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02/03/2017 | FRANCE | N°16-13817

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 02 mars 2017, 16-13817


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 janvier 2016), qu'à la suite de la détection le 17 décembre 2009 de signes d'échauffement du boîtier électrique posé en façade de l'immeuble en copropriété du [Adresse 1], la société Electricité réseau distribution France (la société ERDF) a confié, le même jour, à la société Screg Est, aux droits de laquelle vient la société Colas Est, des travaux de terrassement sur la voirie afin de r

echercher la cause de la panne sur le réseau électrique enterré ; que lors des travaux,...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 janvier 2016), qu'à la suite de la détection le 17 décembre 2009 de signes d'échauffement du boîtier électrique posé en façade de l'immeuble en copropriété du [Adresse 1], la société Electricité réseau distribution France (la société ERDF) a confié, le même jour, à la société Screg Est, aux droits de laquelle vient la société Colas Est, des travaux de terrassement sur la voirie afin de rechercher la cause de la panne sur le réseau électrique enterré ; que lors des travaux, le godet de la mini-pelle de la société Screg Est a arraché un branchement de gaz situé sous le trottoir, déclenchant un incendie qui a endommagé l'immeuble ; qu'après expertise, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1] (le syndicat des copropriétaires) et son assureur, la société Allianz IARD, subrogée dans ses droits, ont assigné les sociétés Colas Est, ERDF et Gaz réseau distribution France (GRDF) en responsabilité et indemnisation ;

Attendu que la société ERDF fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 février 2014, rectifié le 5 juin 2014, ayant condamné in solidum la société Colas Est et la société ERDF à payer à la société Allianz IARD la somme de 240 816,11 euros, outre la somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et au syndicat des copropriétaires la somme de 15 788,27 euros, et dit que la société Colas Est et la société ERDF devront se garantir mutuellement à hauteur de leur pourcentage respectif de responsabilité (60 et 40 %), et condamné la société ERDF à rembourser à la société Colas Est certaines sommes à hauteur de 40 %, alors, selon le moyen, qu' à supposer même que la motivation de l'arrêt sur les demandes en garantie de la société Colas Est contre la société GRDF sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1, du code civil, puisse être regardée comme opposable aux propres conclusions de la société ERDF invoquant la responsabilité de la société GRDF sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1, à défaut pour elle « de justifier d'un cas de force majeure », - en déduisant des seules constatations suivantes que « la société GRDF soulève à juste titre la force majeure pour s'exonérer de la responsabilité qu'elle est susceptible d'encourir en sa qualité de gardien du gaz, l'accident provoqué par la société Screg Est dans les conditions susvisées (à savoir, selon l'arrêt, l'arrachement par le godet d'une mini-pelle d'une conduite de gaz sous la voie non signalée au cours des travaux de creusement d'une tranchée en vue de réparer le désordre sur les conduites d'alimentation d'électricité), - sans qu'elle n'ait été avisée du creusement de la tranchée et sans interruption des travaux après la découverte de la canalisation par les salariés de la société Screg Est constituant une circonstance imprévisible et irrésistible exonératoire », - la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé, alors que le gardien d'une chose responsable du dommage causé par celle-ci doit, pour s'exonérer entièrement de la responsabilité par lui encouru, prouver qu'il a été dans l'impossibilité d'éviter le dommage, compte tenu de toutes les précautions possibles que la prévisibilité de l'événement rendait nécessaire, tel en l'espèce le risque de choc de la canalisation de gaz enterrée au cours de travaux entrepris sur les canalisations existantes voisines ; que l'arrêt constate bien que le godet a arraché « une conduite de gaz non signalée distribuant du gaz de ville … jusqu'à un coffret de détente …» , que « la canalisation était enfouie au droit de la bordure du trottoir … », qu'à défaut d'avoir pris aucune précaution telle la pose d'un organe de protection ou d'un grillage avertisseur, même si ces dispositifs n'étaient pas règlementairement obligatoires, afin d'éviter les risques d'arrachement prévisibles du fait de l'intervention ou de réparation sur d'autres ouvrages souterrains, l'accident en cause ne peut être regardé, contrairement à ce qu'affirme l'arrêt, comme « constituant (pour la société GRDF) un caractère imprévisible et irrésistible » ;

