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05/04/2018 | FRANCE | N°16-19004

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 avril 2018, 16-19004


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., employé en qualité d'agent de sécurité incendie par la société Trigion Sécurité sur le site de la Tour Maine-Montparnasse, a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir condamner l'employeur à lui payer diverses sommes ; que devant la cour d'appel, il a formulé des demandes nouvelles en réparation du préjudice résultant du bouleversement de ses conditions d'existence et de dommages-intérêts pour carences de l'employeur dans la mise en oeuvre du document u

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., employé en qualité d'agent de sécurité incendie par la société Trigion Sécurité sur le site de la Tour Maine-Montparnasse, a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir condamner l'employeur à lui payer diverses sommes ; que devant la cour d'appel, il a formulé des demandes nouvelles en réparation du préjudice résultant du bouleversement de ses conditions d'existence et de dommages-intérêts pour carences de l'employeur dans la mise en oeuvre du document unique d'évaluation des risques, dans la formation à la prévention des risques et à la sécurité en présence d'amiante, dans la remise des équipements de protection individuelle et collective, dans la prévention santé amiante et dans la mise en place de la fiche d'exposition à l'amiante ainsi que pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié des sommes à titre de dommages-intérêts, l'arrêt, après avoir relevé que la présence d'amiante dans la tour Montparnasse est avérée, que le salarié a travaillé dans des zones où est présente cette matière, que les éléments produits témoignent d'une situation à risques, et que seuls les salariés ayant travaillé dans des entreprises inscrites sur la liste fixée par arrêté ministériel peuvent demander l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété, notamment pour le préjudice né du bouleversement dans les conditions d'existence, retient que les manquements de l'employeur à ses obligations légales, sur la mise en place d'un document unique d'évaluation des risques, ainsi qu'à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail ont occasionné au salarié un préjudice qu'il convient de réparer ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié n'avait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, en sorte qu'il ne pouvait prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral au titre de l'exposition à l'amiante, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Trigion Sécurité à payer à M. X... les sommes de 9 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le défaut de mise en place d'un document unique d'évaluation des risques, de 13 000 euros à titre de dommages-intérêts pour mauvaise exécution du contrat de travail et de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour carence de mise en place de la fiche d'exposition à l'amiante et dans la remise de la fiche d'exposition lors du départ de l'entreprise du salarié, l'arrêt rendu le 26 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Trigion Sécurité.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Trigion Sécurité à verser M. X... une somme de 9.000 € à titre de dommages-intérêts pour le défaut de mise en place d'un document unique d'évaluation des risques ;

AUX MOTIFS QUE « sur les dommages et intérêts pour carence de l'employeur dans la mise en place du document unique d'évaluation des risques. Monsieur X... fait valoir que l'employeur ne démontre pas avoir procédé à une évaluation des risques, estimant non valables les simples consignes permanentes qu'il verse aux débats pour les années 2006 et 2013, ce que celui-ci conteste en arguant de ce que les différentes exigences réglementaires applicables aux établissements dont les salariés sont susceptibles d'inhaler des poussières d'amiante du fait de leurs activités ont été respectées par la société. Il précise en particulier avoir mis en place un document unique d'évaluation des risques, document qu'il précise avoir porté à la connaissance du CHSCT, de l'inspection du travail, du médecin du travail et qui était mis à la disposition des salariés. En l'espèce, l'employeur, produit aux débats deux documents uniques d'évaluation des risques datés des mois de juin et novembre 2014, un courrier de convocation du CHSCT à la réunion du 13 décembre 2011, dont l'ordre du jour annoncé évoque un "document unique". Au vu de ces documents qui ne sont pas sérieusement contestés par la partie adverse, il apparaît que l'employeur justifie de l'existence d'un document unique des risques à partir de juin 2014, qui répertorie celui lié à l'amiante, sans toutefois que la cour ne dispose d'éléments sur sa mise à jour ultérieure. En revanche, pour la période antérieure, n'est pas établie l'existence au sein de l'entreprise d'un tel document, y compris pour l'année 2011, pour laquelle la seule convocation du CHSCT non signée, produite aux débats, ne suffit pas à établir l'existence d'un document aussi important que le document unique d'évaluation des risques professionnels. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'il a transcrit, mis à jour et mis à la disposition des travailleurs, un document unique d'évaluation des risques, pour la période postérieure au 24 juin 2010. Ce manquement a occasionné au salarié un préjudice que la cour, compte-tenu des éléments produits aux débats est en mesure d'évaluer à la somme de 9 000 € » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu ; que le principe de la réparation intégrale du préjudice interdit au juge de verser à la victime d'un préjudice une indemnisation excédant la valeur du préjudice et de procurer un enrichissement à la victime ; qu'il en résulte que le juge ne peut déduire l'existence d'un préjudice de la seule constatation d'un manquement de l'employeur et que, tenu de motiver sa décision, il ne peut, en cas de contestation, allouer une somme de dommages-intérêts sans avoir préalablement caractérisé un préjudice résultant du manquement constaté ; qu'au cas présent, il résulte des propres constatations de l'arrêt que, d'une part, la société Trigion produisait aux débats des consignes spéciales, permanentes édictées et actualisées, tout au long de la relation de travail, indiquant les procédures à suivre et les équipements à revêtir en cas d'intervention ou de sinistre en lien avec l'amiante (arrêt p. 4 al. 8) et que, d'autre part, les salariés ont toujours disposé d'équipements destinés à les protéger de tout contact avec l'amiante (arrêt p. 6 al. 6) ; que la société Trigion Sécurité faisait valoir que les salariés n'avaient de ce fait subi aucun préjudice du fait de l'absence de document unique d'évaluation des risques et qu'ils ne justifiaient pas, en toute hypothèse, d'un quelconque préjudice susceptible de justifier leurs demande de dommages-intérêts (Conclusions p. 23-24) ; qu'en se bornant à énoncer que l'absence de transcription d'un document unique d'évaluation des risques « a occasionné un préjudice au salarié » pour allouer à M. X... une somme de 9 000 € de dommages-intérêts, sans caractériser l'existence d'un quelconque préjudice direct et certain résultant du manquement constaté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail et du principe de la réparation intégrale du préjudice ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE toute décision de justice doit être motivée ; que le juge doit indiquer les éléments sur lesquels il fonde sa décision et ne saurait se déterminer sur le seul visa des documents de la cause n'ayant fait l'objet d'aucune analyse ; qu'au cas présent, la société Trigion Sécurité soulignait que M. X... n'invoquait, ni ne produisait le moindre élément pour justifier l'existence d'un préjudice résultant de l'absence d'établissement d'un document unique d'évaluation des risques (Conclusions p. 23-24) ; qu'en lui allouant une somme de dommages et intérêts « compte tenu des éléments produits aux débats », sans indiquer, comme cela lui était expressément demandé, les éléments sur lesquels elle se fondait quant à l'existence d'un préjudice, la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Trigion Sécurité à payer à M. X... une somme de dommages-intérêts, d'un montant de 13 000 € pour mauvaise exécution du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE « sur les dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail. Monsieur X... fait valoir que la mauvaise foi de l'employeur repose sur la carence volontaire de celui-ci dans la formation à la prévention des risques, dans sa carence volontaire dans la remise d'équipements de protection individuelle et dans sa carence volontaire dans la prévention de la santé de Monsieur X... (prise de repas dans des endroits pollués sans en être informé) et dans la surveillance médicale spéciale. L'employeur qui conteste cette allégation fait valoir qu'au contraire elle a satisfait à cette exigence en produisant aux débats les attestations de formation de ses salariés suivies