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05/09/2018 | FRANCE | N°17-22439

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 05 septembre 2018, 17-22439


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 815-9, alinéa 2, du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... et Anthony X... ont acquis en indivision, chacun pour moitié, un bien immobilier ; qu'Anthony X... est décédé le [...] , laissant pour lui succéder ses parents, M. X... et Josiane A..., ainsi que sa soeur, Mme Mélanie X... ; que M. X..., qui a été condamné le 18 décembre 2013 à une peine criminelle pour le meurtre de son épouse, a vécu dans

l'immeuble à compter du 1er mai 2008 jusqu'à son incarcération, le 30 décembre 2009 ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 815-9, alinéa 2, du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... et Anthony X... ont acquis en indivision, chacun pour moitié, un bien immobilier ; qu'Anthony X... est décédé le [...] , laissant pour lui succéder ses parents, M. X... et Josiane A..., ainsi que sa soeur, Mme Mélanie X... ; que M. X..., qui a été condamné le 18 décembre 2013 à une peine criminelle pour le meurtre de son épouse, a vécu dans l'immeuble à compter du 1er mai 2008 jusqu'à son incarcération, le 30 décembre 2009 ; que Mme Y... a assigné les héritiers d'Anthony X... en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision ;

Attendu que, pour dire M. X... redevable d'une indemnité d'occupation au profit de l'indivision jusqu'à complète libération des lieux ou vente de l'immeuble, l'arrêt retient qu'il ressort du constat de l'huissier de justice dressé le 25 janvier 2013, lors de la remise des clés de l'immeuble placé sous scellés judiciaires, que divers meubles et objets appartenant à M. X... sont encore entreposés dans l'immeuble indivis ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si l'occupation de l'immeuble par M. X... excluait la même utilisation par ses coïndivisaires, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à la somme de 300 euros par mois le montant de l'indemnité d'occupation due par M. X... à l'indivision successorale à compter du 1er mai 2008 jusqu'à complète libération des lieux ou vente de l'immeuble, l'arrêt rendu le 6 juillet 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée ;

Condamne Mmes Y... et X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la vente sur adjudication à l'audience des criées du Tribunal de Grande Instance de Saintes, ordonnée par jugement du Tribunal de Grande Instance de Saintes du 7 avril 2015, de l'immeuble sis commune de [...] (Charente-Maritime), [...] , cadastré section [...], lieudit [...], d'une contenance 50 ca, et section [...], lieudit [...], d'une contenance de 03 a 16 ca, indivis entre Mme Magalie B... Y... et la succession d'Anthony X..., décédé le [...] à [...] (17), suivant acte d'acquisition reçu par Maître C..., Notaire associé à [...], le 24 octobre 2005, publié le 5 décembre 2005 sous le volume 2005 P nº 3416, aura lieu sur le cahier des charges déposé par Maître Pierre D..., membre de la SCP E...-D...-H... , avocats au Barreau de [...], y demeurant [...] , commis à cet effet, après l'accomplissement par lui de toutes les formalités judiciaires et de publicité, et sur la mise de prix de 9 500 €, dit qu'à défaut d'enchérisseur sur la mise à prix ci-dessus fixée, il sera, séance tenante procédé, à la requête du poursuivant, à de nouvelles enchères inférieures du 1/4 de la mise à prix initiale, et fixé à la somme de 300 € par mois le montant de l'indemnité d'occupation due par M. Salah X... à l'indivision successorale, à compter du 1er mai 2008 et jusqu'à complète libération des lieux ou vente de l'immeuble,

AUX MOTIFS PROPRES QUE

Sur le partage de l'indivision immobilière

Les parties s'accordent sur la nécessité de partager l'indivision immobilière existant entre elles mais non sur la façon d'y parvenir,

Seul M. Salah X... s'oppose à la licitation et propose de ses voir attribuer l'immeuble moyennant paiement d'une soulte à ses copartageants,

Mme Magalie Y... et Mme Mélanie X... s'opposent à la mise à prix du bien fixée à 6 000 € par le tribunal,

L'immeuble indivis est une grande maison de ville, attenante à une ancienne écurie en mauvaise état, en cours de rénovation au décès d'Anthony X... ; elle a été acquise le 24 octobre 2005 au prix de 110 500 € et mise en vente en 2007 entre 180 000 € et 170 000 €,

M. Salah X..., qui a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle pour a présente procédure est actuellement incarcéré en exécution de l'arrêt criminel rendu le 18 décembre 2013, ne produit aucune pièce pour démontrer qu'il est en mesure de payer une soulte en contrepartie de l'attribution de l'immeuble,

Le bien indivis ne pouvant être facilement partagé, la vente par adjudication constitue un préalable nécessaire au partage judiciaire,

La mise à prix a été appréciée par le tribunal en considération du marché immobilier, de la situation et de l'état du bien, ainsi que de la recherche d'une vente judiciaire attractive ; elle a cependant été sous-évaluée et doit être fixée à la somme de 9 500 € proposée par Mélanie X..., avec faculté de baisse,

La décision ordonnant le partage judiciaire de l'indivision et la vente du bien immobilier indivis sera réformée en ce sens,

Sur l'indemnité d'occupation

Mme Magalie Y... demande la condamnation de M. Salah X... et de Mme Mélanie X... au paiement d'une indemnité d'occupation de 400 € par mois à compter du 1er mai 2008 et jusqu'à complète libération des lieux, exposant qu'Anthony X... était demeuré dans l'immeuble et qu'à sa suite M. Salah X... et Josiane A... ont continué de l'occuper.

M. Salah X... ne conteste pas être tenu de payer une indemnité d'occupation compter du 1er mai 2008, mais demande que la mensualité soit réduite à la somme de 300 € et soutient n'en être plus redevable à compter à compter du 30 décembre 2009, date de son incarcération et de la pose de scellés sur l'immeuble dans le cadre de l'enquête pénale.

Mme Mélanie X... conteste être tenue de payer une indemnité d'occupation, au motif que ni sa mère, ni elle n'ont occupé les lieux entre le 1er mai 2008 et le 30 décembre 2009 ; elle fait valoir que l'immeuble est inhabité depuis le 30 décembre 2009, date du meurtre de sa mère, et que le Juge d'Instruction a restitué les clefs de l'immeuble à Maître C..., Notaire, par ordonnance du 24 octobre 2012.

Il est constant que M. Salah X... a occupé l'immeuble indivis de façon privative entre le 1er mai 2008 et le 30 décembre 2009.

La cohabitation de M. Salah X... et de son épouse dans les lieux jusqu'au meurtre de celle-ci n'est établie par aucun élément du dossier, et ne peut être déduite, ni du devoir de communauté de vie qui n'interdit pas aux époux d'avoir temporairement un domicile séparé, ni des circonstances du décès de Josiane A....

Il est établi par l'ordonnance du 24 octobre 2012 que le juge d'instruction en charge de l'information judiciaire ouverte après le décès de Josiane A... a restitué d'office, à compter de cette date, les clés de l'immeuble placé sous scellés.

Le constat d'huissier dressé le 25 janvier 2013 par Maître Stéphane F..., huissier de justice à [...], jour de la remise des clés de l'immeuble par Maître C... à Mme Magalie Y..., fait état de la présence de divers meubles et objets mobiliers encore entreposés dans les lieux.

Il est ainsi démontré que l'occupation privative des lieux par M. Salah X... s'est poursuivie au-delà du 31 décembre 2009, et qu'elle est encore effective à défaut de preuve de l'enlèvement du mobilier entreposé par celui-ci dans l'immeuble.

Dans la mesure où le montant de l'indemnité d'occupation doit être fixé en fonction des caractéristiques du logement en appliquant une réfaction par rapport à la valeur locative pour tenir compte du caractère précaire de l'occupation dans le cadre d'une indivision, la somme mensuelle de 300 € proposée par M. Salah X... sera retenue, étant due par lui à l'indivision à compter du 1º mai 2008 jusqu'à complète libération des lieux ou vente de l'immeuble,

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE

Sur la licitation

Mélanie X... accepte la demande de licitation de l'immeuble indivis

Seul Salah X... qui selon Maître C... a droit à une quote-part de 1/8ème sur l'immeuble s'oppose à toute cession

Aux termes de l'article 815 du code civil, « nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué à moins qu'il y ait suris par jugement ou convention »,

En l'espèce, les héritiers d'Anthony X... décédé le [...] et sa compagne Magalie Y... sont en situation d'indivision sur l'immeuble sis à [...],

Mélanie X... et Magalie Y... ont exprimé leur accord sur la vente de cet immeuble à Me C... notaire mais Salah X... a refusé toute cession, Salah X... n'a pas fait connaître les raisons de son refus mais quoiqu'il en soit, il n'est pas fondé à faire persister par son attitude une situation d'indivision que les deux autres Co indivisaires ne souhaitent pas,

En conséquence la liquidation et le partage de cette indivision ne peut s'effectuer que par la vente judiciaire de l'immeuble,