Mais attendu, d'abord, qu'en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société ERDF, in solidum avec la société Colas Est, au paiement de diverses sommes, au bénéfice du syndicat des copropriétaires et de la société Allianz IARD, le moyen est irrecevable, en l'absence de corrélation entre le chef de dispositif critiqué et le moyen proprement dit qui reproche à l'arrêt d'avoir écarté la présomption de responsabilité pesant sur la société GRDF sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1, du code civil ;

Attendu, ensuite, qu'un coauteur fautif est sans recours contre un coobligé tenu uniquement sur le fondement d'une responsabilité sans faute ; que la cour d'appel a relevé, sans être critiquée de ce chef, que la société ERDF avait commis une faute à l'origine du sinistre et qu'il n'était pas établi que la société GRDF en avait commis une au regard de la réglementation applicable ; qu'il en résulte que la société GRDF ne pouvait être tenue de contribuer à la dette, peu important que sa responsabilité soit engagée en sa qualité de gardienne du branchement de gaz litigieux ; que par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué en tant que de besoin à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la deuxième branche du moyen unique annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen à laquelle la société ERDF a déclaré renoncer :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Electricité réseau distribution France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Allianz IARD la somme de 1 500 euros, à la société Colas Est celle de 1 500 euros et à la société Gaz réseau distribution France celle de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Electricité réseau distribution France

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du Tribunal de commerce de PARIS du 6 février 2014, rectifié le 5 juin 2014, ayant condamné in solidum la société COLAS EST et la société ERDF à payer à la société ALLIANZ la somme de 240 816,11 euros, outre la somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et au Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] la somme de 15 788,27 euros, et dit que la société COLAS EST et la société ERDF devront se garantir mutuellement à hauteur de leur pourcentage respectif de responsabilité (60 et 40 %), et condamné la société ERDF à rembourser à la société COLAS EST certaines sommes à hauteur de 40 % ;

AUX MOTIFS QUE « Dans la matinée, un échauffement des barrettes du coffret électrique placé sur rue s'est produit et a donné lieu à un flux thermique qui a provoqué la dégradation de l'isolant des quatre conducteurs en amont des quatre jeux de barres en surchauffe et s'est prolongé dans la tête du câble électrique.

Cet incident est à l'origine de l'intervention de la SA SCREG EST dans la soirée pour creuser une tranchée en vue de réparer le désordre, en présence de deux agents d'ERDF.

L'installation électrique est restée sous tension pendant l'opération, un technicien d'ERDF venu sur les lieux en fin de matinée ayant coupé l'alimentation des appartements et maintenu l'alimentation de la boulangerie située au rez-de-chaussée de l'immeuble.

Les opérateurs, après avoir découpé le bitume au moyen d'une disqueuse et décapé la zone de fouille avec une mini-pelle avec godet, ont sondé le sous-sol avec des pelles jusqu'à découvrir les fourreaux de téléphonie, ainsi qu'une canalisation non identifiée, l'un d'eux s'est remis aux commandes de la pelle pour dégager la terre tandis que l'autre se trouvait hors de la tranchée.

Le godet a arraché une conduite de gaz en polyéthylène non signalée distribuant du gaz de ville sous une pression de 4 bars jusqu'à un coffret de détente destiné à abaisser la pression à 21 millibars, coffret que GRDF a démonté avant l'expertise.

Une fuite de gaz s'est dirigée vers la façade et la mini-pelle, mise à l'arrêt avant l'inflammation, n'a subi aucune détérioration.

Le conducteur de la mini-pelle n'a pas été atteint, a vu le gaz d'élever le long de la façade en s'enflammant, est monté dans la mini-pelle et l'a démarrée pour la reculer, tandis que son collègue, qui s'était approché de la tranchée et se trouvait sur la trajectoire de la fuite de gaz entre la mini-pelle et le mur de l'immeuble, a été blessé lors de son embrasement.

