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27/03/2019 | FRANCE | N°17-23374

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 mars 2019, 17-23374


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 juin 2017), que M. K... a été engagé à compter du 16 octobre 2000 en qualité de chef de produit junior, position cadre, par la société Boucheron ; que son contrat comportait une convention de forfait en jours ; qu'ayant été licencié, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes se rapportant à l'exécution de son contrat de travail ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le cond

amner à verser au salarié un rappel de salaires au titre des heures supplémentaire...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 juin 2017), que M. K... a été engagé à compter du 16 octobre 2000 en qualité de chef de produit junior, position cadre, par la société Boucheron ; que son contrat comportait une convention de forfait en jours ; qu'ayant été licencié, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes se rapportant à l'exécution de son contrat de travail ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser au salarié un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires outre les congés payés afférents alors, selon le moyen, que le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité d'une convention de forfait en jours, qui peut être engagée lorsque la convention est prévue par un accord collectif dont les stipulations n'assurent pas la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, est constitué par la signature de la convention de forfait ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que la demande du salarié pour voir constater que sa convention de forfait en jours était nulle n'était pas prescrite, après avoir relevé que la clause litigieuse avait continué à régir la relation contractuelle jusqu'au licenciement du salarié ; qu'en jugeant ainsi que le délai de prescription d'une action en nullité d'une convention de forfait en jours ne courait pas tant que cette convention était en vigueur, la cour d'appel a violé les articles L. 1471-1 du code du travail et 1304 du code civil dans leur version applicable au litige ;

Mais attendu que le salarié, dont la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires n'est pas prescrite, est recevable à contester la validité de la convention de forfait annuel en jours stipulée dans son contrat de travail ;

Et attendu qu'ayant constaté que la demande de rappel d'heures supplémentaires se rapportait à une période non prescrite, la cour d'appel en a exactement déduit que le salarié était recevable à contester la validité de la convention de forfait annuel en jours contenue dans son contrat de travail ;

D'où il suit que le moyen, qui en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation, n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; qu'en l'espèce, en jugeant que l'accord collectif du 15 mars 2000, auquel renvoyait le contrat de travail, se limitait à prévoir dans son article 3.2.2 que les jours travaillés et les jours de repos devaient faire l'objet d'un décompte à partir d'un état mensuel mis en place et conservé trois ans par la DRH, de sorte qu'elles ne garantissaient pas que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, sans rechercher si l'article 3.2.3 de cet accord, intitulé « Suivi de la réduction du temps de travail des cadres autonomes » ne prévoyait pas par ailleurs que « l'organisation du travail, l'amplitude des journées de travail et la charge de travail qui en résulte feront l'objet d'un suivi par la hiérarchie des cadres concernés de telle sorte, notamment, que soient respectées les dispositions relatives au repos quotidien, au nombre de jour de travail maximum et à la durée minimale du repos hebdomadaire », ce qui était de nature à garantir le respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, de l'article L. 3121-45 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, interprété à la lumière de l'article 17, §§ 1 et 4, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et de l'article 3.2.3 de l'accord du 15 mars 2000 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'employeur n'avait assuré aucun suivi de la charge de travail du salarié, faisant ainsi ressortir qu'il n'avait pas respecté les dispositions de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Boucheron

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR condamné la société Boucheron à verser à M. K... la somme de 164.532,75 euros à titre d'heures supplémentaires ;

