La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/01/2016 | FRANCE | N°14-26313

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 janvier 2016, 14-26313


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 7 août 2014), que la SCI Embouine (la société) est propriétaire d'une parcelle cadastrée C n° 1218 sur laquelle elle a fait réaliser des travaux, à partir du mois de janvier 2009 ; que MM. Jean-Denis et Stéphan X...(les consorts X...), respectivement usufruitier et nu-propriétaire des parcelles C n° 1077 et C n° 1078, alléguant que la société avait fait passer, sans autorisation, les engins des entreprises chargées des travaux, sur la parcelle C n° 1077, y

avait entreposé des gravats et commis diverses dégradations, ont assigné...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 7 août 2014), que la SCI Embouine (la société) est propriétaire d'une parcelle cadastrée C n° 1218 sur laquelle elle a fait réaliser des travaux, à partir du mois de janvier 2009 ; que MM. Jean-Denis et Stéphan X...(les consorts X...), respectivement usufruitier et nu-propriétaire des parcelles C n° 1077 et C n° 1078, alléguant que la société avait fait passer, sans autorisation, les engins des entreprises chargées des travaux, sur la parcelle C n° 1077, y avait entreposé des gravats et commis diverses dégradations, ont assigné, d'une part, la société, en condamnation à leur payer des sommes à titre de dommages-intérêts en réparation de ce préjudice et, d'autre part, son gérant, M. Y..., en son nom personnel, en condamnation à payer à M. Jean-Denis X..., des sommes à titre de dommages-intérêts en réparation d'injures constatées par procès-verbal d'huissier de justice ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé qu'il résultait des constatations établies par procès-verbaux d'huissier de justice des 30 janvier, 27 février et 17mars 2009 et du rapport de l'expert, que la société avait fait passer des engins de travaux sur la parcelle appartenant aux consorts X...alors qu'elle disposait d'autres accès possibles vers sa parcelle C n° 1218, que la parcelle C n° 1077 avait été décaissée en limite de la parcelle C n° 1218, que des graviers avaient été déposés dans l'aire du décaissement pour faciliter le passage des engins de chantier, que des gravats et de parpaings se trouvaient sur la parcelle C n° 1077 et que le talus de celle-ci, bordant le chemin d'Embouine avait été arasé pour faciliter le passage des engins de chantier, mais n'avait pas été reconstitué, la cour d'appel appréciant, souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve soumis à son examen, a pu déduire de ces seuls motifs, que les dégâts constatés étaient imputables la société et la condamner à les réparer ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles R. 621-2 du code pénal, 29 et 65 de la loi du 29 juillet 1881, ensemble l'article 1382 du code civil ;
Attendu que les abus de la liberté d'expression telles que les injures non publiques soumises au régime de la loi du 29 juillet 1881 et réprimés par l'article R. 621-2 du code pénal ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; que l'action civile en réparation du préjudice causé par l'infraction d'injure non publique est soumise à la prescription édictée par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que, pour condamner M. Y...à payer à M. Jean-Denis X...une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt se fonde sur les dispositions de l'article 1382 du code civil après avoir retenu que le comportement de M. Y..., qui pourrait être qualifié pénalement d'injure non publique au sens des dispositions de l'articles R. 621-2 du code pénal, ne bénéficie pas de la protection instaurée par la loi du 29 juillet 1881, qui exige une condition de publicité qui n'est pas remplie ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en qu'il a infirmé le jugement déclarant irrecevable, pour cause de prescription, l'action en paiement de dommages-intérêts intentée par M. Jean-Denis X...à l'encontre de M. Y...et statuant à nouveau, dit que le comportement insultant et outrageant de M. Y...ne relève pas des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 et condamne celui-ci à payer à M. Jean-Denis X...la somme de 500 euros de dommages-intérêt, l'arrêt rendu le 7 août 2014, par la cour d'appel de Nîmes ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare irrecevable pour cause de prescription, l'action en paiement de dommages-intérêts intentée par M. Jean-Denis X...à l'encontre de M. Y...pour injures non publiques ;
Condamne les consorts X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts X...à payer la somme globale de 3 000 euros à la société Embouine et à M. Y...; rejette la demande des consorts X...;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour la société Embouine et M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SCI EMBOUINE à payer à Messieurs Jean-Denis et Stéphane X...la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que celle de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE la SCI EMBOUINE fait valoir qu'elle a fait usage sur la parcelle C n° 1077 d'une servitude de passage par destination du père de famille qui se manifeste par la présence d'un portail en limite de la parcelle C 1218 s'ouvrant sur la parcelle C 1077, pour accéder à la voie communale dite chemin d'Embouine, l'existence de ce portail étant notamment démontré par les pièces 6, 7 et 11 qu'elle a produites aux débats, qu'aucune dégradation n'a été commise sur la parcelle C n° 1077, que s'il est exact que par erreur des gravats y ont été entreposés, le procès-verbal de constat du 2 mars 2009 démontre que ces gravats ont été enlevés, qu'il n'est pas établi qu'elle soit à l'origine du décaissement d'une partie de la parcelle C n° 1077 qui lui est reproché par les consorts X...; que c'est à juste titre que M. Jean-Denis X...et M. Stéphan X...soutiennent que la servitude par destination du père de famille dont se prévaut la SCI EMBOUINE sur la parcelle C n° 1077 n'est pas démontrée ; que la preuve n'est en effet pas rapportée par la SCI Embouine que les parcelles C n° 1218 et C n° 1077 aient appartenu au même propriétaire et que ce propriétaire ait installé un portail en limite de ces deux parcelles ; que les conditions prévues par l'article 693 du code civil ne sont donc pas réunies ; qu'en toute hypothèse, l'exercice d'une servitude de passage que conférerait la destination du père de famille, n'autoriserait pas la SCI Embouine à causer des dégradations sur la parcelle cadastrée C n° 1077 ; qu'il ressort des constatations objectivées par le procès-verbal établi le 30 janvier 2009, par Me B..., huissier de justice à Carpentras, que la SCI Embouine n'a pas hésité à faire passer des engins de travaux sur la parcelle C n° 1077 alors qu'elle disposait d'autres accès possibles vers la parcelle C n° 1218, et laisser des gravats sur la parcelle C n° 1077, que le procès-verbal de constat établi le 27 février 2009, par Me Philippe A..., huissier de justice à Carpentras, fait apparaître que la parcelle C n° 1077 a été décaissée en limite de la parcelle C n° 1218, propriété de la SCI Embouine ; que des graviers ont été déposés dans l'aire du décaissement pour faciliter le passage des engins de chantier, que le procès-verbal de constat établi le 17 mars 2009 par Me B...précise que la partie décaissée sur une hauteur de 60 à 70 cm, représente une surface de 33, 10 m2, que le chemin d'Embouine a été rehaussé et que de nombreux cailloux se trouvent au pied de la clôture de la parcelle C n° 1078, que la situation était la même le 7 juillet 2009, avec la présence de gravats et de parpaings sur la parcelle C n° 1077 ; que la requête de M. Jean-Denis X..., M. C..., architecte et expert près la cour d'appel de Nîmes, est venu sur les lieux le 28 septembre 2009 ; que son rapport de constatations fait état du fait que le talus de la parcelle C n° 1077 qui bordait le chemin d'Embouine a été arasé pour faciliter le passage des engins de chantier, qu'il n'y a plus de gravats sur la parcelle C n° 1077, que le talus n'a pas été reconstitué, que le chemin est toujours encombré de granulats ; qu'en revanche, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la présence d'un chêne truffier sur la parcelle C n° 1077, n'était pas démontrée par les consorts X...; que la SCI EMBOUINE conteste toute responsabilité dans la dégradation de la clôture grillagée qui se situe en limite de la parcelle C n° 1078 et du chemin d'Embouine emprunté par les engins de travaux ; que les constatations effectuées par les huissiers de justices dans les procès verbaux des 30 janvier, 27 février et 17 mars 2009 font état de légères dégradations subies par cette clôture grillagée sans que ces dégradations puissent être attribuées, en toute certitude au passage des engins de chantier ; qu'en l'absence d'élément sur l'état antérieur de cette clôture grillagée, la SCI Embouine ne peut être condamnée sous astreinte à la remise en état ou au paiement de dommages-intérêts ; que M. Jean-Denis X...et M. Stéphane X...demandent à la fois, la somme de 10 000 ¿ à titre de dommages-intérêts et la condamnation de la SCI Embouine, sous astreinte à effectuer des travaux, pour revégétaliser la parcelle C n° 1O77 ; que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré, qu'en l'état des conflits qui opposaient le gérant de la SCI Embouine et les consorts X..., il n'était pas opportun de prévoir une réparation en nature qui nécessiterait une nouvelle intrusion de la SCI Embouine sur la parcelle C n° 1077, qu'il convenait de privilégier une réparation sous la forme de dommages-intérêts. ; que la somme de 3000 ¿ qui a été mise à la charge de la SCI Embouine tient compte à la fois de l'atteinte portée au droit de propriété des consorts X...et des travaux de réfection qui sont nécessaires pour restituer à la parcelle C n° 1077, son état antérieur ; que les dispositions du jugement sont confirmées quant aux frais irrépétibles et la charge des dépens ; qu'en cause d'appel, la SCI Embouine est condamnée à payer la somme de 2000 ¿ en remboursement des frais irrépétibles (arrêt attaqué p. 4 dernier alinéa, p. 5, p. 6 al. 1 à 3) ;