L'expert attribue l'origine de l'incendie au cumul de la surchauffe du coffret de branchement électrique, de la présence de la canalisation de branchement de gaz et de l'arrachement de la canalisation par la pelleteuse et précise que le mélange air/gaz en concentration favorable s'est enflammé au contrat du point chaud » ;

« Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que le tribunal a retenu le rôle causal, dans la survenance du sinistre, d'une faute commise par la société ERDF en ne coupant pas l'alimentation électrique avant les travaux afin de mettre fin à la surchauffe du boîtier qui est à l'origine de l'incendie, et ce malgré la présence de deux techniciens ERDF sur les lieux pendant toute l'opération.

Le jugement doit être confirmé sur ce point.

- Responsabilité de la société GRDF

La responsabilité de la société GRDF est recherchée sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

L'expert a relevé que la canalisation était enfouie, de façon décroissante, de 50 cm au droit de la bordure du trottoir à 36,5 cm près des coffrets, la profondeur d'enfouissement au point d'arrachement étant de 42/43 cm, alors que la profondeur d'enfouissement imposée par la règlementation, quel que soit le texte applicable est de 60 ou 80 cm.

Pour contester sa responsabilité dans la réalisation des dommages, la société GRDF soutient, comme elle l'a fait en cours d'expertise, que la règlementation retenue par l'expert pour définir ses obligations au regard de la localisation des canalisations de gaz n'est pas applicable, affirmant que la conduite arrachée par la SA SCREG n'est pas une « canalisation » mais un « branchement » au sens de l'arrêté du 2 août 1977.

Les dispositions de l'arrêté du 11 mai 1970 s'appliquent effectivement aux canalisations de gaz sous la double condition que le matériel constituant les éléments tubulaire des ouvrages concernés soit de l'acier et que la pression effective du gaz dépasse 4 bars, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

L'arrêté du 2 août 1977 définit le « branchement » comme une conduite reliant une conduite de réseau de distribution publique aux installations intérieures des abonnés, comportant dans les immeubles collectifs un branchement d'immeuble situé en amont de l'organe de coupure et la conduite d'immeuble (horizontale) et la ou les conduites montantes (verticales).

L'expert a observé que, dans l'immeuble litigieux, l'organe de coupure était situé dans la cour de l'immeuble, ce qui n'a cependant pas pour effet d'exclure de l'application du 2 août 1977 la partie de conduite située en amont de cet organe de coupure, qui correspond exactement à la définition du « branchement ».

L'arrêté du 13 juillet 2000 est applicable à tous les réseaux d'alimentation en gaz comprenant notamment les conduites de distribution, les postes de détente, les organes de coupure, les branchements ainsi que les accessoires (article 2), sous la restriction que les articles relatifs à la conception et à la construction ne s'appliquent pas aux parties de réseaux en service à sa date de parution (article 3).

Au titre de la conception du réseau, figure l'obligation pour les branchements neufs en polyéthylène exploités à une pression supérieure à 50 millibars d'être équipés d'un organe de protection au niveau de leur raccordement sur la conduite principale, d'être enfouis à une profondeur permettant de les protéger des agressions externes et d'être signalés par un dispositif avertisseur chaque fois qu'une ouverture de tranchée est réalisée.

En l'espèce, il appartient à la SA ALLIANZ, qui recherche la responsabilité de la société GRDF, de démontrer qu'une faute a été commise au regard de la règlementation applicable et par conséquent, seules les obligations prévues par l'arrêté du 13 juillet 2000 étant susceptibles de trouver application en l'espèce, de prouver que la conduite en cause a été réalisée après le 13 juillet 2000.

A défaut, la société GRDF, dont la faute n'est pas établie, n'engage pas sa responsabilité dans la réalisation du dommage, n'ayant en outre jamais été avisée de l'intervention de la SA SCREG EST.

Le jugement doit être confirmé sur ce point.

- Sur le préjudice

Le montant de la condamnation prononcée par le tribunal au profit de la SA ALLIANZ n'est pas contesté et le jugement qui lui a alloué la somme de 240 816,11 euros doit être confirmé.

