SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 mai 2018
Rejet non spécialement motivé
M. FROUIN, président
Décision n° 10541 F
Pourvoi n° F 16-28.520
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme Laure E... , domiciliée [...] ,
contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Coopérative groupements d'achats des Centres Leclerc SC Galec, dont le siège est [...] ,
2°/ à Pôle emploi de Rueil-Malmaison, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 mars 2018, où étaient présents : M. Frouin, président, Mme X..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Leprieur, conseiller, Mme Y..., avocat général, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme E... , de la SCP Gaschignard, avocat de la société Coopérative groupements d'achats des Centres Leclerc SC Galec ;
Sur le rapport de Mme X..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme E... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme E... à payer à la société Coopérative groupements d'achats des Centres Leclerc SC Galec la somme de 1 500 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour Mme E...
L'arrêt attaqué encourt la censure
EN CE QU'IL a décidé que le licenciement reposait sur une faute grave, déboutant la salariée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires consécutives à la rupture de son contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement datée du 4 octobre 2010 est très détaillée et reproche à Madame E... d'avoir manqué à ses obligations professionnelles notamment en ce que plusieurs voyages effectués par elles ont été financés par des fournisseurs du GALEC, information dont l'employeur a eu connaissance le 14 septembre 2010 par un article de presse publié dans le magazine « Aviation et Pilote » daté de novembre 2008 accompagné d'une photo ou elle était vue avec le dirigeant de la société VALPACO fournisseur du GALEC dans son avion privé et d'avoir reconnu au cours de l'entretien préalable qu'il y avait eu d'autres voyages payés par des fournisseurs ; que l'employeur rappelle qu'elle a signé un avenant le 17 novembre 2006 précisant qu'elle ne devait accepter aucun cadeau ou avantage de la part des fournisseurs ; que la lettre de licenciement évoque ensuite une opacité entretenue par la salariée sur les critères d'affectation des marchés notamment concernant VALPACO et H2D et lui reproche de n'avoir pas gardé le résultat des appels d'offres et de critères de choix ce qui empêche toute traçabilité des dossiers traités, ainsi qu'une opacité sur deux marchés récents conclus avec PRINOVIS et SHLOTT et enfin d'avoir protégé les données professionnelles par un mot de passe connu d'elle seule empêchant toute personne (collaborateurs, supérieur) d'accéder aux fichiers de travail, situation qu'elle a reconnue lors de l' entretien préalable et il est ajouté qu'elle a communiqué le mot de passe lors de l'entretien du 24 septembre 2010 ; que la société se prévaut d'une faute grave, contestée par la salariée, dont la charge de la preuve incombe à l'employeur qui est lié par les griefs contenus dans la lettre de licenciement ; que Madame E... soutient qu'elle avait une excellente notation depuis 9 ans et que l'arrivée de la société LYNX missionnée en 2009 pour réaliser un audit afin de réduire les dépenses d'impression de brochures a entraîné son licenciement et a permis à la société LYNX de récupérer la négociation des achats papier impression qui lui incombait ; qu'elle reproche à l'employeur d'être sorti du contexte professionnel et d'attenter à sa vie privée et d'avoir, introduit de nouveaux griefs dans ses écritures en indiquant qu'elle a entretenu des relations personnelles avec certains des fournisseurs et créé une situation de conflit d'intérêts ; qu'elle prétend que le premier grief sur le voyages est prescrit car la diffusion de l'article est de novembre 2008 ; que ces voyages étaient purement professionnels et que l'employeur en a donc bénéficié puisqu'il n'a pas eu à débourser de frais de transport, qu'il ne pouvait ignorer cette situation, ce qui rend ce grief ni réel, ni sérieux ; qu'elle conteste que ces voyages aient pu placer ces fournisseurs en situation de préférence car c'était une pratique courante ; qu'elle estime que les accusations portées contre elle au nom de l'éthique et de la