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26/04/2017 | FRANCE | N°16-10254

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 avril 2017, 16-10254


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme [V] a été engagée le 30 juillet 2007 par la société Klockner distribution industrielle (la société) en qualité de responsable de crédit recouvrement ; qu'elle a été en congé de maternité du 21 novembre 2012 au 21 mai 2013 ; que, par lettre du 9 avril 2013, la société lui indiquait que l'application des critères d'ordre déterminés par le plan de sauvegarde de l'emploi mis en oeuvre par la société la désignait comme « licenciable » dans sa catégorie d'emploi

, qu'elle disposait d'un délai de 8 jours à compter de la réception dudit courri...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme [V] a été engagée le 30 juillet 2007 par la société Klockner distribution industrielle (la société) en qualité de responsable de crédit recouvrement ; qu'elle a été en congé de maternité du 21 novembre 2012 au 21 mai 2013 ; que, par lettre du 9 avril 2013, la société lui indiquait que l'application des critères d'ordre déterminés par le plan de sauvegarde de l'emploi mis en oeuvre par la société la désignait comme « licenciable » dans sa catégorie d'emploi, qu'elle disposait d'un délai de 8 jours à compter de la réception dudit courrier pour répondre aux trois offres qui lui était proposées ; qu'ayant été dispensée d'activité par l'employeur à compter du 22 mai 2013, elle a été licenciée le 3 septembre 2013 pour motif économique ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter la demande de la salariée tendant à la nullité de son licenciement, l'arrêt retient que la visite de reprise prévue par l'article R. 4624-22 du code du travail n'a pas pour effet de prolonger la durée de protection résultant de l'article L. 1224-5 dudit code, que si le délai de protection est prolongé de la durée des congés payés pris par la salariée à l'issue de son congé de maternité, aucune disposition légale ne donne un tel effet à la dispense d'activité dans le cadre d'une recherche de poste de reclassement, pour une salariée dont le poste a été supprimé pour des motifs économiques pendant son congé de maternité ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée faisant valoir que la société avait mis en oeuvre avant le terme de la protection légale les mesures aboutissant à son licenciement, notamment la suppression de son poste, l'absence de visite de reprise, la dispense d'activité, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et attendu que la cassation sur ce premier moyen entraîne, par voie de dépendance, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt qui rejette la demande de la salariée en paiement d'une prime pour création d'entreprise ;

Sur le deuxième moyen :

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande de la salariée au titre du paiement d'un bonus pour l'année 2013, l'arrêt retient que cette salariée était en congé de maternité jusqu'au 21 mai 2013 puis, son poste ayant été supprimé, qu'elle a été placée en dispense d'activité dans l'attente de son reclassement avant d'être licenciée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la dispense par l'employeur de l'exécution du travail ne doit entraîner aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait reçus s'il avait accompli son travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne la société Klockner distribution industrielle aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Klockner distribution industrielle à payer à Mme [V] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six avril deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour Mme [V].

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit et jugé que le licenciement de Mme [W] [V] par la société KDI n'était pas frappé de nullité ;

AUX MOTIFS QUE l'article L. 1225-4 du code du travail dispose qu'« aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes. Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnée au premier alinéa » ; que Mme [V] soutient que son licenciement est nul au double motif qu'elle bénéficiait de la protection accordée au retour de maternité et que son contrat était toujours suspendu au moment de son licenciement à défaut de visite de reprise ; qu'en l'espèce, la cour rappelle que la visite de reprise à l'issue du congé maternité prévue par l'article R4624-22 du code du travail n'a pas pour effet de prolonger la durée de la période de protection résultant de l'article L1224-5 dudit code ; que par ailleurs, si le délai de protection est prolongé de la durée des congés payés pris par la salariée à l'issue de son congé de maternité, aucune disposition légale ne donne un tel effet à la dispense d'activité dans le cadre d'une recherche de poste de reclassement, pour une salariée dont le poste a été supprimé pour des motifs économique pendant son congé maternité ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de constater la nullité du licenciement de Mme [W] [V] pour non-respect de l'article L1225-4 du code du travail ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE vu l'article L.1225-4 du code du travail, lequel dispose « aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes » ; que la décision de la Cour de cassation, chambre sociale du 30/04/2015 n°13-12.321 invoquée par Madame [W] [V] est inopérante car dans ce cas la salariée avait pris des congés payés après le congé maternité et il fallait déterminer si le lendemain de sa reprise elle était encore, ou non, dans la période de protection relative ; que dans la présente affaire, il ne s'agit pas de congé payé (contrat de travail suspendu) mais de dispense d'activité (contrat de travail actif) ; qu'au vu de la décision de la Cour de cassation, chambre sociale du 29/09/2004 n°02-42.461 « la visite médicale prévue à l'article R.241-51 du code du travail, après un congé maternité, a pour seul objet d'apprécier l'aptitude de l'intéressée à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation de la salariée ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures, et n'a pas pour effet de différer jusqu'à cette date, la période de protection instituée par l'article L.122-25-2 du même Code » ; que donc la fin de la période de protection du congé maternité n'est pas conditionnée par la visite médicale de reprise mais par le calendrier ; qu'ainsi malgré l'absence de visite médicale de reprise, Madame [W] [V] ne se trouvait plus en période de protection lors de son licenciement et la nullité du licenciement ne peut être invoquée ; qu'en conséquence, Madame [W] [V] sera déboutée de cette demande ;

