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29/11/2018 | FRANCE | N°17-24715

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 29 novembre 2018, 17-24715


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 29 juin 2017), que, le 1er août 2011, M. X... a donné à bail verbal à la société Aux Provinces gourmandes un local commercial ; que, le 23 juillet 2013, le bailleur a donné congé à la société locataire pour le 31 juillet 2013 et le 5 août 2013, l'a sommée de libérer les lieux ; que, le 14 octobre 2014, la société Aux Provinces gourmandes a assigné M. X... en requalification du contrat de louage en bail commercial ; qu'à titre reconventionnel, celui-ci a s

oulevé la prescription biennale de l'action ;

Sur le moyen unique du pourv...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 29 juin 2017), que, le 1er août 2011, M. X... a donné à bail verbal à la société Aux Provinces gourmandes un local commercial ; que, le 23 juillet 2013, le bailleur a donné congé à la société locataire pour le 31 juillet 2013 et le 5 août 2013, l'a sommée de libérer les lieux ; que, le 14 octobre 2014, la société Aux Provinces gourmandes a assigné M. X... en requalification du contrat de louage en bail commercial ; qu'à titre reconventionnel, celui-ci a soulevé la prescription biennale de l'action ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu l'article L. 145-60 du code de commerce ;

Attendu que, pour accueillir la demande de la société Aux Provinces gourmandes, l'arrêt retient que le point de départ de la prescription biennale court à compter du congé délivré par le bailleur, soit de la date à laquelle s'est posée la question de la nature juridique du bail ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le point de départ du délai de la prescription biennale applicable à la demande tendant à la requalification d'une convention en bail commercial court à compter de la date de conclusion du contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare non prescrite l'action de la société Aux provinces gourmandes, l'arrêt rendu le 29 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable la demande de la société Aux Provinces gourmandes ;

Maintient les dispositions du jugement et de l'arrêt relatives aux dépens ;

Condamne la société Aux Provinces gourmandes aux dépens de cassation ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Aux Provinces gourmandes et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré non-prescrite l'action de l'EURL Aux Provinces Gourmandes aux fins de qualification du bail verbal liant les parties ;

AUX MOTIFS QU'en application de l'article L 145-60 du code de commerce, toutes les actions exercées en vertu du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans ; que le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce, aucun contrat écrit n'a été signé par les parties et ce n'est qu'à la date du 24 juillet 2013 que la question s'est posée de savoir quelle était la nature du bail conclu entre les parties ;que le point de départ du délai de prescription doit donc être fixé à cette date ; que l'assignation ayant été délivrée le 14 octobre 2014, il convient de constater qu'à cette date le délai de prescription n'était pas expiré ; qu'il convient par conséquent de déclarer non-prescrite l'action en qualification du bail engagée par l'EURL AUX PROVINCES GOURMANDES (arrêt p.6 et 7).

ALORS QUE le point de départ de la prescription biennale applicable à la demande tendant à la requalification d'une convention en bail commercial court à compter de la date de la conclusion du contrat ; qu'en jugeant que le point de départ de la prescription biennale était la date à laquelle s'était posée la question de la nature du bail, c'est-à-dire la date à laquelle le propriétaire a donné congé au preneur, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 145-60 du code de commerce.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le contrat revêt la qualification juridique de bail soumis au statut des baux commerciaux, et qu'il a pris effet le 1er août 2011 pour une durée de neuf années, avec un loyer mensuel de 2 500 €;

