité de propriétaire de « société » sur les installations concernées. Il peut être transféré à toute personne physique ou morale en cas de cession à un tiers de ces installations » ; qu'en se bornant à retenir qu'il était stipulé que « ce droit d'occupation est lié à la qualité de propriétaire de « société » sur les installations concernées », pour considérer que ne serait pas établie l'occupation sans droit ni titre, par la société Sequalum, des infrastructures de génie civil de la société Orange, sans constater que les réseaux acquis par la société Numéricâble grâce aux contrats de 1999, 2001 et 2004 auraient été cédés à la société Sequalum, la cour d'appel a dénaturé par omission l'article 1 de la quatrième partie de l'annexe 1 à la convention 1G en violation de l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

alors 7/ qu'il n'est pas permis aux juges de dénaturer un contrat ; qu'il était stipulé « FT [la société France Télécom] consent à Rapp 16 [aux droits de laquelle est venue la société Numéricâble] le droit d'occuper les installations de génie civil de FT [la société France Télécom] nécessaires pour assurer le maintien et exercer la maintenance des infrastructures existantes ou assimilées (
) » (contrat de génie civil Rapp 16, p. 4 in fine); que la cour d'appel a constaté que la société Sequalum avait utilisé les installations de génie civil de la société Orange pour déployer un réseau de fibres optiques distinct des anciens réseaux câblés acquis par la société Numéricâble ; qu'en considérant que ne serait pas établie l'occupation sans droit ni titre, par la société Sequalum, des infrastructures de génie civil de la société Orange, la cour d'appel a dénaturé les stipulations claires et précises de l'article 3 du contrat de génie civil Rapp 16, en violation de l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.


Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 18 juillet 2017


Publications
Proposition de citation: Cass. Com., 07 mai. 2019, pourvoi n°17-27768

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Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Formation : Chambre commerciale
Date de la décision : 07/05/2019
Date de l'import : 29/12/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17-27768
Numéro NOR : JURITEXT000038488707 ?
Numéro d'affaire : 17-27768
Numéro de décision : 41900357
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2019-05-07;17.27768 ?
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