La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/06/2018 | FRANCE | N°16-22803

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 juin 2018, 16-22803


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1321-4 et R. 1321-1 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., engagé le 1er janvier 1983 par la société Promoviandes, devenue la société Elivia Villers-Bocage, occupait en dernier lieu la fonction d'opérateur d'abattage-découpe ; qu'il a été licencié pour cause réelle et sérieuse le 25 janvier 2012 ;

Attendu que pour déclarer le règlement intérieur opposable au salarié, l'arrêt r

etient que ledit règlement spécifie lui-même, en son titre IV, avoir été déposé au secrétari...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1321-4 et R. 1321-1 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., engagé le 1er janvier 1983 par la société Promoviandes, devenue la société Elivia Villers-Bocage, occupait en dernier lieu la fonction d'opérateur d'abattage-découpe ; qu'il a été licencié pour cause réelle et sérieuse le 25 janvier 2012 ;

Attendu que pour déclarer le règlement intérieur opposable au salarié, l'arrêt retient que ledit règlement spécifie lui-même, en son titre IV, avoir été déposé au secrétariat greffe du conseil de prud'hommes de Caen, avoir été affiché à l'intérieur des locaux de travail ainsi qu'à l'endroit où se fait l'embauche, et être applicable de ce fait à compter du 1er mars 2005, que l'intéressé n'apporte pas la preuve du non respect de ces formalités de dépôt et de publicité, et donc de l'inopposabilité des articles II-3 et II-5 à son égard ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'employeur justifiait de l'accomplissement des formalités d'affichage et de dépôt au greffe du conseil de prud'hommes du ressort de l'entreprise ou de l'établissement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne la société Elivia établissement de Villiers-Bocage aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 1 500 euros à M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté M. Y... de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;

AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement dont les termes fixent les limites du litige est ainsi rédigée : « (
) nous sommes au regret de vous informer par la présente que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. Nous vous rappelons les raisons qui nous contraignent à prendre cette mesure. Le 3 janvier 2012 à 10h15, vous avez été surpris à boire un café sans avoir badgé pause. Des faits antérieurs relatifs à votre comportement avaient déjà donné lieu à sanction par un rappel à l'ordre le 16 avril 2010. Votre préavis que nous vous dispensons d'effectuer, d'une durée d'un mois, débute à la date d'envoi de cette lettre. Votre licenciement prend donc effet ce jour (...) » ; que le règlement intérieur de la société Elivia dispose au titre II intitulé « Discipline », « article II-3, Entrées et Sorties : l'entrée et la sortie du personnel s 'effectuent par les accès prévus à cet effet. Si l'entreprise est équipée d'un système de saisie des heures de présence par pointage, toute entrée et sortie, ainsi que tout changement de situation au cours de la journée de travail, doivent donner lieu à pointage. Chaque salarié se doit de badger sur la badgeuse qui lui est affectée. Il est formellement interdit de badger pour une autre personne. Toute erreur de pointage doit être immédiatement signalée au chef de service. Toute fraude ou tentative de fraude au pointage est passible d 'une sanction. Aucun salarié ne peut, sans autorisation préalable, sortir pendant les heures de travail » ; qu'il en résulte qu'outre son entrée et sa sortie au sein de l'établissement, le salarié est dans l'obligation de pointer pour tout changement de situation au cours de la journée de travail, l'article II-5, réglementant les horaires de travail et précisant quant à lui que la durée du travail s'entend du temps de travail effectif à l'exclusion du temps de pause ; que ce dernier correspondant au « changement de situation » visé à l'article II-3 ci-dessus rappelé, il résulte de la combinaison des règles susvisées que le salarié doit badger au début et à la fin de sa pause, alors au demeurant que M. Y... ne conteste pas l'existence d'une badgeuse non seulement à l'entrée de l'établissement mais également au niveau de l'atelier auquel il était affecté ; que s'agissant de l'opposabilité du règlement intérieur, il résulte d'une part, des procès-verbaux de réunion du comité d'entreprise du 2 février 2005 et du CHSCT du 19 janvier 2005, que conformément aux exigences de l'article L. 1321-4 du code du travail, ces deux institutions ont été préalablement consultées puisqu'elles ont respectivement « donné un avis favorable au règlement intérieur » et « adopté le règlement intérieur » ; que d'autre part, la société Elivia démontre avoir adressé le 12 avril 2005, un exemplaire de ce règlement intérieur à l'inspecteur du travail ; qu'enfin, alors que ledit règlement, adopté comme il vient d'être dit par les institutions représentatives du personnel spécifie lui-même en son titre IV, avoir été déposé au secrétariat greffe du conseil des prud'hommes de Caen, avoir été affiché à l'intérieur des locaux de travail ainsi qu'à l'endroit où se fait l'embauche, et être applicable de ce fait à compter du 1er mars 2005, M. Y... n'apporte pas la preuve du non-respect de ces formalités de dépôt et de publicité, et donc de l'inopposabilité des articles 11-3 et 11-5 de ce texte à son égard ; que quant au défaut de pointage, M. Y... n'en conteste pas la réalité, et les déclarations écrites des responsables d'atelier et de production faisant référence au fait qu'ils l'ont « surpris en salle de pause (...) sans avoir badgé », ainsi que le document intitulé « constat de faute », mentionnant son « aveu » permettent de considérer que l'intéressé s'est volontairement abstenu de badger au moment de sa pause, et a ainsi violé les dispositions du règlement intérieur ; que le salarié ayant déjà été sanctionné pour des faits similaires un an et demi avant, par mise à pied disciplinaire, 4ème sanction du règlement intérieur sur une échelle qui en compte neuf, et prévenu à cette occasion, du risque encouru en cas de renouvellement, sur la pérennité du contrat de travail, il doit être considéré au regard des obligations incombant à l'employeur sur le décompte du temps de travail, le respect du temps de pause fixé par l'article 46-7 de la convention collective applicable à trois minutes par heure travaillée et les conséquences qui en résultent au plan de la sécurité des salariés, que la faute commise constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point et M. Y..., débouté de ses demandes afférentes au caractère sans cause réelle et sérieuse de son licenciement ;