AUX MOTIFS QUE sur la convention individuelle de forfait : toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; qu'en l'espèce, le contrat de travail vise expressément la convention de forfait jours et renvoie aux dispositions de l'article 3.2.2 de l'accord collectif du 15 mars 2000 ; que ces dernières dispositions se limitent à prévoir que les jours travaillés et les jours de repos font l'objet d'un décompte à partir d'un état mensuel mis en place et conservé trois ans par la DRH ; que ces dispositions pas plus que les autres dispositions de cet accord ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ; qu'en outre la société ne justifie pas qu'elle aurait mis en place un système de contrôle de l'organisation du travail de l'intéressé, ainsi qu'un suivi régulier de sa charge de travail, pas plus qu'elle ne justifie avoir satisfait à l'article L. 3121-46 du code du travail qui impose à l'employeur d'organiser un entretien individuel avec chaque salarié ayant conclu une convention en forfait jours portant sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié ; que la convention collective de la bijouterie et la joaillerie n'est pas utilement invoquée dès lors que pendant toute la durée de l'exécution du contrat, la version applicable de ladite convention ne comprenait pas davantage de dispositions permettant de garantir que la charge de travail reste raisonnable et assure une bonne répartition dans le temps du travail du salarié ; qu'en effet, le chapitre VII de l'accord du 4 décembre 1998 applicable à la date de la conclusion des conventions de forfait et lors du licenciement du salarié se bornait à indiquer que : « 1.4. Les cadres bénéficiant d'un forfait annuel en jours : Il s'agit des cadres libres de la catégorie des cadres libres et indépendants dans l'organisation et la gestion de leur temps de travail, dont la durée de travail ne peut être prédéterminée, qui exercent principalement leur fonction à l'extérieur de l'entreprise, en raison des déplacements ou de l'itinérance de leur fonction, ou les cadres qui, bien que sédentaires, exercent une fonction répondant aux critères précités. Ce type de forfait pourra être proposé à des cadres qui occupent une fonction classée, selon l'avenant Cadres de la convention collective nationale du 5 juin 1970 modifiée, à un niveau supérieur à la position A.1 dans la mesure où les caractéristiques de leurs fonctions correspondent au paragraphe ci-dessus. Les cadres définis aux paragraphes précédents pourront bénéficier d'un forfait annuel en jours qui fera l'objet d'un écrit dans le contrat de travail du salarié ou dans un avenant. La réduction du temps de travail se fera alors obligatoirement sous forme de jours de repos clans la limite d'un plafond annuel de 215 jours travaillés pour une année complète de travail et pour un temps complet, une fois déduits du nombre de jours de l'année les jours de repos hebdomadaire, les jours de congés légaux et conventionnels auxquels le cadre peul prétendre, ainsi que les jours fériés chômés, à l'exclusion des jours de repos prévus par l'article 4, dernier alinéa, de l'avenant cadres de la convention collective. Pour les cadres ne bénéficiant pas d'un congé annuel complet, le nombre de jours de travail fixé à l'alinéa précédent sera augmenté à concurrence du nombre de jours de congé légaux auxquels le salarié ne peut prétendre. Ce même nombre de jours de travail sera réduit prorata temporis en cas d'entrée et de sortie en cours d'année. En cas de suspension du contrat de travail pendant les périodes où le cadre est tenu d'effectuer sa prestation de travail, il sera effectué une retenue sur salaire, la valeur d'une journée entière de travail étant calculée en divisant le salaire mensuel par 22, et la valeur d'une demi-journée, en le divisant par 44. Les cadres ainsi concernés bénéficient d'un repos quotidien d'au moins 11 heures consécutives, auquel s'ajoute un temps de repos hebdomadaire de 24 heures. La rémunération du cadre ne pourra être réduite du fait d'une mesure de chômage partiel affectant l'entreprise. Les jours de repos attribués au titre de la réduction du temps de travail sont pris par journées entières, en tenant compte des contraintes professionnelles du cadre concerné. Cependant, ces jours de repos pourront être pris par demi-journées, sous réserve que l'entreprise définisse par voie d'accord collectif ou par avenant au contrat de travail du cadre concerné, les modalités de décompte et de prise de ces demi-journées en termes d'heures de début et de fin d'activité (1). La rémunération annuelle du cadre en forfait jours devra être au moins équivalente au salaire minimum conventionnel de sa classification, majorée de 10 %, ce taux de majoration étant porté à 15 % à compter du 1er janvier 2003. La fixation du nombre de jours est déterminée d'un commun accord entre l'entreprise et le cadre, cette répartition pouvant également être modifiée d'un commun accord entre les parties. Le forfait en jours s'accompagne d'un contrôle du nombre de jours travaillés, au moyen d'un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées, ainsi que la qualification des jours non travaillés. Ce document est établi en double exemplaire, un pour chacune des parties. Il est validé tous les semestres au plus tard par la signature da cadre et de l'employeur. Les jours dépassant le plafond annuel des 215 jours doivent être récupérés durant les 3 premiers mois de l'année suivante, au titre de laquelle le plafond est réduit d'autant. » ; que certes la convention collective a été modifiée par avenant du 31 janvier 2014 pour notamment remédier aux insuffisances existant sur la mise en oeuvre du forfait jours ; que cependant cette convention étendue le 26 juin 2014 n'était pas applicable lors de la conclusion de la convention individuelle de forfait et n'a pas reçu application effective avant le licenciement du salarié ; que la non-conformité aux exigences légales de l'accord collectif et de la convention collective applicables prive d'effet la convention individuelle de forfait ; que contrairement à ce que soutient la société, la demande du salarié pour voir constater que la convention de forfait était nulle, en tout cas privée d'effet, n'est pas prescrite au vu de la date de saisine de la juridiction prud'homale et du fait que la clause litigieuse a continué à régir la relation contractuelle jusqu'au licenciement du salarié ; qu'à défaut d'une convention de forfait jours valable, le temps de travail des salariés concernés est soumis au droit commun applicable, c'est-à-dire à l'article L. 3121-10 du code du travail qui fixe à 35 heures la durée hebdomadaire légale de travail, l'accord collectif applicable ne fixant pas la durée hebdomadaire de travail des cadres soumis au forfait jours annuel ; Sur les heures supplémentaires : que la durée légale ou conventionnelle du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L. 3121-22 du même code ; qu'aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si la preuve des heures de travail n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à cc dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande ; qu'en l'espèce, M. K... demande le paiement de la somme de 198.138,84 euros pour l'accomplissement d'heures supplémentaires accomplies entre le 11 juillet 2011 et le 31 décembre (379,5), sur l'année 2012 (763,5), sur l'année 2013 (644 ) et du ler janvier au 6 avril 2014 (soit 103,5) ; qu'il fixe à titre subsidiaire une demande de 164.532,75 euros au cas où la discrimination salariale ne serait pas retenue ; qu'il produit une attestation de son collègue M. U... qui indique qu'au siège leur semaine de travail oscillait entre 39 à 50 heures et qu'ils travaillaient souvent 7 jours sur 7 et des tableaux précis de ses horaires de travail journaliers et comprenant le nombre d'heures effectuées par semaine et leur majoration sur les périodes indiquées ; qu'ainsi contrairement à ce qu'indique l'employeur, le salarié fournit des éléments préalables sur son rythme de travail qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande ; que l'employeur ne critique pas utilement ces décomptes précis en n'opposant aucun élément objectif de nature à contredire ces tableaux et ne fournissant aucun élément permutant de douter de la sincérité de ces horaires ; que s'il affirme que ces heures supplémentaires n'étaient pas demandées par la société, il résulte de l'attestation de la responsable de formation dans la société et de M. U... qu'en réalité l'implication et la charge de travail sont inhérentes à la fonction avec un temps considérable passé avec les clients étrangers au siège ou en déplacements fréquents non contestés avec des départs de vol le samedi soir et des dimanches sacrifiés ; que la société qui ne justifie pas avoir mis en place un quelconque moyen de contrôle effectif de la charge de travail effective de son cadre de haut niveau et ne démontre pas que le salarié avait effectivement des temps de pause à déjeuner qui ne soient pas du temps de travail effectif, il apparaît que le décompte du salarié avec les majorations non contestées doit être entériné ; que dès lors que la discrimination salariale n'a pas été retenue, c'est la somme de 164.532,75 euros excluant tout rappel de salaire qui est mise à la charge de la société Boucheron au titre des heures supplémentaires ;

