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11/04/2019 | FRANCE | N°18-15589

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 11 avril 2019, 18-15589


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 145 et 493 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que se plaignant d'agissements déloyaux commis par la société Sapelli interim, la société DLSI, venant aux droits de la société EMO France, a saisi un président d'un tribunal de commerce à fin de voir désigner un huissier de justice pour effectuer diverses mesures sur requête ; que la requête ayant été accueillie, la société Sapelli interim en a demandé la rétractation

et restitution des pièces par la SCP Etude O... R..., huissier de justice ;

Attendu qu...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 145 et 493 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que se plaignant d'agissements déloyaux commis par la société Sapelli interim, la société DLSI, venant aux droits de la société EMO France, a saisi un président d'un tribunal de commerce à fin de voir désigner un huissier de justice pour effectuer diverses mesures sur requête ; que la requête ayant été accueillie, la société Sapelli interim en a demandé la rétractation et restitution des pièces par la SCP Etude O... R..., huissier de justice ;

Attendu que pour rétracter l'ordonnance rendue sur requête et ordonner la restitution de l'intégralité des documents saisis, l'arrêt retient que la requête se contente de se référer au contexte, lequel constitue l'exposé des indices d'une concurrence déloyale, dont s'est prévalue la société DLSI à l'appui de sa demande de mesure d'instruction, sans pour autant contenir d'éléments propres au cas d'espèce justifiant la dérogation à la procédure contradictoire ou de démonstration de cette nécessité ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la société DLSI avait exposé dans sa requête un contexte laissant craindre une concurrence déloyale et que le risque de dissimulation des preuves recherchées était motivé par renvoi à ce contexte, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme l'ordonnance du président du tribunal commerce de Lyon du 24 novembre 2016 ;

Condamne la société Sapelli interim aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société DLSI et à la SCP Etude O... R... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze avril deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société DLSI et la société Etude O... R...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rétracté l'ordonnance rendue le 24 novembre 2016 sur requête par le président du tribunal de commerce de Lyon et d'avoir ordonné la restitution de l'intégralité des documents saisis par la SCP O... R... ;

AUX MOTIFS QU'il convient de rappeler que les mesures d'instruction nécessaires à la manifestation de la vérité visées à l'article 145 du code de procédure civile doivent, en principe, suivre une procédure contradictoire, en référé ; que ce n'est que par exception, lorsque les circonstances exigent que la mesure demandée ne soit pas prise contradictoirement, qu'elle peut l'être sur requête en application de l'article 493 du code de procédure civile ; que le juge, saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure d'instruction sur le fondement de ce texte est tenu d'apprécier au jour où il statue les mérites de la requête et doit s'assurer de l'existence d'un motif légitime à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement ; que la requête comme l'ordonnance doivent donc expliciter les circonstances propres au cas d'espèce susceptibles de justifier qu'il soit procédé non contradictoirement ; qu'en l'espèce, si la requête fait état d'un contexte laissant craindre une concurrence déloyale et de développements circonstanciés sur le motif conduisant la société EMO à solliciter une mesure d'instruction, s'agissant des éléments propres susceptibles de fonder une dérogation au contradictoire, elle se contente de mentionner « compte-tenu du contexte, il est indispensable que la mesure sollicitée revête un caractère de surprise qui conditionne son efficacité puisqu'il est à craindre que le respect du contradictoire conduirait Mme I... et/ou la société Sapelli intérim à dissimuler le contenu des pièces sollicitées sachant qu'elles seraient de nature à engager leur responsabilité à l'égard de la société EMO France » ; que le contexte ainsi visé constitue l'exposé des indices d'une concurrence déloyale dont se prévaut la société EMO France à l'appui de sa demande de mesure d'instruction, sans pour autant contenir d'éléments propres au cas d'espèce justifiant la dérogation à la procédure contradictoire ou de démonstration de cette nécessité ; que l'ordonnance, qui ne peut en tout état de cause pallier l'insuffisance de motivation sur ce point, se borne à viser la requête, les pièces jointes et la précédente ordonnance du 16 septembre 2016, laquelle n'a été ni signifiée ni exécutée et ne fait pas état de circonstances autres de nature à justifier cette dérogation ; que les faits circonstanciés dont fait état le premier juge pour rejeter la demande de rétractation concernent le motif légitime visé par l'article 145 du code de procédure civile par la société EMO mais sont inopérants à légitimer la dérogation au principe du contradictoire ; qu'il convient donc de réformer l'ordonnance et, sans avoir à examiner la légitimité du motif invoqué par la société EMO France à l'appui de sa demande d'instruction, de rétracter l'ordonnance rendue le 24 novembre 2016 par le président du tribunal de commerce de Lyon ; que cette rétractation rend sans fondement juridique les mesures exécutées sur le fondement de l'ordonnance. Il convient donc de constater la nullité de ces mesures et d'ordonner la restitution de l'intégralité des documents saisis par la SCP O... R... dans les quinze jours de la présente décision, avec établissement d'un procès-verbal par l'huissier de restitution ;

ALORS QUE les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées sur requête dès lors que le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ; que les circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire pour l'obtention d'une mesure probatoire avant tout procès doivent être établies par la requête et l'ordonnance ; que la cour d'appel a constaté que la requête, à laquelle renvoyait l'ordonnance sur requête du 24 novembre 2016, indiquait que « compte-tenu du contexte », qui était celui d'une possible action en concurrence déloyale, « il était indispensable que la mesure sollicitée revêtît un caractère de surprise qui conditionnait son efficacité puisqu'il était à craindre que le respect du contradictoire conduirait Mme I... et/ou la société Sapelli intérim à dissimuler le contenu des pièces sollicitées sachant qu'elles seraient de nature à engager leur responsabilité à l'égard de la société EMO France » ; qu'en jugeant néanmoins que la requête et l'ordonnance ne démontraient ni ne prenaient en compte des éléments propres au cas d'espèce justifiant la dérogation à la procédure contradictoire, tandis que la requête faisait précisément état d'un risque de dissimulation, par la société Sapelli intérim ou par Mme I..., des éléments de preuve recherchés, en cas de respect du contradictoire, privant la société EMO France de la possibilité de rapporter la preuve de la concurrence déloyale mise en oeuvre à son préjudice dans le cadre du procès à engager contre la société Sapelli intérim et Mme I... pour établir la responsabilité de ces dernières, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 145 et 493 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-15589
Date de la décision : 11/04/2019
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 20 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 11 avr. 2019, pourvoi n°18-15589


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.15589
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