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14/12/2017 | FRANCE | N°16-16626;16-18428

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 14 décembre 2017, 16-16626 et suivant


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° C 16-16. 626 et M 16-18. 428 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 mars 2016), qu'un camion conduit par M. X..., préposé de la société GT Ile-de-France Nord assurée auprès de la société Covea Fleet, a heurté et blessé M. Y..., pensionnaire du foyer d'accueil médicalisé de l'Association pour adultes et jeunes handicapés du Val-d'Oise (l'APAJH 95), en effectuant une marche arrière dans l'enceinte de ce foyer ; qu'ayant réglé une indemnité provisionnelle Ã

  Mme Y..., en sa qualité de tutrice de son fils, M. Y..., et estimant que l'APAJH...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° C 16-16. 626 et M 16-18. 428 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 mars 2016), qu'un camion conduit par M. X..., préposé de la société GT Ile-de-France Nord assurée auprès de la société Covea Fleet, a heurté et blessé M. Y..., pensionnaire du foyer d'accueil médicalisé de l'Association pour adultes et jeunes handicapés du Val-d'Oise (l'APAJH 95), en effectuant une marche arrière dans l'enceinte de ce foyer ; qu'ayant réglé une indemnité provisionnelle à Mme Y..., en sa qualité de tutrice de son fils, M. Y..., et estimant que l'APAJH 95 avait manqué à son obligation de sécurité envers ce dernier, la société Covea Fleet, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, a assigné l'association et son assureur, la Mutuelle assurance des instituteurs de France (la MAIF), en garantie, ainsi que Mme Y..., ès qualités, et la Mutuelle générale de l'éducation nationale ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la seconde branche du moyen unique annexé du pourvoi n° C 16-16. 626 et sur les deuxième et troisième branches du moyen unique annexé du pourvoi n° M 16-18. 428, préalables, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Et sur les moyens uniques des pourvois n° C 16-16. 626 et M 16-18. 428, pris en leurs premières branches, qui sont identiques :

Attendu que la MAIF et l'APAJH 95 font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à garantir la société Covea Fleet des sommes que celle-ci a été amenée ou sera amenée à verser en réparation des conséquences dommageables de l'accident survenu le 7 décembre 2009, alors, selon le moyen, que l'assureur du conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation, qui a réparé, en application de la loi du 5 juillet 1985, les dommages causés à la victime, ne peut exercer un recours contre un coobligé fautif que dans la limite de la part de responsabilité encourue par ce dernier à l'égard de la victime ; qu'en retenant que si l'APAJH 95 avait manqué à son obligation de sécurité envers son résident, la société Covea Fleet, tiers au contrat qui liait l'APAJH 95 à la victime, pouvait obtenir sur le fondement de la responsabilité délictuelle réparation du préjudice que lui avait causé personnellement ce manquement contractuel, quand la société Covea Fleet ne disposait pas d'une action personnelle directe contre l'APAJH 95, la cour d'appel a violé les articles 1251 et 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant exactement énoncé que la contribution à la dette de réparation du dommage subi par la victime d'un accident de la circulation entre un conducteur impliqué dans l'accident et un autre coobligé fautif, a lieu en proportion de la gravité des fautes respectives, et ayant retenu, d'une part, qu'il appartenait à l'APAJH 95 de prendre des mesures en vue d'interdire aux résidents d'être présents dans la cour lors des livraisons ou d'interdire aux camions d'y pénétrer, et que le non-respect de cette obligation de sécurité est à l'origine de l'accident subi par M. Y..., d'autre part, qu'aucune faute ne peut être relevée à l'encontre du chauffeur du camion, qui aurait contribué à la survenance de cet accident, faisant ainsi ressortir que la faute de l'APAJH 95 était la cause exclusive de l'accident, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, qui s'attaque à des motifs erronés mais surabondants, ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la Mutuelle assurance des instituteurs de France et l'Association pour adultes et jeunes handicapés du Val-d'Oise aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer aux sociétés GT Ile-de-France Nord, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles la somme globale de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF) (demanderesse au pourvoi n° C 16-16. 626).