1°) ALORS QUE le règlement intérieur ne peut être introduit qu'après avoir été soumis à l'avis du comité d'entreprise et, pour les matières relevant de sa compétence, à l'avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que l'avis de ces deux institutions représentatives du personnel ne peut résulter que d'une décision prise à l'issue d'une délibération collective ; qu'en retenant dès lors qu'« il résulte des procès-verbaux de réunion du comité d'entreprise du 2 février 2005 et du CHSCT du 19 janvier 2005 que (...) ces deux institutions ont été préalablement consultées puisqu'elles ont respectivement « donné un avis favorable au règlement intérieur » et « adopté le règlement intérieur » », pour le déclarer opposable à M. Y... et dire le licenciement disciplinaire fondé sur le non-respect de ses dispositions en matière de pointage des temps de pause justifié, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les avis donnés par ces deux institutions représentatives du personnel procédaient d'une décision prise à l'issue d'une délibération collective, donc d'un vote, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1321-4 et L. 1321-5 du code du travail en leur rédaction applicable au litige ;

2°) ALORS QUE l'opposabilité au salarié du règlement intérieur de l'entreprise est subordonnée, d'une part, à son affichage à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux et à la porte des locaux où se fait l'embauche, d'autre part, à son dépôt au greffe du conseil des prud'hommes du ressort de l'entreprise ou de l'établissement ; qu'en jugeant dès lors que « ledit règlement, adopté comme il vient d'être dit par les institutions représentatives du personnel spécifie lui-même en son titre IV, avoir été déposé au secrétariat greffe du conseil des prud'hommes de Caen, avoir été affiché à l'intérieur des locaux de travail ainsi qu'à l'endroit où se fait l'embauche, et être applicable de ce fait à compter du 1er mars 2005 », la cour d'appel, qui s'est déterminée sur le seul fondement des dispositions du règlement intérieur et à l'exclusion de tout élément de preuve démontrant l'effectivité de son affichage dans les locaux de l'entreprise et de son dépôt au conseil des prud'hommes, a statué par des motifs inopérants, violant les articles L. 1321-4, L. 1321-5, R. 1321-1 et R. 1321-2 du code du travail en leur rédaction applicable au litige ;

3°) ALORS QUE le règlement intérieur, qui doit être déposé au greffe du conseil des prud'hommes du ressort de l'entreprise ou de l'établissement, est affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux et à la porte des locaux où se fait l'embauche ; qu'il appartient à l'employeur, qui se prévaut de l'opposabilité au salarié du règlement intérieur de l'entreprise, de rapporter la preuve de l'exécution de ces formalités ; qu'en énonçant dès lors que « M. Y... n'apporte pas la preuve du non-respect de ces formalités de dépôt et de publicité, et donc de l'inopposabilité des articles II-3 et II-5 à son égard », la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil, ensemble les articles L. 1321-4, L. 1321-5, R. 1321-1 et R. 1321-2 du code du travail en leur rédaction applicable au litige ;

4°) ALORS, subsidiairement, QUE selon l'article II-3 du règlement intérieur de la société Elivia, « toute fraude ou tentative de fraude au pointage est passible d'une sanction » ; qu'aux termes de l'article 46.7 de la convention collective des entreprises de l'industrie et des commerces en gros des viandes du 20 février 1969 « tout salarié affecté aux opérations d'abattage sur chaînes mécanisées ou tributaire d'un poste de saignée fonctionnant à part, ou effectuant dans les différents ateliers de l'entreprise ou de l'établissement des opérations ou travaux qui se déroulent suivant un rythme et une cadence imposés collectivement, a droit à un temps de pause calculé sur la base de 3 minutes par heure de travail effectivement accomplie. Cette pause est rémunérée au taux normal sans majoration » ; qu'en l'espèce, le salarié soutenait que son défaut de badgeage lors de son départ en pause le 3 janvier 2012 ne revêtait aucun caractère frauduleux dès lors que, sa pause étant rémunérée, il n'en retirait aucun bénéfice ; qu'en jugeant le licenciement du salarié justifié, sans caractériser la fraude ou la tentative de fraude du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail, ensemble l'article 46.7 de la convention collective nationale des entreprises de l'industrie et des commerces en gros des viandes du 20 février 1969 et l'article II-3 du règlement intérieur de la société Elivia.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-22803
Date de la décision : 21/06/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 24 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 jui. 2018, pourvoi n°16-22803


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.22803
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award