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05/07/2018 | FRANCE | N°16-23605

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 juillet 2018, 16-23605


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 29 octobre 2015), que M. Y... a été engagé le 18 juillet 2008 par la société B... C... en qualité d'ouvrier de scierie ; qu'il a été élu délégué du personnel suppléant le 23 mai 2011 ; que le 22 juin 2012, la société l'a convoqué à un entretien préalable au licenciement et que le 26 octobre 2012, l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation de le licencier ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 21 mars 2013 po

ur prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail ; que le 30 avril ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 29 octobre 2015), que M. Y... a été engagé le 18 juillet 2008 par la société B... C... en qualité d'ouvrier de scierie ; qu'il a été élu délégué du personnel suppléant le 23 mai 2011 ; que le 22 juin 2012, la société l'a convoqué à un entretien préalable au licenciement et que le 26 octobre 2012, l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation de le licencier ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 21 mars 2013 pour prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail ; que le 30 avril 2015, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail le 30 avril 2015 produit les effets d'une démission alors, selon le moyen :

1°/ que le refus d'autorisation administrative de licenciement d'un salarié protégé emporte pour ce dernier le droit à réintégration dans son emploi ; que pour dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. Y... équivalait à une démission, la cour d'appel a retenu que le salarié ne s'était pas présenté sur son lieu de travail à l'issue de son congé maladie puis de ses congés payés, le 7 juin 2012, et qu'il ne peut invoquer une méconnaissance par l'employeur de son obligation de réintégration dès lors qu'il n'a pas réclamé la lettre recommandée du 24 avril 2012 par laquelle l'employeur lui proposait de l'affecter à l'issue de son arrêt de travail sur un poste de manoeuvre ouvrier ; qu'en statuant ainsi quand elle constatait que le 26 octobre 2012, l'inspecteur du travail avait refusé d'accorder l'autorisation de licencier M. Y..., la cour d'appel qui devait en déduire que l'employeur avait l'obligation de réintégrer le salarié a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-2, L. 1235-1, L. 2411-4 et L. 2411-5 du code du travail ;

2°/ que le refus d'autorisation administrative de licenciement d'un salarié protégé emporte pour ce dernier le droit à réintégration dans son emploi ; que seule une impossibilité absolue peut libérer l'employeur de son obligation de réintégration ; que la démission ne se présume pas ; qu'en se bornant à énoncer que M. Y... avait volontairement choisi d'abandonner son poste dès lors qu'il n'avait pas rejoint son lieu de travail à l'issue de ses congés payés, la cour d'appel qui n'a caractérisé aucune impossibilité absolue de réintégrer le salarié ni aucun refus du salarié de regagner son poste, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2, L. 1235-1, L. 2411-4 et L. 2411-5 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que, le 24 avril 2012, après avis du médecin du travail, l'employeur a proposé au salarié de l'affecter après son arrêt de travail sur le poste de manoeuvre scierie sans perte de rémunération et que, à compter du 7 juin 2012 et postérieurement à la décision de l'inspecteur du travail du 26 octobre 2012 refusant l'autorisation de licenciement, le salarié ne s'est pas présenté sur son lieu de travail, a choisi de ne plus fournir de prestation de travail et de ne plus se tenir à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a pu en déduire que les manquements de l'employeur n'étaient pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail et analyser la prise d'acte de la rupture du contrat de travail comme une démission ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. Y....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte par M. Franck Y... de la rupture de son contrat de travail le 30 avril 2015 produit les effets d'une démission.

