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12/04/2018 | FRANCE | N°17-15344

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 avril 2018, 17-15344


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Met hors de cause M. et Mme D..., la déclaration d'appel ayant été déclarée caduque à leur égard ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 janvier 2017), que, par un acte du 6 juillet 1973, Francis Y... et son épouse ont divisé leur parcelle en deux lots et vendu le lot n° 2 en créant une servitude de passage entre ceux-ci dont l'assiette a été constituée par une bande de terrain d'une largeur de deux mètres vingt-cinq centimètres prise pour moitié sur chaque lot ; que M. et Mme B...

, acquéreurs du lot n° 2, ont remplacé la porte existante donnant sur la rue par...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Met hors de cause M. et Mme D..., la déclaration d'appel ayant été déclarée caduque à leur égard ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 janvier 2017), que, par un acte du 6 juillet 1973, Francis Y... et son épouse ont divisé leur parcelle en deux lots et vendu le lot n° 2 en créant une servitude de passage entre ceux-ci dont l'assiette a été constituée par une bande de terrain d'une largeur de deux mètres vingt-cinq centimètres prise pour moitié sur chaque lot ; que M. et Mme B..., acquéreurs du lot n° 2, ont remplacé la porte existante donnant sur la rue par une fenêtre et ont vendu leur propriété à M. et Mme Z..., qui ont créé une porte d'entrée sur la façade latérale de leur maison, laquelle constitue son unique accès ; que Mme Y... et sa fille, venant aux droits de Francis Y..., ont assigné M. et Mme Z... en remise en état des lieux et en paiement de dommages et intérêts, M. et Mme B... en violation contractuelle de l'acte d'acquisition et paiement de dommages et intérêts et M. et Mme D..., locataires de M. et Mme Z..., en déclaration de jugement commun ;

Sur le premier moyen ci-après annexé :

Attendu que Mmes Y... font grief à l'arrêt de rejeter la demande de remise en état des lieux ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'acte, qui prévoyait la constitution d'une servitude " de droit de passage" sans plus de précision sur son objet, ne comportait aucune restriction quant à sa destination, son usage ou ses modalités d'exercice et que si la fermeture des accès sur rue avait accru les allées et venues des usagers et visiteurs de la maison Z..., cet accroissement ne constituait pas en lui-même une aggravation de la servitude, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen ci-après annexé :

Attendu que Mmes Y... font grief à l'arrêt de rejeter la demande en paiement de dommages et intérêts ;

Mais attendu qu'ayant relevé que Mmes Y... qui demeuraient en zone urbanisée et qui avaient divisé leur parcelle de telle sorte que leur maison n'étaient séparée de la maison voisine que par une allée étroite de 2,25 mètres environ, la cour d'appel en a souverainement déduit que les allées et venues des voisins, prévisibles dès la division des lots, ne pouvait constituer un trouble anormal de voisinage ;

D'où, il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen ci-après annexé :

Attendu que Mmes Y... font grief à l'arrêt de violer la clause contractuelle relative aux vues ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la servitude de vue créée sur le passage existait déjà lorsqu'a été percée la porte litigieuse, la cour d'appel a pu retenir que l'issue créée sur le passage respectait les exigences de l'article 678 du code civil et ne contrevenait pas à la clause contractuelle ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile;

Attendu que, pour rejeter la demande de Mmes Y... en suppression du battant de la porte du portail laissé par M. et Mme Z..., l'arrêt retient que cette demande ne repose sur aucun fondement légal ou contractuel, étant observé que l'étroitesse du passage limitée à 2,25 m exclut par principe toute réduction de l'ouverture sur rue ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mmes Y... soutenant que le battant du portail réduisait l'accès du passage à 2,17 mètres alors que l'acte créant la servitude prévoyait une assiette de 2, 25 mètres de large, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

