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03/05/2018 | FRANCE | N°16-26850

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 mai 2018, 16-26850


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1411-1 du code du travail, ensemble les articles L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu, d'une part, que si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la ruptur

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1411-1 du code du travail, ensemble les articles L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu, d'une part, que si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu, d'autre part, qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 18 février 2001 en qualité de couvreur par M. Y..., a été victime, le 8 avril 2005, d'un accident du travail ; que la juridiction de sécurité sociale a dit que cet accident était dû à la faute inexcusable de l'employeur et a fixé les préjudices subis par le salarié ; qu'ayant été licencié, le 23 octobre 2013, pour inaptitude et impossibilité de reclassement, M. X... a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que pour rejeter la demande en paiement d'une indemnité réparant le préjudice subi du fait de la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient que le salarié demande à la juridiction du travail de dire que son licenciement a pour cause la violation de l'obligation de sécurité de résultat incombant à son employeur et qu'en conséquence, il est sans cause réelle et sérieuse, et, à titre subsidiaire, qu'il a pour cause la faute inexcusable de son employeur, de sorte que cette nouvelle demande relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale comme étant une demande de réparation d'un préjudice né de l'accident du travail, qu'il lui appartient de présenter cette demande devant la juridiction de sécurité sociale seule compétente puisqu'elle constitue une demande d'indemnisation de la perte de son emploi consécutive à l'accident du travail et à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur commise à son égard ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié demandait la réparation du préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail et faisait valoir que son licenciement pour inaptitude était dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat de travail, l'arrêt rendu le 30 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et le condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande tendant à voir dire et juger que son licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse et obtenir une somme de 45.00 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture de son contrat de travail et de sa demande au titre de l'indemnisation de la perte de l'emploi due à la faute inexcusable de l'employeur ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE le 20 mai 2010, M. Raphaël X... avait saisi le conseil de prud'hommes de Coutances d'une demande de réparation du préjudice résultant de la perte d'emploi qui avait sursis à statuer jusqu'à la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale ; que par jugement du 20 novembre 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Manche a dit que l'accident du travail de M. Raphaël X... le 8 avril 2005 était dû à la faute inexcusable de son employeur, M. Stéphane Y..., puis par jugement du 16 septembre 2014 le tribunal des affaires de sécurité sociale a fixé les préjudices subis par le salarié aux sommes suivantes : 675 euros au titre de l'assistance tierce personne, 7.255 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 32.000 euros au titre des souffrances physiques et morales endurées, 100 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 20.000 euros au titre des préjudice d'agrément et sexuel ; que devant le conseil de prud'hommes de Coutances, M. X... a repris ses demandes de réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi et de son licenciement et par jugement du 19 décembre 2014, il a été débouté de ses demandes au motif que l'indemnisation demandée reposait sur les conséquences de l'accident du travail qui ne pouvait relever que de l'appréciation du tribunal des affaires de sécurité sociale qui l'avait déjà indemnisé de la perte de son emploi résultant de la rupture de son contrat de travail ; que devant la cour, M. X... soutient que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse puisqu'il résulte non pas de son inaptitude mais de la violation de l'obligation de sécurité de son employeur et retient la compétence de la juridiction prud'homale pour juger des manquements de son employeur à son égard ; que si M. X... a demandé que son licenciement soit dit sans cause réelle et sérieuse et que la juridiction du travail a été retenue par la cour pour examiner cette demande (arrêt du 30 mai 2014 devenu définitif), il demande maintenant à la juridiction du travail de dire que son licenciement a pour cause la violation de l'obligation de sécurité de résultat incombant à son employeur et qu'en conséquence, il est sans cause réelle et sérieuse, et, à titre subsidiaire, qu'il a pour cause la faute inexcusable de son employeur, de sorte que cette nouvelle demande relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale comme étant une demande de réparation d'un préjudice né de l'accident du travail ; qu'il lui appartient de présenter cette demande devant la juridiction de sécurité sociale seule compétente puisqu'elle constitue une demande d'indemnisation de la perte de son emploi consécutive à l'accident du travail et à la reconnaissance de la faute inexcusable de M. Y... commise à son égard, comme l'ont justement retenu les premiers juges ; que c'est pourquoi, il convient de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter M. X... de l'intégralité de ses demandes ;

