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06/04/2016 | FRANCE | N°15-16.695

France | France, Cour de cassation, Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 06 avril 2016, 15-16.695


CIV. 1

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 avril 2016




Rejet non spécialement motivé


Mme BATUT, président



Décision n° 10163 F

Pourvoi n° H 15-16.695







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formÃ

© par M. [Y] [O], domicilié [Adresse 1],

contre l'arrêt rendu le 16 février 2015 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant à l'hôpital privé de [...

CIV. 1

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 avril 2016




Rejet non spécialement motivé


Mme BATUT, président



Décision n° 10163 F

Pourvoi n° H 15-16.695







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par M. [Y] [O], domicilié [Adresse 1],

contre l'arrêt rendu le 16 février 2015 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant à l'hôpital privé de [Localité 1], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

défendeur à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 8 mars 2016, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Duval-Arnould, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Laumône, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. [O], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'hôpital privé de [Localité 1] ;

Sur le rapport de Mme Duval-Arnould, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [O] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [O] ; le condamne à payer à l'hôpital privé de [Localité 1] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille seize.MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. [O]

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur [O] de ses demandes indemnitaires ;

Aux motifs que : « L'article 16 du contrat conclu entre M. [O] et l'hôpital stipule dans son point 1 :

«Le présent contrat sera résiliable à tout moment (.„) En cas de résiliation du contrat du fait de la clinique, et dès lors que cette résiliation ne résulterait pas d'un comportement fautif du praticien, celui-ci percevra une indemnité égale à 1 annuité de ses honoraires, calculée sur la moyenne des honoraires relevant du secteur liés à l'activité réalisée au bloc opératoire (constatée sur le bordereau 615 en 'état actuel de la réglementation de la tarification) perçus par le praticien au cours des 3 dernières années d'exercice au sein de la clinique, nets de la redevance qu'il aurait dû reverser sur la même assiette.»
L'hôpital considère que M. [O] a manqué à ses obligations :

- En facturant ses interventions en violation des règles tarifaires prescrites par la classification commune des actes médicaux (CCAM) et les principes applicables en cas de dépassement d'honoraires ;
- Dans les modalités de son organisation médicale en prenant en charge simultanément plusieurs patients sur plusieurs salles ;
- En méconnaissant ses obligations déontologiques de respect à l'égard des patients et de dévouement ;
- Par son comportement dénigrant et insultant envers la direction de l'établissement.

• Règles de facturation

L'hôpital reproche à M. [O] d'avoir facturé des actes qu'il n'a pas personnellement effectués. Il communique, pour établir le fait allégué, un tableau d'activité couvrant tout le mois de mars 2010, qu'il affirme représentatif de la pratique habituelle de M. [O]. Les indications factuelles portées dans ce tableau ne sont pas discutées, même si l'interprétation qu'en donnent les deux parties est radicalement divergente.

Le tableau mentionne parfois « DH facturé par AA » ce qui signifie, selon la clinique que des actes accomplis par « DH» ([Y] [O]) ont été facturé par « AA »soit un autre anesthésiste.

L'intimé se contente de faire remarquer qu'aucun praticien ne porte les initiales « AA », argument de peu de portée au regard des explications de l'hôpital.

Toutefois ce que prohibe l'article 1-7 de la CCAM, c'est la facturation d'un acte d'anesthésie ou de réanimation lorsqu'il n'a pas été accompli par un médecin différent de celui qui a pratiqué le geste médical à l'occasion duquel a été accompli l'acte facturé. Il est évidemment légitime d'espérer que les actes aient été accomplis par celui qui les facture. Mais on peut aussi comprendre qu'entre médecins anesthésistes d'une même équipe des glissements surviennent, qui ne caractérisent pas un abus dès lors que leur bénéficiaire n'est pas le médecin qui pratiquait l'intervention principale, ce que l'hôpital ne soutient pas.

L'hôpital affirme que M. [O] a facturé sous son nom des interventions dans deux ou trois salles différentes, alors qu'il ne pouvait être présent que dans une salle à la fois. Toutefois l'article 1-7 de la CCAM prévoit qu'il existe deux types d'actes d'anesthésie réanimation, ceux pour lesquels la présence permanent d'un médecin anesthésiste est requise et ceux pour lesquels il peut prendre en charge deux patients simultanément. Il est précisé que « si toutefois pour ces actes le médecin anesthésiste se consacre exclusivement à un seul patient, il peut appliquer une majoration (..) appelée présence permanente de l'anesthésiste. »

Le seul fait que M. [O] ait facturé deux actes simultanément n'est donc pas fautif dans la mesure où l'hôpital ne démontre pas qu'il s'agissait d'actes du premier type.