en 2006 et en 2014 (pièce P-4) et les conventions de formation professionnelle continue conclues pour les périodes de septembre et octobre 2014 et septembre 2015. L'employeur fait valoir, en outre, que la seule lecture des consignes permanentes de 2006 et 2014 montrent la réalité des équipements devant être revêtus pour intervenir en milieu amianté. Il ajoute avoir, conjointement avec la médecine du travail et le CHSCT, mis en place un examen complémentaire de santé au profit des salariés, outre une réunion d'information organisée le 10 janvier 2012. Il précise également que les locaux de la vie des salariés situés au 1er sous-sol de la Tour Maine Montparnasse ont été désamiantées en 2007/2008. Il conteste l'obligation de surveillance médicale dont se prévaut Monsieur X... en arguant de l'arrêté du 13 décembre 1996 qui a été abrogé, ainsi que l'article R.4412-47 du code du travail, et soutient que Monsieur X... a fait l'objet d'un suivi conforme en bénéficiant d'une visite médicale tous les ans, voire, tous les 6 mois. Il ressort de l'ensemble de ces éléments, qui ne sont pas sérieusement contredits par Monsieur X..., que les salariés ont disposé d'équipements destinés à les protéger de tout contact avec l'amiante (combinaison, masque, surbotte, ...), que la santé a été présente dans les préoccupations de l'employeur, selon ce qu'il résulte des ordres du jour des réunions des 19 juin et 18 septembre 2008, et des certificats médicaux d'aptitude afférent à Monsieur. X... datés des 31 août 2010 et 16 novembre 2011, qui mentionne pour ce dernier, la surveillance médicale renforcée dont il bénéficie, et précisant qu'il doit être revu dans 6 mois. Il apparaît cependant que Monsieur X... n'a, durant sa longue collaboration avec l'entreprise, bénéficié d'aucune formation sur la prévention des risques en matière d'amiante et de maintenance. Ce défaut de formation, auquel ne saurait pallier la réunion d'information du 10 janvier 2012 sur les travaux liés au desamiantage de la Tour, traduit un manquement de l'employeur qui n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail, s'agissant d'un salarié amené à travailler tout au long de sa pratique professionnelle dans un environnement en contact avec l'amiante, jusqu'à son départ à la retraite. Au vu de ces éléments et notamment de la durée d'exposition de Monsieur X... à l'amiante, la cour est en mesure d'évaluer son préjudice à la somme de 13 000 € » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE M. X... reconnaissait lui-même, dans ses écritures, qu'il avait bénéficié d'une formation à la prévention et à la sécurité en 2006 et reprochait à l'employeur de ne pas avoir renouvelé cette formation (Conclusions p. 17) ; qu'en énonçant néanmoins que « M. X... n'a, durant sa longue collaboration avec l'entreprise, bénéficié d'aucune formation en matière d'amiante et de maintenance » et en lui allouant des dommages-intérêts pour « défaut de formation », la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu ; que le principe de la réparation intégrale du préjudice interdit au juge de verser à la victime d'un préjudice une indemnisation excédant la valeur du préjudice et de procurer un enrichissement à la victime ; qu'il en résulte que le juge ne peut déduire l'existence d'un préjudice de la seule constatation d'un manquement de l'employeur et que, tenu de motiver sa décision, il ne peut, en cas de contestation, allouer une somme de dommages-intérêts sans avoir préalablement caractérisé un préjudice résultant du manquement constaté ; qu'au cas présent, il résulte des propres constatations de l'arrêt que, d'une part, la société Trigion produisait aux débats des consignes spéciales, permanentes édictées et actualisées, tout au long de la relation de travail, indiquant les procédures à suivre et les équipements à revêtir en cas d'intervention ou de sinistre en lien avec l'amiante (arrêt p. 4 al. 8) et que, d'autre part, les salariés ont toujours disposé d'équipements destinés à les protéger de tout contact avec l'amiante (arrêt p. 6 al. 6) ; que la société Trigion Sécurité faisait valoir que M. X... n'avait de ce fait subi aucun préjudice du fait d'une prétendue insuffisance d'information et de formation quant au risque lié à l'amiante et qu'il ne justifiait pas, en toute hypothèse, d'un quelconque préjudice susceptible de justifier sa demande de dommages-intérêts (Conclusions p. 25 et p. 28-29) ; qu'en s'estimant « en mesure d'évaluer » le préjudice subi par M. X... à la somme de 13 000 €, sans caractériser l'existence d'un quelconque préjudice direct et certain subi par le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail et du principe de la réparation intégrale du préjudice.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Trigion Sécurité à M. X... une somme de 15 000 € pour carence de mise en place de la fiche d'exposition à l'amiante et dans la remise de la fiche d'exposition lors du départ de l'entreprise ;