ET, AUX MOTIFS ADOPTES, QUE les articles L. 142-2, L. 451-1, L. 452-4 du code de la sécurité sociale ainsi que l'article L. 1411-4 du code du travail disposent que : « Le conseil de prud'hommes est seul compétent, quel que soit le montant de la demande, pour connaître des différends mentionnés au présent chapitre. Toute convention contraire est réputée non écrite. Le conseil de prud'hommes n'est pas compétent pour connaître des litiges attribués à une autre juridiction par la loi, notamment par le code de la sécurité sociale en matière d'accidents du travail et maladies professionnelles » ; qu'en l'espèce, l'indemnisation au titre de la perte d'emploi, conséquence de l'accident du travail, ne peut relever que de l'appréciation du tribunal des affaires de sécurité sociale ; qu'en conséquence, le conseil déboute M. Raphaël X... de sa demande au titre de l'indemnisation de la perte d'emploi due à la faute inexcusable de l'employeur ; que le conseil des prud'hommes ne peut qu'analyser les conditions de rupture du contrat de travail ; qu'il n'est pas contesté par M. Raphaël X..., qui a d'ailleurs confirmé lors de l'audience que les indemnités de licenciement lui ont été régulièrement réglées ; qu'en l'espèce, des indemnités relevant de l'accident du travail ont été attribuées par le tribunal des affaires de sécurité sociale, celles-ci couvrent tous les préjudices inhérents à la faute inexcusable de l'employeur ; qu'en conséquence, le conseil dit que le préjudice subi par M. Raphaël X... du fait de la rupture de son contrat de travail est couvert par les indemnités octroyées par le tribunal des affaires de sécurité sociale ;

1°) ALORS QUE la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif au licenciement ; que la demande du salarié tenant à voir juger son licenciement pour inaptitude dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat n'a pas pour objet la réparation du préjudice résultant de l'accident du travail, mais la réparation du préjudice lié à son licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en jugeant le contraire, pour débouter M. X... de sa demande tendant à voir dire et juger que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse et obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ce licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1411-1, L. 1411-3 et L. 1411-4 du code du travail et L. 142-1 et L. 451-1 du code de la sécurité sociale;

2°) ALORS QUE le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; que par arrêt du 30 mai 2014 devenu définitif, la cour d'appel de Caen, rejetant le contredit, avait considéré que la demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse présentée par M. X... portait sur les causes et conditions de la rupture du contrat de travail de sorte que la juridiction prud'homale était seule compétente pour connaître de ce litige et renvoyé la cause et les parties devant le conseil de prud'hommes de Coutances pour qu'il soit statué au fond ; qu'en déboutant finalement, M. X... de sa demande tendant à voir dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat de travail, motifs pris que cette demande relevait de la compétence de la juridiction de sécurité sociale, la cour d'appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil dans sa rédaction alors applicable;

3°) ALORS QU'en constatant que M. X... soutenait que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse puisqu'il résultait non pas de son inaptitude mais de la violation de l'obligation de sécurité de son employeur et en décidant néanmoins que cette demande constituait une demande d'indemnisation de la perte de l'emploi consécutive à son accident du travail et à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur relevant de la compétence de la juridiction de sécurité sociale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1411-1, L. 1411-3 et L. 1411-4 du code du travail et L. 142-1 et L. 451-1 du code de la sécurité sociale;

4°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la demande tendant à voir dire un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et la demande sollicitant du juge qu'il déclare que le licenciement a pour cause la violation de l'obligation de sécurité de résultat incombant à l'employeur et qu'en conséquence il est sans cause réelle et sérieuse constitue une même demande ; qu'en affirmant que M. X... avait présenté une demande nouvelle relevant de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de M. X... et a violé l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-26850
Date de la décision : 03/05/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

PRUD'HOMMES - Compétence - Compétence matérielle - Exclusion - Litiges dont la connaissance est attribuée à une autre juridiction par la loi - Applications diverses - Accident du travail - Demande en réparation - Portée

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX - Contentieux général - Compétence matérielle - Exclusion - Cas - Accident du travail - Rupture du contrat de travail - Indemnisation au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Défaut - Applications diverses - Inaptitude au travail - Manquement préalable de l'employeur - Portée

Si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (arrêt n°1, pourvoi n° 16-26.850 et arrêt n° 2, pourvoi n° 17-10.306). Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée (arrêt n° 1, pourvoi n° 16-26.850)


Références :

article L. 1411-1 du code du travail

articles L. 142-1 et L. 451-1 du code de la sécurité sociale

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 30 septembre 2016

Sur la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale pour réparer le préjudice né d'un accident de travail, indépendamment de la qualification donnée par le salarié à son action, à rapprocher : Soc., 3 mai 2018, pourvoi n° 16-18116, Bull. 2018, V, n° ??? (cassation) ;Soc., 9 juillet 2014, pourvoi n° 13-18696, Bull. 2014, V, n° 185 (4) (cassation partielle)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 mai. 2018, pourvoi n°16-26850, Bull. civ.Bull. 2018, V, n° 72
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, V, n° 72

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.26850
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