Met hors de cause M. et Mme D... ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de suppression du battant de portail laissé en place par M. et Mme Z..., l'arrêt rendu le 27 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. et Mme B... et M. et Mme Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mmes Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté les exposantes de toutes leurs demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'acte de vente du 6 juillet 1973 conclu entre M. et Mme Y... et M. et Mme H..., «les vendeurs et les acquéreurs ont convenu de créer une servitude de droit de passage dont l'assiette sera constituée par une bande de terrain dépendant par moitié du lot restant à appartenir à M. et Mme Y... et pour l'autre moitié du lot vendu à M. et Mme H..., partant de la rue [...] sur une longueur de deux mètres

vingt-cinq centimètres et au fond de deux mètres trente centimètres, soit une surface de quatre-vingt seize mètres carrés deux centimètres » ;
Que l'acte constitutif de servitude n'a pas été rédigé ;
Que les Dames Y... font valoir que la servitude de passage était exclusivement destinée à la desserte des garages situés en fond de parcelles et que la concentration des allées et venues dans l'allée séparant latéralement les deux maisons aggrave les conditions d'exercice de la servitude, alors que les entrées et sorties se faisaient, jusqu'à l'exécution des travaux de M. et Mme B..., puis ceux de M. et Mme Z..., par la porte percée dans la façade sur rue ou celle donnant dans le jardin, à l'arrière de la maison ;
Que, toutefois, d'une part, ainsi que l'a relevé le premier juge par des motifs exacts que la cour adopte, l'acte prévoyant la constitution d'une servitude ne comporte aucune restriction quant à sa destination, son usage ou ses modalités d'exercice, se bornant à indiquer que les vendeurs et acquéreurs ont convenu de créer une servitude de droit de passage sans plus de précisions sur son objet, d'autre part, cette servitude était, dès sa création, nécessairement pour partie piétonnière pour les usagers, soit pour aller de la maison au garage chercher sa voiture, soit pour revenir dans sa maison après avoir rangé sa voiture dans le garage ; que si la fermeture des accès sur rue et sur jardin a accru les allées et venues des usagers et visiteurs de la maison Z... et cause une gêne aux dames Y..., cet accroissement ne constitue pas en lui-même une aggravation de la servitude, sauf à considérer que les parties avaient l'intention de réserver tout passage piéton sur le côté latéral des maisons à l'accès aux garages, ce qui n'est pas le cas à défaut de précision en ce sens ;
Qu'il n'est pas démontré, par ailleurs, que les modifications des accès de la maison Z... présenteraient des dangers pour les usagers de la servitude, alors que le passage en voiture dans une allée mesurant 2,25 m de largeur ne petit se faire qu'au pas et avec prudence ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en application de l'article 702 du code civil, celui qui a un droit de servitude ne peut en user que suivant son titre, sans pouvoir faire ni dans le fonds qui doit la servitude, ni dans le fonds à qui elle est due, de changement qui aggrave la condition du premier ;
Qu'en l'espèce, il était prévu dans l'acte de vente des époux Y... au profit des époux H..., la rédaction d'un acte relatif à la servitude mais celui ci n'a pas été établi de telle sorte que le titre instituant la servitude est cet acte du 6 juillet 1973 dont les dispositions ont été rappelées précédemment ;
Que cet acte ne prévoit pas la destination de la servitude avec précision et ne comporte aucune restriction quant à son usage ou ses modalités d'exercice, étant rappelé qu'il est d'usage que le droit de passage serve à toutes les utilités du fonds dominant ;
Qu'il est de plus constant que lors de la création de la servitude, outre l'entrée en façade sur rue, chacune des maisons disposait d'une entrée en façade arrière, celle des époux Y... bénéficiant d'une troisième entrée en façade latérale donnant sur l'assiette de la servitude de telle sorte que même si l'objectif principal de la création de la servitude était de permettre l'accès aux garages situés en fond de parcelle, un passage à pied pour accéder à l'arrière des bâtiments était également envisagé ;
Qu'ainsi, M. I..., propriétaire du lot n°2 entre 1988 et 1994, atteste avoir été informé lors de son acquisition de l'existence d'un droit de passage : «une allée et un portail communs pour accéder à nos 2 garages respectifs.., L'accès à notre maison s'effectuait par la rue ou par le jardin (via l'allée et donc le portail commun)».
Qu'il convient également de rappeler que la partie de la servitude située sur le lot n°2 mesure 1,125 mètres de large, largeur qui permet un passage à pied ;
Qu'enfin, il sera observé que les travaux ont été effectués en 1994 et que les consorts Y... ne justifient pas s'être plaints de la suppression de l'entrée en façade sur rue avant la mise en cause des époux B... dans le cadre de la présente procédure ; qu'en effet, le courrier du 31 juillet 2003 versé aux débats évoque des problèmes de voisinage dont l'origine n'est pas précisée et dans le courrier qu'ils ont adressé le 29 mai 2006 aux époux Z..., ils écrivaient : « depuis plus de 30 ans et avec trois propriétaires successifs, avec ou sans enfants, nous n'avons jamais eu l'occasion de nous pencher sur la nature juridique du passage pour les garages ; les deux fonds ayant fonctionné sans aucun problème à partir d'un consensus tacite et d'usages basés sur le respect du voisinage, excluant tout abus et toute tentative d'appropriation du terrain voisin » ;
Qu'au vu de ces éléments, la condamnation par les époux B... de la porte-fenêtre sur la rue, si elle a certes augmenté le nombre de passages sur la servitude, ne constitue pas une aggravation de la servitude au sens des dispositions précitées ;