AUX MOTIFS QUE « sur les dommages et intérêts pour carence dans la mise en place de la fiche d'exposition à l'amiante et dans la remise de la fiche d'exposition lors du départ de l'entreprise. Monsieur X... explique que depuis le 1er février 2012 l'employeur doit établir pour chaque salarié une fiche d'exposition aux facteurs de risques professionnels ce qui n'a pas été fait en l'espèce. Il ajoute que pas davantage, l'employeur ne lui a remis une attestation d'exposition lors de son départ à la retraite. L'employeur qui ne dément pas l'obligation mise à sa charge, conteste le manquement reproché, et verse aux débats les fiches d'exposition individuelles qu'il a établies, lesquelles répertorient les différents dépassements ponctuels et accidentels du taux règlementaires de fibres d'amiante dans l'air auxquels le salarié est susceptible d'avoir été confronté, si lors de sa vacation, il se trouvait dans le lieu concerné par ledit dépassement. S'agissant de Monsieur X..., il a fait l'objet d'une information écrite de la part de son employeur en date du 23 février 2012, selon laquelle il s'est trouvé exposé au risque de l'amiante les 17 et 18 janvier précédents. Aucune fiche d'exposition à l'amiante n'est produite, pas davantage qu'une attestation d'exposition aux poussières de l'amiante condition à laquelle ne répond pas le formulaire d'attestation produit aux débats qui n'est signé ni de l'employeur ni du médecin du travail. Il résulte de ce qui précède que le manquement de l'employeur à l'égard de Monsieur X... est établi, ce qui a occasionné à celui-ci un préjudice que la cour, au vu des éléments produits aux débats est en mesure d'évaluer à la somme de 15.000 €. Sur la demande reconventionnelle de la société TRIGION SECURITE fondée sur l'article 32-1 du code de procédure civile. Faisant valoir l'abus du droit d'agir qui caractérise, selon elle, le comportement de Monsieur X..., la société TRIGION SECURITE sollicite sa condamnation à lui payer la somme de 10.000 € en application de l'article 32-1 du code de procédure civile. Compte-tenu de ce qui précède, et en l'absence d'abus de procédure commis par Monsieur X..., il convient de débouter la société TRIGION SECURITE de sa demande reconventionnelle de ce chef » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu ; que le principe de la réparation intégrale du préjudice interdit au juge de verser à la victime d'un préjudice une indemnisation excédant la valeur du préjudice et de procurer un enrichissement à la victime ; qu'il en résulte que le juge ne peut déduire l'existence d'un préjudice de la seule constatation d'un manquement de l'employeur et que, tenu de motiver sa décision, il ne peut, en cas de contestation, allouer une somme de dommages-intérêts sans avoir préalablement caractérisé un préjudice résultant du manquement constaté ; qu'au cas présent, la société Trigion Sécurité faisait valoir que M. X... ne justifiait pas d'un préjudice résultant du défaut allégué de remise des fiches et attestations d'exposition et ne produisait pas la moindre pièce à l'appui de sa demande de dommages-intérêts (Conclusions p. 29) ; qu'en se bornant à énoncer que l'absence de remise de documents par l'employeur « a causé un préjudice » au salarié pour lui allouer une somme de dommages-intérêts d'un montant de 15 000 €, sans caractériser l'existence d'un quelconque préjudice direct et certain résultant du manquement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail et du principe de la réparation intégrale du préjudice ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE toute décision de justice doit être motivée ; que le juge doit indiquer les éléments sur lesquels il se fonde et ne saurait se déterminer sur le seul visa des documents de la cause n'ayant fait l'objet d'aucune analyse ; qu'au cas présent, la société Trigion Sécurité faisait valoir que M. X... ne justifiait pas d'un préjudice résultant du défaut allégué de remise des fiches et attestations d'exposition et ne produisait pas la moindre pièce à l'appui de sa demande de dommages-intérêts (Conclusions p. 39) ; qu'en lui allouant une somme de dommages et intérêts d'un montant de 15 000 € « au vu des éléments produits aux débats », sans indiquer, comme cela lui était expressément demandé, les éléments sur lesquels elle se fondait quant à l'existence d'un préjudice, la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'en l'espèce, il est constant qu'une transaction a été conclue par les parties en date du 24 juin 2010, mettant ainsi fin à l'instance introduite devant le conseil des prud'hommes, le 6 mai 2010 ; qu'en outre, aux termes de la transaction, qui concerne le paiement de salaires et accessoires, M. X..., qui s'est déclaré rempli de ses droits jusqu'au jour de la transaction, a renoncé « à engager toute procédure contre son employeur pour toute raison ou cause liée à la conclusion et à l'exécution des conventions conclues avec jusqu'au jour de la signature de la présente transaction » ; qu'il s'ensuit qu'en application des textes précités qui posent le principe de l'unicité de l'instance et de l'autorité de la chose jugée des transactions, ainsi que le soutient l'employeur, le salarié n'est pas recevable à former des prétentions dont le fondement est né antérieurement au [...]       , date de signature de transaction liant les parties ; qu'en revanche, contrairement ce que soutient l'employeur, et compte-tenu de ce que la relation de travail s'est poursuivie après la transaction, jusqu'au 31 mars 2012, sont recevables des demandes formées par M. X... qui concernent période postérieure à la transaction et en particulier celles relatives au préjudice du bouleversement dans les conditions d'existence, à la carence de l'employeur dans la mise en place du document d'évaluation du risque, à l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail par l'employeur et à sa carence dans la mise en place de fiches d'exposition à l'amiante et dans la remise de fiches d'exposition lors du départ de l'entreprise de M. X... ; que les manquements de l'employeur, qui sont invoqués au soutien de ses demandes, en constituent, en effet, le fondement né au cours de la poursuite de la relation de travail après le [...]        ; que les demandes de M. X... à ces titres sont donc recevable ; que le jugement déféré du 3 octobre 2012 est donc confirmé ; que sont également recevables les demandes de M. X... qui sont les suivantes : - sur la discrimination syndicale ; - sur le rappel de congés payés pour la période 2010 - 2011 ; que, sur l'ensemble des demandes, examinées en première instance, au vu des éléments produits aux débats, la cour adoptant les motifs pertinents des premiers juges confirme leur décision ; que le jugement du 26 juin 2015 est donc confirmé ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il n'est pas contesté qu'une transaction fût signée entre les parties le 24 juin 2010 ; que, lorsqu'il a signé ledit protocole, le demandeur avait parfaitement connaissance de ses droits et de la nature de la démarche ; que de ce fait, c'est en parfaite connaissance de cause que ce protocole, incluant la renonciation à toute demande, été signé ; que c'est donc à bon droit que la société Trigion Sécurité considère qu'aucune demande relative à la période antérieure au 24 juin 2010, date de la signature de la transaction, ne saurait prospérer devant le conseil de céans ; que les demandes couvertes par la transaction doivent être déclarées irrecevables ; que s'agissant de créances et postérieurement au 24 juin 2010, le conseil se déclare en partage de voix ;

ALORS QU'en l'espèce, le conseil des prud'hommes a, par un jugement du 3 octobre 2012, débouté M. X... de sa demande au titre de la discrimination syndicale pour la période antérieure au 24 juin 2010 et s'est déclaré en partage de voix pour le surplus ; que, par un jugement de départage du 26 juin 2015, le conseil de prud'hommes n'a pas statué sur la demande du salarié au titre de la discrimination syndicale pour la période postérieure au 24 juin 2010 ; qu'en énonçant dès lors, après avoir déclaré recevables les demandes du salarié relatives à la discrimination syndicale pour la période postérieure au 24 juin 2010, que « sur l'ensemble des demandes examinées en première instance, au vu des éléments produits aux débats, la cour adoptant les motifs pertinents des premiers juges, confirme leur décision », la cour d'appel, qui a adopté des motifs inexistants, n'a pas motivé sa décision et violé l'articles 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-19004
Date de la décision : 05/04/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 avr. 2018, pourvoi n°16-19004


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.19004
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