LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 17 septembre 2015), que la société Grand Bleu promotion (la société) a confié à M. X... une mission de maîtrise d'oeuvre complète pour la réalisation d'une opération de construction immobilière ; qu'un jugement irrévocable du 22 mai 2008 a rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat d'architecte et celle de dommages et intérêts présentées par la société ; qu'après avis du conseil de l'ordre des architectes, M. X... a assigné la société en paiement des honoraires et de l'indemnité de résiliation ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le déclarer " responsable des fautes " commises dans l'exécution de sa mission, dire que le préjudice de la société est équivalent au montant des honoraires réclamés, de rejeter ses demandes et de dire que le montant total de ses honoraires s'élève à la somme de 27 266 euros, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; qu'il ne peut, après avoir allégué dans une première procédure l'existence de fautes de son cocontractant, argumentation rejetée par jugement définitif, invoquer à nouveau des fautes de son cocontractant en défense à une action de ce dernier en paiement d'honoraires et d'une indemnité de résiliation ; qu'en l'espèce, par jugement du 22 mai 2008, devenu définitif, le tribunal de grande instance de Carcassonne a rejeté la requête en résiliation judiciaire du contrat d'architecte présentée par la société Grand Bleu Promotion, après avoir retenu que celle-ci n'avait pas rapporté la preuve de fautes commises par M. X... ; que pour rejeter l'action de M. X... tendant à la condamnation de la société à lui payer les sommes de 81 525, 16 euros au titre du solde des honoraires et de 15 218, 10 euros TTC au titre de l'indemnité de résiliation du contrat d'architecte, la cour d'appel a relevé l'existence de fautes commises par l'architecte dans l'exécution de son contrat ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 1351 du code civil ;
2°/ que le juge ne peut retenir l'existence de fautes dont l'absence a été retenue par une première décision devenue définitive ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'architecte avait commis des fautes justifiant le rejet de sa demande d'honoraires et d'indemnité ; qu'en se fondant sur des fautes écartées par jugement devenu définitif du tribunal de grande instance de Carcassonne du 22 mai 2008, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil et 617 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et a été tranché dans le dispositif ; qu'ayant relevé que la demande en réduction du montant des honoraires formée dans la seconde instance par la société était différente de celle en résiliation du contrat d'architecte présentée dans une première instance par celle-ci, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande de la société ne se heurtait pas à l'autorité de la chose jugée le 22 mai 2008 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Grand bleu promotion ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré M. X... responsable des fautes commises dans l'exécution de sa mission à l'égard de la société Grand Bleu Promotion, dit que le préjudice de cette dernière est équivalent au montant des honoraires réclamés par M. X..., d'avoir en conséquence débouté celui-ci de ses demandes et dit que le montant total de ses honoraires s'élève à la somme de 27 266 € TTC, de laquelle doit être déduite celle de 23 551, 83 € TTC déjà réglée,
Aux motifs que « l'EURL Grand Bleu Promotion soutient que M. X... a commis des fautes dans l'exécution de sa mission imposant la réduction de ses honoraires.
Cette demande, différente de celle en résiliation du contrat d'architecte faite devant le tribunal de grande instance de Carcassonne, ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée par décision du 22 mai 2008 puisque, dans la présente instance, l'EURL conclut à la réduction des honoraires en raison de la carence de l'architecte dans le respect de son obligation de conseil et d'information.
Un architecte est tenu d'une obligation générale de conseil et doit donc fournir à son client toutes les explications nécessaires et assurer sa mission en toute intégrité, loyauté et clarté.
Il doit ainsi clairement informer son client de tous les inconvénients que présente le projet de construction afin qu'il soit en mesure d'apprécier consciemment les risques encourus. Il doit ainsi le mettre en garde et lui conseiller de prendre toutes les mesures particulières nécessaires ou même éventuellement le dissuader de poursuivre son projet.
Or, en l'espèce, M. X... ne démontre d'aucune manière avoir informé l'EURL Grand Bleu Promotion, lors de la constitution du dossier de permis de construire, des difficultés inhérentes au projet de construction.
Or le permis de construire a été refusé dans la mesure où les accès ne présentaient pas les caractéristiques permettant de satisfaire aux exigences de la sécurité. La commune précisait qu'une réflexion globale devait porter sur la limitation et la mise en sécurité des accès sur la route départementale.
En qualité d'homme de l'art M. X... devait connaître les règles d'urbanisme et les dispositions du plan d'occupation des sols et apporter à son client toutes les explications et conseils nécessaires sur la faisabilité de son projet de construction. Or il n'a pas satisfait à son obligation de conseil pendant l'élaboration du dossier de permis de construire.
En raison de ces difficultés M. X... devait par la suite faire preuve de prudence et ne pas établir le projet de conception générale dans l'attente de la révision du plan d'occupation des sols prévue le 14 mars 1997 et d'un nouveau certificat d'urbanisme autorisant la construction. Or le 21 décembre 2007 la commune de Carcassonne a délivré un certificat négatif déclarant l'opération irréalisable.
En toute loyauté et en toute clarté M. X..., eu égard aux difficultés opposées par la commune, ne devait pas engager son client dans des dépenses inutiles pour un projet d'un montant de 4 123 804 € TTC dont l'issue était incertaine.
M. X... a donc commis des fautes en ne respectant pas son obligation d'information, de conseil et de loyauté envers son client dont le préjudice est équivalent au montant des honoraires réclamés et exposés en pure perte. Conformément à la demande de l'EURL Grand Bleu Promotion le montant total des honoraires sera réduit à la somme de 27 266 € TTC de laquelle sera déduite celle de 23 551, 83 € déjà réglée.
Le jugement entrepris doit donc être réformé en ce qu'il a fait droit aux demandes de M. X... concernant tant le montant des honoraires que l'application d'une indemnité de retard ou une d'indemnité de résiliation » (arrêt pages 5 et 6)
Alors que, d'une part, il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; qu'il ne peut, après avoir allégué dans une première procédure l'existence de fautes de son cocontractant, argumentation rejetée par jugement définitif, invoquer à nouveau des fautes de son cocontractant en défense à une action de ce dernier en paiement d'honoraires et d'une indemnité de résiliation ; qu'en l'espèce, par jugement du 22 mai 2008, devenu définitif, le tribunal de grande instance de Carcassonne a rejeté la requête en résiliation judiciaire du contrat d'architecte présentée par la société Grand Bleu Promotion, après avoir retenu que celle-ci n'avait pas rapporté la preuve de fautes commises par M. X... ; que pour rejeter l'action de M. X... tendant à la condamnation de la société à lui payer les sommes de 81 525, 16 € au titre du solde des honoraires et de 15 218, 10 € TTC au titre de l'indemnité de résiliation du contrat d'architecte, la cour d'appel a relevé l'existence de fautes commises par l'architecte dans l'exécution de son contrat ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 1351 du Code civil ;
Alors que, d'autre part, le juge ne peut retenir l'existence de fautes dont l'absence a été retenue par une première décision devenue définitive ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'architecte avait commis des fautes justifiant le rejet de sa demande d'honoraires et d'indemnité ; qu'en se fondant sur des fautes écartées par jugement devenu définitif du tribunal de grande instance de Carcassonne du 22 mai 2008, la cour d'appel a violé les articles 1351 du Code civil et 617 du code de procédure civile.