1°) ALORS QUE, par application de l'article 1188 du code civil, le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes ; qu'au cas présent, les exposantes avaient démontré que la commune intention des parties lors de l'institution de la servitude était exclusivement de permettre un accès aux garages pour lesquels les propriétaires respectifs des parcelles litigieuses avaient obtenu un permis de construire ; qu'en affirmant que le défaut de précision sur l'acte constitutif de la servitude ne permettait pas d'admettre que l'intention des parties était de réserver tout passage piéton sur le côté latéral des maisons à l'accès aux garages, la cour a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les articles 1103 et 1188 du code civil ;

2°) ALORS QUE, par application de l'article 701 du code civil, le propriétaire du fonds, débiteur de la servitude, ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage ou le rendre plus incommode ; qu'en constatant que « la fermeture des accès sur rue et sur jardin a accru les allées et venues des usagers et visiteurs de la maison Z... et cause une gêne aux dames Y... », tout en déboutant les exposantes de leurs demandes de remise en état des lieux, au motif que l'acte prévoyant la constitution de servitude ne comporte aucune restriction quant à sa destination, son usage ou ses modalités d'exercice, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 701 du code civil ;

3°) ALORS QUE le propriétaire qui a lui-même obstrué l'issue donnant accès à la voie publique ne peut se prévaloir d'un droit de passage pour cause d'enclave ; qu'en constatant que les propriétaires de la parcelle cadastrée [...] avaient, de leur propre fait, fermé les accès de leur maison sur rue et sur jardin, tout en accordant à ces derniers un droit de passage permanent par le chemin latéral qui avait pourtant « accru les allées et venues des usagers et visiteurs de la maison Z... », causant une « gêne» aux exposantes, la cour a violé l'article 701 du code civil ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté les exposantes de toutes leurs demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, en droit, la responsabilité pour trouble anormal de voisinage est une responsabilité sans faute dont la mise en oeuvre suppose la preuve d'une nuisance excédant les inconvénients normaux de voisinage, en fonction des circonstances et de la situation des lieux ; que l'anormalité du trouble s'apprécie objectivement et non en fonction de l'âge ou de l'état de santé de la personne qui le subit ; qu'au cas présent, les dames Y... qui demeurent en zone urbanisée et qui ont divisé leur parcelle de telle sorte que leur maison n'est séparée de la maison voisine que par une allée étroite de 2,25 m environ, ne peuvent soutenir que les allées et venues des voisins dans cette allée, prévisibles dès la division des lots, ou l'entreposage provisoire de matériaux de construction en 2006, constitueraient un trouble anormal de voisinage, de sorte qu'elles seront déboutées de leur demande de dommages-intérêts pour trouble anormal de voisinage ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur les demandes formées à l'encontre de M. et Mme B..., en application de l'article 702 du code civil, celui qui a un droit de servitude ne peut en user que suivant sort titre, sans pouvoir faire ni dans le fonds qui doit la servitude, ni dans le fonds à qui elle est due, de changement qui aggrave la condition du premier ;
Qu'en l'espèce, il était prévu dans l'acte de vente des époux Y... au profit des époux H..., la rédaction d'un acte relatif à la servitude mais celuici n'a pas été établi de telle sorte que Ie titre instituant la servitude est cet acte du 6 juillet 1973 dont les dispositions ont été rappelées précédemment ;
Que cet acte ne prévoit pas la destination de la servitude avec précision et ne comporte aucune restriction quant à son usage ou ses modalités d'exercice, étant rappelé qu'il est d'usage que le droit de passage serve à toutes les utilités du fonds dominant ;