1°) ALORS QUE le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité d'une convention de forfait en jours, qui peut être engagée lorsque la convention est prévue par un accord collectif dont les stipulations n'assurent pas la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, est constitué par la signature de la convention de forfait ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que la demande du salarié pour voir constater que sa convention de forfait en jours était nulle n'était pas prescrite, après avoir relevé que la clause litigieuse avait continué à régir la relation contractuelle jusqu'au licenciement du salarié ; qu'en jugeant ainsi que le délai de prescription d'une action en nullité d'une convention de forfait en jours ne courait pas tant que cette convention était en vigueur, la cour d'appel a violé les articles L. 1471-1 du code du travail et 1304 du code civil dans leur version applicable au litige ;

2°) ALORS QUE le point de départ du délai de prescription de l'action tendant à voir jugée privée d'effet une convention de forfait en jours, qui peut être engagée lorsque la convention de forfait et l'accord collectif sont conformes aux exigences de santé et du droit au repos du salarié mais que l'exécution par l'employeur du forfait en jours est défectueuse, est le jour où l'employeur a manqué à ses obligations ; qu'en l'espèce, pour conclure que la demande du salarié pour voir constater que sa convention de forfait en jours était privée d'effet n'était pas prescrite, la cour d'appel a relevé que la clause litigieuse avait continué à régir la relation contractuelle jusqu'au licenciement du salarié ; qu'en jugeant ainsi que le délai de prescription d'une action tendant à voir une convention de forfait en jours privée d'effet ne courait pas tant que cette dernière était en vigueur, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa version applicable au litige ;

3°) ALORS, en tout état de cause, QUE appelé à statuer sur la prescription d'une action en nullité ou en privation d'effet d'une convention de forfait en jours, le juge se doit à tout le moins de préciser la nature de l'action dont il s'estime saisi et le délai de prescription correspondant, applicable à cette action ; qu'en l'espèce, en retenant de manière imprécise quant au fondement juridique de sa décision et à la prescription applicable, que la demande du salarié pour voir constater que sa convention de forfait en jours était nulle, ou en tout cas privée d'effet, n'était pas prescrite, sans à aucun moment indiquer quel était le délai de prescription applicable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1471-1 du code du travail et 1304 du code civil dans leur version applicable au litige.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR condamné la société Boucheron à verser à M. K... la somme de 164.532,75 euros à titre d'heures supplémentaires ;