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la MAIF, in solidum avec l'APAJH 95, à garantir la société Covea Fleet des sommes qu'elle a été amenée ou sera amenée à verser à Sasireka Z... veuve Y... en sa qualité de tutrice de Radjkumar Georges Y...en réparation des conséquences dommageables de l'accident survenu le 7 décembre 2009, dont la provision de 10. 000 euros déjà versée ;

AUX MOTIFS QU'il est de principe que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; que la société Covea Fleet et la société GT Ile-de-France Nord sont donc fondées à soutenir que si un manquement de l'établissement qui accueille Radjkumar Georges Y...aux règles de sécurité est à l'origine de l'accident dont ce dernier a été victime, elles peuvent obtenir réparation du préjudice qui en est résulté pour elles-mêmes ; qu'il est également de principe que la contribution à la dette de réparation du dommage subi par la victime d'un accident de la circulation, entre un conducteur impliqué dans l'accident et un autre coobligé fautif, a lieu en proportion de la gravité des fautes respectives si de telles fautes devaient être commises ; que c'est donc à raison que le tribunal a recherché si le conducteur avait commis une faute et si l'établissement d'accueil avait manqué à son obligation de sécurité et de surveillance, laquelle est une obligation de moyens spécifique, déterminée en fonction de la pathologie de ses résidents ; qu'il est constant que le lundi 7 décembre 2009, à 10 heures, Eric X... au volant du camion frigorifique de son employeur, procédait à la livraison de denrées alimentaires au sein du centre APAJH 95 et, alors qu'il entrait dans la cour en marche arrière, heurtait avec l'arrière de son véhicule Radjkumar Georges Y...qui était traîné sur une courte distance, jusqu'à l'arrêt du camion, le conducteur étant averti par un salarié de l'établissement de ce qui venait de se produire ; que de la déposition d'Eric X... recueillie par les services de gendarmerie le lendemain des faits, doivent être retenus les éléments suivants :- qu'il travaille pour le compte de la société GT Ile-de-France Nord depuis cinq ans et conduit le poids lourd de 19 tonnes avec lequel l'accident s'est produit depuis un an ;- qu'il effectue les livraisons au sein du foyer de Menucourt depuis 5 ans, cette livraison a lieu tous les lundis entre 10h et 10h30 ;- que lorsqu'il a commencé ses livraisons cinq ans plus tôt, il sonnait au portail et attendait qu'un membre du personnel des cuisines lui ouvre puis, comme il n'y avait pas toujours quelqu'un de disponible, on lui avait donné le code, voici trois ans et qui depuis n'avait jamais changé ;- que lors des livraisons personne ne vient l'aider à réaliser sa manoeuvre ;- qu'il entre dans la cour de l'établissement en marche arrière parce qu'il est très difficile voire impossible de manoeuvrer une fois dans la cour ;- que le 7 décembre 2009, il n'a pas été nécessaire de taper le code d'entrée, le portail était ouvert, deux véhicules venant d'entrer dans l'enceinte du foyer ; qu'Eric X... ajoute que comme à son habitude, lors de la manoeuvre de marche arrière, il avait éteint le frigo du camion, la radio, ouvert les fenêtres afin de pouvoir entendre le moindre bruit ; que ce jour là, il avait vu un membre du personnel courir vers lui, en faisant des grands gestes ; qu'il avait stoppé son camion mais que la victime était déjà dessous, à hauteur des roues arrière ; qu'à la demande des enquêteurs, Eric X... précisait qu'il connaissait de vue la victime qui s'approchait souvent de son camion lorsque celui-ci était stationné ; qu'il ajoutait que depuis qu'il effectuait ses livraisons dans ce foyer, il avait été frappé par le fait que les résidents se promenaient librement dans la cour, sans surveillance, alors que des voitures, des camionnettes et des camions de livraison y circulaient et que trouvant cela d'autant plus dangereux du fait des handicaps affectant ces personnes, il se montrait très vigilant ; que la personne qui avait couru vers le camion, identifié comme étant Omar A..., était entendue quelques heures après l'accident ; qu'il déclarait ceci :- que le camion de livraison, comme à son habitude, est entré en marche arrière, afin de pouvoir se positionner derrière la cuisine de l'établissement, qu'il roulait à une allure normale ;- qu'un résident, prénommé Georges, est arrivé de la gauche derrière le camion, qu'il était de dos et ne voyait pas le camion qui reculait ; que Georges a un lourd handicap, entend et voit mal, qu'il marche avec difficulté ; que l'arrière du camion l'a touché au niveau de l'épaule ce qui l'a fait chuter, Georges ne pouvant se relever seul ; que le camion poursuivait sa manoeuvre ; qu'il avait crié mais le chauffeur ne l'avait pas entendu « avec le bruit