CIV.3
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 juillet 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10404 F
Pourvoi n° J 17-20.086
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Foncière du Trident, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 25 avril 2017 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. Georges X...,
2°/ à Mme Jacqueline Y..., épouse X...,
tous deux domiciliés [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 juin 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, M. Echappé , conseiller rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Foncière du Trident, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. et Mme X... ;
Sur le rapport de M. Z..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Foncière du Trident aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Foncière du Trident ; la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. et Mme X... ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Foncière du Trident.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la limite entre la propriété de M. et Mme X... et celle de la SCI Foncière du Trident, venant aux droits de M. Andrew A... et Mme Susan A... épouse B..., est définie par le tracé A E F G tel que figurant sur le plan annexe 1 du rapport de M. C... du 3 octobre 2008 ;
Aux motifs qu'« il est constant que M. et Mme X... et la SCI Foncière du Trident sont propriétaires de parcelles voisines situées dans le lotissement du [...] ; que les deux tènements immobiliers proviennent de la division d'une même propriété appartenant à M. et Mme D..., à la suite de la vente du lot n° 20 intervenue, suivant acte du 31 mars 1926, entre M. et Mme D... et le colonel E..., les vendeurs conservant le surplus de leur propriété ; qu'était annexé à cet acte un plan figurant les limites divisoires des deux fonds ; que M. et Mme X... sont propriétaires du lot 301, zone 3 du lotissement, figurant au cadastre sous les n° 616 p et 593 p section A, comme venant aux droits de Mme D... à la suite des ventes successives du lot par Mme D... à M. F... le 13 février 1947, puis par M. F... à M. et Mme G... en 1969, suivies de la vente à Mme H... en 1983 et de la revente par Mme H... aux époux X... le 9 septembre 2005 ; que la SCI Foncière du Trident est propriétaire du lot n° 20 et d'une partie du lot 21 du lotissement, zone 1, figurant au cadastre sous les n° 615, 616 et 935 section A, comme venant aux droits du colonel E... à la suite de la vente intervenue le 25 juillet 1977 au profit des consorts A..., puis de la vente par ceux-ci à la SCI Foncière du Trident le 18 décembre 2009 ; que M. C..., géomètre expert désigné en 2007 pour procéder au bornage judiciaire des propriétés de M. et Mme X... et des consorts A..., a déposé son rapport le 3 octobre 2008 en indiquant les points suivants : la vente de 1926 comporte un plan figurant une certaine limite entre les fonds, reprise dans le plan annexé à l'acte de vente de 1947, mais le PV de bornage signé par M. D... et le colonel E... le 24 juin 1927 trace une ligne divisoire différente ; la différence entre ces deux tracés, le premier marqué en violet, le second en vert, apparaît sur le plan constituant l'annexe I au rapport d'expertise ; une alternative est offerte par l'expert : soit un tracé A' E E' F F' H I J K, conforme au plan de bornage de 1927 (tracé vert en annexe 1), soit un tracé A E F G, conforme aux plans des actes de 1926 et 1947 (tracé violet en annexe I) ; d'après les attestations recueillies par l'expert (attestations de M. Ralph A... et de M. Ferdinand I...), le colonel E... avait fait construire, en 1956, un chemin bétonné dans un emplacement conforme au PV de bornage de 1927, sentier utilisé pendant de nombreuses années ; que les parties - M. et Mme X... d'un côté et la SCI Foncière du Trident de l'autre, à la suite de la vente intervenue à son profit en décembre 2009 - sont opposées sur la valeur juridique du PV de bornage de 1927 ; que le tribunal a, tout en rappelant que le PV de bornage n'était pas translatif de propriété, retenu qu'il constituait un titre établissant les limites des propriétés contiguës, en dépit des plans contraires des actes de 1926 et de 1947, et que la ligne divisoire résultant du plan de bornage de 1927 devait s'appliquer, considérant que c'était par erreur que Mme D..., lors de revente de sa propriété, en 1947, avait omis d'informer son acquéreur de ce bornage, le PV de bornage ayant été égaré pendant la guerre ; qu'un procès verbal de bornage ne peut constituer un acte translatif de propriété et ne peut servir de titre contre