ALORS D'UNE PART, QU'aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée pendant les périodes de suspension du contrat de travail pour congé de maternité et pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes ; que le point de départ de la période de protection de quatre semaines suivant le congé de maternité, destinée à permettre à la salariée une réadaptation au travail en raison d'une absence de longue durée consécutive à sa grossesse et à ses suites, est suspendu par la dispense d'activité de l'employeur et son point de départ est reporté à la date de la reprise effective du travail par la salariée ; qu'en l'espèce, en décidant, au contraire, que le délai de protection de quatre semaines n'était pas, à l'issue du congé de maternité, prolongé par la dispense d'activité de l'employeur, et en faisant courir ce délai, sans même que la salariée ait réintégré son poste, pour décider que le licenciement de Mme [V] n'était pas nul, la cour d'appel a violé l'article L. 1225-4 du code du travail ;

ALORS D'AUTRE PART, QU'en n'ayant pas répondu aux conclusions de la salariée soutenant qu'il était interdit à l'employeur de prendre toute mesure préparatoire au licenciement et qu'en l'espèce, la société KDI avait mis en oeuvre des mesures aboutissant à son licenciement avant le terme de la protection légale, notamment par la suppression de son poste, par l'absence de visite de reprise et par la dispense d'activité (p. 12), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR rejeté la demande de Mme [V] en paiement d'un bonus contractuel pour 2013 d'un montant de 3 420 euros, outre les congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE l'article 3 « rémunération » du contrat de travail de Mme [V] stipule que cette rémunération est fixée à un montant mensuel brut de 3 000 euros, auquel s'ajoutera un treizième mois et que la salariée « bénéficiera par ailleurs d'un bonus annuel équivalent à un mois de salaire lié à sa performance » ; que Mme [V] sollicite un rappel de bonus pour 2013 de 3 420 euros ; qu'il résulte du bulletin de salaire établi pour le mois de février 2013, que la salariée a perçu une prime de 2 564,54 euros sous l'intitulé « PR résultat annuel », qui correspond au bonus annuel de l'année 2012 ; que concernant 2013, la salariée était en congé maternité jusqu'au 21 mai 2013, puis son poste ayant été supprimé pendant son congé maternité, elle a été placée en dispense d'activité dans l'attente de son reclassement avant d'être licenciée ; que dans ces conditions, c'est à juste titre que l'employeur soutient qu'aucune somme ne lui est due au titre de l'année 2013, liée à une performance individuelle, puisqu'elle n'a effectué aucun travail salarié pendant cette période et il convient d'infirmer sur ce point le jugement entrepris.

ALORS D'UNE PART, QUE le congé maternité ne peut entraîner une diminution de la rémunération perçue par la salariée ; qu'en déboutant la salariée de sa demande en paiement d'un bonus contractuel pour 2013 de 3 420 euros, motif pris qu'elle était en congé maternité jusqu'au 21 mai 2013, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1134 du code civil et L. 1225-1 et suivants du code du travail ;

ALORS D'AUTRE PART, QUE la dispense d'activité décidée unilatéralement par l'employeur ne peut priver le salarié d'un quelconque des éléments de salaires qu'il aurait reçus s'il avait accompli son travail ; qu'en déboutant Mme [V] de sa demande de bonus contractuel pour 2013 de 3 420 euros, au motif qu'elle n'avait effectué aucun travail pendant cette période et avait été placée en dispense d'activité par l'employeur, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;