du moteur » et qu'il était allé jusqu'à la cabine ; qu'il lui semblait que Georges se trouvait dans l'angle mort et le chauffeur n'avait pu le voir ;- que le chauffeur connaissait bien l'établissement et était un conducteur « particulièrement attentif » ; qu'un autre préposé du centre, qui discutait avec Omar A..., même s'il n'avait pas vu le heurt, précisait que le camion reculait lentement ; que Thomas B..., psychologue référent de Radjkumar Gorges Y..., confirmait les lourds handicaps de celui-ci, qui ne parlait pas, se déplaçait avec une extrême lenteur et déambulait fréquemment à l'extérieur des bâtiments ; qu'il ajoutait qu'il lui était arrivé à deux reprises de le retrouver à terre, derrière un véhicule en stationnement ; que le directeur de l'établissement, Jean-Yves C..., était entendu le jour de l'accident et, bien que récemment nommé à la tête de l'établissement, apportait des précisions quant à son mode de fonctionnement ; qu'il donnait notamment les éléments d'information suivants :- que comme d'autres résidents, Radjkumar Gorges Y...circulait librement dans l'enceinte du foyer, ce qui faisait partie du projet institutionnel de l'établissement ;- qu'il n'existe aucune règle particulière relative aux conditions de circulation et de livraison ;- que toutes les livraisons s'effectuent en marche arrière pour les poids lourds car ceux-ci ne peuvent faire demi-tour à l'intérieur de l'établissement ; que les services enquêteurs ont souligné que depuis l'accident, certaines mesures ont semble-t-il été mises en place par la direction de telle sorte que le contenu des camions est déchargé à l'extérieur du foyer et acheminé dans la cour au moyen de transpalettes ; qu'en dépit des allégations de l'APAJH 95 à ce titre, il n'est nullement établi qu'un salarié de l'établissement se tenait à la disposition des chauffeurs pour les guider dans leurs manoeuvres ; que les déclarations du directeur de l'établissement, du chauffeur et de Omar A... ne vont pas dans ce sens ; que l'APAJH 95 a versé aux débats une attestation d'Omar A..., datée du 6 janvier 2012 qui affirme désormais que le chauffeur du camion avait gardé sa radio allumée, ce qui expliquait qu'il ne l'avait pas entendu crier ; que cette attestation est contraire à la déposition faite par le témoin le jour même des faits devant les services enquêteurs ; que faite à la demande de son employeur, elle sera tenue pour dépourvue de force probante ; que l'APAJH 95 fait par ailleurs valoir qu'elle avait pris des mesures afin de garantir la sécurité de ses résidents, évoquant le digicode et la caméra de surveillance ; que cette dernière ne filme que l'extérieur de l'établissement et qu'il a été relevé précédemment que le code avait été donné au chauffeur ; que l'APAJH 95 souligne ensuite que le centre a fait l'objet de visite de la commission communale de sécurité à l'issue de laquelle un avis favorable à la poursuite de son activité a été donnée ; que le procès-verbal de la commission du 10 juin 2008 ne fait état d'aucun contrôle en rapport avec la circulation des véhicules au sein de l'établissement, ayant porté sur les installations électriques, de gaz et les risques incendie ; que sans remettre en cause le projet institutionnel de l'établissement qui entend respecter la liberté d'aller et de venir de ses résidents, il sera relevé que cette liberté n'interdit pas que soient prises des mesures en vue d'assurer également leur sécurité ; qu'au cas présent, la cour observe que les livraisons au moyen de poids lourds se faisaient essentiellement le lundi matin, que ces véhicules ne pouvaient manoeuvrer dans la cour et pénétraient donc en marche arrière, sans assistance d'un préposé du foyer, que la victime était connue pour être régulièrement présente le matin des livraisons, pour n'avoir aucune conscience du danger et se coucher parfois au sol, à l'arrière des véhicules ; qu'il appartenait donc à l'APAJH 95 de prendre des mesures en vue d'interdire aux résidents d'être présents dans la cour lors des livraisons ou d'interdire aux camions d'y pénétrer ; que la société Covea Fleet et la société GT Ile-de-France Nord font à raison valoir que le non-respect de cette obligation de sécurité est à l'origine de l'accident subi par Radjkumar Georges Y...et qu'aucune faute ne peut être relevée à l'encontre du chauffeur qui aurait contribué à la survenance de l'accident ; que l'assureur qui a indemnisé Radjkumar Georges Y..., représenté par sa tutrice, est fondé à demander la condamnation de l'APAJH 95 ainsi que de son assureur la MAIF à contribuer seuls à la dette d'indemnisation et donc à la garantir des sommes qu'elle a été amenée ou sera amenée à verser à la victime de l'accident survenu le 7 décembre 2009, dont la provision de 10. 000 euros déjà versée ;