En revanche le tableau d'activité du mois de mars 2010 révèle pratiquement tous les jours de service de M. [O], des facturations simultanées cotées 7. Il est constant que cette cotation correspond à la majoration de présence permanente de l'anesthésiste.

Le docteur [O] fait valoir qu'il souhaitait se consacrer à une seule et même salle ce qui est contraire à la réalité de la facturation opérée dans le même laps de temps dans deux salles différentes. Il souligne que ses confrères ont tous le même niveau de facturation ce qui est possible mais sans portée au regard du manquement qui lui est reproché. Il rappelle qu'il n'est pas obligé de justifier les raisons de ses dépassements d'honoraires en tant qu'inscrit au secteur II ce qui, d'une part n'est pas le sujet et, d'autre part est le signe d'une confiance faite au praticien dans l'activité de facturation qui rend un éventuel manquement d' autant plus insupportable. Il expose par ailleurs que la facturation est faite par l'hôpital ce qui n'est pas discuté sauf à préciser qu'elle est établie sur les indications du praticien de sorte qu'un manquement de cette nature lui reste personnellement imputable. Il invoque enfin le fait qu'aucun reproche ne lui ait jamais été adressé par l'hôpital ni par la CPAM, ce qui est assurément dommageable dans la mesure où une telle pratique grève indument le coût des actes médicaux supporté par les patients et par la collectivité, mais qui n'exonère pas pour autant le docteur [O] des conséquences d'un manquement avéré à ses obligations contractuelles étant observé que l'article 13 du contrat d'exercice libéral stipule que le docteur [O] s'engage à respecter les tarifs conventionnels en vigueur et la nomenclature des actes.

Le docteur [O] s'empare enfin du fait que ce grief n'est pas mentionné dans la lettre de rupture des relations contractuelles du 31 mai 2010, mais le droit commun des contrats, à la différence de celui licenciement, n'impose pas que les griefs fondant la rupture soit énoncés au jour de celle-ci.

Il est donc établi que, de façon courante, M. [O] facturait simultanément des interventions assorties du coefficient de majoration correspondant à une présence permanente de l'anesthésiste. Le grief est donc fondé.

• Modalités d'organisation

L'hôpital reprend sous cette rubrique les faits examinés ci-dessus qui ne méritent pas d'autres développements.

• Obligations déontologiques envers les patients

L'hôpital reprend encore sous cette rubrique les questions tarifaires déjà examinées en y ajoutant des observations sur la pratique des dépassements d'honoraires, notamment au titre de « la prise en charge de la douleur post-opératoire » par une analgésie spécifique moyennant un dépassement exceptionnel d'honoraires de 50 à 150 €.

Toutefois sur ce dernier point, ce ne sont pas des faits précis imputables personnellement à un médecin qui sont invoqués mais l'annonce générale d'une pratique commune à tous les anesthésistes de l'hôpital de sorte que le grief ne peut être retenu.

L'hôpital invoque plusieurs incidents ayant suscité des doléances de patients. Il conteste l'appréciation portée par le jugement déféré sur ce point, qui mentionne trois incidents isolés, mais n'apporte aucun autre élément que ces trois incidents qui révèlent pas, à eux seuls, un manquement aux Obligations déontologiques du praticien.

• Manquements à l'égard des équipes dirigeantes

L'hôpital invoque à cet égard les préoccupations mercantiles du docteur [O], son manque d'humanisme et son opposition à la gestion de l'établissement, le mépris affiché pour les actions entreprises, sa grossièreté.

Dans un courrier électronique du 23 mars 2010 adressé à M. [D], le docteur [O] écrit :