un acte authentique ; qu'en l'espèce, la simple comparaison des tracés figurant sur le plan annexe I permet de consister que la propriété D... se trouvait, par l'effet du bornage, amputée au profit de la propriété E... d'une partie importante du terrain qu'elle avait conservé lors de la vente de 1926 ; que la seule signature par M. D... de ce procès-verbal ne peut suffire à établir qu'il aurait renoncé à la propriété de celle partie de terrain ; que la circonstance que le plan de bornage ait pu être perdu par le colonel E... pendant la guerre ne permet pas de considérer que ce serait par erreur ou omission que Mme D... a vendu sa propriété, en 1947, suivant les lignes divisoires retenues en 1926 ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a considéré, au regard du procès-verbal de bornage de 1927, que la propriété des consorts A... et de la SCI Foncière du Trident venant à sa suite devait être délimitée conformément au tracé retenu dans le plan de bornage, en contradiction avec les plans annexes aux actes de vente des 31 mars 1926 et 13 février 1947 » ;
Alors qu'un procès-verbal de bornage amiable constitue un titre définitif de l'étendue des immeubles respectifs qui s'impose aux parties, à leur ayants cause et au juge, sans être soumis à publicité ; que, pour dire que la limite entre la propriété des époux X... et celle de la SCI Foncière du Trident est définie par le tracé A E F G tel que figurant sur le plan annexe 1 du rapport de M. C... du 3 octobre 2008, et refuser de s'en tenir à la ligne divisoire fixée par le procès-verbal de bornage du 24 juin 1927, signé, suivant ses propres constatations, par leurs auteurs respectifs, la cour d'appel a énoncé qu'un procès-verbal de bornage ne peut constituer un acte translatif de propriété et ne peut servir de titre contre un acte authentique ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134, alinéa 1er du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI Foncière du Trident de sa revendication de propriété, tant au titre du procès-verbal de bornage du 23 juin 1927 que sur le fondement de la prescription acquisitive ;
Aux motifs que « la SCI Foncière du Trident revendique subsidiairement la propriété de la partie de terrain comprise entre les tracés violet et vert figurant sur le plan annexe l au titre de la prescription acquisitive ; qu'en application des articles 2258 et suivants du code civil, la propriété s'acquiert par prescription, sous réserve d'établir une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire ; que l'article 2265 prévoit qu'il est possible de joindre à sa propre possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé ; que, pour établir l'existence d'une possession pouvant donner lieu à usucapion, la SCI Foncière du Trident se prévaut de deux attestations, l'une de M. Robert Ralph A..., l'autre de M. I... ; qu'il convient toutefois de noter, en ce qui concerne l'attestation de M. Robert A..., qu'il s'agit de l'ancien propriétaire de la parcelle appartenant aujourd'hui à la SCI Foncière du Trident et qu'il ne peut valablement attester de la possession acquise par son auteur, le colonel E..., et par lui-même au profit du fonds dont il était propriétaire ; qu'en ce qui concerne l'attestation de M. Sébastian I..., il doit être relevé que, si le témoin est très précis sur la question de l'accès par le chemin de [...] jusqu'au gros rocher (qui concerne la revendication de cette partie du chemin écartée par le tribunal et qui n'est pas en débat devant la cour), il n'apporte aucune précision concernant la limite divisoire qui intéresse la cour, se contentant de confirmer les points de l'attestation de M. Robert A... qui y sont relatifs, sans donner le moindre élément circonstanciant et matérialisant l'existence d'une possession sur la partie de terrain en litige ; que l'expert a fait figurer en pointillés sur le plan annexe I le morceau du sentier qui aurait été construit par le colonel E... en 1956 (dans l'angle compris entre les points A A' et E), mais que la présence de ce sentier sur le terrain n'est manifestement plus effective et que rien ne permet de dater sa disparition ; que l'expert indique enfin, s'agissant du relevé de l'état des lieux : « Les possessions ne sont pas clairement établies, ne subsistent que quelques anciens piquets de clôture, un sur la ligne rosé, deux sur la ligne verte » ; qu'en l'état de ces éléments, il apparaît que la SCI Foncière du Trident est défaillante à établir l'existence d'une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire sur la partie de terrain qu'elle revendique pour bénéficier de la limite divisoire matérialisée par les points A' E E' F F' H I J K ; que le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a retenu que la propriété de la SCI Foncière du Trident est définie par le tracé A' E E'