1) ALORS QUE l'assureur du conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation, qui a réparé, en application de la loi du 5 juillet 1985, les dommages causés à la victime, ne peut exercer un recours contre un coobligé fautif que dans la limite de la part de responsabilité encourue par ce dernier à l'égard de la victime ; qu'en considérant que si l'APAJH 95 avait manqué à son obligation de sécurité envers son résident, la société Covea Fleet, tiers au contrat qui liait l'APAJH 95 à la victime, pouvait obtenir sur le fondement de la responsabilité délictuelle réparation du préjudice que lui avait causé personnellement ce manquement contractuel, quand la société Covea Fleet ne disposait pas d'une action personnelle directe contre l'APAJH 95, la cour d'appel a violé les articles 1251 et 1382 du code civil ;

2) ALORS QUE tout conducteur d'un véhicule en mouvement doit adopter à tout moment un comportement prudent envers les autres usagers des voies ouvertes à la circulation, cette obligation de prudence étant accrue à l'égard des usagers les plus vulnérables ; qu'en jugeant que le chauffeur du poids lourd qui avait heurté M. Y..., adulte handicapé, n'avait commis aucune faute qui aurait contribué à la survenance de l'accident, quand elle avait relevé que ce chauffeur, qui savait que des résidents du foyer lourdement handicapés pouvaient se trouver dans la cour, était néanmoins entré dans celle-ci en marche arrière, sans prévenir personne ni s'assurer que la voie était libre, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article R. 412-6 du code de la route et l'article 1382 du code civil.

Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour l'Association pour adultes et jeunes handicapés du Val-d'Oise (APAJH 95) (demanderesse au pourvoi n° M 16-18. 428).