- Sur les demandes de la SA COLAS EST

- en garantie de sa condamnation

La SA COLAS EST est fondée à rechercher la garantie de la société ERDF sur le fondement de l'article 1147 du code civil en raison de sa faute examinée ci-dessus dans ses rapports avec les victimes de l'incendie, qui constitue un manquement dans l'exécution de ses obligations contractuelles pour ne pas avoir mis la SA SCREG EST en mesure d'exécuter son contrat dans des conditions de sécurité optimales.

Ce manquement ne l'exonère que partiellement de sa propre responsabilité, dès lors qu'elle avait une parfaite connaissance du problème électrique justifiant son intervention et qu'il lui était loisible d'exiger de sa cocontractante la mise hors tension du réseau avant le début du chantier.

Dans ces circonstances, le recours de la SA COLAS EST est justifié à hauteur de 40 %, conformément à la décision du tribunal.

Elle recherche la responsabilité de la société GRDF sur le fondement de l'article 1134 alinéa 1 du code civil en sa qualité de gardienne du gaz à l'origine des dommages.

La société GRDF soulève à juste titre la force majeure pour s'exonérer de la responsabilité qu'elle est susceptible d'encourir en sa qualité de gardienne du gaz, l'accident provoqué par la SA SCREG EST dans les conditions susvisées, sans qu'elle n'ait été avisée du creusement de la tranchée et sans interruption des travaux après la découverte de la canalisation par les salariés de la SA SCREG EST constituant une circonstance imprévisible et irrésistible exonératoire.

- En remboursement des sommes versées à la société LA FOURNEE CROQUANTE et engagées en cours d'expertise

La SA COLAS EST a payé à la société ERDF et à la société GRDF chacune une somme de 132 314,88 euros représentant le tiers de l'indemnité mise à sa charge par l'arrêt de la cour d'appel de REIMS du 20 novembre 2012 au profit de la société LA FOURNEE CROQUANTE et avait payé auparavant à cette dernière société la somme de 132 314,88 euros.

Elle demande le remboursement d'une part de la somme de 362 821 euros qu'elle a payé à concurrence du pourcentage de responsabilité mise à la charge de la société ERDF.

Elle a par ailleurs exposé des dépenses en cours d'expertise pour pratiquer une fouille devant l'immeuble pour le compte de qui il appartiendra, dépense consécutive au sinistre qui incombe aux deux responsables à concurrence de leur part de responsabilité dans la réalisation du dommage ».

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur les responsabilité d'ERDF, de COLAS EST et de GRDF : s'agissant de la responsabilité de GRDF que celle-ci fait valoir, de façon convaincante, qu'un branchement n'est pas synonyme de canalisation et que les normes d'enfouissement requises pour les canalisations ne lui sont pas applicables ; que par un faisceau d'indices, GRDF démontre que le branchement de gaz reliant l'immeuble à la canalisation (son diamètre inférieur aux branchements installés postérieurement au 1er janvier 1989) a été installé avant l'arrêté du 13 juillet 2000 instaurant l'obligation de la mise en place d'un grillage avertisseur sur les ouvrages de gaz et que GRDF n'était tenu de se mettre en conformité avec cet arrêté qu'à l'occasion de travaux ultérieurs affectant le branchement, qui n'avaient pas été, jusqu'alors nécessaires ; que GRDF souligne, par ailleurs, que la présence, en façade de l'immeuble d'un coffret de détente, aurait dû attirer l'attention des opérateurs de COLAS EST et des techniciens d'ERDF, présents sur le chantier sur les précautions à prendre ; que la présence de techniciens de GRDF n'a pas été sollicitée par ERDF ou COLAS EST, le tribunal, nonobstant les conclusions de l'expert, considèrera que la responsabilité de GRDF n'est pas engagée et déboutera ALLIANZ IARD et le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] pris en la personne de son syndic le cabinet [G] [K] de leurs demandes à son encontre ; … ; la responsabilité de GRDF n'est pas engagée … que COLAS EST et ERDF seront condamnées à payer, in solidum, à ALLIANZ IARD la somme de 240 816,11 € et au Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1], la somme de 15 788,27 euros ; que ces dernières (les sociétés défenderesses COLAS EST et ERDF) seront cependant tenues à hauteur de 60 % pour COLAS EST et de 40 % pour ERDF le tribunal dira qu'elles feront leur affaire, entre elles, du paiement effectif de ces sommes, compte tenu des montants déjà mis à la charge de COLAS EST par l'arrêt de la Cour d'appel de REIMS » ;

