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11/01/2018 | FRANCE | N°16-26092

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 11 janvier 2018, 16-26092


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 29 juin 2016), que se plaignant d'actes de concurrence déloyale par la société Cdiscount, la société Champagne Billecart-Salmon a saisi le président d'un tribunal de commerce à fin de voir désigner un huissier de justice pour effectuer diverses mesures sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ; que la requête de la société Champagne Billecart-Salmon ayant été accueillie, la société Cdiscount a demandé l

a rétractation de l'ordonnance ;

Attendu que la société Cdiscount fait grief à ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 29 juin 2016), que se plaignant d'actes de concurrence déloyale par la société Cdiscount, la société Champagne Billecart-Salmon a saisi le président d'un tribunal de commerce à fin de voir désigner un huissier de justice pour effectuer diverses mesures sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ; que la requête de la société Champagne Billecart-Salmon ayant été accueillie, la société Cdiscount a demandé la rétractation de l'ordonnance ;

Attendu que la société Cdiscount fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance, que l'huissier de justice aura la faculté de la faire exécuter dans les trois mois de la signification de l'arrêt et que la société Cdiscount devra s'exécuter sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et par document incomplet ou manquant alors, selon le moyen :

1°/ que les mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ne peuvent être ordonnées sur requête que si les circonstances exigent qu'elles ne le soient pas contradictoirement ; qu'en justifiant la mesure ordonnée par « un risque réel de dépérissement des preuves, s'agissant de preuves comptables qui peuvent être supprimées ou dissimulées par des manipulations informatiques », sans caractériser aucun élément permettant de considérer que la société Cdiscount était susceptible de se livrer à de telles manipulations, constitutives d'un délit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 145 et 493 du code de procédure civile ;

2°/ que pour dire que la société Champagne Billecart-Salmon avait un intérêt légitime à la mesure ordonnée, la cour d'appel a encore énoncé que l'état du stock, par hypothèse fluctuant, devait être établi au « moment précis » de la mesure ; qu'en ne recherchant pas si l'état du stock ne pouvait pas être reconstitué au travers d'une analyse comptable, qui suffisait à établir une éventuelle augmentation artificielle des stocks pour dissimuler la pratique de produits d'appel alléguée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 145 et 493 du code de procédure civile ;

3°/ que la cour d'appel a considéré que la pratique de produit d'appel, qui justifiait les mesures litigieuses, est « constituée lorsqu'un distributeur annonce à la vente des produits d'une marque alors qu'il en détient un nombre d'exemplaires insuffisant pour répondre à la demande normale de la clientèle » ; que cette pratique anticoncurrentielle dépend du niveau du stock, et non de l'identité des fournisseurs ; qu'en ne précisant pas en quoi la société Champagne Billecart-Salmon, qui n'avait aucun réseau organisé de distribution, avait un intérêt légitime à connaître le nom des fournisseurs de la société Cdiscount au regard de la pratique anticoncurrentielle qu'elle prétendait dénoncer, la cour d'appel a privé sa décision de motifs au regard des articles 145 et 493 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la société Champagne Billecart-Salmon établissait par la production de trois constats d'huissiers de justice que la société Cdiscount promouvait et commercialisait les produits de sa société à des prix plus bas que la moyenne de ceux pratiqués par des cavistes indépendants et que ces produits étaient vendus dans des foires sans lien avec le domaine des vins et spiritueux, mis en avant de manière dévalorisante, sans leur emballage d'origine et reconditionnés dans un emballage inapproprié, qu'il existait un risque réel de dépérissement des preuves s'agissant d'éléments comptables qui peuvent être supprimées ou dissimulées par des manipulations informatiques, que l'état du stock, par nature fluctuant, devait être établi à un moment précis et que le nom des fournisseurs était nécessaire pour pouvoir éventuellement reconstituer la composition du stock ;

Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié l'existence d'un motif légitime d'instituer une mesure d'instruction en précisant en quoi la société requérante avait un intérêt légitime à connaître le nom des fournisseurs de la société Cdiscount, et exactement caractérisé les circonstances justifiant une dérogation au principe de la contradiction, sans être tenue de procéder à des recherches que ces constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Cdiscount aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Cdiscount, la condamne à payer à la société Champagne Billecart-Salmon la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Cdiscount

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance sur requête du 18 septembre 2014, dit que l'huissier aura faculté de la faire exécuter dans les trois mois de la signification de l'arrêt et que la société Cdiscount devra s'exécuter sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et par document incomplet ou manquant,

AUX MOTIFS QUE la requête présentée le 9 septembre 2014 par la SA Champagne Billecart-Salmon évoquait de manière précise l'éventualité de la commission par la société Cdiscount du délit de concurrence déloyale par l'utilisation de ses produits à titre de produits d'appel ; que la pratique de la marque d'appel est en effet constituée lorsqu'un distributeur annonce à la vente des produits d'une marque alors qu'il en détient un nombre d'exemplaires insuffisant pour répondre à la demande normale de la clientèle ; que celle-ci, attirée par l'offre, est dirigée vers des produits autres que ceux ayant fait l'objet de la publicité ; que la réunion de ces trois faits constitue un comportement déloyal et parasitaire au titre de l'article 1382 du code civil ; que dans sa requête, la SA Champagne Billecart-Salmon établissait par la production de trois constats d'huissiers que la société Cdiscount promouvait et commercialisait les produits de sa société à des prix allant de 30,18 euros à 88 euros la bouteille, payables en quatre fois ; qu'ainsi, le 16 janvier 2014 la bouteille de champagne de cuvée « Brut Réserve ›› était vendue à 30,90 euros la bouteille contre, par exemple, 35,50 euros la bouteille pour un lot de trois bouteilles sur le site de la SA Champagne Billecart-Salmon ; que la bouteille de cuvée « Brut Rosé ›› était vendue 40,99 euros la bouteille, contre 55,50 euros la bouteille pour un lot de trois bouteilles sur le site de l'appelante ; que les prix mentionnés sur la publicité de la société Cdiscount étaient donc sensiblement plus bas que la moyenne de ceux pratiqués par des cavistes indépendants et par la SA Champagne Billecart-Salmon elle-même dans le cadre de ses ventes par internet ; que de plus ces produits étaient vendus dans le cadre de manifestations type « Foire aux champagnes » ou aux cotés de la promotion de différents articles soldés de 40 % à 87 %, sans aucun lien avec le domaine des vins et spiritueux, tels que par exemple des meubles, magazines, téléphones, radiateurs, mutuelles.... ; que les produits étaient mis en avant de manière dévalorisante, sans leur emballage d'origine et reconditionnés dans un emballage inapproprié ; que l'appelante complétait sa requête en indiquant qu'au regard de cette situation qu'elle estimait lui être hautement préjudiciable, elle était est prête à porter l'affaire au plan judiciaire pour obtenir la condamnation de la société Cdiscount et faire cesser le trouble que constituaient pour elle les actes qualifiés de concurrence déloyale et parasitaire commis par la société Cdiscount ; qu'elle demandait au président de l'autoriser à faire établir le stock par tous moyens disponibles de produits champagne Billecart Salmon que la société Cdiscount détenait ainsi que l'identité du ou des fournisseurs des produits et le caractère extrêmement bas des marges et donc des prix pratiqués par l'entreprise Cdiscount ; qu'au vu de ces éléments précis et circonstanciés, le président du tribunal de commerce avait donné une suite favorable à sa requête et avait autorisé les mesures demandées ; que cette ordonnance a cependant été rétractée le 3 février 2015 aux motifs que les éléments demandés pour l'application de l'article 145 du code de procédure civile n'étaient pas réellement réunis du fait de l'absence de risque de dépérissement des pièces demandées, qui sont des pièces comptables, l'absence d'urgence, 18 mois s'étant écoulés, l'absence de détermination de la demande s'agissant de l'action à envisager, considérant que les termes prix d'appel et déconditionnement sont des éléments trop vagues pour déterminer une action possible, l'absence d'intérêt légitime de la demande, la SA Champagne Billecart-Salmon ne démontrant pas des circuits privilégiés ou strictement contrôlés de ses ventes ; que cependant comme il a été vu plus haut, l'appelante avait dans sa requête initiale fait état d'un intérêt légitime à agir, soit la protection contre une manoeuvre de concurrence déloyale, d'une possible action judiciaire fondée sur ce moyen, sollicité la possibilité de prouver des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ultérieur, comme l'état des stocks et le nom des fournisseurs pour vérifier si le produit était un produit d'appel ou non, le tout en respectant le secret des affaires puisque l'étude des logiciels de la société Cdiscount devait être limitée à ce qui concernait l'appelante ; que la SA Champagne Billecart-Salmon fait valoir qu'une jurisprudence claire et constante établit qu'il appartient au requérant de justifier que sa requête initiale est fondée et non pas au demandeur à la rétractation de prouver qu'elle ne l'est pas ; qu'elle indique donc que les arguments de la société Cdiscount suivant lesquels la requête n'était pas fondée n'ont pas à être examinés, ni par le juge de première instance, ni en conséquence par la Cour ; que cependant, pour être complète, la présente juridiction constatera qu'il existait le jour où la requête a été présentée et le jour où l'ordonnance a été rendue, un risque réel de dépérissement des preuves s'agissant de preuves comptables qui peuvent supprimées ou dissimulées par des manipulations informatiques, que l'état du stock, par nature fluctuant, devait être établi à ce moment précis, que le nom des fournisseurs était nécessaire pour pouvoir éventuellement reconstituer la composition du stock et qu'enfin l'infraction de concurrence déloyale était expressément visée dans la requête (page 3 et 4) ; que la rétractation de l'ordonnance du 18 septembre 2014 n'était donc pas fondée et l'ordonnance de référé du 3 février 2015 sera infirmée en sa totalité,