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné l'APAJH 95, in solidum avec la MAIF, à garantir la société Covea Fleet des sommes qu'elle a été amenée ou sera amenée à verser à Sasireka Z... veuve Y... en sa qualité de tutrice de Radjkumar Georges Y... en réparation des conséquences dommageables de l'accident survenu le 7 décembre 2009, dont la provision de 10 000 euros déjà versée ;

AUX MOTIFS QU'il est de principe que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; que la société Covea Fleet et la société GT Ile-de-France Nord sont donc fondées à soutenir que si un manquement de l'établissement qui accueille Radjkumar Georges Y...aux règles de sécurité est à l'origine de l'accident dont ce dernier a été victime, elles peuvent obtenir réparation du préjudice qui en est résulté pour elles-mêmes ; qu'il est également de principe que la contribution à la dette de réparation du dommage subi par la victime d'un accident de la circulation, entre un conducteur impliqué dans l'accident et un autre coobligé fautif, a lieu en proportion de la gravité des fautes respectives si de telles fautes devaient être commises ; que c'est donc à raison que le tribunal a recherché si le conducteur avait commis une faute et si l'établissement d'accueil avait manqué à son obligation de sécurité et de surveillance, laquelle est une obligation de moyens spécifique, déterminée en fonction de la pathologie de ses résidents ; qu'il est constant que le lundi 7 décembre 2009, à 10 heures, Eric X... au volant du camion frigorifique de son employeur, procédait à la livraison de denrées alimentaires au sein du centre APAJH 95 et, alors qu'il entrait dans la cour en marche arrière, heurtait avec l'arrière de son véhicule Radjkumar Georges Y...qui était traîné sur une courte distance, jusqu'à l'arrêt du camion, le conducteur étant averti par un salarié de l'établissement de ce qui venait de se produire ; que de la déposition d'Eric X... recueillie par les services de gendarmerie le lendemain des faits, doivent être retenus les éléments suivants :- qu'il travaille pour le compte de la société GT Ile-de-France Nord depuis cinq ans et conduit le poids lourd de 19 tonnes avec lequel l'accident s'est produit depuis un an ;- qu'il effectue les livraisons au sein du foyer de Menucourt depuis 5 ans, cette livraison a lieu tous les lundis entre 10h et 10h30 ;- que lorsqu'il a commencé ses livraisons cinq ans plus tôt, il sonnait au portail et attendait qu'un membre du personnel des cuisines lui ouvre puis, comme il n'y avait pas toujours quelqu'un de disponible, on lui avait donné le code, voici trois ans et qui depuis n'avait jamais changé ;- que lors des livraisons personne ne vient l'aider à réaliser sa manoeuvre ;- qu'il entre dans la cour de l'établissement en marche arrière parce qu'il est très difficile voire impossible de manoeuvrer une fois dans la cour ;- que le 7 décembre 2009, il n'a pas été nécessaire de taper le code d'entrée, le portail était ouvert, deux véhicules venant d'entrer dans l'enceinte du foyer ; qu'Eric X... ajoute que comme à son habitude, lors de la manoeuvre de marche arrière, il avait éteint le frigo du camion, la radio, ouvert les fenêtres afin de pouvoir entendre le moindre bruit ; que ce jour-là, il avait vu un membre du personnel courir vers lui, en faisant des grands gestes ; qu'il avait stoppé son camion mais que la victime était déjà dessous, à hauteur des roues arrière ; qu'à la demande des enquêteurs, Eric X... précisait qu'il connaissait de vue la victime qui s'approchait souvent de son camion lorsque celui-ci était stationné ; qu'il ajoutait que depuis qu'il effectuait ses livraisons dans ce foyer, il avait été frappé par le fait que les résidents se promenaient librement dans la cour, sans surveillance, alors que des voitures, des camionnettes et des camions de livraison y circulaient et que trouvant cela d'autant plus dangereux du fait des handicaps affectant ces personnes, il se montrait très vigilant ; que la personne qui avait couru vers le camion, identifié comme étant Omar A..., était entendue quelques heures après l'accident ; qu'il déclarait ceci :- que le camion de livraison, comme à son habitude, est entré en marche arrière, afin de pouvoir se positionner derrière la cuisine de l'établissement, qu'il roulait à une allure normale ;- qu'un résident, prénommé Georges, est arrivé de la gauche derrière le camion, qu'il était de dos et ne voyait pas le camion qui reculait ; que Georges a un lourd handicap, entend et voit mal, qu'il marche avec difficulté ; que l'arrière du camion l'a touché au niveau de l'épaule ce qui l'a fait chuter, Georges ne pouvant se relever seul ; que le camion poursuivait sa manoeuvre ; qu'il avait crié mais le chauffeur ne l'avait pas entendu « avec le bruit du moteur » et qu'il était allé jusqu'à la cabine ; qu'il lui semblait que Georges se trouvait dans l'angle mort et le chauffeur n'avait pu le voir ;- que le chauffeur connaissait bien l'établissement et était un conducteur « particulièrement attentif » ; qu'un autre préposé du centre, qui discutait avec Omar A..., même s'il n'avait pas vu le heurt, précisait que le camion reculait lentement ; que Thomas B..., psychologue référent de Radjkumar Gorges Y..., confirmait les lourds handicaps de celui-ci, qui ne parlait pas, se déplaçait avec une extrême lenteur et déambulait fréquemment à l'extérieur des bâtiments ; qu'il ajoutait qu'il lui était arrivé à deux reprises de le retrouver à terre, derrière un véhicule en stationnement ; que le directeur de l'établissement, Jean-Yves C..., était entendu le jour de l'accident et, bien que récemment nommé à la tête de l'établissement, apportait des précisions quant à son mode de fonctionnement ; qu'il donnait notamment les éléments d'information suivants :- que comme d'autres résidents, Radjkumar Gorges Y...circulait librement dans l'enceinte du foyer, ce qui faisait partie du projet institutionnel de l'établissement ;- qu'il n'existe aucune règle particulière relative aux conditions de circulation et de livraison ;- que toutes les livraisons s'effectuent en marche arrière pour les poids lourds car ceux-ci ne peuvent faire demi-tour à l'intérieur de l'établissement ; que les services enquêteurs ont souligné que depuis l'accident, certaines mesures ont semble-t-il été mises en place par la direction de telle sorte que le contenu des camions est déchargé à l'extérieur du foyer et acheminé dans la cour au moyen de transpalettes ; qu'en dépit des allégations de l'APAJH 95 à ce titre, il n'est nullement établi qu'un salarié de l'établissement se tenait à la disposition des chauffeurs pour les guider dans leurs manoeuvres ; que les déclarations du directeur de l'établissement, du chauffeur et de Omar A... ne vont pas dans ce sens ; que l'APAJH 95 a versé aux débats une attestation d'Omar A..., datée du 6 janvier 2012 qui affirme désormais que le chauffeur du camion avait gardé sa radio allumée, ce qui expliquait qu'il ne l'avait pas entendu crier ; que cette attestation est contraire à la déposition faite par le témoin le jour même des faits devant les services enquêteurs ; que faite à la demande de son employeur, elle sera tenue pour dépourvue de force probante que l'APAJH 95 fait par ailleurs valoir qu'elle avait pris des mesures afin de garantir la sécurité de ses résidents, évoquant le digicode et la caméra de surveillance ; que cette dernière ne filme que l'extérieur de l'établissement et qu'il a été relevé précédemment que le code avait été donné au chauffeur ; que l'APAJH 95 souligne ensuite que le centre a fait l'objet de visite de la commission communale de sécurité à l'issue de laquelle un avis favorable à la poursuite de son activité a été donnée ; que le procès-verbal de la commission du 10 juin 2008 ne fait état d'aucun contrôle en rapport avec la circulation des véhicules au sein de l'établissement, ayant porté sur les installations électriques, de gaz et les risques incendie ; que sans remettre en cause le projet institutionnel de l'établissement qui entend respecter la liberté d'aller et de venir de ses résidents, il sera relevé que cette liberté n'interdit pas que soient prises des mesures en vue d'assurer également leur sécurité ; qu'au cas présent, la cour observe que les livraisons au moyen de poids lourds se faisaient essentiellement le lundi matin, que ces véhicules ne pouvaient manoeuvrer dans la cour et pénétraient donc en marche arrière, sans assistance d'un préposé du foyer, que la victime était connue pour être régulièrement présente le matin des livraisons, pour n'avoir aucune conscience du danger et se coucher parfois au sol, à l'arrière des véhicules ; qu'il appartenait donc à l'APAJH 95 de prendre des mesures en vue d'interdire aux résidents d'être présents dans la cour lors des livraisons ou d'interdire aux camions d'y pénétrer ; que la société Covea Fleet et la société GT Ile-de-France Nord font à raison valoir que le non-respect de cette obligation de sécurité est à l'origine de l'accident subi par Radjkumar Georges Y...et qu'aucune faute ne peut être relevée à l'encontre du chauffeur qui aurait contribué à la survenance de l'accident ; que l'assureur qui a indemnisé Radjkumar Georges Y..., représenté par sa tutrice, est fondé à demander la condamnation de l'APAJH 95 ainsi que de son assureur la MAIF à contribuer seuls à la dette d'indemnisation et donc à la garantir des sommes qu'elle a été amenée ou sera amenée à verser à la victime de l'accident survenu le 7 décembre 2009, dont la provision de 10. 000 euros déjà versée ;