F V H I J K, tel que ressortant en vert sur le plan de l'expert judiciaire, M. C... et en ce qu'il a débouté M. et Mme X... de leur demande tendant à voir dire que la ligne divisoire des fonds correspond au tracé A E F G » ;
Alors 1°) que le juge est tenu de trancher le litige relatif au droit de propriété en retenant les présomptions qui lui paraissent les meilleures et les plus caractérisées ; qu'un procès-verbal de bornage amiable constitue une présomption de propriété ; qu'en statuant comme elle l'a fait, pour débouter la SCI Foncière du Trident de son action en revendication, sans se prononcer sur le procès-verbal de bornage du 24 juin 1927, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du code civil ;
Alors 2°) que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que, pour refuser d'examiner l'attestation délivrée par M. Robert A..., la cour d'appel a retenu qu'il s'agissait de l'ancien propriétaire de la parcelle appartenant aujourd'hui à la SCI Foncière du Trident et qu'il ne pouvait valablement attester de la possession acquise par son auteur, le colonel E..., et par lui-même au profit du fonds dont il était propriétaire ; qu'en s'étant fondée sur un motif impuissant à écarter l'attestation produite par l'exposante pour établir l'acquisition par prescription de la parcelle litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors 3°) qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu'en ayant refusé d'examiner l'attestation produite par l'exposante pour faire la preuve de l'acquisition par prescription de la parcelle litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 9 du code de procédure civile, ensemble le droit à la preuve de tout justiciable et l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Alors 4°) que le principe selon lequel nul ne peut se constituer une preuve à lui-même n'est pas applicable à la preuve des faits juridiques ; que, pour refuser d'examiner l'attestation délivrée par M. Robert A..., la cour d'appel a énoncé qu'il s'agissait de l'ancien propriétaire de la parcelle appartenant aujourd'hui à la SCI Foncière du Trident et qu'il ne pouvait valablement attester de la possession acquise par son auteur, le colonel E..., et par lui-même au profit du fonds dont il était propriétaire ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe susvisé, par fausse application ;
Alors 5°) que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que, pour refuser d'examiner l'attestation de M. Sébastian I..., la cour d'appel a énoncé que ce témoin se contentait de confirmer les points de l'attestation de M. Robert A... ; qu'en s'étant fondée sur un motif inopérant pour refuser d'examiner cette attestation produite par l'exposante afin de faire la preuve de l'acquisition par prescription de la parcelle litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors 6°) que suivant l'article 2261 du code civil, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ; que, dans ses écritures d'appel (conclusions, p. 7), la SCI Foncière du Trident a fait valoir qu'il ressortait des éléments produits dans le cadre de l'expertise, et non contestés par les époux X..., que depuis l'acquisition du colonel E... en 1927, tous les propriétaires successifs s'étaient comportés comme propriétaires de la petite enclave et de la bande de terrain litigieuse de façon continue, avaient régulièrement et sans interruption apporté à l'entretien et à la conservation de cette bande de terrain des soins attentifs et y avaient réalisé de nombreux aménagements ; qu'elle précisait que l'ouvrage bétonné, établi au milieu des années 1950 a confirmé le caractère continu de la possession ; que, pour débouter la SCI Foncière du Trident de son action en revendication, la cour d'appel a énoncé que l'expert a fait figurer en pointillés sur le plan annexe I le morceau du sentier qui aurait été construit par le colonel E... en 1956 (dans l'angle compris entre les points A A' et E), mais que la présence de ce sentier sur le terrain n'est manifestement plus effective et que rien ne permet de dater sa disparition ; qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur le fait de possession résultant de l'édification de ce sentier bétonné, en 1956 et s'étant poursuivi jusqu'à la vente de la villa Le Trident par le colonel E..., intervenue en 1977, suivant ses propres constatations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée.