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16/05/2018 | FRANCE | N°16-26554

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 mai 2018, 16-26554


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 27 septembre 2016), que M. X... a été engagé à compter du 1er mai 1991 en qualité de conducteur mécanicien par la société Seuge voyages, aux droits de laquelle se trouve la société Keolis Eure et qu'un avenant du 1er janvier 2009 a entériné sa mutation au poste de conducteur receveur de car ; qu'ayant demandé à bénéficier du congé de fin d'activité et vu sa demande rejetée au motif qu'il ne totalisait pas trente années d'activité e

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 27 septembre 2016), que M. X... a été engagé à compter du 1er mai 1991 en qualité de conducteur mécanicien par la société Seuge voyages, aux droits de laquelle se trouve la société Keolis Eure et qu'un avenant du 1er janvier 2009 a entériné sa mutation au poste de conducteur receveur de car ; qu'ayant demandé à bénéficier du congé de fin d'activité et vu sa demande rejetée au motif qu'il ne totalisait pas trente années d'activité en qualité de conducteur de véhicule affecté au transport routier interurbain de voyageurs, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que le manquement de l'employeur résultant d'une modification unilatérale du contrat de travail ouvre droit au salarié qui le subit à la réparation de l'entier préjudice en découlant ; que, pour débouter M. X... de sa demande de dommages-intérêts, la cour d'appel a retenu que, nonobstant la modification unilatérale par l'employeur des fonctions du salarié de « conducteur mécanicien » en « mécanicien », le salarié ne justifiait pas de la condition de durée de carrière dans un emploi de conduite à temps complet pour bénéficier du congé de fin d'activité à 55 ans prévu par l'accord collectif du 2 avril 1998 relatif au congé de fin d'activité des conducteurs des entreprises de transport interurbain de voyageurs ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que le salarié avait été privé du bénéfice de ce congé du fait de la modification de son contrat de travail, illicite pour lui avoir été unilatéralement imposée par l'employeur, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil en leur rédaction applicable au litige ;

2°/ qu'en énonçant que M. X... ne justifiait pas d'un préjudice financier dès lors qu'il avait continué à travailler entre 55 et 60 ans et qu'il avait été rémunéré à ce titre, quand le salarié faisait valoir que le préjudice par lui subi résultait du travail qu'il avait dû fournir et qu'il n'aurait pas dû fournir si l'employeur n'avait pas unilatéralement modifié son contrat de travail, en sorte que le préjudice invoqué s'analysait en un préjudice à la fois physique, moral et de temps perdu, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant, violant l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant relevé que, nonobstant la faute de l'employeur, le salarié ne remplissait pas les conditions pour être éligible au congé de fin d'activité, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE M. X... a été engagé suivant lettre d'embauche du 9 avril 1991 à effet au 1er mai suivant par la société Seuge Voyages aux droits de laquelle est venue la société Keolis Eure, en qualité de conducteur mécanicien au coefficient 145 V de la convention collective et affecté au centre Seuge Voyages à Verneuil Sur Avre ; que par courrier du 24 août 1993 son employeur l'a informé de la fusion avec la société Suzanne en une seule entité liée au groupe Cariane, dont le siège social et l'atelier principal étaient basés à Évreux ce qui entraînait sa mutation de Verneuil sur Avre à Évreux et a pris acte de sa demande de période d'essai de trois mois avant accord définitif ; que suite à une demande de changement de fonctions émanant du salarié le 17 novembre 2008, un avenant a été signé le 1er janvier 2009 pour entériner sa mutation au poste de conducteur receveur de car, qualification groupe 9, emploi numéro 9, coefficient 140 V de la Convention Collective Nationale des Transports de Voyageurs ; que M. X... ayant demandé à bénéficier du congé de fin d'activité lui permettant de partir en retraite à 55 ans le 29 mars 2011, sa demande a été rejetée par l'Association de Gestion de Congés de Fin d'Activité Voyageurs (AGECFA-Voyageurs) le 23 juillet 2011 au motif qu'il ne totalisait pas 30 années d'activité en qualité de conducteur de véhicule affecté au transport routier interurbain de voyageurs, son relevé de carrière, confirmé par l'employeur, faisant apparaître qu'il avait été employé du 1er juin 1994 au 31 décembre 2008 (14 ans et 7 mois) en qualité de mécanicien et seulement 15 années, 7 mois, 22 jours comme conducteur sur une carrière de 30 ans, 2 mois et 22 jours ; que contestant la classification de mécanicien pour la période du 1er juin 1994 au 31 décembre 2008 et demandant l'annulation d'une mise à pied disciplinaire du 18 avril 2012, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Évreux le 30 avril 2012 qui, statuant par jugement du 15 mai 2014, dont appel, s'est prononcé comme indiqué précédemment ; qu'en cas de différend sur la catégorie professionnelle revendiquée, il convient de rechercher les fonctions effectivement exercées par le salarié et la qualification que requiert l'emploi exercé au regard notamment des dispositions conventionnelles ; qu'il ressort des pièces versées aux débats que M. X... a été engagé selon lettre d'embauche du 9 avril 1991 en qualité de "conducteur mécanicien " coefficient 145 de la « convention collective du transport-grille des ouvriers des transports routiers de voyageurs » soit plus précisément la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 à laquelle font référence les bulletins de salaire (convention collective des transports routiers), outre son annexe I ouvriers ; Nomenclature et définition des emplois - Accord du 16 juin 1961 à laquelle se réfère l'employeur (grille des ouvriers des transports) ; qu'à ce titre il était chargé principalement de la conduite et de l'entretien des véhicules jusqu'à la fusion des sociétés Seuge et Suzanne groupe Cariane intervenue en 1993, ce sur quoi les parties s'accordent, celles-ci divergeant ensuite sur les fonctions effectivement exercées pour la période du 1er juin 1994 au 31 décembre 2008, par conséquent sur la classification de mécanicien retenue sur le relevé de carrière établi par l'AGECFA-Voyageurs (pièce 2 du salarié) ; que concernant la nomenclature des ouvriers de l'annexe 1 précitée la catégorie Personnel roulant « voyageurs » définit le conducteur de car à l'article 8 ainsi - ouvrier chargé de la conduite d'un car ; aide le receveur dans la manipulation des colis et dépêches postales transportés ; doit être capable d'assurer le dépannage courant (carburateur, bougie, changement de roue, etc.), ainsi que de signaler dans un rapport le mauvais fonctionnement de certains organes et les accidents survenus ; est obligatoirement titulaire du permis de conduire "transports en commun" et l'annexe « ouvriers salaires » le conducteur mécanicien comme suit « lorsqu'il est demandé à un ouvrier répondant à la définition de conducteur de véhicules poids lourds (groupes 4, 5 et 6) de posséder les connaissances mécaniques suffisantes pour lui permettre soit de se dépanner lui-même, si on lui en donne les moyens, soit de signaler à l'entreprise la cause de la panne en cas de rupture de pièces ou d'organes, les sommes fixées en francs par les tableaux joints à la présente convention sont majorées de 3 % » ; que dans une catégorie différente de la nomenclature personnel d'entretien et réparation du matériel automobile sont définis au groupe 5 différents métiers de mécanicien, notamment à l'article 33 mécanicien metteur au point : et à l'article 34 monteur mécanicien mais non dans cette catégorie, ni dans aucune autre le mécanicien conducteur ; que lorsqu'un salarié exerce plusieurs fonctions dans le cadre de son activité professionnelle la convention collective prévoit notamment en son article 3ter « que les différents emplois qui peuvent être occupés par les ouvriers visés par la présente convention nationale annexe sont énumérés et définis par la nomenclature nationale des emplois jointe à la présente convention. A défaut d'un emploi correspondant exactement aux fonctions réellement exercées par un ouvrier, celui-ci doit être classé par assimilation avec un emploi défini dans la nomenclature. » ; qu'il ressort de l'ensemble des bulletins de salaire du 1er février 1994 jusqu'à l'avenant du 1er janvier 2009, des attestations de salaire pour le paiement des indemnités journalières, des déclarations d'accident du travail et de la déclaration annuelle obligatoire pour l'emploi de travailleur handicapé, tous documents établis unilatéralement par l'employeur que si M. X... a effectivement été déclaré sur la période querellée comme mécanicien il s'agit d'une modification de sa classification initiale, étant observé que l'extrait du livre d'entrée et de sortie du personnel qui le classe comme mécanicien dès son entrée dans la société est dénué de tout caractère probant puisque les parties s'accordent sur le fait qu'il a bien été engagé en 1991 aux fonctions de "conducteur mécanicien" et qu'il exerçait les fonctions de conducteur à titre principal au moins jusqu'en 1994 ; que le courrier de l'employeur du 24 août 1993 ainsi rédigé : " Suite à notre entretien du 24 courant, je vous confirme les points suivants : 1) Les sociétés Seuge et Suzanne seront fusionnées à la rentrée dans une seule entité liée au groupe Cariane, 2) Le siège social et l'atelier principal sont basés à Évreux, 3) Votre mutation de Verneuil à Évreux est prévue dans le cadre de ce regroupement, 4) Nous avons fixé ensemble les modalités financières de cette mutation, 5) Vous serez sous la responsabilité de M. J- J Dupont, chef d'atelier à Évreux. Compte tenu de la distance et des temps de trajet, vous avez demandé une période d'essai de 3 mois avant de donner votre accord définitif " ne vaut pas changement de classification acceptée par M. X... mais simplement mutation géographique, le fait de passer sous la responsabilité du chef d'atelier d'Évreux ne pouvant justifier à lui seul d'un changement de classification accepté par le salarié, eu égard à la définition conventionnelle du conducteur mécanicien ; que les attestations versées par le salarié ,établies dans les formes de l'article 202 du code de procédure civile et utilement contredites, émanant de M. A... responsable d'exploitation et de l'attribution des services scolaires de juin 1993 à décembre 2009, de M. B... directeur technique et M. C..., chef d'atelier du 1er avril 1998 au 5 février 2003, établissent que sur ces périodes M. X... désigné indifféremment par ses collègues comme conducteur-mécanicien ou mécanicien-conducteur exerçaient en tout état de cause les deux activités puisqu'il assurait régulièrement les remplacements des chauffeurs titulaires absents ou en repos sur les différents circuits de transports scolaires ainsi que les convoyages au service du contrôle technique outre les opérations de maintenance sur les véhicules de transport en commun dans les locaux de Verneuil Sur Avre ; qu'il s'ensuit que la classification initiale du salarié, avec tous les avantages pouvant en découler a été modifiée unilatéralement par l'employeur sans avenant produit aux débats, peu important que le salarié n'ait émis aucune protestation ; qu'à la faveur de ces motifs et de ceux non contraires des premiers juges, il convient de faire droit à la demande de rectification de la totalité des bulletins de salaire sur la période querellée en y substituant la mention « conducteur mécanicien » à celle de « mécanicien » ; que toutefois il n'y a pas lieu au vu des circonstances de l'espèce et de la situation de retraité du salarié depuis le 31 mars 2016 de confirmer la production sous astreinte et pas davantage la demande devenue sans objet de régularisation des cotisations de l'AGECFAVoyageurs avec effet rétroactif à la date du 55 ème anniversaire pour bénéficier du congé de fin d'activité ; que le congé de fin d'activité dont le bénéfice a été refusé au salarié relève des dispositions de l'accord du 2 avril 1998 relatif au congé de fin d'activité des conducteurs des entreprises de transport interurbain de voyageurs visé expressément dans le document explicatif versé par l'employeur (pièce 20), lesquelles prévoient à l'article 2 que « peuvent bénéficier du CFA-Voyageurs les conducteurs : - âgés d'au moins 55 ans, - en poste dans une entreprise de TRV au moment du départ, - justifiant avoir exercé pendant 30 ans (ou 28 ans sous réserve des dispositions de l'article 12-2 du présent accord), dont au moins 25 ans à temps complet de façon continue ou discontinue, un emploi de conduite, soit en TRV, soit dans le cadre d'une carrière mixte au sens de l'article 10 du présent accord. » ; que M. X... n'est pas concerné par les dispositions sur la carrière mixte au sens des dispositions conventionnelles (activité transports de voyageurs et marchandises) ; qu'il résulte de l'analyse des pièces de la procédure telle que rappelée ci-dessus relativement à la classification du salarié, que celui-ci ne remplissait pas en tout état de cause, comme le relève justement l'employeur, la condition de durée de carrière pour un emploi de conduite à temps complet (25 ans de façon continue ou discontinue aux termes de l'accord du 2 avril 1998 ou « au plus 5 ans à temps partiel » selon l'imprimé explicatif - pièce 20 de l'employeur), la reclassification comme conducteur-mécanicien n'impliquant pas nécessairement l'exercice d'une carrière à temps complet sur la période querellée de 14 ans et 7 mois ; qu'aux termes de ses propres pièces, notamment les attestations précitées de Mmes B... et C... il n'a pas exercé exclusivement l'activité de conducteur sur la période litigieuse et qu'il ne produit aucun autre élément susceptible de l'établir, de sorte qu'en l'état d'une carrière de 30 ans et 2 mois le salarié n'établit pas avoir rempli les conditions ouvrant droit au congé de fin d'activité ; que surabondamment le préjudice financier dont il demande l'indemnisation est inexistant puisqu'il a précisément continué à travailler entre 55 et 60 ans et a été justement rémunéré à ce titre ; qu'il sera débouté de sa demande de dommages-intérêts de ce chef ;

1°) ALORS QUE le manquement de l'employeur résultant d'une modification unilatérale du contrat de travail ouvre droit au salarié qui le subit à la réparation de l'entier préjudice en découlant ; que, pour débouter M. X... de sa demande de dommages et intérêts, la cour d'appel a retenu que, nonobstant la modification unilatérale par l'employeur des fonctions du salarié de « conducteur mécanicien » en « mécanicien », le salarié ne justifiait pas de la condition de durée de carrière dans un emploi de conduite à temps complet pour bénéficier du congé de fin d'activité à 55 ans prévu par l'accord collectif du 2 avril 1998 relatif au congé de fin d'activité des conducteurs des entreprises de transport interurbain de voyageurs ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que le salarié avait été privé du bénéfice de ce congé du fait de la modification de son contrat de travail, illicite pour lui avoir été unilatéralement imposée par l'employeur, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil en leur rédaction applicable au litige ;

2°) ET ALORS QU' en énonçant que M. X... ne justifiait pas d'un préjudice financier dès lors qu'il avait continué à travailler entre 55 et 60 ans et qu'il avait été rémunéré à ce titre, quand le salarié faisait valoir que le préjudice par lui subi résultait du travail qu'il avait dû fournir et qu'il n'aurait pas dû fournir si l'employeur n'avait pas unilatéralement modifié son contrat de travail, en sorte que le préjudice invoqué s'analysait en un préjudice à la fois physique, moral et de temps perdu, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant, violant l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-26554
Date de la décision : 16/05/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 27 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 mai. 2018, pourvoi n°16-26554


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.26554
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