AUX MOTIFS QUE M. Franck Y... a été embauché le 18 juillet 2008 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée par la B... C... Scierie en qualité d'ouvrier scierie pour une durée hebdomadaire de travail de 40 heures moyennant une rémunération mensuelle brute de 1.558,73 euros. Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des salariés des scieries agricoles et des exploitations forestières de la région Rhône-Alpes. Le 11 juin 2010, M. Daniel B..., directeur général de la B... C... Scierie, a autorisé M. Franck Y... à conduire tous les engins du chantier, autorisation renouvelée le 29 juillet 2011 et valable jusqu'au 31 juillet 2012. M. Franck Y... a été élu délégué du personnel suppléant le 23 mai 2011. M. Franck Y... a fait l'objet de deux avertissements les 6 septembre et 2 novembre 2011 pour avoir été en état d'ébriété sur le lieu de travail. M. Franck Y... a eu un accident de trajet le 28 octobre 2011 et été en arrêt de travail jusqu'au 16 avril 2012. Lors de la visite de reprise, le médecin du travail l'a déclaré « apte à conduire la grue et inapte temporairement à la manutention de la pelle à main pour le nettoyage des écorces ». M. Franck Y... a été placé en congés payés du 17 avril au 5 juin 2012. Par lettre du 24 avril 2012, la B... C... Scierie lui a interdit de conduire tout engin de la société et lui a proposé un reclassement en tant que manoeuvre scierie. Par un second courrier du 21 mai 2012, la société a indiqué à M. Franck Y... que ses congés se terminaient le 6 juin 2012 et qu'il devait reprendre le travail au poste proposé le 7 juin. Le 22 juin 2012, la B... C... Scierie a convoqué M. Franck Y... à un entretien préalable au licenciement. Le 26 octobre 2012, l'inspecteur du travail a refusé d'accorder l'autorisation de licenciement (cf. arrêt p. 2).
2) Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail : attendu que la cour constate que M. Franck Y... ne maintient pas sa demande de résiliation judiciaire compte tenu de sa prise d'acte postérieure ; qu'il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail ; que cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'en cas de demande de résiliation antérieure, s'il appartient au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte, il doit fonder sa décision sur les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte ; que, pour justifier sa demande de résiliation judiciaire puis sa prise d'acte, M. Franck Y... invoque une absence de réintégration après la déclaration d'inaptitude, une modification unilatérale du contrat de travail, un non-paiement des salaires et une violation de l'obligation de sécurité ; que sur les trois premiers points, il ressort des pièces du dossier que la lettre recommandée du 24 avril 2012 par laquelle la B... C... Scierie a proposé à M. Franck Y... de l'affecter à l'issue de son arrêt de travail sur le poste de manoeuvre scierie sans changement de rémunération brute horaire, de même que celle du 21 mai 2012 lui rappelant qu'il doit reprendre son travail le 7 juin 2012, n'ont pas été réclamées par le salarié et que ce dernier ne les a donc pas reçues ; que par ailleurs l'entreprise soutient sans être contredite que M. Franck Y... ne s'est pas présenté sur son lieu de travail à l'issue de son arrêt pour maladie puis de ses congés payés et n'a plus donné de nouvelles à son employeur jusqu'à l'entretien préalable du 10 juillet 2012 ; que l'ensemble de ces éléments, confirmé par le témoignage de M. D... qui précise que M. Franck Y... avait au cours d'un entretien du 19 avril 2012 émis le souhait de quitter l'entreprise, permet de retenir que le salarié a volontairement choisi d'abandonner son poste, de ne plus fournir de prestation de travail et de ne plus se tenir à la disposition de son employeur à l'issue de son arrêt de travail et que ce n'est pas la décision de le changer d'emploi envisagée par la B... C... Scierie, dont il n'avait pas connaissance au moment de la date de reprise prévue, qui est à l'origine de son absence de réintégration ; que M. Franck Y... ne peut donc invoquer ni une méconnaissance par la B... C... Scierie, de son obligation de réintégration, ni une modification unilatérale de son contrat de travail, pour justifier de sa prise d'acte ; qu'il ne peut davantage se prévaloir d'une absence de paiement de ses salaires, ces derniers n'étant pas dus en l'absence de toute contrepartie - et M. Franck Y... n'ayant pas fourni de prestation de travail et ne s'étant pas tenu à la disposition de son employeur ; que sur ce dernier point, la simple circonstance que la B... C... Scierie a méconnu son obligation de sécurité en fournissant un repas alcoolisé pour le déjeuner le 29 juillet 2011, près de deux ans avant la demande de résiliation judiciaire, n'empêchait pas la poursuite du contrat de travail ; qu'il résulte de ce qui précède qu'aucun manquement grave de la B... C... Scierie empêchant le maintien de la relation salariale n'est établi et que la prise d'acte doit dès lors produire les effets d'une démission ; que M. Franck Y... est par ailleurs débouté de ses demandes en paiement d'indemnités de rupture, de dommages et intérêts ainsi que de rappel de salaires - lesquels ne sont pas dus en l'absence de contrepartie.

1°) ALORS QUE le refus d'autorisation administrative de licenciement d'un salarié protégé emporte pour ce dernier le droit à réintégration dans son emploi ; que pour dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. Y... équivalait à une démission, la cour d'appel a retenu que le salarié ne s'était pas présenté sur son lieu de travail à l'issue de son congé maladie puis de ses congés payés, le 7 juin 2012, et qu'il ne peut invoquer une méconnaissance par l'employeur de son obligation de réintégration dès lors qu'il n'a pas réclamé la lettre recommandée du 24 avril 2012 par laquelle l'employeur lui proposait de l'affecter à l'issue de son arrêt de travail sur un poste de manoeuvre ouvrier ; qu'en statuant ainsi quand elle constatait que le 26 octobre 2012, l'inspecteur du travail avait refusé d'accorder l'autorisation de licencier M. Y..., la cour d'appel qui devait en déduire que l'employeur avait l'obligation de réintégrer le salarié a violé les articles L.1231-1, L.1237-2, L.1235-1, L.2411-4 et L.2411-5 du code du travail ;

2°) ALORS QUE le refus d'autorisation administrative de licenciement d'un salarié protégé emporte pour ce dernier le droit à réintégration dans son emploi ; que seule une impossibilité absolue peut libérer l'employeur de son obligation de réintégration ; que la démission ne se présume pas ; qu'en se bornant à énoncer que M. Y... avait volontairement choisi d'abandonner son poste dès lors qu'il n'avait pas rejoint son lieu de travail à l'issue de ses congés payés, la cour d'appel qui n'a caractérisé aucune impossibilité absolue de réintégrer le salarié ni aucun refus du salarié de regagner son poste, a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1231-1, L.1237-2, L.1235-1, L.2411-4 et L.2411-5 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-23605
Date de la décision : 05/07/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 29 octobre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 jui. 2018, pourvoi n°16-23605


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.23605
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