AUX MOTIFS QUE, en principe, la durée d'un bail commercial ne peut être inférieure à neuf ans, en application de l'article L 145-4 du code de commerce, cependant les parties peuvent y déroger lors de l'entrée dans les lieux du preneur, à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans, en application de l'article L 145-5 du même code, dans sa rédaction applicable en la cause ; que la volonté de déroger au statut peut résulter d'un simple bail verbal, mais cette volonté doit être claire et non équivoque ; qu'en l'espèce, M. X... considère que l'intention commune des parties se déduit des éléments suivants : l'existence d'un 'mandat' confié à la gérante de l'EURL AUX PROVINCES GOURMANDES aux fins de signature d'un bail précaire, résultant d'une mention figurant en annexe des statuts de la société, le fait que le local commercial ait été précédemment loué dans le cadre de baux dérogatoires, l'établissement d'un projet de bail, l'absence de travaux d'aménagements engagés par la société locataire ; que les statuts de l'EURL AUX PROVINCES GOURMANDES ont été signés par Mme Y..., gérante, le 28 juillet 2011 ; qu'il y est annexé un « état des actes accomplis pour la société en formation avant la signature des statuts » ; que parmi ces actes, il est cité la « signature d'un bail précaire entre M. X... et l'EURL AUX PROVINCES GOURMANDES en cours de formation pour les locaux sis [...] à [...] » ; qu'il est précisé en bas de page : « conformément aux dispositions de l'article R. 210-5 du code de commerce, cet état sera annexé aux statuts, dont la signature emportera reprise des engagements par la société dès que celle-ci aura été immatriculée au registre du commerce et des sociétés » ; que cette annexe, établie en application de l'article R. 210-5 du code de commerce, a pour objet et pour effet d'engager la société au titre des actes qui y sont énumérés, qui ont été accomplis en son nom avant son immatriculation ; que si la mention « bail précaire » laisse à supposer que l'intention des parties était de signer un bail dérogatoire, cependant ce contrat n'a, de fait, jamais été signé ; que par ailleurs le terme « précaire » est ambigu, dès lors qu'il peut également se référer à une convention d'occupation précaire, dont le cadre et les modalités sont différents du bail dérogatoire ; que cette mention constitue donc tout au plus un commencement de preuve de l'intention des parties, mais ne saurait caractériser, ainsi que le soutient l'intimé, la preuve irréfutable que bailleur et preneur ont souhaité s'engager dans les termes d'un bail dérogatoire ; que les autres éléments invoqués par M. H. ne sont pas suffisamment probants pour démontrer de manière claire et non équivoque la volonté des parties ;
qu'en effet - si un projet de bail dérogatoire a bien été établi par le bailleur en août 2011, cependant il n'est pas établi que l'EURL AUX PROVINCES GOURMANDES en ait effectivement eu connaissance, - le fait que le M. H. ait consenti à deux autres sociétés des baux dérogatoires portant sur le même local commercial, en 2005, puis en 2008, ne signifie pas que son intention aurait nécessairement été de reconduire le même type de baux, - il ne peut être déduit du fait que la société locataire ait effectué peu de travaux d'aménagements - étant relevé qu'elle a tout de même installé des stores extérieurs pour un montant non négligeable de 24 320 € - que l'intention de cette dernière aurait été de ne pas se maintenir dans les lieux plus de deux ans ; qu'ainsi, l'intention des parties de conclure un bail dérogatoire n'est pas clairement établie et qu'il convient par conséquent de dire que le contrat liant les parties revêt la qualification juridique de bail soumis au statut des baux commerciaux, et que ce contrat a pris effet le 1er août 2011 pour une durée de neuf années, avec un loyer mensuel de 2 500 € (arrêt p. 7 et 8).

ALORS QUE les parties peuvent renoncer au bénéfice du statut des baux commerciaux et conclure un bail dérogatoire pour une durée de deux ans ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que les statuts de la société Aux Provinces Gourmandes donnaient mandat à sa gérante pour conclure un « bail précaire » avec M. X..., que ce dernier avait toujours loué le local commercial dans le cadre de baux dérogatoires, qu'un projet de bail dérogatoire avait été établi, que la société preneuse n'avait entrepris aucun travaux d'aménagement du local, ce dont il résultait qu'elle n'avait pas l'intention de se maintenir dans les lieux ; qu'en jugeant toutefois que ces éléments ne caractérisaient pas la volonté claire et non équivoque des parties de renoncer au statut des baux commerciaux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et a ainsi violé l'article L. 145-5 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable à l'espèce.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. X... de son action en paiement d'une indemnité de pas-de-porte ;

AUX MOTIFS QUE M. X... sollicite une indemnité de pas-de-porte de 200 000 €, compte-tenu des valeurs de marché de référence récentes ; que son action n'est pas prescrite puisqu'il ne pouvait formuler une demande à ce titre qu'à compter du jour où il a été informé que l'EURL AUX PROVINCES GOURMANDES revendiquait l'application du statut des baux commerciaux ; que cette demande n'est en revanche nullement étayée ni justifiée, que ce soit en droit ou en fait