Mélanie X... sollicite une mise à prix de 9 500 € alors que Magalie Y... souhaite une mise à prix moindre limitée à 6 000 €,

(
),

Sur la demande relative à l'indemnité d'occupation

Magalie Y... réclame une indemnité d'occupation de 400 € par mois à compter du 1er mai 2008 et jusqu'à complète libération des lieux à Salah et Mélanie X... en qualité de représentants de la succession d'Anthony X...,

Elle produit un constant d'huissier de justice en date du 13 mai 2008 établi par Me G... lequel a effectivement rencontré dans les lieux de Salah X... et une femme ; M. X... reconnaissant d'ailleurs avoir forcé l'un des serrures qui venait d'être changée pour pouvoir pénétrer dans les lieux,

(
),

il est démontré que Salah X... vivait dans l'immeuble indivis depuis au moins le 13 mai 2008 et ce jusqu'à son incarcération.

Cependant, le constat d'huissier de Maître F... du 25 janvier 2013 fait état de meubles laissés dans cet immeuble abandonné appartenant au dernier occupant soit Salah X....

Le fait de laisser ses meubles et effets personnels doit être considéré comme un acte de jouissance privative au sens de l'article 815-9 du code civil. En conséquence, il convient de juger que Salah X... est redevable d'une indemnité d'occupation à compter du 1er mai 2008 jusqu'à la libération effective des lieux ou la vente de l'immeuble,

Compte tenu des éléments versés aux débats, il convient de fixer l'indemnité d'occupation à la somme mensuelle de 300 €,

1°) ALORS QUE la jouissance privative d'un immeuble indivis résulte de l'impossibilité de droit ou de fait, pour les coïndivisaires, d'user de la chose ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que M. Salah X..., indivisaire, avait occupé l'immeuble indivis de façon privative entre le 1er mai 2008 et le 30 décembre 2009 et était incarcéré depuis cette date ; qu'en retenant, pour décider que M. X... était redevable d'une indemnité d'occupation à compter du 1er mai 2008 et jusqu'à complète libération des lieux ou vente de l'immeuble, que l'occupation privative de l'immeuble indivis par M. X... s'était poursuivie au-delà du 31 décembre 2009 et qu'elle était encore effective à défaut de preuve de l'enlèvement du mobilier entreposé par lui dans l'immeuble, quand l'incarcération de M. X... depuis le 30 décembre 2009 excluait toute jouissance du bien indivis, la cour d'appel a violé l'article 815-9 du code civil,

2°) ALORS QUE la jouissance privative d'un immeuble indivis résulte de l'impossibilité de droit ou de fait, pour les coïndivisaires, d'user de la chose ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que les clefs de l'immeuble indivis avaient été placées sous scellés judiciaires à compter du 30 décembre 2009 et jusqu'à leur restitution par ordonnance du juge d'instruction du 24 octobre 2012, à Maître C..., notaire et que ce dernier avait remis les clefs à Mme Magali Y..., indivisaire, le 25 janvier 2013 ; qu'en retenant, pour décider que M. X..., indivisaire incarcéré depuis le 30 décembre 2009, était redevable d'une indemnité d'occupation à compter du 1er mai 2008 et jusqu'à complète libération des lieux ou vente de l'immeuble, que l'occupation privative de l'immeuble indivis par M. X... s'était poursuivie au-delà du 31 décembre 2009 et qu'elle était encore effective à défaut de preuve de l'enlèvement du mobilier entreposé par lui dans l'immeuble, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 815-9 du code civil,

3°) ALORS QUE la jouissance privative d'un immeuble indivis résulte de l'impossibilité de droit ou de fait, pour les coïndivisaires, d'user de la chose ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que M. Salah X..., indivisaire, avait occupé l'immeuble indivis de façon privative entre le 1er mai 2008 et le 30 décembre 2009 et était incarcéré depuis cette date ; qu'en retenant, pour décider que M. X... était redevable d'une indemnité d'occupation à compter du 1er mai 2008 et jusqu'à complète libération des lieux ou vente de l'immeuble, que l'occupation privative de l'immeuble indivis par M. X... s'était poursuivie au-delà du 31 décembre 2009 et qu'elle était encore effective à défaut de preuve de l'enlèvement du mobilier entreposé par lui dans l'immeuble, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la jouissance exclusive du bien par M. X..., a privé sa décision de base légale au regard de l'article 815-9 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-22439
Date de la décision : 05/09/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 06 juillet 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 05 sep. 2018, pourvoi n°17-22439


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.22439
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