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07/02/2019 | FRANCE | N°17-27099

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 07 février 2019, 17-27099


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 février 2019

Rejet

Mme FLISE, président

Arrêt n° 166 F-P+B

Pourvoi n° H 17-27.099

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par l'Association hospitalière Nord Ar

tois clinique (AHNAC), dont le siège est [...], contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2017 par la cour d'appel de Douai (chambre 1 section 1), dan...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 février 2019

Rejet

Mme FLISE, président

Arrêt n° 166 F-P+B

Pourvoi n° H 17-27.099

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par l'Association hospitalière Nord Artois clinique (AHNAC), dont le siège est [...], contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2017 par la cour d'appel de Douai (chambre 1 section 1), dans le litige l'opposant à l'institution Humanis prévoyance, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 9 janvier 2019, où étaient présents : Mme Flise, président, M. X..., conseiller rapporteur, M. Savatier, conseiller doyen, Mme Rosette, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. X..., conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de l'Association hospitalière Nord Artois clinique, de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de l'institution Humanis prévoyance, l'avis de M. Y..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 14 septembre 2017), que l'Association hospitalière Nord Artois clinique (l'AHNAC), qui avait souscrit auprès de la Capaves prévoyance, aux droits de laquelle est venue Humanis prévoyance, un contrat de prévoyance complémentaire ayant pour objet de garantir collectivement les membres de son personnel contre les risques incapacité, invalidité et décès, ainsi que leurs conjoints et enfants à charge contre les risques décès, invalidité permanente et totale, a notifié le [...] à cette institution sa décision de résilier le contrat au 31 décembre 2010 ; que l'AHNAC n'ayant pas réglé l'indemnité de résiliation dont Humanis prévoyance lui avait demandé le versement sur le fondement des dispositions de l'article 31 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, issu de l'article 26 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, cette dernière l'a assignée en paiement ;

Attendu que l'AHNAC fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Humanis prévoyance la somme de 435 253 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2012, alors, selon le moyen :

1°/ que les organismes assureurs peuvent répartir les effets de l'article 18 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 reportant l'âge légal de la retraite à 62 ans sur le niveau des provisions prévues en application des articles 7 et 7-1 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, au titre des contrats, conventions ou bulletins d'adhésion conclus au plus tard à la date de promulgation de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, sur une période de six ans au plus à compter des comptes établis au titre de l'exercice 2010 ; qu'en cas de résiliation au cours de cette période transitoire, une indemnité de résiliation est due par le souscripteur ; que pour condamner l'AHNAC à verser une indemnité de résiliation à Humanis prévoyance au titre de la résiliation du contrat de prévoyance notifiée le 22 septembre 2010 à l'organisme assureur, la cour d'appel a retenu que la résiliation était intervenue au cours de la période transitoire ; qu'en statuant ainsi, cependant que cette période débutait "à compter des comptes établis au titre de l'année 2010 » de sorte que l'année 2010 était nécessairement exclue de la période transitoire et qu'ainsi la résiliation notifiée le 22 septembre 2010 n'ouvrait pas droit à indemnité, la cour d'appel a violé l'article 31 de la loi du 31 décembre 1989, créé par l'article 26 de la loi du 9 novembre 2010 ;

2°/ que, subsidiairement, l'article 31 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, créé par l'article 26 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, applicable à la cause, porte une atteinte injustifiée ou à tout le moins disproportionnée à la garantie des droits résultant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 en ce qu'il met à la charge du souscripteur d'un contrat de prévoyance qui a notifié à son assureur la résiliation du contrat à une date antérieure à l'adoption et à l'entrée en vigueur de la loi du 9 novembre 2010 une indemnité de résiliation, cette indemnité remettant en cause les effets que le souscripteur pouvait légitimement attendre d'une situation acquise ; que dès lors, il y a lieu de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra en application de l'article 62 de la Constitution, l'arrêt attaqué se trouvera censuré pour perte de fondement juridique ;

3°/ que, subsidiairement, l'article 31 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, créé par l'article 26 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, porte une atteinte injustifiée ou à tout le moins disproportionnée au droit au maintien de l'économie des conventions légalement conclues découlant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 en ce qu'il met à la charge du souscripteur d'un contrat de prévoyance qui a notifié à son assureur la résiliation du contrat à une date antérieure à l'adoption et à l'entrée en vigueur de la loi du 9 novembre 2010 une indemnité de résiliation d'un montant potentiellement très conséquent, remettant en cause l'économie de la convention et les effets de sa résiliation initialement prévus ; que dès lors, il y a lieu de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra en application de l'article 62 de la Constitution, l'arrêt attaqué se trouvera censuré pour perte de fondement juridique ;

