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21/06/2018 | FRANCE | N°16-19513

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 juin 2018, 16-19513


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé le 18 janvier 2012 par la société Resocom-MTM en qualité de directeur commercial ; qu'il a été licencié pour faute lourde et insuffisance professionnelle par lettre datée du 10 novembre 2012 ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ;

Attendu que pour dire que le licenciement pour faute lourde est sans cause

réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'en application de l'article L. 1332-2 du code du trava...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé le 18 janvier 2012 par la société Resocom-MTM en qualité de directeur commercial ; qu'il a été licencié pour faute lourde et insuffisance professionnelle par lettre datée du 10 novembre 2012 ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ;

Attendu que pour dire que le licenciement pour faute lourde est sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'en application de l'article L. 1332-2 du code du travail, la sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien, qu'elle est motivée et notifiée à l'intéressé, qu'en l'espèce l'entretien préalable a eu lieu le 12 octobre 2012, que suivant les documents remis à la cour, la lettre de licenciement est datée du samedi 10 novembre 2012, que l'employeur ne justifie pas la date à laquelle elle a été déposée, qu'il ressort en tout cas des mentions de l‘avis de réception qu'elle a été présentée et distribuée le 14 novembre 2012 à son destinataire soit plus d'un mois après l'entretien préalable, qu'en conséquence le délai impératif d'un mois imparti à l'employeur pour notifier la sanction expirait le jour du mois suivant qui portait le même quantième que l'entretien préalable soit le lundi 12 novembre 2012 à 24 heures, que ce délai n'a pas été respecté par l'employeur ;

Qu'en statuant ainsi alors que la date d'envoi le 12 novembre 2012 de la lettre de licenciement n'était contestée par aucune des parties, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé le texte susvisé ;

Sur le second moyen :

Vu les articles 1134 et 1152 du code civil, dans leur rédaction alors applicable ;

Attendu que pour débouter la société Resocom-MTM de sa demande de dommages-intérêts au titre de la violation par le salarié de ses obligations contractuelles de non-sollicitation et de non-débauchage, l'arrêt retient que le licenciement pour faute lourde est dépourvu de cause réelle et sérieuse, que la demande en paiement de 30 000 euros en exécution de la clause pénale insérée au contrat de travail et sanctionnant la violation de l'obligation de non-sollicitation et de non-débauchage sera rejetée ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher si le salarié avait respecté les obligations contractuelles dont il lui était reproché la violation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare non fondé le licenciement pour faute lourde de M. Y... et déboute la société Resocom-MTM de sa demande de dommages-intérêts au titre de la violation par le salarié de ses obligations contractuelles de non-sollicitation et de non-débauchage, l'arrêt rendu le 28 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Resocom-MTM

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la faute lourde avait été notifiée plus d'un mois après l'entretien préalable, d'avoir déclaré le licenciement pour faute lourde sans cause réelle et sérieuse, d'avoir en conséquence condamné la société Resocom-MTM à payer à M. Y... 16 248 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 624,80 € pour congés payés afférents, 2 888 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, 8 124 € à titre de rappel de salaire, 812,40 € bruts à titre de congés payés incidents et 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'avoir débouté la société Resocom-MTM de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE « M. Y... affirme avoir reçu tardivement la notification de son licenciement pour faute lourde et demande de le déclarer abusif ; il convient de rappeler que la lettre de licenciement mentionne comme motifs disciplinaires : - l'abus du droit d'expression en tenant des propos dénigrants et ostensiblement critiques sur l'entreprise, les choix de management de la dirigeante et sur elle-même - la publicité donnée dans l'entreprise au dénigrement, ses propos étant de nature à impressionner les autres collaborateurs d'autant plus qu'il était directeur commercial ; - le comportement du salarié lors d'une réunion du 20 septembre au cours de laquelle il avait violemment remis en cause les capacités ''managériales'' de la dirigeante et indiqué avec ironie devant les participants qu'il entendait finalement constituer une activité concurrente à Resocom sur laquelle elle venait de l'interroger ; la tenue de diverses réunions en l'absence de la dirigeante au cours desquelles il avait tenu des propos contraires aux intérêts de la société Resocom et devant les collaborateurs de l'entreprise - l'envoi de plusieurs mails aux salariés et à la dirigeante contenant des contre-vérités et des calomnies, et ce, y compris après l'entretien préalable, - la tentative de débauchage de membres du personnel pour les intégrer au projet qu'il était en train de concevoir ; la tenue de propos alarmants et faux auprès de clients et de partenaires de l'entreprise ; - la dissimulation du fait que l'identité d'une ancienne employée de l'entreprise avait été usurpée entre les 4 et 27 septembre 2012 alors qu'il avait eu connaissance des dénonciations calomnieuses faites par l'usurpateur contre la société Resocom auprès de la CNIL et de l'inspection du travail ; l'ancienne collaboratrice, Mlle Z..., lui avait laissé un message le 4 septembre sur son téléphone professionnel dont il n'avait pris connaissance que le 27 ; il avait diffusé cette information à l'ensemble de l'équipe sans en informer au préalable la direction de l'entreprise ; en application de l'article L. 1332-2 du code du travail, la sanction ne peut intervenir moins "de deux jours ouvrables'' ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien ; elle est motivée et notifiée à l'intéressé ; en l'espèce, l'entretien préalable a eu lieu le 12 octobre 2012 ; suivant les documents remis à la cour, la lettre de licenciement est datée du samedi 10 novembre 2012 ; que l'employeur ne justifie pas la date à laquelle elle a été postée ; qu'il ressort en tout cas des mentions de l'avis de réception qu'elle a été présentée et distribuée le 14 novembre 2012 à son destinataire soit plus d'un mois après l'entretien préalable ; en conséquence le délai impératif d'un mois imparti à l'employeur pour notifier la sanction expirait le jour du mois suivant qui portait le même quantième que l'entretien préalable soit le lundi 12 novembre 2012 à 24 heures ; ce délai n'a pas été respecté par l'employeur ; le licenciement pour faute lourde est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; au surplus le délai de réflexion utilisé par la société Resocom-MTM pour licencier M. Y... est incompatible avec l'allégation de faute lourde telle que bâtie sur les faits relatés dans la lettre de licenciement ; dès lors le jugement qui a retenu la faute lourde sera infirmé de ce chef ; il sera également infirmé en ce qu'il a condamné M. Y... à payer à la société Resocom-MTM la somme de un euro à titre de dommages et intérêts augmentée des intérêts moratoires ; (
) le licenciement intervenant pour insuffisance professionnelle et non pour faute lourde, le salarié a droit sur la base d'un salaire brut mensuel de 5 416 euros aux sommes dont l'évaluation n'a pas été remise en cause par la partie adverse : - une indemnité compensatrice de préavis égale à 3 mois de salaire soit 16 248 euros, - les congés payés incidents : 1 624,80 euros, - une indemnité compensatrice de congés payés : 2 888 euros ; la mise à pied n'est pas justifiée ; il sera fait droit à sa demande de rappel de salaire pour la période du 2 au 14 novembre 2012 à hauteur de 8 124 euros outre les congés payés incidents à hauteur de 812,40 euros ; (
) le licenciement pour faute lourde est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