ALORS QU'en se bornant à énoncer que la demande du bailleur n'est « nullement étayée ni justifiée, que ce soit en droit ou en fait »,tandis que le preneur ne contestait pas cette demande, la cour d'appel a statué par voie d'affirmation générale, sans réelle motivation, violant ainsi les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Aux Provinces gourmandes

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté l'EURL Aux provinces gourmandes de ses demandes tendant à voir ordonner sous astreinte à M. Jean-François X... d'installer, dans le local loué, un tableau électrique conforme aux normes en vigueur ainsi qu'une alimentation en gaz, répondant aux besoins professionnels de la locataire, et à ce que le bailleur soit condamné à lui verser une provision de 300.000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;

AUX MOTIFS QU'en l'espèce, aucun contrat écrit n'a été signé par les parties ; (
)

Sur les demandes de l'EURL Aux provinces gourmandes formées au titre de l'obligation de délivrance du bailleur ;

L'EURL Aux provinces gourmandes demande à la cour de faire injonction à M. X... d'installer dans le local loué un tableau électrique conforme aux normes en vigueur, ainsi qu'une alimentation en gaz, répondant à ses besoins professionnels ; elle sollicite par ailleurs la somme de 300.000 € à titre de provision au titre des dommages-intérêts qui lui seront ultérieurement alloués, du fait de l'impossibilité de servir des plats chauds depuis le 8 juillet 2014 ; elle soutient que le tableau électrique, qui est situé dans un local au sous-sol de l'immeuble et qui n'est plus aux normes, devrait être déplacé dans le local commercial ; elle demande également que soit installée une alimentation en gaz pour faire fonctionner la cuisine ;

M. X... fait valoir que le local commercial a toujours été exploité en boutique et que sa transformation ne peut être réalisée sans son accord ; il a consenti à ce que l'EURL Aux provinces gourmandes exploite un commerce d'épicerie fine avec dégustation sur place, sans permis de restauration ; les coupures de courant dont la société locataire se plaint sont causées par l'adjonction de nouvelles installations, non prévues à l'origine ;
cette situation ne lui est aucunement imputable ;

il est constant que l'obligation de délivrance à la charge du bailleur s'apprécie au moment de la conclusion du contrat et en fonction de la destination des locaux ;

en l'espèce, le local a été donné à bail, non pas pour y exploiter une activité de restauration, mais pour y exercer l'activité de « fabrication, négoce en gros ou en détail de produits régionaux alimentaires ou non, la vente à emporter ou à consommer sur place de boissons et aliments » ; la société locataire a pu exercer sans aucune difficulté cette activité pendant deux ans ; le fait qu'elle ait ensuite décidé d'installer de nouveaux frigos ainsi qu'un piano de cuisson, ce qui impose d'augmenter la puissance de l'installation électrique et d'alimenter les lieux en gaz, n'est pas rattachable à l'obligation de délivrance ;

il convient par conséquent de débouter l'EURL Aux provinces gourmandes de toutes ses demandes à ce titre ;

1°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu'en fondant le motif selon lequel l'augmentation de la puissance de l'installation électrique et l'alimentation des lieux en gaz n'étaient pas rattachables à l'obligation de délivrance, sur la citation d'un écrit contractuel dont il résulterait que les locaux avaient été donnés à bail, non pas pour y exploiter une activité de restauration, mais pour y exercer une activité de « fabrication, négoce en gros ou en détail de produits régionaux alimentaires ou non, la vente à emporter ou à consommer sur place de boissons et aliments », tout en retenant que le bail entre les parties était verbal, la cour d'appel s'est prononcée par une contradiction de motifs, et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si une acceptation tacite par le bailleur de l'exercice par le preneur d'une activité de restauration ne résultait pas de ce que l'EURL Aux provinces gourmandes avait exercé une telle activité au vu et au su de M. X..., ainsi qu'il résultait notamment des interventions de ce dernier sur l'installation électrique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 devenu 1103 et 1719 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-24715
Date de la décision : 29/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 29 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 29 nov. 2018, pourvoi n°17-24715


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.24715
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