« Après une année (.„) I 'heure est au bilan qui est pour le moins mitigé. J'ai pu trouver une famille professionnelle en or (..) C'est avec un respect armé que nous travaillons avec nos collègue chirurgiens (....) Le point noir et pas des moindres se situe au niveau de l'équipe dirigeante semble développer une politique de taupe c'est-à-dire à ras de terre et pas plus que le bout de son nez (...) Nous sommes en libéral et nous ne travaillons pas gratuitement (..,) vous essayez de vous donner bonne conscience avec une image de marque en s'associant avec la chaîne du désespoir (dont le dirigeant que je connais très bien n'a rien d'un saint et n'a strictement rien à cirer des enfants) Assumez et dites que vous travaillez pour le fric au moins vous avez une raison de travailler (ce qui n'est pas le cas du service public qui lui a perdu la raison) (,..) m'apparaît de plus en plus que l'équipe dirigeante n'a aucune qualité pour diriger un établissement de soins, ne comprenant strictement rien à ses rouages et encore moins à ceux de l'AR [anesthésie réanimation] un article a prouvé scientifiquement que, pour comprendre le concept d'anesthésie réanimation, il fallait être intelligent et avoir un très fort niveau d'abstraction conceptuelle (..,) Vous nous parlez d'économie et vous invitez un obscur Ph d'un des pires hôpitaux de l'ARP, structure chroniquement déficitaire depuis 40 ans ; Si vous voulez nous parler business, invitez [E] [L] ou [R] [U] (..,) Au cours de la grand messe de la GDS vous invitez VGE (..) c'est sûr, il doit être le seul disponible pour causer ce n'est pas sérieux, ce n'est pas une attitude de winner. »

Le docteur [O] invoque un droit de critique qui lui est reconnu par l'article 5 de son contrat et fait valoir, avec le jugement déféré, que les fonctions qu'il exerçait en toute indépendance pouvaient justifier des différences de conception quant à la politique à suivre et légitimer leur expression.

La légitimité pour un médecin exerçant à titre libéral dans un établissement hospitalier d'avoir une conception différente de celle de l'équipe dirigeante relativement à la stratégie, aux préoccupations, à l'organisation de celui-ci, est indéniable non plus que son droit de l'exprimer.

Encore doit-il le faire, surtout dans le cadre d'une expression écrite (fut-elle pas voie électronique) qui exclut tout débordement liée à l' instant d'une confrontation, sans excéder les limites de la bienséance. Or l'extrait cité ci-dessus, par son agressivité, la pratique de l'injure et la mise en cause personnelle excède ces limites et constitue un manquement de l'intéressé à ses obligations contractuelles.

Ce manquement et celui examiné au premier point caractérisent un comportement fautif au sens de l'article 16 du contrat qui justifie la rupture sans indemnité.

Le jugement sera donc infirmé et M. [O] débouté de ses demandes indemnitaires » ;

Alors, d'une part, que s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date ; qu'en ne visant pas les dernières conclusions des parties et en ne rappelant pas davantage, fût-ce succinctement, les moyens des parties, la Cour d'appel a violé les articles 455, alinéa 1er, et 954, alinéa 3, du Code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, que le juge ne peut se borner à procéder par voie de simple affirmation sans analyser, même sommairement, les éléments de preuve sur lesquels il se fonde ; qu'en se bornant à affirmer que le tableau d'activité du mois de mars 2010 révèle pratiquement tous les jours de service de Monsieur [O], des facturations simultanées cotées 7 sans analyser, même sommairement, cet élément de preuve, difficilement compréhensible, sur lequel elle fondait exclusivement sa décision, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Alors, enfin, que la liberté d'expression s'étend à la sphère professionnelle ;
que cette liberté doit s'apprécier au regard du statut de la personne qui en fait usage, un médecin libéral disposant d'une liberté d'expression élargie de par son statut, et ce, a fortiori lorsqu'il est prévu dans son contrat de collaboration qu'il participe aux questions de gestion de l'établissement dans lequel il exerce et qu'il est appelé à échanger à ce sujet avec la direction de l'établissement ; qu'en cas de jugement de valeur émis par l'intéressé, il appartient au juge de rechercher le contexte dans lequel les propos litigieux ont été tenus et si ces propos reposent ou non sur une base factuelle suffisante ; qu'en considérant néanmoins par une pétition de principe que l'email litigieux de Monsieur [O] excédait les limites admissibles de la liberté d'expression pour manquement à la bienséance, sans rechercher si, au regard de son statut et du contexte dans lequel il a été adressé, les propos litigieux, certes virulents, ne reposaient pas toutefois sur une base factuelle suffisante et ne relevaient pas de son droit de critique sur la gestion de l'établissement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme.


Synthèse
Formation : Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 15-16.695
Date de la décision : 06/04/2016
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Première chambre civile, arrêt n°15-16.695 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai 1A


Publications
Proposition de citation : Cass. Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 06 avr. 2016, pourvoi n°15-16.695, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.16.695
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