déontologie procèdent d'une grande hypocrisie : que Madame E... ne conteste nullement ces voyages, pas plus que d'avoir signé un avenant concernant les cadeaux -et avantages en nature de la part de fournisseurs en 2006 ; qu'entre la prise en charge par le fournisseur des frais de repas lors d'une visite de son site comme le 30 juin 2010 en Seine et Marne et des trajets à l'étranger en jet privé appartenant an dirigeant d'une société fournisseur de la société GALEC, l'avantage en nature n'est pas de même niveau, surtout lorsque ce déplacement s'accompagne de la prise en charge d'autres frais et donne lieu à une photo dans un magazine sur laquelle Madame E... est vue en compagnie de Monsieur Jean Z... à la tête de la société VALPACO qui sert une coupe de champagne ; qu'il importe peu que cet article et cette photo soient parus dans un magazine très spécialisé « Aviation et Pilote » en novembre 2008 puisqu'il ressort des pièces communiquées que ce n'est que le 27 juillet 2010 que Monsieur A... supérieur hiérarchique de Madame E... l'a reçu et qu'il en a informé l'employeur le 14 septembre 2010 pour accompagner la remise de l'audit concluant à des interrogations sur les choix de Madame E... quant aux sociétés VALPACO et H2D s'agissant d'un intermédiaire (VALPACO) ou d'un petit imprimeur mal équipé en machines avec de grandes laizes (H2D) et donc moins compétitifs que d'autres fournisseurs ; que les faits ne sont donc pas prescrits ; que par ailleurs, les photos ainsi que les mails dont il n'est pas contesté qu'ils n'étaient pas protégés par une mention « personnel » n'ont pas à être écartés des débats et ce d'autant qu'ils mélangent vie privée et vie professionnelle et intéressent à ce titre l'employeur au regard de la fonction de Madame E... ; qu'ils révèlent sans ambiguïté des relations très personnelles de la salariée avec les dirigeants de VALPACO (M. Z...) et de H2D (Dominique B...), relations qui placent la salariée en situation de conflits d'intérêts vis-à-vis de son employeur ; qu'enfin, il est établi que dans le cadre de ses relations professionnelles, Madame E... a sollicité des cadeaux tels que l'envoi de bandes dessinées « fluide glacial » imprimées par un des fournisseurs, même si elle indique que cela fera très plaisir à l'une de ses collaboratrices, l'accès à un circuit automobile, et qu'elle a pratiqué des activités nautiques, des courses de voiture et profité de divers voyages de tourisme avec ou grâce à des fournisseurs ; qu'ainsi Madame E... n'a pas respecté la procédure déontologique interne imposée à tous les salariés par avenant au contrat de travail par la société GALEC depuis 2006 sur les cadeaux et avantages de la part de fournisseurs, n'a reçu aucune approbation de sa hiérarchie pour ces pratiques dont le coût n'est pas modéré alors même que l'employeur n'en était pas nécessairement informé ; que ceci révèle l'intention d'obtenir des cadeaux ou avantages réciproques avec certains fournisseurs sans que Madame E... puisse raisonnablement prétendre que la société LYNX missionnée pour un audit a tout fait pour la faire licencier et prendre son poste en l'externalisant ; qu'en revanche, il ressort des pièces que c'est effectivement la mission d'audit qui a révélé ces pratiques sans que l'employeur ait eu des doutes avant celle-ci ; que le premier grief reproché à la salariée est établi et grave s'agissant en outre d'une obligation légale liée à l'activité de référencement et justifie la mesure prise par l'employeur sans qu'il soit besoin d'étudier les autres griefs tenant essentiellement à l'opacité sur l'attribution des marchés et le choix de certains fournisseurs dont les deux précédemment évoqués et d'avoir empêché toute personne de la société d'avoir accès aux fichiers de travail, griefs qui ne sont pas réellement contestés quant à leur matérialité tel que ceci ressort du compte rendu d'entretien préalable auquel se réfère les deux parties ; que ces faits justifient un licenciement pour faute grave en raison de la position de Madame E... , de sa fonction d'encadrement, de son ancienneté et du fait qu'elle a été informée en 2006 de la conduite à adopter vis-à-vis des cadeaux et avantages offerts par les fournisseurs ;