1°) ALORS QUE l'assureur du conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation, qui a réparé, en application de la loi du 5 juillet 1985, les dommages causés à la victime, ne peut exercer un recours contre un coobligé fautif que dans la limite de la part de responsabilité encourue par ce dernier à l'égard de la victime ; qu'en retenant que si l'APAJH 95 avait manqué à son obligation de sécurité envers son résident, la société Covea Fleet, tiers au contrat liant l'APAJAH 95 à la victime, pouvait obtenir sur le fondement de la responsabilité délictuelle réparation du préjudice que lui avait causé personnellement ce manquement contractuel, quand la société Covea Fleet ne disposait pas d'une action personnelle directe contre l'APAJH 95, la cour d'appel a violé les articles 1251 et 1382 du code civil ;

2°) ALORS QUE tout conducteur d'un véhicule en mouvement doit adopter à tout moment un comportement prudent envers les autres usagers des voies ouvertes à la circulation, cette obligation de prudence étant accrue à l'égard des usagers les plus vulnérables ; qu'en jugeant que le chauffeur du poids lourd qui avait heurté M. Y..., adulte handicapé, n'avait commis aucune faute qui aurait contribué à la survenance de l'accident, quand elle avait relevé que ce chauffeur, qui savait que des résidents du foyer lourdement handicapés pouvaient se trouver dans la cour, était néanmoins entré dans celle-ci en marche arrière, sans prévenir personne ni s'assurer que la voie était libre, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article R. 412-6 du code de la route et l'article 1382 du code civil ;

3°) ALORS QUE le coauteur d'un accident ne peut être condamné à supporter intégralement la charge définitive des causes de l'accident dans ses rapports avec l'autre coauteur, même en l'absence de faute de ce dernier, que s'il a commis une faute et que cette faute est la cause exclusive de l'accident ; qu'en condamnant l'APAJH 95 à garantir l'assureur du camion impliqué dans l'accident de toutes les sommes qu'il serait amenées à verser à la victime sans constater que la faute de l'APAJH 95 en lien avec l'accident, un manquement à l'obligation de sécurité à l'égard des résidents, était la cause exclusive de cet accident, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1251 et 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-16626;16-18428
Date de la décision : 14/12/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 03 mars 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 14 déc. 2017, pourvoi n°16-16626;16-18428


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.16626
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