1) ALORS QUE les mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ne peuvent être ordonnées sur requête que si les circonstances exigent qu'elles ne le soient pas contradictoirement ; qu'en justifiant la mesure ordonnée par « un risque réel de dépérissement des preuves, s'agissant de preuves comptables qui peuvent être supprimées ou dissimulées par des manipulations informatiques », sans caractériser aucun élément permettant de considérer que la société Cdiscount était susceptible de se livrer à de telles manipulations, constitutives d'un délit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 145 et 493 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE pour dire que la société Champagne Billecart Salmon avait un intérêt légitime à la mesure ordonnée, la cour d'appel a encore énoncé que l'état du stock, par hypothèse fluctuant, devait être établi au « moment précis » de la mesure ; qu'en ne recherchant pas si l'état du stock ne pouvait pas être reconstitué au travers d'une analyse comptable, qui suffisait à établir une éventuelle augmentation artificielle des stocks pour dissimuler la pratique de produits d'appel alléguée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 145 et 493 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE la cour d'appel a considéré que la pratique de produit d'appel, qui justifiait les mesures litigieuses, est « constituée lorsqu'un distributeur annonce à la vente des produits d'une marque alors qu'il en détient un nombre d'exemplaires insuffisant pour répondre à la demande normale de la clientèle » ; que cette pratique anticoncurrentielle dépend du niveau du stock, et non de l'identité des fournisseurs ; qu'en ne précisant pas en quoi la société Champagne Billecart Salmon, qui n'avait aucun réseau organisé de distribution, avait un intérêt légitime à connaître le nom des fournisseurs de la société Cdiscount au regard de la pratique anticoncurrentielle qu'elle prétendait dénoncer, la cour d'appel a privé sa décision de motifs au regard des articles 145 et 493 du code de procédure civile.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 29 juin 2016


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 2e, 11 jan. 2018, pourvoi n°16-26092

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Composition du Tribunal
Président : Mme Brouard-Gallet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Ortscheidt, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 2
Date de la décision : 11/01/2018
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16-26092
Numéro NOR : JURITEXT000036635222 ?
Numéro d'affaire : 16-26092
Numéro de décision : 21800012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2018-01-11;16.26092 ?
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