ALORS QUE, D'UNE PART, la société ERDF a fait valoir, dans ses conclusions responsives du 16 avril 2015, sur « LA RESPONSABILITE DE GRDF » (p. 18 et 19) :

« Le Tribunal de commerce a exonéré GRDF de toute responsabilité au motif que la canalisation arrachée serait un branchement non soumis à la règlementation du 13 juillet 2000 (imposant la mise en place d'un grillage avertisseur).

Le Tribunal souligne, en outre, que la présence d'un coffret de détente était suffisante pour signifier l'existence d'une canalisation et des précautions à prendre.

En dernier lieu, il a été retenu que ni ERDF, ni SCREG EST n'a sollicité l'intervention de GRDF sur le site.

Toutefois, ces éléments n'apparaissent pas suffisants pour exonérer GRDF de toute responsabilité.

Comme l'expert l'a mis en exergue, le coffret de détente ne permettait aucunement à la société SCREG EST de déterminer où se trouvait la canalisation de gaz :

« De plus, nous avons bien constaté que les coffrets de détente ne pouvaient donner un repère exact de la canalisation de gaz. En effet, si l'ancienne canalisation en plomb désaffectée était bien dans l'axe de ces coffrets, la canalisation en polyéthylène concernée était dévoyée de l'axe de ces coffrets, peu enfoncée et non repérée » (p. 15 du rapport).

En creusant dans un endroit ne se situant pas au droit des coffrets, la société SCREG EST pouvait légitimement penser qu'elle ne rencontrerait pas de canalisation dans le cadre de sa fouille.

Toutefois, cela ne l'exonérait pas de prendre les précautions d'usage ce qui ne fut pas le cas.

L'information auprès de GRDF n'a pas de sens puisque, comme il a été relevé par l'expert et le Tribunal, les travaux présentaient un caractère urgent autorisant ERDF à ne pas déposer de DICT.

Cette même urgence suffisait à justifier que l'information ne soit pas relayée à GRDF dont il n'est aucunement justifié qu'elle était en mesure d'agir dans les délais requis, ni qu'elle aurait accepté d'envoyer des agents sur site alors même que ses installations n'étaient pas concernées.

Ces précautions ne pouvant être prises du fait de l'urgence, n'aurait eu aucune incidence sur la survenance du sinistre.

En dernier lieu, l'argumentation de GRDF sur l'applicabilité de la règlementation impose la pose d'un grillage avertisseur ou de la profondeur de l'enfouissement apparaît surabondante.

Il sera toutefois souligné que la canalisation de gaz en plomb désaffectée, ancien branchement, disposait, elle, d'un tel grillage.

GRDF est, en conséquence, mal fondée à dénier toute responsabilité au titre de l'absence d'un tel grillage au motif qu'il n'était pas règlementaire alors même qu'elle s'était imposé à le faire sur une précédente installation.

Soit GRDF n'avait pas à poser de grillage avertisseur puisqu'aucune règlementation ne lui imposait et aucune des deux canalisations n'aurait dû en bénéficier, soit GRDF s'impose cette norme et elle devait le faire pour chaque canalisation qu'elle a posé, nonobstant son éventuelle qualité de branchement.

En aucun cas, GRDF ne pouvait s'octroyer la liberté de poser des grillages avertisseurs de façon aléatoire sauf à induire en erreur l'ensemble des prestations travaillant sur ses installations ou au voisinage de ses installations…

Par ailleurs, c'est notamment sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 que la responsabilité de GRDF est recherchée c'est-à-dire la responsabilité du fait des choses.

Suivant une jurisprudence constante, cette responsabilité présente un caractère objectif et ne requiert pas de faute.