AUX MOTIFS QUE sur la convention individuelle de forfait : toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; qu'en l'espèce, le contrat de travail vise expressément la convention de forfait jours et renvoie aux dispositions de l'article 3.2.2 de l'accord collectif du 15 mars 2000 ; que ces dernières dispositions se limitent à prévoir que les jours travaillés et les jours de repos font l'objet d'un décompte à partir d'un état mensuel mis en place et conservé trois ans par la DRH ; que ces dispositions pas plus que les autres dispositions de cet accord ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ; qu'en outre la société ne justifie pas qu'elle aurait mis en place un système de contrôle de l'organisation du travail de l'intéressé, ainsi qu'un suivi régulier de sa charge de travail, pas plus qu'elle ne justifie avoir satisfait à l'article L. 3121-46 du code du travail qui impose à l'employeur d'organiser un entretien individuel avec chaque salarié ayant conclu une convention en forfait jours portant sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié ; que la convention collective de la bijouterie et la joaillerie n'est pas utilement invoquée dès lors que pendant toute la durée de l'exécution du contrat, la version applicable de ladite convention ne comprenait pas davantage de dispositions permettant de garantir que la charge de travail reste raisonnable et assure une bonne répartition dans le temps du travail du salarié ; qu'en effet, le chapitre VII de l'accord du 4 décembre 1998 applicable à la date de la conclusion des conventions de forfait et lors du licenciement du salarié se bornait à indiquer que : « 1.4. Les cadres bénéficiant d'un forfait annuel en jours : Il s'agit des cadres libres de la catégorie des cadres libres et indépendants dans l'organisation et la gestion de leur temps de travail, dont la durée de travail ne peut être prédéterminée, qui exercent principalement leur fonction à l'extérieur de l'entreprise, en raison des déplacements ou de l'itinérance de leur fonction, ou les cadres qui, bien que sédentaires, exercent une fonction répondant aux critères précités. Ce type de forfait pourra être proposé à des cadres qui occupent une fonction classée, selon l'avenant Cadres de la convention collective nationale du 5 juin 1970 modifiée, à un niveau supérieur à la position A .1 dans la mesure où les caractéristiques de leurs fonctions correspondent au paragraphe ci-dessus. Les cadres définis aux paragraphes précédents pourront bénéficier d'un forfait annuel en jours qui fera l'objet d'un écrit dans le contrat de travail du salarié ou dans un avenant. La réduction du temps de travail se fera alors obligatoirement sous forme de jours de repos clans la limite d'un plafond annuel de 215 jours travaillés pour une année complète de travail et pour un temps complet, une fois déduit du nombre de jours de l'année les jours de repos hebdomadaire, les jours de congés légaux et conventionnels auxquels le cadre peul prétendre, ainsi que les jours fériés chômés, à l'exclusion des jours de repos prévus par l'article 4, dernier alinéa, de l'avenant cadres de la convention collective. Pour les cadres ne bénéficiant pas d'un congé annuel complet, le nombre de jours de travail fixé à l'alinéa précédent sera augmenté à concurrence du nombre de jours de congé légaux auxquels le salarié ne peut prétendre. Ce même nombre de jours de travail sera réduit prorata temporis en cas d'entrée et de sortie en cours d'année. En cas de suspension du contrat de travail pendant les périodes où le cadre est tenu d'effectuer sa prestation de travail, il sera effectué une retenue sur salaire, la valeur d'une journée entière de travail étant calculée en divisant le salaire mensuel par 22, et la valeur d'une demi-journée, en le divisant par 44. Les cadres ainsi concernés bénéficient d'un repos quotidien d'au moins 11 heures consécutives, auquel s'ajoute un temps de repos hebdomadaire de 24 heures. La rémunération du cadre ne pourra être réduite du fait d'une mesure de chômage partiel affectant l'entreprise. Les jours de repos attribués au titre de la réduction du temps de travail sont pris par journées entières, en tenant compte des contraintes professionnelles du cadre concerné. Cependant, ces jours de repos pourront être pris par demi-journées, sous réserve que l'entreprise définisse par voie d'accord collectif ou par avenant au contrat de travail du cadre concerné, les modalités de décompte et de prise de ces demi-journées en termes d'heures de début et de fin d'activité (1). La rémunération annuelle du cadre en forfait jours devra être au moins équivalente au salaire minimum conventionnel de sa