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20/06/2018 | FRANCE | N°16-23078

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 juin 2018, 16-23078


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a été engagée par la société Derichebourg propreté le 1er octobre 2007 en qualité d'agent de propreté ; qu'après des arrêts de travail successifs à compter du 13 septembre 2012, elle a, à l'issue des examens médicaux des 17 décembre 2012 et 3 janvier 2013, été déclarée inapte à son poste ; qu'elle a contesté cet avis et que l'inspectrice du travail a décidé, le 27 février 2013, qu'elle était inapte à tous postes dans l'agence en raison de l'environne

ment actuel et restait médicalement apte à exercer son métier d'agent d'entretien...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a été engagée par la société Derichebourg propreté le 1er octobre 2007 en qualité d'agent de propreté ; qu'après des arrêts de travail successifs à compter du 13 septembre 2012, elle a, à l'issue des examens médicaux des 17 décembre 2012 et 3 janvier 2013, été déclarée inapte à son poste ; qu'elle a contesté cet avis et que l'inspectrice du travail a décidé, le 27 février 2013, qu'elle était inapte à tous postes dans l'agence en raison de l'environnement actuel et restait médicalement apte à exercer son métier d'agent d'entretien dans un autre contexte ; que la salariée a été licenciée, le 20 mars 2013, pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement ;

Sur les trois premiers moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le quatrième moyen :

Vu l'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable en la cause ;

Attendu qu'après avoir déclaré nul le licenciement prononcé à l'encontre de la salariée pour inaptitude consécutive à des faits de harcèlement moral, la cour d'appel a retenu que les conditions s'avéraient réunies pour condamner l'employeur fautif, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, à rembourser à l'organisme intéressé les indemnités de chômage versées à la salariée licenciée, du jour de son licenciement au jour de la décision judiciaire, dans la limite de six mois ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le remboursement des indemnités de chômage ne pouvait être ordonné en cas de nullité du licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Derichebourg propreté, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, à rembourser à l'organisme intéressé, dans la limite de six mois, les indemnités de chômage versées à la salariée licenciée, du jour de son licenciement à celui de la présente décision, l'arrêt rendu le 29 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT n'y avoir lieu à remboursement par la société Derichebourg propreté au Pôle emploi concerné des indemnités de chômage payées à la salariée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Derichebourg propreté.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que Madame Y... avait été victime de harcèlement moral de la part de son employeur et d'AVOIR condamné la SARL Derichbourg Propreté à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur le harcèlement moral : il appartient en premier lieu à Madame Nathalie Y... qui se prétend victime de harcèlement moral d'établir la matérialité de faits précis et concordants permettant de présumer des agissements de cette nature ; les premiers juges ont retenu à juste titre que Madame Nathalie Y... établissait, au moyen d'attestations de ses collègues de travail émanant de Madame Brigitte A... et de Madame Gwenaëlle B... épouse C... - cette dernière ne devant pas être écartée dès lors que les mentions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité - subir des contrôles qualité intempestifs et restrictions de produits d'entretien de la part de Madame Magali D..., sa responsable, au point d'ailleurs que Monsieur Albert E..., en sa qualité de représentant du personnel de l'usine Tarkett sur le site de laquelle travaillait Madame Nathalie Y... atteste être intervenu ‘à plusieurs reprises en réunion de délégués du personnel et en Comité Hygiène et Sécurité et Condition de Travail auprès de la direction Tarkett afin de lui signaler que la société de Madame Nathalie Y... ne lui fournissait pas les produits de nettoyage en quantités suffisantes pour effectuer le travail qui lui était demandé' ; la société DERICHEBOURG n'est pas fondée à contester la matérialité de ces faits au motif qu'elle produirait deux attestations de salariés de la société Tarkett qui indiquent ne jamais avoir vu Madame Magali D... harceler Madame Nathalie Y... puisque ces deux personnes ne se réfèrent pas précisément aux faits dénoncés par cette dernière. Ainsi Monsieur Cyrille F... atteste t'il que Madame Magali D... avait des échanges des plus corrects envers l'ensemble des personnels mis sous son autorité, ce qui n'est pas en cause ; la société DERICHEBOURG PROPRETÉ n'est pas ensuite fondée à soutenir que le travail de qualité réalisé par Madame Nathalie Y... démontrerait que celle-ci disposait des produits nécessaires, dès lors que celle-ci ne soutient pas ne pas avoir été dans l'incapacité de faire son travail mais que les restrictions rendaient ses tâches plus difficiles ; Madame Nathalie Y... soutient que ses tâches étaient également rendues plus difficiles car elles s'accroissaient en même temps que ses horaires diminuaient. Elle produit ainsi un courrier du 9 septembre 2010 adressé en ces termes à son employeur : ‘j'ai reçu mon planning de mes semaines, vous m'avez remis d'énormes tâches en plus avec une diminution d'horaire' ; elle indique, sans être démentie sur ce point par l'employeur, qu'en septembre 2012, une nouvelle diminution d'horaires lui avait été proposée pour passer de 30,5 heures hebdomadaires à 25 heures, qu'elle a refusée ; à l'issue de l'enquête réalisée par le médecin inspecteur régional du travail dans le cadre de la contestation de l'avis d'inaptitude du 3 janvier 2013 par Madame Nathalie Y..., celui-ci écrit à l'inspectrice du travail le 19 février 2013: ‘les éléments médicaux objectifs recueillis lors de l'enquête permettent d'établir un lien direct entre l'apparition de la dégradation de l'état de santé de la salariée et la mise en place d'un management pathogène consécutif en particulier au refus de cette dernière de réduire son temps de travail' ; d'ailleurs dès le 13 septembre 2012, Madame Nathalie Y... justifie qu'elle se trouve en arrêt-maladie, et que les arrêts-maladie vont être régulièrement renouvelés ; l'analyse de la situation médicale faite par Madame Séverine J..., psychologue du travail le 7 février 2013 dans un bilan de consultation met en évidence que Madame Nathalie Y... présentait lors de l'entretien du 25 janvier 2013 'un syndrome anxio-dépressif réactionnel à la dégradation de la situation professionnelle avec atteinte à l'identité professionnelle' ; lors de la deuxième visite de reprise en date du 3 janvier 2013, le médecin du travail a conclu à une inaptitude définitive au poste d'agent d'entretien dans l'entreprise avec un exercice possible dans un autre contexte ; cet avis a été confirmé par l'inspectrice du travail, laquelle a considéré que les éléments factuels et médicaux objectifs recueillis lors des enquêtes permettaient d'établir un lien direct entre l'état de santé de Madame Y... et le type de management mis en place, sans qu'une telle décision ne fasse l'objet de recours de la part de l'employeur, lequel est donc particulièrement malvenu à soutenir dans ses écritures que les syndromes dépressifs de Madame Nathalie Y... n'ont manifestement aucune origine professionnelle ; la société DERICHEBOURG PROPRETÉ ne saurait pas davantage soutenir que Madame Nathalie Y... confondrait harcèlement et pouvoir de direction dès lors que la salariée, si elle a en son temps contesté l'avertissement qui lui avait été délivré le 14 décembre 2012, ne le reprend pas au titre d'un des faits constitutifs de harcèlement ; ainsi, de tels éléments pris dans leur ensemble permettent comme l'ont retenu les premiers juges de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral pas plus qu'en première instance, l'employeur ne démontre que les agissements qui lui sont reprochés étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; l'employeur soutient que les problèmes d'approvisionnement étaient fréquents au mois d'août-septembre et que tous les salariés se trouvaient alors confrontés au manque de produits, ce que n'est pas de nature à établir la réponse faite par Madame Magali D... à Madame Nathalie Y... qui lui demandait dans un courrier du 7 octobre 2010 divers produits: 'désolée, mais j'ai partagé les produits que j'ai eus en août et septembre plus rien en stock. Toujours du manque, comme d'hab' ; en effet, la société DERICHEBOURG PROPRETÉ en charge de l'approvisionnement ne justifie pas d'éventuels problèmes de stock à cette période de l'année. Une telle réponse ne permet pas non plus d'établir la réalité du partage des produits entre tous les salariés alors que précisément elle émane de Madame Magali D... qui est désignée par Madame Nathalie Y... comme étant à l'origine des restrictions de produits et contrôles subis ; l'employeur ne donne ensuite aucune explication sur le mode de management stigmatisé par l'inspection du travail ; dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que les faits de harcèlement moral à l'encontre de Madame Nathalie Y... étaient caractérisés ; le jugement doit donc être confirmé de ce chef.

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « attendu que pour rapporter la preuve que les agissements de la responsable du personnel, Madame D..., ne sont pas constitutifs de harcèlement moral et que la décision de l'employeur est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement la SARL DERICHEBOURG se contente d'affirmer que les attestations des salariées A... et B... ne qualifient pas précisément les faits reprochés et que les autres attestations ne mentionnent aucun agissement de l'employeur qui serait à l'origine de l'état psychologique de Madame Y... ; qu'or les attestations querellées font précisément état d'une restriction de produits d'entretien et de contrôles intempestifs à l'encontre de la salariée et qu'il ne peut être déduit du seul fait que Mme Y... effectuait correctement ses tâches que cette dernière n'a subi aucune restriction de produits d'entretien ; que par ailleurs, l'employeur produit aux débats un courrier de Monsieur Olivier G..., technicien infrastructure de TARKETT France par lequel ce dernier indique être satisfait du travail de Madame Magali D... notamment de « sa façon de manager son équipe » et ajoute qu'elle a réalisé ses fonctions « en toute sécurité sans pour cela harceler ses collaboratrices et collaborateurs » ; que toutefois, ce courrier n'établit pas que Madame D... n'a pas commis les faits qui lui sont reprochés ; que la société DERICHEBOURG produit également une attestation de Monsieur Gille F..., chef de poste au sein de l'entreprise TARKETT qui n'est pas conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile et qui sera donc écartée ; que le seul fait d'affirmer que l'inspection du travail ne fait pas état de harcèlement ne suffit pas à en exclure l'existence, ce d'autant que comme indiqué précédemment l'inspection du travail retient que le conflit est né du refus par la salariée de la proposition de modification de son contrat de travail ; que si devant le présent conseil l'employeur réfute cet élément, il demeure qu'il n'a formé aucun recours à l'encontre de la décision administrative de l'inspection régionale du travail, de sorte qu'il reconnaît implicitement l'origine professionnelle de l'état psychologique de la salariée ; que sur le moyen tiré de ce que Mme Magali D... agissait ainsi à l'égard de Mme Y... afin de conduire cette dernière à la rupture de son contrat de travail en vue de permettre à la soeur de Mme D..., Mme Christine D..., de reprendre le poste l'employeur se contente de produite des certificats de travail relatifs à Mme Christine D... pour justifier que celle-ci travaillait pour la société depuis 2005 et qu'après avoir été en congé parental à compter de juin 2009, elle a réintégré son poste au mois de septembre 2012, sans pour autant produire aux débats les documents justifiant de ce congé parental, ni même le registre des personnels en dépit de la demande qui lui en a été faite ; que SARL DERIBOURG ne prouve pas que les agissements de Mme Magali D... à l'égard de Mme Y... ne sont pas constitutifs de harcèlement moral et sont justifiés par le nécessité du bon fonctionnement de l'entreprise, par un usage adéquat de son pouvoir de direction ou par tout autre circonstance étrangère à cette notion ; qu'il est donc établi que Mme Y... a subi des agissements répétés de harcèlement moral qui ont eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses doits à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, de compromettre son avenir professionnel » ;

1) ALORS QUE les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la salariée prétendait avoir été victime, à compter de 2012, « parallèlement » au refus qu'elle avait opposé en septembre 2012 à une proposition de son employeur visant à diminuer ses horaires de travail (conclusions p.2al.6), de faits de harcèlement moral de la part de sa supérieure hiérarchique ; qu'à ce titre elle produisait, d'une part un bilan synthétique de consultation établi par la psychologue du travail relatant « En 2004, Mme Y... convient avec son patron et son chef de travailler l'après-midi, ce qui lui convient parfaitement. Mme Y... dit faire son travail et être heureuse d'aller travailler. Puis son patron et son chef partent fin 2012 et le changement de hiérarchie à compter de septembre 2012 marque le début de la mise en place de nouvelles méthodes de management », d'autre part le résultat de l'enquête diligentée par le médecin inspecteur régional du travail qui concluait à l'existence d'un mangement pathogène consécutif « au refus de cette dernière de réduire son temps de travail » ; que l'employeur pour sa part rappelait que selon ses propres écritures, la salariée se plaignait d'une « dégradation des relations avec son employeur fin 2012 » (conclusions p.3); qu'en se fondant, pour retenir que la salariée établissait la matérialité de faits précis et concordants de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral, sur deux attestations précisant respectivement « j'ai pu constater que depuis des années, notre responsable harcelait régulièrement Mme Y... sur notre lieu de travail » (Mme A...) et « je certifie que Mme H... (D...) Magali harcelait Mme Y... sur ses postes de travail et ceci depuis 2006 » (Mme C... B...), ainsi que sur un courrier adressé à l'employeur par la salariée le 9 septembre 2010 et sur une note rédigée le 7 octobre 2010 à l'attention de Mme H..., la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré nul le licenciement prononcé à l'encontre de Mme Nathalie Y....

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Lors de la deuxième visite de reprise en date du 3 janvier 2013, le médecin du travail a conclu à une inaptitude définitive au poste d'agent d'entretien dans l'entreprise avec un exercice possible dans un autre contexte ; cet avis a été confirmé par l'inspectrice du travail, laquelle a considéré que les éléments factuels et médicaux objectifs recueillis lors des enquêtes permettaient d'établir un lien direct entre l'état de santé de Madame Y... et le type de management mis en place, sans qu'une telle décision ne fasse l'objet de recours de la part de l'employeur, lequel est donc particulièrement malvenu à soutenir dans ses écritures que les ‘ syndromes dépressifs de Mme Nathalie Y... n'ont manifestement aucune origine professionnelle' (
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Sur la nullité du licenciement : Madame Nathalie Y... a été licenciée pour inaptitude ; il ressort des pièces médicales que cette inaptitude est consécutive aux faits de harcèlement moral de sorte qu'en application des articles L.1153-4 et L.1152-3 du code du travail, c'est à bon droit que les premiers juges ont prononcé la nullité du licenciement ; le licenciement étant nul, Madame Nathalie Y... est fondée à réclamer : - l'indemnité réparant la rupture du contrat de travail telle que prévue à l'article L. 1235-3 du code du travail et dans son montant fixé par les premiers juges en ce qu'il a entièrement rempli Madame Nathalie Y... de son droit à réparation du dommage causé par le licenciement nul, en considération de son âge, 49 ans lors de la rupture du contrat de travail, de son ancienneté de près de 23 ans et de sa situation au regard de l'emploi ; elle a en effet perçu l'allocation de retour à l'emploi jusqu'au mois de février 2015. A compter du 1er mars 2015, elle a été embauchée pour une durée de 8 mois dans le cadre d'un contrat unique d'insertion pour une durée hebdomadaire de travail de 26 heures ; a l'issue des 8 mois, elle a perçu l'allocation de retour à l'emploi avant d'être embauchée de nouveau dans le cadre d'un contrat unique d'insertion pour une durée de 7 mois à compter du 15 mars 2016 pour une durée hebdomadaire de 20 heures ; la situation de Madame Nathalie Y... reste donc précaire au niveau de l'emploi ; - l'indemnité de préavis : soit la somme de 1.873,96 euros, correspondant à deux mois de salaire, exactement calculée par les premiers juges en application de l'article L. 1234-1 3° du code du travail, à l'exclusion de l'indemnité de congés payés sur préavis, l'indemnité précédemment allouée ayant un caractère indemnitaire et non salarial ; le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a alloué une somme de 187,39 euros à ce dernier titre » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « que le seul fait d'affirmer que l'inspecteur du travail ne fait pas état de harcèlement ne suffit pas à en exclure l'existence, ce d'autant que comme indiqué précédemment l'inspection du travail retient que le conflit est né du refus par la salariée de la proposition de modification de son contrat de travail ; que si devant le présent Conseil l'employeur réfute cet élément, il demeure qu'il n'a formé aucun recours à l'encontre de la décision administrative de l'inspection régionale du travail, de sorte qu'il reconnait implicitement l'origine professionnelle de l'état psychologique de la salariée » ;

(..) qu'il résulte des éléments débattus que l'inaptitude de la salariée décidée par le médecin du travail pour protéger sa santé de risques présents à tous les postes de la société avait pour cause évidente le harcèlement moral dont elle a été l'objet ; que dès lors le licenciement pour inaptitude de Madame Y... trouvant son origine dans le harcèlement moral doit être tenu pour nul » ;

1.ALORS QUE le licenciement pour inaptitude d'un salarié victime de harcèlement moral n'est entaché de nullité que si un lien de causalité est établi entre ledit harcèlement et l'inaptitude ; qu'en se fondant, pour dire que l'inaptitude de la salariée était la conséquence du harcèlement moral, sur des pièces médicales établies à partir des déclarations de la salariée (cf. productions n° 4 et 5), la cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir que le harcèlement moral était à l'origine de l'inaptitude de la salariée et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-2, L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

2. ALORS QUE les juges du fond sont tenus d'indiquer sur quels éléments et documents ils se fondent pour déduire les constatations de fait retenues à l'appui de leur décisions sans pouvoir se référer uniquement aux éléments de la cause ; qu'en affirmant, par motifs adoptés, qu'il résultait des éléments débattus que l'inaptitude de la salariée avait pour cause évidente le harcèlement moral dont elle avait été l'objet, sans préciser sur quels éléments elle se fondait pour parvenir à cette affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3.ALORS QUE la décision administrative de l'inspecteur du travail saisi dans le cadre d'une contestation d'un avis d'inaptitude n'a autorité que sur le point de savoir si le salarié est ou non apte à exercer ses fonctions dans l'entreprise et non sur l'origine de son inaptitude ; qu'en l'espèce, en retenant au soutien de sa décision que l'inspectrice du travail avait considéré que les éléments factuels et médicaux objectifs recueillis lors des enquêtes permettaient d'établir un lien direct entre l'état de santé de Mme Y... et le type de management mis en place, et qu'en l'absence de recours formé contre cette décision l'employeur « reconnaîss(ait) implicitement l'origine professionnelle de l'état psychologique de la salariée » (motifs adoptés) et était particulièrement malvenu à soutenir que « les syndromes dépressifs de Mme Nathalie Y... n'ont manifestement aucune origine professionnelle », la cour d'appel a violé l'article L. 4624-1 du code du travail ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Derichebourg Propreté à payer à Mme Nathalie Y... la somme de 1 000 € en réparation du préjudice consécutif au manquement à l'obligation de sécurité de résultat et la somme de 4 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur les dommages-intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité de résultat et au titre du harcèlement moral : en manquant à son obligation de prévention, la société Derichebourg Propreté a causé à Madame Nathalie Y... un préjudice qui sera intégralement réparé par la condamnation de la société à lui payer la somme de 1.000 euros ; le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il avait retenu de ce chef une somme de 5.000 euros, laquelle excède le préjudice subi ; Madame Nathalie Y... établit par ailleurs que les actes de harcèlement moral ont été à l'origine de conditions de travail difficiles et qu'ils ont eu un impact direct sur son état de santé nécessitant des arrêts de travail et des traitements médicaux ; le préjudice ainsi subi sera entièrement réparé par l'allocation d'une somme de 4.000 euros à titre de dommage-intérêts » ;

ALORS QUE la méconnaissance par l'employeur de son obligation de prévention du harcèlement moral ne peut donner lieu à une réparation distincte de celle allouée au titre du harcèlement moral que lorsqu'elle entraîne un préjudice différent de celui résultant dudit harcèlement moral ; qu'en l'espèce, en allouant à la salariée d'une part la somme de 1000 euros au titre du préjudice résultant du manquement de l'employeur à son obligation de prévention de harcèlement moral, d'autre part la somme de 4000 euros au titre du préjudice résultant des actes de harcèlement moral, sans à aucun moment dire en quoi ces deux manquements avait entraîné pour l'intéressée des préjudices différents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de la réparation intégrale ;

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Derichebourg Propreté, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail à rembourser à l'organisme intéressé, dans la limite de six mois, les indemnités chômage versées à la salariée licenciée, du jour de son licenciement à celui de la présente décision.

AUX MOTIFS PROPRES QUE « - Sur le remboursement des indemnités chômage : les conditions s'avèrent réunies pour condamner l'employeur fautif, en application de l'article 1235-4 du code du travail, à rembourser à l'organisme intéressé, les indemnités chômage versées à la salariée licenciée, du jour de son licenciement au jour de la décision judiciaire, dans la limite de six mois » ;

ALORS QUE le remboursement des indemnités chômage ne peut être ordonné en cas de nullité du licenciement pour inaptitude consécutive à des faits de harcèlement ; qu'en condamnant l'employeur au remboursement des indemnités chômage perçues par la salariée dans la limite de six mois, cependant qu'elle avait jugé nul le licenciement pour inaptitude consécutive à des faits de harcèlement, la cour d'appel a violé l'article L. 1135-4 du code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-23078
Date de la décision : 20/06/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 29 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 jui. 2018, pourvoi n°16-23078


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.23078
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