ALORS QUE, premièrement, Madame E... faisait valoir, dans ses conclusions (p. 15, 16 et 17) que le voyage litigieux en avion privé avec le dirigeant de la société VALPACO du 10 octobre 2008 était professionnel, conforme à la pratique de l'entreprise et à sa mission contractuelle, visait à solutionner un litige sur un dossier et avait été dicté par des impératifs professionnels, notamment de rapidité ; de sorte qu'en décidant que Madame E... avait commis un manquement professionnel en acceptant d'effectuer, le 10 octobre 2008, un voyage dans un avion privé avec le dirigeant de la société VALPACO, partenaire contractuel de la SC GALEC sans répondre au moyen pertinent tiré de ce qu'il ne s'agissait ni d'un cadeau, ni d'un avantage personnel, mais d'un déplacement professionnel destiné à rencontrer un fournisseur afin de mettre rapidement un terme à un litige, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, violant les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, Madame E... faisait valoir, dans ses conclusions (p. 22 et s.), qu'il pouvait d'autant moins lui être reproché d'avoir bénéficié de voyages professionnels en avion privé – dont il n'est ni démontré ni même allégué qu'il s'agissait de voyages à des fins personnelles – que la prise en charge de frais de déplacement de dirigeants de la SC GALEC, dont Messieurs Jacques C... et Michel D..., par les fournisseurs, était de pratique courante, depuis de nombreuses années, en citant notamment le fait que l'intégralité des frais afférents à un voyage professionnel en Finlande du 16 mars 2009 avaient été supportés par UPM, dont les frais de voyage et d'hébergement ; de sorte qu'en décidant que Madame E... avait commis un manquement professionnel en acceptant d'effectuer des voyages professionnels en avion privé sans répondre au moyen pertinent tiré de ce qu'il s'agissait d'une pratique ancienne et courante, ayant bénéficié aux cadres dirigeants de la SC GALEC, la cour d'appel a, de nouveau, entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, violant les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, troisièmement, le juge a l'obligation de vérifier la cause exacte du licenciement au-delà des énonciations de la lettre de licenciement ; de sorte qu'en dédicant, en l'espèce, que le licenciement de Madame E... reposait sur le premier grief disciplinaire invoqué dans la lettre de licenciement, en se bornant à affirmer que Madame E... « ne pouvait raisonnablement prétendre que la société LYNX, missionnée pour un audit, avait tout fait pour la faire licencier et prendre son poste en l'externalisant », sans rechercher, comme elle y était invitée, si la SC GALEC n'avait pas, peu à peu, au fur et à mesure que la société LYNX poursuivait sa mission d'audit, réduit ses attributions et responsabilités, jusqu'à vider son emploi de sa substance et, finalement, le supprimer après l'avoir externalisé, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les dispositions des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
ALORS QUE, quatrièmement, et en toute hypothèse, la faute grave n'est caractérisée qu'en présence d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que le fait, pour un salarié qui n'a jamais fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire ni d'aucun blâme, rappel à l'ordre ou mise en garde au cours d'une longue collaboration, d'avoir bénéficié de la prise en charge de voyages professionnels de la part de fournisseurs, n'est pas de nature à caractériser la faute grave, quand bien même son contrat de travail ferait-il mention de l'interdiction de bénéficier de cadeaux ou d'avantages personnels de la part de fournisseurs ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que Madame E... avait commis une faute grave en acceptant ponctuellement de se faire véhiculer gratuitement en avion privé par des fournisseurs de son employeur, à l'occasion de déplacements professionnels au bénéfice de ce dernier, alors qu'il n'est pas contesté que pendant les neuf années de la collaboration, elle n'avait jamais fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire d'aucune sorte, ni d'aucun blâme, rappel à l'ordre ou mise en garde pour des faits identiques ou similaires, ni même pour d'autres faits et que par ailleurs ses excellents états de service ont conduit à plusieurs promotions et augmentations, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail.