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26/03/2019 | FRANCE | N°18-85047

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 mars 2019, 18-85047


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. J... O...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DOUAI, en date du 20 avril 2018, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande en annulation de pièces de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 février 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article

567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Barbier, conseiller rappor...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. J... O...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DOUAI, en date du 20 avril 2018, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande en annulation de pièces de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 février 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Barbier, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. Le premier avocat général CORDIER ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle , en date du 11 octobre 2018, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite de renseignements obtenus par les enquêteurs, le procureur de la République de Soissons a sollicité du juge des libertés et de la détention, par deux ordonnances, l'autorisation de procéder à deux perquisitions sans assentiment, l'une au domicile de M. T... Y..., l'autre dans des bâtiments appartenant à la société civile immobilière O... (la SCI O...), dont M. J... O... est le gérant ; que le juge a autorisé ces perquisitions sans assentiment par deux ordonnances du 1er mars 2017 ;

Que la perquisition d'un hangar appartenant à la SCI O..., loué à une société tierce, mais dont M. Y... détenait la clé, a permis la découverte de trois chambres de culture et d'une chambre de séchage ainsi que de tout l'équipement nécessaire à la culture de l'herbe de cannabis, et la saisie de 520 plants et 421 boutures de plants de cannabis ;

Qu'à la suite de cette perquisition, effectuée en présence de MM. Y... et O..., une information judiciaire a été ouverte et les intéressés mis en examen des chefs précités ; que par requête en date du 8 août 2017, M. O... a sollicité l'annulation du procès-verbal de cette perquisition, motifs pris, d'une part, de ce que la requête du procureur de la République n'était pas datée, d'autre part, de ce que l'autorisation de perquisition du juge des libertés et de la détention n'était pas suffisamment motivée ;

En cet état :

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 76, alinéa 4, du code de procédure pénale, 591 et 593 du même code, défaut de motif et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'actes ou pièces de la procédure, et a ordonné le retour du dossier au juge d'instruction saisi ;

"aux motifs que sur l'absence de date portée sur les réquisitions du procureur de la République saisissant le juge des libertés et de la détention ; que la requête du procureur de la République, numéro 24 8 et 9/29, intitulée "requête prise en application des dispositions de l'article 76 du code de procédure pénale," prise par Mme Raffy substitut du procureur de la République près du tribunal de grande instance de Soissons n'est pas datée ; qu'elle est cependant visée dans l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui mentionne avoir été saisi le 1er mars 2017 de la requête du procureur de la République ; que l'absence de date sur la requête du procureur de la République, ne saurait constituer une cause de nullité dès lors que l'ordonnance visée établit son existence et la date à laquelle le juge des libertés a été saisi ; qu'il apparaît d'ailleurs que par requête datée du 1er mars 2017, pièce 24 numéro 4/9 et 5/9 le juge des libertés a été saisi d'une seconde demande portant sur les véhicules pouvant se trouver dans les dépendances et sur la voie publique à la même adresse Chemin du ponceau Soissons ce qui corrobore les énonciations de l'ordonnance susvisée et qui permet de qualifier de simple omission l'absence de datation soulevée sans conséquence sur la légalité de l'ordonnance rendue ;

"alors que la date étant une mention substantielle de tout réquisitoire du procureur de la République, la requête non datée est nulle ; qu'aux termes de l'article 76, al. 4, du code de procédure pénale, le juge des libertés et de la détention ne peut autoriser, par décision écrite et motivée, une perquisition sans l'assentiment de la personne chez qui elle a lieu qu'à la requête du procureur de la République ; que ladite requête est donc nécessairement préalable à cette autorisation et conditionne celle-ci ; qu'ainsi la requête du procureur de la République doit impérativement être datée pour justifier de sa validité et de la régularité de la saisine du juge des libertés et de la détention ; qu'en l'espèce la chambre de l'instruction qui constate que la requête du procureur de la République de Soissons n'est pas datée, ne pouvait suppléer cette irrégularité portant sur un élément substantiel de l'acte, en recherchant dans les autres pièces du dossier et dans l'ordonnance elle-même, à quelle date avait été prise ladite requête méconnaissant ainsi les textes susvisés" ;

Attendu que, pour rejeter le moyen pris de ce que la requête du procureur de la République présentée au juge des libertés et de la détention aux fins d'autorisation de perquisition sans assentiment n'est pas datée, l'arrêt relève que, d'une part, les mentions de l'ordonnance dudit juge établissent l'existence de la requête et la date à laquelle le juge des libertés a été saisi, d'autre part, ces éléments sont corroborés par une autre ordonnance du même jour et du même juge autorisant également d'autres perquisitions sans assentiment ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que l'absence de mention de la date de la requête du procureur de la République ne saurait constituer une cause de nullité si les mentions portées sur d'autres actes établissent que son existence était antérieure à la décision du juge des libertés et de la détention, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 76, alinéa 4, du code de procédure pénale, 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 570, 571, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'acte ou pièces de la procédure et ordonné le retour du dossier au juge d'instruction saisi ;