4°/ qu'en toute hypothèse, aux termes de l'alinéa 1 de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens, nul ne pouvant être privé de sa propriété que pour une cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international sous réserve des exceptions prévues à l'alinéa 2 du texte précité ; que la mise à la charge du souscripteur d'un contrat de prévoyance d'une indemnité de résiliation au profit de l'assureur par une loi postérieure à la notification de la résiliation porte une atteinte au droit au respect des biens du souscripteur et à l'exigence de sécurité juridique ; qu'en l'espèce, en mettant à la charge de l'AHNAC qui a notifié à son assureur la résiliation de son contrat à une date antérieure à l'adoption et à l'entrée en vigueur de la loi du 9 novembre 2010 une indemnité de résiliation d'un montant d'un montant de 435 253 euros, indemnité inexistante et non prévisible à la date de notification de la résiliation, la cour d'appel a porté une atteinte injustifiée ou à tout le moins disproportionnée au droit de l'AHNAC au respect de ses biens et partant, a violé l'article 1er, alinéa 1 du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le principe de sécurité juridique ;

Mais attendu, d'abord, que l'autorité absolue que l'article 62, alinéa 3, de la Constitution confère à une décision du Conseil constitutionnel s'attache non seulement à son dispositif mais aussi à ses motifs, dès lors que ceux-ci sont le support nécessaire de celui-là ; que le Conseil constitutionnel ayant énoncé, dans sa décision n° 2018-728 QPC du 13 juillet 2018, qu'il résulte des dispositions de l'article 31 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, issu de l'article 26 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, éclairées par les travaux préparatoires, que le législateur a entendu fixer au 1er janvier 2010 le point de départ de la période transitoire de six ans pendant laquelle les organismes assureurs ont la possibilité d'étaler les provisionnements supplémentaires, et que l'indemnité due par le souscripteur en cas de résiliation, prévue par ces dispositions, s'applique aux contrats en cours d'exécution à la date de leur entrée en vigueur, la cour d'appel, qui a retenu que l'AHNAC avait résilié le contrat au 31 décembre 2010, après la promulgation de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 et pendant la période transitoire de six ans, a exactement décidé que celle-ci devait cette indemnité ;

Attendu, ensuite, que le Conseil constitutionnel a, par sa décision n° 2018-728 QPC du 13 juillet 2018, déclaré conformes à la Constitution les dispositions de l'article 31 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, issu de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, contestées par les deuxième et troisième branches ;

Attendu, enfin, que l'AHNAC n'ayant pas invoqué devant la cour d'appel, même en substance, la violation de l'article 1er du premier Protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le moyen, mélangé de fait et de droit, est nouveau ;

D'où il suit que le moyen, qui est devenu inopérant en ses deuxième et troisième branches et est irrecevable en sa quatrième, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la dernière branche du moyen, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'Association hospitalière Nord Artois clinique aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ; la condamne à payer à l'institution Humanis prévoyance la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour l'Association hospitalière Nord Artois clinique.

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné l'association hospitalière Nord Artois à payer à Humanis Prévoyance la somme de 435 253€ avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2012 et celle de 5 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE sur le principe de l'exigibilité de l'indemnité de résiliation, que les articles 7 et 7-1 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 instituent l'obligation pour l'organisme assureur de maintenir, nonobstant la résiliation ou le non-renouvellement du contrat de prévoyance : - le versement des prestations de prévoyance nées ou acquises à la date de résiliation au niveau atteint à la date d'effet de la résiliation, - la garantie décès des salariés en incapacité ou en invalidité à la date de la résiliation en cas de survenance du décès au cours de la période d'incapacité ou d'invalidité ; qu'ils prévoient que les organismes assureurs sont tenus de provisionner les sommes de nature à leur permettre d'assurer le maintien des garanties ; que Humanis est ainsi tenue : - de continuer à garantir, malgré la résiliation du contrat de prévoyance, les salariés de l'AHNAC en arrêt de travail ou en invalidité (ainsi que le conjoint en invalidité permanente et totale) au 31 décembre 2010 dès lors que le fait générateur de la garantie s'est produit entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2010, - de constituer des provisions suffisantes pour lui permettre de maintenir les garanties de prévoyance au-delà de la résiliation du contrat de prévoyance de l'AHNAC ; qu'or, le recul de deux années de l'âge légal de départ à la retraite par la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 a entraîné l'allongement de la durée de maintien des garanties précitées à la charge des organismes assureurs, non pris en compte, lors de la souscription du contrat, dans le calcul des cotisations ; que la loi du 9 novembre 2010 a en conséquence pris des dispositions, insérées dans un article 31 ajouté à la loi susvisée du 31 décembre 2009, pour permettre aux organismes assureurs de constituer les provisions nécessaires pour couvrir l'allongement de la durée de maintien des garanties au titre des contrats conclus avant la date de promulgation de la loi (9 novembre 2010) ; que ces dispositions sont les suivantes : « Les organismes mentionnés à l'article 1er peuvent répartir les effets de l'article 18 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites sur le niveau des provisions prévues en application de l'article 7 et de l'article 7-1 de la présente loi au titre des contrats, conventions ou bulletins d'adhésion conclus au plus tard à la date de promulgation de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 précitées, sur une période de six ans au plus à compter des comptes établis au titre de l'exercice 2010. A la clôture des comptes de l'exercice 2010, le niveau des provisions ne peut être inférieur à celui qui résulterait d'un provisionnement intégral des engagements jusqu'à l'âge mentionné à l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur au 1er janvier 2010, ainsi que, pour les assurés de la génération 1951, d'un provisionnement intégral des engagements correspondants jusqu'à l'âge prévu au même article pour cette génération. A compter de la clôture des comptes de l'exercice 2011, le niveau des provisions doit être constitué linéairement. En cas de résiliation ou de non-renouvellement d'un contrat, d'une convention ou d'un bulletin d'adhésion pendant la période transitoire mentionnée au premier alinéa, l'organisme assureur poursuit le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées au jour de la résiliation ou du non-renouvellement. Dans ce cas, une indemnité de résiliation, égale à la différence entre le montant des provisions techniques permettant de couvrir intégralement les engagements en application de l'article 7 et le montant des provisions techniques effectivement constituées en application des trois premiers alinéas du présent I, au titre des incapacités et invalidités en cours à la date de cessation du contrat, de la convention ou du bulletin d'adhésion, est due par le souscripteur. Toutefois, cette indemnité n'est pas exigible si l'organisme assureur ne poursuit pas le maintien de cette couverture alors qu'un nouveau contrat, une nouvelle convention ou un nouveau bulletin d'adhésion est souscrit en remplacement du précédent et prévoit la reprise intégrale par le nouvel organisme assureur, des engagements relatifs au maintien de la garantie incapacité de travail-invalidité du contrat, de la convention ou du bulletin d'adhésion initial. Dans ce cas, la contre-valeur des provisions effectivement constituées au titre du maintien de cette garantie est transférée au nouvel organisme assureur » ; que pour s'opposer en son principe à l'indemnité de résiliation demandée par Humanis, l'AHNAC fait valoir : - que les comptes établis au titre de l'exercice 2010 ne pouvant l'être qu'à l'expiration de l'exercice, la période transitoire mentionnée au premier alinéa est de six ans à compter du 1er janvier 2011, - que par conséquent, la résiliation du contrat liant les parties, le 22 septembre 2010, avant la promulgation de la loi, n'est pas intervenue pendant la période transitoire et que l'indemnité de résiliation prévue par l'alinéa 4 n'est pas due, - que de surcroît, la nouvelle convention qu'elle a conclue avec Swiss Life prévoit la reprise intégrale des engagements d'Humanis relatifs au maintien de la garantie ; que le tribunal a écarté d'emblée et à juste titre le troisième argument de l'AHNAC, qui devrait être le premier puisqu'il rendrait l'examen des deux autres inutiles s'il était fondé, en constatant, comme le relève l'appelante, que la convention conclue par l'AHNAC avec Swiss Life prévoit que le nouvel assureur prend en charge seulement la revalorisation des prestations considérées qui, elles continuent à être servies par Humanis au niveau atteint à la date de résiliation de son contrat ; que par ailleurs, le premier alinéa de l'article 31 précité, en disposant que la période de six ans sur laquelle les organismes assureurs peuvent répartir les effets de l'article 18 de la loi du 9 novembre 2010 sur le niveau des provisions prévues en application de l'article 7 et de l'article 7-1 de ladite loi court « à compter des comptes établis au titre de l'année 2010 » et non à compter de l'établissement des comptes établis au titre de l'année 2010, intègre ces comptes, de sorte que la période transitoire concerne les comptes de 2010 à 2015 inclus ; que les alinéas 2 et 3 complètent d'ailleurs l'alinéa 1 en apportant des précisions, à propos de cette période, sur les provisions des années 2010 et 2011 ; que l'Autorité des Normes Comptables a établi le 3 février 2011 une recommandation n° 2011-01 relative à l'application de l'article 31 précité par laquelle elle recommande notamment l'annexion à ses comptes de diverses informations lorsque l'assureur décide de bénéficier des dispositions de la loi en matière d'étalement « à compter de l'exercice 2010 » ; que l'institut des Actuaires par un avis technique n° 2011-02 de janvier 2011 expose également que la période transitoire commence en 2010 et se termine au 31 décembre 2015 et qu'en conséquence, l'indemnité de résiliation est due pour toute résiliation effectuée en 2010 à effet au 31 décembre 2010 ; que l'AHNAC ne produit aucun avis contraire émanant de quelqu'autorité, de la doctrine ou de la jurisprudence ni ne justifie d'une pratique habituellement différente par les organismes de prévoyance et leurs cocontractants ; que la résiliation du contrat Humanis/AHNAC qui, au demeurant, a été notifiée le 22 septembre 2010 compte tenu du préavis prévu mais n'a été effective que le 31 décembre 2010, est donc bien intervenue après la promulgation de la loi (9 novembre 2010) et pendant la période transitoire ; qu'il en résulte que l'indemnité de résiliation prévue à l'alinéa 4 est due en l'absence de reprise par Swiss Life des engagements d'Humanis dont il est question ; qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement sur ce point ; sur le quantum de l'indemnité de résiliation ; qu'en vertu de l'article 31 précité, rappelons-le, l'indemnité de résiliation est « égale à la différence entre le montant des provisions techniques permettant de couvrir intégralement les engagements en application de l'article 7 et le montant des provisions techniques effectivement constituées en application des trois premiers alinéas du présent I, au titre des incapacités et invalidités en cours à la date de cessation du contrat, de la convention ou du bulletin d'adhésion » ; qu'Humanis verse notamment aux débats une liste de salariés de l'AHNAC en arrêt de travail (incapacité, invalidité) au 31 décembre 2010 et, pour chacun d'eux, le montant des provisions constituées à cette date, le montant des provisions à constituer pour tenir compte de l'allongement de la durée de maintien des garanties calculé en fonction de paramètres techniques également produits, la différence correspondant à l'indemnité de résiliation ; que l'AHNAC ne discute pas le mode de calcul de l'indemnité de résiliation mains le nombre et l'identité des salariés ayant donné lieu à ce calcul ; qu'Humanis affirme avoir établi sa liste notamment à partir des informations fournies par l'AHNAC pendant l'exécution du contrat ; qu'en réponse à l'une des objections de l'AHNAC, elle fait valoir à juste titre que la circonstance que certains salariés aient pu, après la résiliation du contrat de prévoyance, reprendre leur travail, quitter l'AHNAC, voire décéder, est indifférente dès lors que l'indemnité de résiliation est exigible en fonction des personnes en incapacité ou en invalidité à la date de cessation du contrat ; qu'or, l'AHNAC elle-même produit (pièce 11) une « situation » de ses salariés en incapacité ou invalidité au 31 décembre 2010 ; que la majeure partie des noms figurant sur la liste d'Humanis figurent sur la liste de l'AHNAC ; qu'Humanis se dit prête à déduire du montant de l'indemnité réclamée la part correspondant à cinq salariés qui ne figurent pas sur la liste de l'AHNAC qui déclare qu'ils n'ont jamais fait partie de ses effectifs (Bouvier, Dolle, Lamour, Palissier, Ternynck) et une salariée (Nathalie Z...) qui se refuserait à constituer un dossier de prévoyance, soit au total 9 613€ ; que la cour constate que deux autres noms de la liste d'Humanis ne figurent pas sur la liste de l'AHNAC (Fougère, Génilloud) et, en l'absence de justifications dans un sens ou dans l'autre, il convient de déduire également la part d'indemnité calculée pur eux (1 246+282, soit 1 528€) ; que par ailleurs, quatre personnes communes aux deux listes figurent deux fois sur la liste d'Humanis avec la mention « incapacité » dans un cas et la mention « invalidité » dans l'autre, et des chiffres différents, alors qu'elles ne pouvaient a priori se trouver que sous un régime au 31 décembre 2010 : Anne A... (-D...), Evelyne B... (-E...), Mélanie C..., Annie (F...)-G... ; que leur appartenance aux effectifs de l'AHNAC permet de les prendre en considération mais, en l'absence d'explication, il convient de ne retenir pour chacune d'elle que l'indemnité la plus faible et donc de réduire de 37 012€ de l'indemnité réclamée ; que dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande d'Humanis à concurrence de 435 253€, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 novembre 2012 ;

1) ALORS QUE les organismes assureurs peuvent répartir les effets de l'article 18 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 reportant l'âge légal de la retraite à 62 ans sur le niveau des provisions prévues en application des articles 7 et 7-1 de la loi n°89-1009 du 31 décembre 1989, au titre des contrats, conventions ou bulletins d'adhésion conclus au plus tard à la date de promulgation de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, sur une période de six ans au plus à compter des comptes établis au titre de l'exercice 2010 ; qu'en cas de résiliation au cours de cette période transitoire, une indemnité de résiliation est due par le souscripteur ; que pour condamner l'AHNAC à verser une indemnité de résiliation à Humanis Prévoyance au titre de la résiliation du contrat de prévoyance notifiée le 22 septembre 2010 à l'organisme assureur, la cour d'appel a retenu que la résiliation était intervenue au cours de la période transitoire ; qu'en statuant ainsi, cependant que cette période débutait « à compter des comptes établis au titre de l'année 2010 » de sorte que l'année 2010 était nécessairement exclue de la période transitoire et qu'ainsi la résiliation notifiée le 22 septembre 2010 n'ouvrait pas droit à indemnité, la cour d'appel a violé l'article 31 de la loi du 31 décembre 1989, créé par l'article 26 de la loi du 9 novembre 2010 ;