classification, majorée de 10 %, ce taux de majoration étant porté à 15 % à compter du 1er janvier 2003. La fixation du nombre de jours est déterminée d'un commun accord entre l'entreprise et le cadre, cette répartition pouvant également être modifiée d'un commun accord entre les parties. Le forfait en jours s'accompagne d'un contrôle du nombre de jours travaillés, au moyen d'un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées, ainsi que la qualification des jours non travaillés. Ce document est établi en double exemplaire, un pour chacune des parties. Il est validé tous les semestres au plus tard par la signature da cadre et de l'employeur. Les jours dépassant le plafond annuel des 215 jours doivent être récupérés durant les 3 premiers mois de l'année suivante, au titre de laquelle le plafond est réduit d'autant. » ; que certes la convention collective a été modifiée par avenant du 31 janvier 2014 pour notamment remédier aux insuffisances existant sur la mise en oeuvre du forfait jours ; que cependant cette convention étendue le 26 juin 2014 n'était pas applicable lors de la conclusion de la convention individuelle de forfait et n'a pas reçu application effective avant le licenciement du salarié ; que la non-conformité aux exigences légales de l'accord collectif et de la convention collective applicables prive d'effet la convention individuelle de forfait ; que contrairement à ce que soutient la société, la demande du salarié pour voir constater que la convention de forfait était nulle, en tout cas privée d'effet, n'est pas prescrite au vu de la date de saisine de la juridiction prud'homale et du fait que la clause litigieuse a continué à régir la relation contractuelle jusqu'au licenciement du salarié ; qu'à défaut d'une convention de forfait jours valable, le temps de travail des salariés concernés est soumis au droit commun applicable, c'est-à-dire à l'article L. 3121-10 du code du travail qui fixe à 35 heures la durée hebdomadaire légale de travail, l'accord collectif applicable ne fixant pas la durée hebdomadaire de travail des cadres soumis au forfait jours annuel ; Sur les heures supplémentaires : que la durée légale ou conventionnelle du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L. 3121-22 du même code ; qu'aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si la preuve des heures de travail n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à cc dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande ; qu'en l'espèce, M. K... demande le paiement de la somme de 198.138,84 euros pour l'accomplissement d'heures supplémentaires accomplies entre le 11 juillet 2011 et le 31 décembre (379,5), sur l'année 2012 (763,5), sur l'année 2013 (644 ) et du ler janvier au 6 avril 2014 (soit 103,5) ; qu'il fixe à titre subsidiaire une demande de 164.532,75 euros au cas où la discrimination salariale ne serait pas retenue ; qu'il produit une attestation de son collègue M. U... qui indique qu'au siège leur semaine de travail oscillait entre 39 à 50 heures et qu'ils travaillaient souvent 7 jours sur 7 et des tableaux précis de ses horaires de travail journaliers et comprenant le nombre d'heures effectuées par semaine et leur majoration sur les périodes indiquées ; qu'ainsi contrairement à ce qu'indique l'employeur, le salarié fournit des éléments préalables sur son rythme de travail qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande ; que l'employeur ne critique pas utilement ces décomptes précis en n'opposant aucun élément objectif de nature à contredire ces tableaux et ne fournissant aucun élément permutant de douter de la sincérité de ces horaires ; que s'il affirme que ces heures supplémentaires n'étaient pas demandées par la société, il résulte de l'attestation de la responsable de formation dans la société et de M. U... qu'en réalité l'implication et la charge de travail sont inhérentes à la fonction avec un temps considérable passé avec les clients étrangers au siège ou en déplacements fréquents non contestés avec des départs de vol le samedi soir et des dimanches sacrifiés ; que la société qui ne justifie pas avoir mis en place un quelconque moyen de contrôle effectif de la charge de travail effective de son cadre de haut niveau et ne démontre pas que le salarié avait effectivement des temps de pause à déjeuner qui ne soient pas du temps de travail effectif, il apparaît que le décompte du salarié avec les majorations non contestées doit être entériné ; que dès lors que la discrimination salariale n'a pas été retenue, c'est la somme de 164.532,75 euros excluant tout rappel de salaire qui est mise à la charge de la société Boucheron au titre des heures supplémentaires ;