"aux motifs que, sur la régularité de l'ordonnance du 1er mars 2017 :
- vu l'article 76, alinéa 4, du code de procédure pénale qui prévoit la possibilité pour le procureur de la République de saisir le juge des libertés et de la détention d'une requête aux fins de d'obtenir l'autorisation de procéder à une perquisition sans l'assentiment de la personne chez qui elle a lieu, la décision du juge des libertés et de la détention devant être "écrite et motivée " ;
- vu l'ordonnance querellée qui, après avoir visé l'enquête préliminaire "actuellement diligentée par la brigade de recherche de Soissons visant Abderrabmane Y..." et portant sur des faits de trafic de produits stupéfiants, la requête du procureur de la République en date du 1er mars 2017 retient : "Les enquêteurs ont pu recueillir divers éléments laissant présumer l'existence de l'infraction dont la preuve est recherchée ; au vu des constatations et des investigations déjà effectuées, il s'avère nécessaire pour rechercher les preuves des infractions, outre au domicile de M. Y... de procéder à des visites perquisitions et saisies au sein des bâtiments édifiés sur la parcelle [...] [...] appartenant à la SCI O... et ce sans l'assentiment du mis en cause" et autorise les officiers de police judiciaire à procéder sans l'assentiment de la personne chez qui ces opérations auront lieu à des visites perquisitions et saisies dans les bâtiments implantés sur la parcelle [...] [...] appartenant à la SCI O... ; que les motifs du juge des libertés et de la détention, visant la procédure en cours, et qui retiennent que divers éléments peuvent laisser présumer l'existence d'une infraction dont les preuves doivent être recherchées sur l'ensemble de lieux qu'il énumère est suffisante pour répondre à l'exigence de motivation imposée par les dispositions légales sus rappelées dès lors qu'ils permettent de s'assurer que le juge des libertés a pris connaissance de la procédure et a apprécié l'opportunité de mesure autorisée et sa nécessité ; qu'elle ne saurait être, comme le soutient le requérant, considérée comme n'ayant procédé qu'au simple visa de la requête du procureur de la République ;

"1°) alors qu'en application de l'article 76, alinéa 4, du code de procédure pénale, le juge des libertés et de la détention ne peut autoriser une perquisition sur requête du procureur de la République à l'occasion d'une enquête préliminaire sans l'assentiment de la personne que par décision écrite et motivée, par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires ; qu'une telle motivation qui constitue une garantie essentielle contre le risque d'une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de la personne concernée, et doit permettre au justiciable de connaître les raisons précises pour lesquelles les opérations ont été autorisées, s'impose également au regard des droits protégés par la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'ainsi, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui se borne à se référer à la requête présentée par le procureur de la République aux fins de perquisition, et dont les motifs propres sont abstraits et stéréotypés ne contient aucune motivation justifiant la nécessité de la mesure dans les circonstances de l'espèce, n'est pas conforme aux exigences des textes susvisés et encourt l'annulation ; qu'en refusant d'annuler ladite ordonnance et les actes subséquents, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés ;

"2°) alors que la motivation exigée par l'article 76, alinéa 4, du code de procédure pénale devant comprendre l'énoncé des éléments de fait et de droit justifiant la perquisition sans l'assentiment de la personne chez qui elle doit avoir lieu, la chambre de l'instruction ne pouvait estimer en l'espèce que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention était suffisamment motivée car elle permet de s'assurer que le juge des libertés et de la détention a pris connaissance de la procédure et a apprécié l'opportunité et la nécessité de la mesure, alors même que les motifs de l'ordonnance dont s'agit, qui doivent caractériser un contrôle réel et effectif de la nécessité de la mesure, ne contiennent que des considérations abstraites et stéréotypées reprenant les termes de la loi sans s'expliquer concrètement sur les éléments propres à l'espèce, et sans justifier de la nécessité et de la proportionnalité de la mesure envisagée en donnant des éléments de fait précis et circonstanciés de nature à éclairer le justiciable, à éviter tout arbitraire et toute atteinte aux droits protégés par les textes internes et conventionnels ; qu'en statuant donc comme elle l'a fait, la chambre de l'instruction n'a pas justifié légalement sa décision au regard des textes susvisés" ;

Vu les articles 76, alinéa 4, du code de procédure pénale, et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention décidant, sur requête du procureur de la République à l'occasion d'une enquête préliminaire, que les opérations prévues par le premier de ces textes seront effectuées sans l'assentiment de la personne chez qui elles ont lieu, doit être motivée au regard des éléments de fait et de droit justifiant de leur nécessité ;

Attendu que, pour écarter le moyen de nullité pris de l'insuffisance de la motivation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé la perquisition de bâtiments appartenant à la SCI O..., l'arrêt retient que ladite ordonnance précise que les enquêteurs ont pu recueillir divers éléments laissant présumer l'existence de l'infraction dont la preuve est recherchée, qu'au vu des constatations et des investigations déjà effectuées, il s'avère nécessaire pour rechercher les preuves des infractions, outre au domicile de M. Y..., de procéder à des visites, perquisitions et saisies au sein des bâtiments édifiés sur la parcelle [...] [...] appartenant à la SCI O... et ce sans l'assentiment du mis en cause ; que les juges ajoutent que les motifs du juge des libertés et de la détention, visant la procédure en cours, et qui retiennent que divers éléments peuvent laisser présumer l'existence d'une infraction dont les preuves doivent être recherchées sur l'ensemble des lieux qu'il énumère sont suffisants pour répondre à l'exigence de motivation imposée par les dispositions légales rappelées ci-dessus dès lors qu'ils permettent de s'assurer que le juge des libertés et de la détention a pris connaissance de la procédure et a apprécié l'opportunité de la mesure autorisée et sa nécessité, en sorte que l'ordonnance querellée ne saurait être, comme le soutient le requérant, considérée comme n'ayant procédé qu'au simple visa de la requête du procureur de la République ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'explique pas en quoi la société propriétaire des locaux en cause était concernée par les faits objet de l'enquête, diligentée à l'encontre d'un tiers, et ne justifie donc pas de la nécessité de la mesure, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 20 avril 2018, mais en ses seules dispositions relatives à la motivation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-six mars deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-85047
Date de la décision : 26/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, 20 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 mar. 2019, pourvoi n°18-85047


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.85047
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