L'implication de la canalisation de gaz dans le sinistre suffit à retenir la responsabilité de GRDF sauf à celle-ci de justifier un cas de force majeure.

GRDF ne se prévaut pas d'une telle cause d'exonération. Sa responsabilité est donc acquise, ce que le Tribunal n'a pourtant pas retenu.

La Cour infirmera donc le jugement en ce qu'il a exonéré GRDF de toute responsabilité » ;

que si l'arrêt attaqué énonce, « Sur les demandes de la SA COLAS EST – en garantie de sa condamnation » -, que « la société GRDF soulève à juste titre la force majeure pour s'exonérer de la responsabilité qu'elle est susceptible d'encourir en sa qualité de gardienne du gaz », il ne résulte nullement des conclusions récapitulatives de GRDF qu'elle ait soulevé « la force majeure pour s'exonérer de la responsabilité qu'elle est susceptible d'encourir en sa qualité de gardienne du gaz », sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1 du Code civil, en sorte que tout d'abord, l'arrêt a dénaturé les conclusions de la société GRDF et méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, à aucun moment l'arrêt ne répond aux conclusions précises de la société ERDF invoquant la responsabilité de la société GRDF sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, sauf à « celle-ci de justifier un cas de force majeure », dans le but en tout état de cause de limiter au maximum toute condamnation prononcée à son encontre, en sorte que l'arrêt attaqué n'a pas respecté les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS QU'ENFIN ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, à supposer même que la motivation de l'arrêt sur les demandes en garantie de la société COLAS EST contre la société GRDF sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er du Code civil, puisse être regardée comme opposable aux propres conclusions de la société ERDF invoquant la responsabilité de la société GRDF sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, à défaut pour elle « de justifier d'un cas de force majeure », - en déduisant des seules constatations suivantes que « la société GRDF soulève à juste titre la force majeure pour s'exonérer de la responsabilité qu'elle est susceptible d'encourir en sa qualité de gardien du gaz, l'accident provoqué par la SA SCREG EST dans les conditions susvisées (à savoir, selon l'arrêt, p. 5 et 6, l'arrachement par le godet d'une mini-pelle d'une conduite de gaz sous la voie non signalée au cours des travaux de creusement d'une tranchée en vue de réparer le désordre sur les conduites d'alimentation d'électricité), - sans qu'elle n'ait été avisée du creusement de la tranchée et sans interruption des travaux après la découverte de la canalisation par les salariés de la SA SCREG EST constituant une circonstance imprévisible et irrésistible exonératoire », - la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé, alors que le gardien d'une chose responsable du dommage causé par celle-ci doit, pour s'exonérer entièrement de la responsabilité par lui encouru, prouver qu'il a été dans l'impossibilité d'éviter le dommage, compte tenu de toutes les précautions possibles que la prévisibilité de l'évènement rendait nécessaire, tel en l'espèce le risque de choc de la canalisation de gaz enterrée au cours de travaux entrepris sur les canalisations existantes voisines ; que l'arrêt constate bien (p. 5) que le godet a arraché « une conduite de gaz non signalée distribuant du gaz de ville … jusqu'à un coffret de détente …» (p. 7), que « la canalisation était enfouie au droit de la bordure du trottoir … », qu'à défaut d'avoir pris aucune précaution telle la pose d'un organe de protection ou d'un grillage avertisseur, même si ces dispositifs n'étaient pas réglementairement obligatoires, afin d'éviter les risques d'arrachement prévisibles du fait de l'intervention ou de réparation sur d'autres ouvrages souterrains, l'accident en cause ne peut être regardé, contrairement à ce qu'affirme l'arrêt attaqué, comme « constituant (pour la société GRDF) un caractère imprévisible et irrésistible ».


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 janvier 2016


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 2e, 02 mar. 2017, pourvoi n°16-13817

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Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 2
Date de la décision : 02/03/2017
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16-13817
Numéro NOR : JURITEXT000034144484 ?
Numéro d'affaire : 16-13817
Numéro de décision : 21700254
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2017-03-02;16.13817 ?
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