2) ALORS QUE, subsidiairement, l'article 31 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, créé par l'article 26 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, applicable à la cause, porte une atteinte injustifiée ou à tout le moins disproportionnée à la garantie des droits résultant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 en ce qu'il met à la charge du souscripteur d'un contrat de prévoyance qui a notifié à son assureur la résiliation du contrat à une date antérieure à l'adoption et à l'entrée en vigueur de la loi du 9 novembre 2010 une indemnité de résiliation, cette indemnité remettant en cause les effets que le souscripteur pouvait légitimement attendre d'une situation acquise ; que dès lors, il y a lieu de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra en application de l'article 62 de la Constitution, l'arrêt attaqué se trouvera censuré pour perte de fondement juridique ;

3) ALORS QUE, subsidiairement, l'article 31 de la loi n°89-1009 du 31 décembre 1989, créé par l'article 26 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, porte une atteinte injustifiée ou à tout le moins disproportionnée au droit au maintien de l'économie des conventions légalement conclues découlant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 en ce qu'il met à la charge du souscripteur d'un contrat de prévoyance qui a notifié à son assureur la résiliation du contrat à une date antérieure à l'adoption et à l'entrée en vigueur de la loi du 9 novembre 2010 une indemnité de résiliation d'un montant potentiellement très conséquent, remettant en cause l'économie de la convention et les effets de sa résiliation initialement prévus ; que dès lors, il y a lieu de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra en application de l'article 62 de la Constitution, l'arrêt attaqué se trouvera censuré pour perte de fondement juridique ;

4) ALORS QU'en toute hypothèse, aux termes de l'alinéa 1er de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens, nul ne pouvant être privé de sa propriété que pour une cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international sous réserve des exceptions prévues à l'alinéa 2 du texte précité ; que la mise à la charge du souscripteur d'un contrat de prévoyance d'une indemnité de résiliation au profit de l'assureur par une loi postérieure à la notification de la résiliation porte une atteinte au droit au respect des biens du souscripteur et à l'exigence de sécurité juridique ; qu'en l'espèce, en mettant à la charge de l'AHNAC qui a notifié à son assureur la résiliation de son contrat à une date antérieure à l'adoption et à l'entrée en vigueur de la loi du 9 novembre 2010 une indemnité de résiliation d'un montant d'un montant de 435 253€, indemnité inexistante et non prévisible à la date de notification de la résiliation, la cour d'appel a porté une atteinte injustifiée ou à tout le moins disproportionnée au droit de l'AHNAC au respect de ses biens et partant, a violé l'article 1er alinéa 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le principe de sécurité juridique ;