ALORS QUE toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; qu'en l'espèce, en jugeant que l'accord collectif du 15 mars 2000, auquel renvoyait le contrat de travail, se limitait à prévoir dans son article 3.2.2 que les jours travaillés et les jours de repos devaient faire l'objet d'un décompte à partir d'un état mensuel mis en place et conservé trois ans par la DRH, de sorte qu'elles ne garantissaient pas que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, sans rechercher si l'article 3.2.3 de cet accord, intitulé « Suivi de la réduction du temps de travail des cadres autonomes » ne prévoyait pas par ailleurs que « l'organisation du travail, l'amplitude des journées de travail et la charge de travail qui en résulte feront l'objet d'un suivi par la hiérarchie des cadres concernés de telle sorte, notamment, que soient respectées les dispositions relatives au repos quotidien, au nombre de jour de travail maximum et à la durée minimale du repos hebdomadaire », ce qui était de nature à garantir le respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, de l'article L. 3121-45 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, interprété à la lumière de l'article 17, §§ 1 et 4, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et de l'article 3.2.3 de l'accord du 15 mars 2000 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. K...

Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir débouté M. K... de ses demandes d'indemnisation pour circonstances vexatoires du licenciement

aux motifs propres que « le salarié soutient que les circonstances vexatoires du licenciement résultent du caractère inattendu· et imprévisible de la procédure de licenciement après 14 ans d'ancienneté et de l'interdiction qui lui a été faite le 13 mars 2014 deux jours avant ses congés de se rendre à la foire de Bâle qui devait se tenir du 26 mars au 2 avril 2014. Mais d'une part, comme le note avec exactitude le premier juge, la décision de gestion prise par l'employeur de ne pas envoyer le salarié représenter la société à cette foire et de ne pas le déléguer face à une clientèle internationale au vu notamment des performances insuffisantes du salarié n'était pas fautive, alors que le salarié ne démontre pas l'impact qu'a eu son absence sur cette foire à l'égard de ses collègues et de ses anciens clients, aucun élément n'étant fourni sur ce point; le fait que la cause réelle et sérieuse du licenciement n'ait pas été retenue par le premier juge [sic] ne suffit pas à rendre illégitime la décision de gestion de la société relativement à la participation du salarié à cette foire, dès lors que le jugement déféré a constaté que les objectifs du salarié n'ont pas été atteints en 2012, ni en 2013 et n'a été amené à dire le licenciement injustifié qu'après avoir relevé que l'absence de remarque ou mise en garde préalable n'avait pas permis au salarié de prendre conscience de la gravité de la situation.
D'autre part le caractère inattendu du licenciement ayant déjà été pris en compte dans l'appréciation du défaut de caractère réel et sérieux du licenciement, non soumis à la cour d'appel, la demande du salarié qui n'établît aucun préjudice distinct de celui déjà par le premier juge, doit rejetée de ce chef également.
Par suite, le salarié est débouté de sa demande de dommages intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement » ;

et aux motifs adoptés que « l'insuffisance professionnelle doit être appréciée en fonction d'un ensemble de données telles que la qualification qui était celle du salarié à l'embauche, les conditions de travail, l'ancienneté dans le poste, la formation professionnelle reçue.
Attendu que pour que le licenciement soit fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'employeur doit invoquer des faits précis pour faire état d'une insuffisance professionnelle, que ces faits doivent pouvoir être constatés objectivement et être matériellement vérifiables.
Attendu qu'en l'occurrence si les objectifs de chiffre d'affaire assignés à M. K... n'ont pas été atteints, on ne peut écarter que sur l'année 2012, M. K... a dû assurer une transition et qu'on ne peut retenir une année pleine consacrée à sa mission. Que pour l'année 2013, s'il s'avère que là encore, et de manière plus significative, les objectifs de chiffre d'affaires n'ont pas été atteints, on peut noter que M. K... n'a fait l'objet d'aucune remarque sérieuse ou mise en garde qui aurait pu lui permettre de juger de la dérive de performance qui lui est attribuée. Le compte rendu de l'entretien annuel, classant la performance comme globalement « satisfaisante » ne permettait pas au salarié de prendre conscience de la gravité d'une situation qui amènerait à se priver de ses services, d'autant que si l'objectif 11 sur 13 n'était pas atteint la performance de M. K... justifiait néanmoins qu'il perçoive un bonus.
Attendu qu'il ne peut être relevé aucun caractère vexatoire au traitement de M. K..., que le fait de n'être pas invité à représenter la société à la Foire de Bâle peut apparaÎtre légitime dans la mesure où la société remettant en cause les compétences professionnelles de son salarié au point d'envisager son Iicenciement, elle était fondée à ne pas le déléguer face à une clientèle internationale» ;

alors que la cour d'appel précise que le licenciement n'avait pas un caractère vexatoire dès lors notamment que « le caractère inattendu du licenciement ayant déjà été pris en compte dans l'appréciation du défaut de caractère réel et sérieux du licenciement, non soumis à la cour d'appel, la demande du salarié qui n'établit aucun préjudice distinct de celui déjà réparé par le premier juge, doit être de cc chef également ». ; que pourtant le conseil. de prud'hommes n'avait pas relevé le caractère inattendu du licenciement et n'avait nullement précise que ce caractère inattendu - avéré- était suffisamment indemnisé au titre du défaut de caractère réel et sérieux ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu les termes de la décision du conseil de prud'hommes rendu dans la même instance et devenus définitifs en violation de l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-23374
Date de la décision : 27/03/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 mar. 2019, pourvoi n°17-23374


Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.23374
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