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08/02/2017 | FRANCE | N°15-23043

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 février 2017, 15-23043


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 3 mars 2015), que, par acte du 30 décembre 2005, M. Alain X... et son épouse, Mme Claude Y...(M. et Mme X...), ont vendu un bien immobilier à leurs deux enfants, Mme Albane X...et M. Ghislain X... (les consorts X...) ; que, par acte du même jour, ils ont fait donation aux consorts X... d'un autre bien immobilier, le « Château de ... », dont la vente devait permettre à ceux-ci de payer le prix du premier ; que, considérant que l'acte de v

ente constituait une donation déguisée, l'administration fiscale a noti...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 3 mars 2015), que, par acte du 30 décembre 2005, M. Alain X... et son épouse, Mme Claude Y...(M. et Mme X...), ont vendu un bien immobilier à leurs deux enfants, Mme Albane X...et M. Ghislain X... (les consorts X...) ; que, par acte du même jour, ils ont fait donation aux consorts X... d'un autre bien immobilier, le « Château de ... », dont la vente devait permettre à ceux-ci de payer le prix du premier ; que, considérant que l'acte de vente constituait une donation déguisée, l'administration fiscale a notifié aux consorts X..., le 26 novembre 2009, une proposition de rectification des droits en application de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; qu'après mise en recouvrement de ces droits et rejet de leur réclamation, les consorts X... ont saisi le tribunal de grande instance afin d'être déchargés du surplus d'imposition réclamé ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande alors, selon le moyen :
1°/ qu'en dehors du cas où elle est spontanément déposée en vue de répondre aux arguments du ministère public ou pour assurer la loyauté des débats, une note en délibéré ne peut être prise en compte que si sa production résulte d'une demande du président de la formation de jugement ; qu'en qualifiant l'acte de vente du 30 décembre 2005 de donation déguisée de M. et Mme X... à leurs enfants sur le fondement des arguments et pièces fournis par les parties dans leurs notes en délibéré respectives dont la production n'avait pas été sollicitée par le président mais par le conseiller chargé du rapport, lequel n'en avait pas le pouvoir, la cour d'appel a violé les articles 444 et 445 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge qui doit en toutes circonstances faire observer, et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut retenir dans sa décision les explications et documents invoqués ou produits par les parties dans une note en délibéré sans s'assurer que celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; qu'en prenant en compte les arguments du directeur général des finances publiques exposés dans sa note en délibéré pour retenir que l'acte de vente du 30 décembre 2005 constituait une donation déguisée, sans s'assurer que cette note avait bien été transmise aux consorts X... ni que ceux-ci avaient disposé d'un délai suffisant pour y répondre, la cour d'appel a violé les articles 16, 444 et 445 du code de procédure civile ;
3°/ qu'il incombe à l'administration d'établir par des présomptions graves, précises et concordantes qu'une donation dissimulée derrière un acte à titre onéreux constitue un abus de droit ; qu'en considérant que l'acte de vente de l'appartement de Nantes du 30 décembre 2005 constituait une donation déguisée faute pour les consorts X... d'établir que la somme de 692 015, 77 euros, versée à la Compagnie européenne de garantie et de cautions (CEGC) et issue de la vente du Château de ..., correspondait bien au paiement d'une dette de leurs parents, la cour d'appel, qui a ainsi renversé la charge de la preuve, a violé les articles L. 64 du livre des procédures fiscales et 1315 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que, par des mentions qui valent jusqu'à inscription de faux, l'arrêt précise que c'est la cour d'appel qui a invité les parties à produire une note et des pièces en délibéré ; qu'une telle mention ne caractérise pas une violation des articles 444 et 445 du code de procédure civile ;
Attendu, d'autre part, qu'il résulte de l'arrêt et des productions qu'en réponse à la note en délibéré déposée par les consorts X... le 10 février 2015 l'administration fiscale a déposé des observations, le 19 février 2015, qui ont été communiquées le jour même au conseil des consorts X... tandis que le délibéré a été fixé au 3 mars 2015 ; qu'en cet état, les consorts X... ne peuvent reprocher à la cour d'appel d'avoir méconnu le principe de la contradiction ;
Et attendu, enfin, que l'arrêt constate que, selon les termes de l'acte du 30 décembre 2005, le prix de la vente de l'immeuble de 821 000 euros devait être réglé au plus tard le 31 décembre 2008 et que l'administration a considéré, en l'absence de justification du paiement du prix dans le délai prévu et de toute action des vendeurs pour l'obtenir, que la vente dissimulait en réalité une donation ; qu'il retient qu'à défaut de versement du prix, l'absence de contrepartie à la vente du bien conduit à analyser celle-ci comme une libéralité consentie par M. et Mme X... ; qu'il relève par ailleurs que les consorts X... ont soutenu avoir réglé, le 27 mai 2010, une fraction du prix de vente, à hauteur de 132 000 euros, puis avoir désintéressé pour le surplus, le 18 juillet 2012, à hauteur de 692 015, 77 euros, un créancier de leurs parents avec les fonds qu'ils ont perçus lors de la vente du bien qu'ils avaient reçu en donation ; qu'il retient toutefois que les documents versés aux débats dans le cadre des notes en délibéré par les consorts X... ne rapportent pas la preuve de ce que cette dernière somme correspondait au paiement des dettes de leurs parents ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve, a pu retenir que l'acte litigieux revêtait un caractère fictif ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne à Mme Albane X...et M. Ghislain X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour Mme Albane X...et M. Ghislain X...