ALORS ENFIN ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'employeur qui ne communique pas les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération contractuelle variable d'un salarié en est redevable en intégralité ; que l'arrêt a constaté que Mme [V] bénéficiait contractuellement « d'un bonus annuel équivalent à un mois de salaire lié à sa performance » et avait bénéficié en 2012 à ce titre d'une prime de 2 564,54 euros ; qu'en la déboutant de sa demande de bonus pour 2013, sans avoir constaté que l'employeur avait communiqué les éléments objectifs justifiant la suppression du bonus contractuellement dû, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande de Mme [V] en paiement d'une prime pour création d'entreprise d'un montant de 10 000 euros ;

AUX MOTIFS QUE Mme [W] [V] sollicite le versement de la prime de 10 000 euros prévue au plan de sauvegarde de l'emploi, au motif qu'elle a effectivement créée une entreprise ; que la société KDI s'y oppose aux motifs que la salariée ne remplirait pas les conditions d'octroi de cette prime ; qu'il résulte du plan de sauvegarde de l'emploi (pièce 28 de la salariée) page 79/113, que les « salariés créateurs/repreneurs d'entreprise bénéficieront des dispositions suivantes, sous réserve que ce projet soit présenté dans les trois mois suivant leur notification individuelle de licenciement et qu'il constitue leur solution d'emploi : -un accompagnement individualisé tout au lors de l'élaboration du projet (') -versement d'une prime à la création/reprise d'entreprise de 10.000€ bruts -financement d'une action de formation nécessaire à la mise en oeuvre du projet dans la limite de 3000€ sur présentation de la facture, -subvention à l'emploi (') ; que ces aides seront versées sous réserve que le salarié soit mandataire social de la future entreprise et majoritaire ou égalitaire dans le capital de celle-ci (le régime d'auto entrepreneur n'est pas éligible) ; que le salarié devra également fournir à la direction des ressources humaines de KDI dans le délai de 12 mois suivant la rupture de son contrat de travail tout document démontrant la création/reprise de l'entreprise : demande d'immatriculation inscription au registre du commerce ou des métiers, extrait Kbis, contrat de franchise, contrat de bail, contrat de reprise, compromis de vente » ; qu'en l'espèce, pour établir sa création d'entreprise Mme [V] verse aux débats en pièce 31 un certificat d'inscription au répertoire des entreprises et des établissements (SIRENE) de formation continue des adultes ; que la cour relève que cette création n'a pas été présentée dans les trois mois de la notification de son licenciement et que de surcroît, la salariée ne justifie pas avoir adressé à la société KDI dans le délai de douze mois suivant la rupture de son contrat de travail, les documents démontrant la création de son entreprise ; qu'en conséquence, de manière justifiée la société KDI s'oppose au versement de cette somme, la salariée ne remplissant pas les conditions d'attribution de celle-ci ; qu'elle doit être déboutée de la demande subsidiaire de dommages-intérêts pour privation du paiement de cette prime, ne démontrant ni que le refus de paiement de cette prime est abusif, ni qu'elle aurait subi un préjudice lié au fait qu'elle avait intégré le versement de cette prime à son budget prévisionnel, ne communiquant pas ce dernier document ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'article II-7 du chapitre II de la partie III du plan de sauvegarde de la société KDI pose deux conditions à l'octroi de la prime à la création d'entreprise : 1- que le salarié ait présenté un projet de création d'entreprise dans les trois mois suivant la notification de son licenciement, 2 – que le salarié ait fourni à la direction des ressources humaines de KDI dans un délai de douze mois suivant la rupture de son contrat de travail tout document démontrant la création d'entreprise ; que cet article n'impose pas que le projet présenté dans le délai prévu par la première condition soit celui ayant donné lieu à création d'entreprise, tel que prévu par la seconde condition ; qu'en estimant que Madame [V] ne remplissait pas la première condition prévue par le PSE au motif inopérant que la salariée n'avait pas, dans le délai de trois mois suivant la notification de son licenciement, présenté le projet de création d'entreprise de formation pour adulte qu'elle a concrétisé, quand il n'était pas contesté qu'elle avait, dans ce délai, présenté un projet, la cour d'appel a violé l'article II-7 du chapitre II de la partie III du PSE, ensemble l'article 1134 du code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en n'ayant pas répondu aux conclusions de Mme [V] rappelant qu'il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir adressé à la société KDI, dans le délai de douze mois suivant la rupture de son contrat de travail, les documents démontrant la création de son entreprise, dans la mesure où elle les avait transmis dès juillet 2014 à la société KDI avec l'ensemble de son dossier puis à son interlocuteur de la société Right Management qui le lui demandait le 8 septembre 2014 (pièce 36 de son bordereau), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-10254
Date de la décision : 26/04/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 09 novembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 avr. 2017, pourvoi n°16-10254


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Boutet et Hourdeaux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.10254
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