Qu'il est de plus constant que lots de la création de la servitude, outre l'entrée en façade sur rue, chacune des maisons disposait d'une entrée en façade arrière, celle des époux Y... bénéficiant d'une troisième entrée en façade latérale donnant sur l'assiette de la servitude de telle sorte que même si l'objectif principal de la création de la servitude était de permettre l'accès aux garages situés en fond de parcelle, un passage à pied pour accéder à l'arrière des bâtiments était également envisagé ; Qu'ainsi, M. I..., propriétaire du lot n°2 entre 1988 et 1994, atteste avoir été informé lors de son acquisition de l'existence d'un droit de passage : « une allée et un portail communs pour accéder à nos 2 garages respectifs.., L'accès à notre maison s'effectuait par la rue ou par le jardin (via l'allée et donc le portail commun)».
Qu'il convient également de rappeler que la partie de la servitude située sur le lot n°2 mesure 1,125 mètres de large, largeur qui permet un passage à pied, Qu'enfin, il sera observé que les travaux ont été effectués en 1994 et que les consorts Y... ne justifient pas s'être plaints de la suppression de l'entrée en façade sur rue avant la mise en cause des époux B... dans le cadre de la présente procédure ; qu'en effet, le courrier du 31 juillet 2003 versé aux débats évoque des problèmes de voisinage dont l'origine n'est pas précisée et dans le courrier qu'ils ont adressé le 29 mai 2006 aux époux Z..., ils écrivaient : « depuis plus de 30 ans et avec trois propriétaires successifs, avec ou sans enfants, nous n'avons jamais eu l'occasion de nous pencher sur la nature juridique du passage pour les garages ; les deux fonds ayant fonctionné sans aucun problème à partir d'un consensus tacite et d'usages basés sur le respect du voisinage, excluant tout abus et toute tentative d'appropriation du terrain voisin » ;

Qu'au vu de ces éléments, la condamnation par les époux B... de la porte-fenêtre sur la rue, si elle a certes augmenté le nombre de passages sur la servitude, ne constitue pas une aggravation de la servitude au sens des dispositions précitées ;
Que, sur l'existence d'un trouble anormal de voisinage, les consorts Y... prétendent que l'ouverture en façade latérale et l'absence de rétablissement de l'issue sur rue constituent un trouble anormal de voisinage, en ce qu'elles ont eu des répercussions importantes sur l'usage de la servitude de passage ;
Qu'il est de principe que nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage ; qu'il s'agit d'une responsabilité objective qui ne nécessite pas la preuve d'une faute, son unique fondement étant le dommage et la réparation, sa seule fonction ; Qu'au vu des explications qui précèdent, force est de constater que la preuve d'un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage n'est pas rapportée ;
Que les demandes tendant avoir supprimer l'entrée en façade latérale et à voir établir une entrée en façade avant doivent donc être rejetées ;

ALORS QUE nul ne doit causer à autrui de trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage ; qu'en déboutant les exposantes de leurs demandes de remise en état des lieux, tout en constatant que « la fermeture des accès sur rue et sur jardin a accru les allées et venues des usagers et visiteurs de la maison Z... et cause une gêne aux dames Y... »,sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce trouble qu'elle retenait excédait les inconvénients normaux du voisinage, la cour a privé son arrêt de base légale au regard du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui de trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté les exposantes de toutes leurs demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la suppression du battant de portail laissé en place par M. et Mme Z..., un portail ayant été installé dans le passé à l'entrée de l'allée sur rue, les dames Y... ont ôté un de ces battants et demandent que la seconde partie du portail soit enlevée par M. et Mme Z... ; que ceux-ci, de leur côté, demandent qu'il soit enjoint aux dames Y... de remettre en place le second battant du portail ;