5) ALORS QUE, à titre infiniment subsidiaire, l'indemnité de résiliation prévue par l'article 31 de la loi n°89-1009 du 31 décembre 1989, créé par l'article 26 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, et due par le souscripteur d'un contrat de prévoyance pour toute résiliation intervenue au cours de la période transitoire permettant à l'organisme assureur, consécutivement à l'augmentation de l'âge de la retraite, de constituer les provisions destinées à couvrir intégralement les engagements en application des articles 7 et 7-1 de la loi n°89-1009 du 31 décembre 1989 est égale à la différence entre le montant des provisions techniques nécessaires à cette couverture et le montant des provisions techniques effectivement constituées par l'assureur à la date de la résiliation ; que par ailleurs, l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale prévoit un relèvement progressif de l'âge de la retraite par génération ; que l'augmentation des provisions afférentes aux premières générations concernées sont donc limitées ; qu'en condamnant l'AHNAC à verser la somme de 435 253€ à titre d'indemnité de résiliation sans s'expliquer, comme l'y invitaient pourtant les conclusions d'appel de l'AHNAC (page 9 § 3), sur la prise en compte de l'allongement progressif de l'âge de la retraite pour certaines générations et ainsi du provisionnement afférent limité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, créé par l'article 26 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, ensemble l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la cause.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-27099
Date de la décision : 07/02/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CHOSE JUGEE - Décision dont l'autorité est invoquée - Décision du Conseil constitutionnel - Motifs - Condition

CHOSE JUGEE - Motifs - Autorité - Conditions - Support nécessaire du dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel - Portée CHOSE JUGEE - Autorité erga omnes - Décision du Conseil constitutionnel POUVOIRS DES JUGES - Applications diverses - Décision du Conseil constitutionnel - Portée ASSURANCE (règles générales) - Contrat de prévoyance - Période transitoire - Résiliation - Indemnité due par le souscripteur - Conditions - Détermination - Portée

L'autorité absolue conférée par l'article 62, alinéa 3, de la Constitution à une décision du Conseil constitutionnel s'attache non seulement à son dispositif mais aussi à ses motifs, dès lors que ceux-ci sont le support nécessaire de celui-là. Le Conseil constitutionnel ayant énoncé, dans sa décision n° 2018-728 QPC du 13 juillet 2018, que selon les dispositions de l'article 31 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, issu de l'article 26 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, le législateur avait fixé au 1er janvier 2010 le point de départ de la période transitoire de six ans pendant laquelle les organismes assureurs ont la possibilité d'étaler les provisionnements supplémentaires, et que l'indemnité due par le souscripteur en cas de résiliation, prévue par ces dispositions, s'appliquait aux contrats en cours d'exécution à la date de leur entrée en vigueur, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que l'association, qui avait résilié le contrat au 31 décembre 2010 et pendant cette période transitoire, devait cette indemnité


Références :

article 62, alinéa 3, de la Constitution

article 31 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, issu de l'article 26 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 14 septembre 2017

Sur l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions du Conseil constitutionnel, à rapprocher :1re Civ., 15 décembre 2011, pourvoi n° 10-27473, Bull. 2011, I, n° 216 (rejet) ;Soc., 15 mars 2016, pourvoi n° 14-16242, Bull. 2016, V, n° 47 (cassation partielle) ;1re Civ., 6 juillet 2016, pourvois n° 15-19.341 et 15-17.346, Bull. 2016, I, n° 156 (cassation partielle), et les arrêts cités ;Soc., 31 mai 2017, pourvoi n° 16-16949, Bull. 2017, V, n° 96 (cassation). Sur l'indemnité de résiliation du contrat de prévoyance pendant la période transitoire, à rapprocher :Cons. Const., 13 juillet 2018, décision n° 2018-728 QPC


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 07 fév. 2019, pourvoi n°17-27099, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat(s) : SCP Leduc et Vigand, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.27099
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