ALORS QUE La SCI EMBOUINE avait fait valoir dans ses conclusions d'appel que la partie litigieuse de la parcelle des consorts X...se situait au droit de l'ancien portail, qu'elle ne l'avait pas décaissé pour faire passer ses engins de chantier et que les constats d'huissier produits par les consorts X...révélant l'existence de ce décaissement ne rapportaient pas la preuve qu'elle en était l'auteur et responsable faute pour les demandeurs de démontrer la configuration de cette parcelle dans l'état antérieur aux faits litigieux ; qu'en se bornant à relever que le décaissement du terrain dénoncé par les demandeurs était établi par les constats versés aux débats par les consorts X...sans constater le moindre élément de preuve de l'absence d'antériorité de cet état de fait et par conséquent de son imputabilité à la SCI EMBOUINE, la Cour d'appel qui a laissé sans réponse le moyen des conclusions de celle-ci, a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le comportement insultant et outrageant de M. Christian Y...ne relève pas des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 et de l'avoir condamné à payer à Monsieur Jean-Denis X...la somme de 500 ¿ à titre de dommages et intérêts et 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE dans le cadre de son appel incident et provoqué, M. Jean-Denis X...réclame la condamnation à titre personnel de M. Christian Y...à lui payer la somme de 10 000 ¿ de dommages-intérêts en réparation du comportement injurieux, décrit dans les procès-verbaux de constat qui ont été établis le 17 mars 2009 ; qu'alors que M. Jean-Denis X...avait fait appel le 19 mars 2007 à Me B...pour constater les dégradations causées à la parcelle C n° 1077, M. Christian Y...a injurié M. X...en le traitant de " connard " ; que le second procès-verbal de constat établi le 19 mars 2007 par Me B..., à la demande de M. Jean-Denis X..., relate qu'alors qu'il se trouvait Chemin d'Embouine avec M. Jean-Denis X..., « M Christian Y...est arrivé en voiture et a accéléré en notre direction avant de freiner brusquement. II s'est alors adressé vertement à notre requérant en disant notamment " Tu aurais dû crever avant ton épouse, il s'agenouille ensuite devant notre requérant en se prosternant et en criant : " Seigneur X...je t'en supplie, veux-tu que je te fasse une pipe " tout en simulant une fellation, " ; qu'un tel comportement qui pourrait être qualifié pénalement d'injure non publique au sens des dispositions de l'article R621-2 du code pénal, ne bénéficie pas de la protection instaurée par la loi du 29 juillet 1881 qui exige une condition de publicité qui n'est pas remplie ; qu'au visa de l'article 1382 du code civil, M. Jean-Denis X...à l'égard duquel M. Christian Y...a eu un comportement injurieux et outrageant, est donc recevable et fondé à demander la condamnation de M. Christian Y...au paiement de dommages-intérêts qui sont fixés à la somme de 500 ¿ ; (arrêt attaqué p. 6 al. 4 à 8) ;
ALORS QUE les abus de la liberté d'expression telles que les injures non publiques soumises au régime de la loi du 29 juillet 1881 et réprimés par l'article R. 621-2 du code pénal ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; que la prescription prévue par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 n'a pu être interrompue par des actes fondés à tort sur l'article 1382 du code civil ; qu'en écartant l'exception de prescription fondée sur les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 de l'action engagée par Monsieur Jean-Denis X...sur le fondement de l'article 1382 du Code civil après avoir relevé que le comportement reproché pourrait être qualifié d'injure non publique, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1382 du code civil et par défaut d'application les articles R. 621-1 du code pénal, 29 et 65 de la loi du 29 juillet 1881.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 14-26313
Date de la décision : 14/01/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 07 août 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 14 jan. 2016, pourvoi n°14-26313


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Ghestin, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.26313
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award