1°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que le juge méconnaît les termes du litige lorsqu'il introduit dans le litige des moyens de fait que les parties n'ont pas invoqués ; qu'en énonçant, pour conclure que le licenciement de M. Y... se trouvait dépourvu de cause réelle et sérieuse, que l'employeur ne justifiait pas de la date à laquelle la lettre de licenciement avait été postée (arrêt attaqué, p. 6), quand il était constant et non contesté que la lettre de licenciement avait été envoyée le 12 novembre 2012, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'il résulte de l'article L. 1332-2 in fine du code du travail que la sanction peut intervenir dans le délai d'un mois après le jour fixé pour l'entretien préalable ; qu'afin de déterminer si un licenciement pour faute lourde, notifié par lettre recommandée, est intervenu dans ce délai d'un mois, le juge doit seulement vérifier que l'employeur a envoyé la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant le licenciement dans ce délai ; qu'en prenant en compte la date de réception de la lettre de licenciement pour dire le licenciement pour faute lourde sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-2 du code du travail, ensemble l'article L. 1232-6 du même code ;

3°) ALORS QU'en retenant également, pour dire le licenciement pour faute lourde sans cause réelle et sérieuse, que le délai de réflexion utilisé pour licencier M. Y... était incompatible avec l'allégation de faute lourde, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 1332-2 et L. 1232-6 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Resocom-MTM de ses demandes tendant à voir condamner M. Y... à lui payer la somme de 65 000 € en exécution de la clause pénale et à voir ordonner la publication par M. Y... sur sa page de profil « Google + » et « Linkedin » du résumé de l'arrêt à intervenir et d'avoir condamnée la société Resocom-MTM à payer 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « le licenciement pour faute lourde est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; la lettre de licenciement ne comporte pas de grief relatif à la concurrence déloyale ; les demandes en paiement : - de la somme de 30 000 euros en exécution de la clause pénale insérée au contrat de travail et sanctionnant la violation de l'obligation de non-sollicitation et de non-débauchage - de la somme de 81 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manque à gagner en lien avec les manquements à ses obligations contractuelles et ses actes de concurrence déloyales seront rejetées ; sur la demande de publication d'un résumé de l'arrêt sous astreinte ; cette demande qui n'est pas fondée sera rejetée ; (
) la société Resocom-MTM est condamnée au paiement de sommes ; l'équité commande d'indemniser M. Y... des frais irrépétibles de procédure qu'il a exposés à concurrence de 2 000 euros ; la société Resocom-MTM sera condamnée au paiement de cette somme ».

ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la clause pénale, sanction du manquement d'une partie à ses obligations, s'applique du seul fait de cette inexécution ; qu'en l'espèce, la société Resocom sollicitait l'application de la clause du contrat de travail (article 15.3) sanctionnant d'une pénalité égale à 12 fois le salaire mensuel brut du salarié débauché, la violation par M. Y... de son engagement de ne pas embaucher, dans la mesure où il exercerait après son départ de la société des fonctions dans une entreprise concurrente, du personnel de la société ou ayant quitté la société depuis moins de douze mois, et ce pendant une durée de deux années à compter de la rupture effective du contrat ; qu'en se bornant à énoncer, pour justifier le rejet de cette demande, que le licenciement pour faute lourde était dépourvu de cause réelle et sérieuse et que la lettre de licenciement ne comportait pas de grief relatif à la concurrence déloyale, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, et a violé l'article 1152 du code civil, ensemble l'article 1134 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-19513
Date de la décision : 21/06/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 28 avril 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 jui. 2018, pourvoi n°16-19513


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.19513
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