Les consorts X... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'acte authentique de vente du 30 décembre 2005 constituait une donation déguisée et de les avoir déboutés de leur demande de décharge des impositions au titre des droits de donation, pénalités et intérêts ainsi que de leur demande de levée des garanties constituées par l'administration ;

AUX MOTIFS QU'il résulte de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales qu'afin de restituer le véritable caractère, l'administration peut écarter comme ne lui étant pas opposables les actes constitutifs d'un abus de droit parce qu'ils ont un caractère fictif ou parce que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ; que le tribunal a considéré qu'il n'était pas établi que l'acte de cession de l'appartement de Nantes avait déguisé une intention libérale des cédants à leurs enfants, retenant que la cession consentie était expliquée comme devant éviter l'appréhension du patrimoine des époux X... par des tiers dans le cadre d'une procédure judiciaire et maintenir ainsi le bien cédé dans le patrimoine familial, que la donation faite le même jour devait permettre aux enfants, en vendant le bien donné, de payer le prix de l'appartement, que ces derniers ont effectivement mis en vente la château de ... en octobre 2007 et obtenu condamnation de l'acquéreur, qui n'avait pas réitéré l'acte, au paiement de la clause pénale, soit 132. 000 euros, par un jugement du tribunal de grande instance de Rennes en date du 3 juillet 2009 confirmé par arrêt de la cour d'appel de Rennes du 25 octobre 2012, qu'ils ont versé cette somme à leurs parents le 27 mai 2010 à titre de paiement partiel du prix de l'appartement de Nantes et qu'ils ont vendu en définitive le château de ... le 18 juillet 2012, au prix de 700. 000 euros qui s'explique par la crise du secteur immobilier ; que les consorts X... soutiennent qu'il a été prélevé sur ce prix de vente une somme de 692. 015, 77 euros pour être payée à un créancier de leurs parents et que, compte tenu du précédent versement de 132. 000 euros, ils ont ainsi soldé alors le prix d'acquisition de 821. 000 euros de l'appartement de Nantes ; qu'ils produisent à l'appui de leur allégation une attestation de Me Yves A..., notaire à Saint-Nazaire ayant reçu la vente du château de ..., selon laquelle la somme de 692. 015, 77 euros provenant de celle-ci a été versée le 18 juillet 2012 à la Compagnie européenne de garantie et de cautions (CEGC) ; mais que l'acte de vente du château de ... versé par les consorts X... aux débats mentionne, quant à la situation hypothécaire du bien cédé, qu'une hypothèque judiciaire définitive a été prise au deuxième bureau des hypothèques de Nantes le 28 décembre 2010, en vertu d'une jugement rendu le 16 septembre 2010, sous le RG 09/ 01542, par le tribunal de grande instance de Nantes au profit de la CEGC et que ce même créancier a été autorisé, aux termes d'une ordonnance rendue par le juge de l'exécution du même tribunal le 6 juillet 2012, à prendre une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire à l'encontre de Mlle Albane X...et M. Ghislain X... sur le bien pour sûreté et conservation de la somme de 875. 000 euros ; que ce sont ce jugement et cette ordonnance dont la cour a entendu prendre connaissance afin de déterminer les causes du paiement à la CEGC de la somme de 692. 015, 77 euros provenant de la vente du château de ... ; que les consorts X... ont, sur l'invitation de la cour, produit en cours de délibéré un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nantes le 16 septembre 2010 dans une instance ayant opposé la CEGC aux époux Alain X..., mise au rôle sous le n° RG 09/ 1545, qui n'est donc pas le titre en vertu duquel a été inscrite l'hypothèque judiciaire définitive visée à l'acte de vente du château de ..., laquelle avait, ainsi que le fait observer le directeur général des finances publiques, fait suite à une inscription provisoire prise par la CEGC le 5 mars 2009 à l'encontre de Mlle Albane X...en vertu d'une ordonnance du juge de l'exécution de Nantes en date du 3 mars 2009 pour garantie d'une créance de 460. 000 euros ; que d'autre part, s'ils ont produit l'ordonnance du même juge de l'exécution en date du 6 juillet 2012 qui autorisait la CEGC de prendre une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire à l'encontre de Mlle Albane X...et M. Ghislain X... sur le château de ... pour sûreté de la somme de 875. 000 euros, ils se sont abstenus de joindre à cette ordonnance la requête au pied de laquelle la décision a été rendue, qui seule permettait de connaître les causes de l'autorisation ainsi donnée ; qu'il ne rapportent ainsi pas la preuve dont la charge leur incombait, de ce que le paiement de la somme de 692. 015, 77 euros à la CEGC était celui de dettes de leurs parents envers ce créancier, de nature à les libérer de leur obligation de verser à ces derniers le prix de l'appartement de Nantes qu'ils leur avaient vendu ; que dès lors, l'opération qualifiée de vente, qui a eu pour conséquence de transférer aux consorts X... la propriété de cet appartement sans que soit établie la contrepartie par le paiement du prix d'acquisition, s'analyse en une libéralité consentie par les époux Alain X... à leurs enfants et c'est donc à tort que le tribunal a considéré que l'acte de vente n'avait pas un caractère fictif et a prononcé la décharge et le rejet de la totalité des impositions réclamées à ce titre aux consorts X... ; que le jugement sera infirmé et il sera fait droit aux prétentions du directeur général des finances publiques tendant à voir dire que l'acte de vente du 30 décembre 2005 constitue une donation déguisée et rejeter la demande en décharge des impositions supplémentaires mises à la charge des consorts X... ainsi que, par voie de conséquence, la demande de levée des garanties que l'administration a pu constituer ;
1°) ALORS QU'en dehors du cas où elle est spontanément déposée en vue de répondre aux arguments du ministère public ou pour assurer la loyauté des débats, une note en délibéré ne peut être prise en compte que si sa production résulte d'une demande du président de la formation de jugement ; qu'en qualifiant l'acte de vente du 30 décembre 2005 de donation déguisée des époux Alain X... à leurs enfants sur le fondement des arguments et pièces fournis par les parties dans leurs notes en délibéré respectives dont la production n'avait pas été sollicitée par le président mais par le conseiller chargé du rapport, lequel n'en avait pas le pouvoir, la cour d'appel a violé les articles 444 et 445 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge qui doit en toutes circonstances faire observer, et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut retenir dans sa décision les explications et documents invoqués ou produits par les parties dans une note en délibéré sans s'assurer que celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; qu'en prenant en compte les arguments du directeur général des finances publiques exposés dans sa note en délibéré pour retenir que l'acte de vente du 30 décembre 2005 constituait une donation déguisée, sans s'assurer que cette note avait bien été transmise aux consorts X... ni que ceux-ci avaient disposé d'un délai suffisant pour y répondre, la cour d'appel a violé les articles 16, 444 et 445 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'il incombe à l'administration d'établir par des présomptions graves, précises et concordantes qu'une donation dissimulée derrière un acte à titre onéreux constitue un abus de droit ; qu'en considérant que l'acte de vente de l'appartement de Nantes du 30 décembre 2005 constituait une donation déguisée faute pour les consorts X... d'établir que la somme de 692. 015, 77 euros, versée à la CEGC et issue de la vente du château de ..., correspondait bien au paiement d'une dette de leurs parents, la cour d'appel, qui a ainsi renversé la charge de la preuve, a violé les articles L. 64 du livre des procédures fiscales et 1315 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-23043
Date de la décision : 08/02/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 03 mars 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 fév. 2017, pourvoi n°15-23043


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.23043
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