Qu'aucune de ces demandes ne peut être satisfaite et les deux parties seront pareillement déboutées de leur demande qui ne repose sur aucun fondement contractuel ou légal, étant observé que l'étroitesse du passage limitée à 2,25 m exclut par principe toute réduction de l'ouverture sur rue ;

1°) ALORS QUE, par application de l'article 701 du code civil, le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage ou à le rendre plus incommode ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu le droit de passage s'exerçait sur une surface de 2, 25 m de large; qu'en déboutant les exposantes de leur demande en suppression du battant du portail qui réduisait l'accès du passage de 8 cm, au motif erroné que cette demande ne reposait « sur aucun fondement contractuel ou légal », la cour a violé l'article 1134 devenu 1103, 1104 et 1193 du code civil, ensemble l'article 701 du code civil ;

2°) ALORS QUE les exposantes avaient fait valoir « le maintien du battant du portail laissé en place sur le fonds Z... représente un encombrement actuel de 8 cm de largeur, ce qui réduit l'entrée du passage à 2,17 mètres » et que le maintien de cet élément « constitue par conséquent une entrave au libre accès des véhicules dans la mesure où il a pour conséquence de rétrécir le passage déjà étroit existant entre les maisons » ; que la cour d'appel, qui a débouté les exposantes de leur demande en suppression du portail par un motif d'ordre général tiré de ce que « l'étroitesse du passage exclut par principe toute réduction de l'ouverture sur rue », sans répondre au moyen pris de ce que le battant du portail réduisait précisément cette ouverture, a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions et violé l'article 455 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté les exposantes de toutes leurs demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la création d'une issue en façade latérale par M. et Mme Z..., les dames Y... se prévalent des conditions particulières insérées à l'acte de vente du 6 juillet 1973, selon lesquelles «si, du fait de la division en deux lots de la propriété de M Y..., il existe des plantations, arbres ou arbustes, ainsi que des jours, vues et issues qui ne se trouveraient pas, pour chacun des deux lots, à une distance légale, ils pourront être maintenus dans leur état actuel, mais, à l'avenir, il ne pourra en être créé d'autres qu'en respectant les dispositions du code civil et les usages locaux» pour en inférer que la création par M. et Mme Z... d'une issue en façade latérale, à 1,15 m de leur fonds, serait illicite, et elles contestent l'application de la règle de selon laquelle l'article 678 du code civil n'est pas applicable « au cas où le fonds sur· lequel s'exerce la vue est déjà grevé au profit du fonds qui en bénéficie d'une servitude de passage», soulignant que le terme « déjà » exclut le cas où la création de la servitude est postérieure au percement de la vue illicite ; que M. et Mme Z... répliquent qu'ils bénéficient d'une servitude de passage de 2,20 m, que la clause insérée à l'acte authentique du 6 juillet 1973 ne leur est pas opposable par suite de l'effet relatif des contrats et que l'existence d'une servitude de passage exclut l'application de l'article 678 du code civil ; qu'ils ajoutent qu'une porte constituée d'un panneau plein ne saurait être assimilée à une vue, enfin, que la maison des dames Y... dispose également d'une porte percée en face de la leur, sur l'allée soumise à servitude de passage ; qu'il ressort clairement et sans équivoque de la rédaction de la clause ci-dessus, insusceptible d'interprétation sans dénaturation, que les parties à l'acte de vente du 6 juillet 1973 ont entendu préserver la configuration des lieux et figer les ouvertures des façades latérales des deux maisons en soumettant toute nouvelle ouverture, vue ou issue aux distances prescrites par le code civil ; or, l'interdiction de créer de nouvelles vues ou issues étant attachée au fonds lui-même et suivant ledit fonds entre quelques mains qu'il se trouve, nonobstant le fait que cette interdiction ne soit pas rappelée à leur acte d'acquisition, M. et Mme Z... qui tiennent leur droit de propriété par une chaîne de cessions remontant aux époux H..., sont tenus, eu leur qualité de propriétaires du fonds servant de respecter la condition particulière interdisant aux propriétaires successifs de leur maison de créer des jours, vues et issues nouveaux, sauf en observant les règles du code civil ; que, suivant l'article 678 du code civil, « nul ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou autres semblables saillies sur l'héritage clos ou non clos de son voisin, s'il n'y dix neuf décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage, à moins que le fonds ou la partie du fonds sur lequel s'exerce la vue ne soit déjà grevé, au profit du fonds qui en bénéficie, d'une servitude de passage faisant obstacle à l'édification de constructions »; qu'il est constant que la porte percée par M. et Mme Z... sur la façade latérale de leur maison et qui s'ouvre sur l'allée à une distance de 1,12 m de la limite séparative et donc du fonds contigu constitue une vue prohibée par l'article 678 du code civil dès lors qu'elle est appelée à s'ouvrir plusieurs fois par jour en offrant une vue directe sur la maison Y... et que la distance minimale de 19 décimètres soit 1,90 m prescrite par ce texte n'est pas respectée ; que, toutefois, M. et Mme Z... sont fondés à invoquer la servitude créée sur le passage pour éluder l'application de l'article 678 précité puisque cette servitude existait «déjà » lorsqu'ils ont percé la porte dont s'agit ; qu'il suit de ces éléments que l'issue créée sur le passage respecte les exigences du code civil et, partant, ne contrevient pas à la clause contractuelle susmentionnée ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'acte de vente du 6 juillet 1973 prévoit que : « si du fait de la division en deux lots de la propriété de Monsieur Y..., il existe des plantations, arbres ou arbustes, ainsi que des jours, vues et issues qui ne se trouveraient pas, pour chacun des deux lots à une distance légale, ils pourront être maintenus dans leur état actuel, mais à l'avenir, il ne pourra en être créé d'autres qu'en respectant les dispositions du Code Civil et les usages locaux » ; qu'il est constant que la porte créée en façade latérale par les époux Z... ne respecte pas les distances prévues par l'article 678 du code civil ; que, cependant, les dispositions de cet article ne sont pas applicables au cas où le fonds sur lequel s'exerce la vue est déjà grevé au profit du fonds qui en bénéficie d'une servitude de passage ; que les époux Y... prétendent qu'en application de l'article 1157 du code civil aux termes duquel lorsqu'une clause est susceptible de deux sens on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun, il y a lieu de considérer que les parties ont entendu soumettre une distances prévues par l'article 678 du code civil les vues s'exerçant sur la servitude de passage, celles-ci souhaitant préserver la configuration des lieux et figer les ouvertures des façades latérales des deux maisons ; que, cependant, la clause précitée est claire et ne comporte aucune mention particulière sur ce point ; que de plus, le fait de considérer que les dispositions de l'article 678 du code civil ne sont pas applicables aux vues s'exerçant sur la servitude de passage ne prive pas de sens cette clause qui continue à s'appliquer aux plantations, arbres ou arbustes ; que, dès lors, les consorts Y... ne peuvent utilement invoquer le non-respect de l'acte de 1973 et des distances prévues par l'article 678 du code civil ;

ALORS QUE si l'article 678 qui impose le respect de la distance de vues n'est pas applicable lorsque le fonds sur lequel s'exerce la vue est déjà grevé au profit du fonds qui en bénéficie d'une servitude de passage, tel n'est pas le cas lorsque la servitude est institué postérieurement ; qu'au cas présent, les parties avaient décidé d'insérer dans l'acte de vente du 6 juillet 1973 la clause selon laquelle « si, du fait de la division en deux lots de la propriété de M Y..., il existe des plantations, arbres ou arbustes, ainsi que des jours, vues et issues qui ne se trouveraient pas, pour chacun des deux lots, à une distance légale, ils pourront être maintenus dans leur état actuel, mais, à l'avenir, il ne pourra en être créé d'autres qu'en respectant les dispositions du code civil et les usages locaux», à une date à laquelle aucune servitude de passage n'avait été « déjà » créé, ce dont il s'induisait nécessairement que les parties avaient entendu préserver la configuration des lieux et figer les ouvertures latérales des deux maisons ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a méconnu la volonté des parties et violé l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-15344
Date de la décision : 12/04/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 avr. 2018, pourvoi n°17-15344


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.15344
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