La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/04/2015 | FRANCE | N°14-82622

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 avril 2015, 14-82622


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de RENNES, en date du 17 mars 2014, qui a ordonné la révocation de sa libération conditionnelle ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 mars 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, MM. Moignard, Castel, Raybaud, Mmes Caron, Drai, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Beghin, conseille

rs référendaires ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de RENNES, en date du 17 mars 2014, qui a ordonné la révocation de sa libération conditionnelle ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 mars 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, MM. Moignard, Castel, Raybaud, Mmes Caron, Drai, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Beghin, conseillers référendaires ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller MOREAU, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SASSOUST ;
Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles des articles 34 de la Constitution, 591 et 592 et 733 du code de procédure pénale, 5-4 et 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble le principe des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a été rendu par la cour d'appel statuant en chambre du conseil, après débats en chambre du conseil, sans que l'exposant n'ait eu la possibilité comparaître en personne ;
"aux motifs que le débat contradictoire a eu lieu en chambre du conseil à l'audience du 10 février 2014, hors la présence de la condamnée, conformément à l'article D. 49-42 du code de procédure pénale, avisée de la date d'audience par un courrier en date du 10 janvier 2014 ;
"1°) alors que l'article 592 du code de procédure pénale déclare « nulles les décisions qui, sous réserve des exceptions prévues par la loi, n'ont pas été rendues ou dont les débats n'ont pas eu lieu, en audience publique» et que, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il appartient au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant le droit pénal et la procédure pénale, de déterminer les conditions et les modalités d'exécution des peines privatives de liberté ; que, dès lors, en faisant application, pour écarter la garantie fondamentale d'ordre public que constitue la publicité des débats, des dispositions de l'article D. 49-42 du code de procédure pénale, alors que celles-ci, ajoutant aux prescriptions des dispositions de l'article 733 dudit code, étaient incomplètement édictées, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;
"2°) alors qu'en tout état de cause, la juridiction appelée à se prononcer sur la révocation d'une mesure de libération conditionnelle doit être regardée comme un tribunal au sens des stipulations de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, et doit, dès lors que l'appréciation à laquelle elle se livre n'est pas susceptible d'un recours de pleine juridiction, statuer publiquement, sauf si la personne mise en cause renonce explicitement à son droit à une audience publique ; qu'ainsi, en prononçant l'arrêt attaqué en chambre du conseil, à l'issue de débats tenus en chambre du conseil, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"3°) alors que le droit de participer réellement au procès est inhérent à la notion même de contradictoire, garanti par l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que lorsque une juridiction est appelée à se prononcer sur la personnalité, le comportement ou les aptitudes d'un condamné, elle doit nécessairement permettre à celui-ci d'assister en personne à l'audience (Razvazkin c. Russie du 3 juillet 2012, n°13579/09, § § 137-148) ; qu'il en va de même en appel lorsque le juge dispose d'une plénitude de juridiction et que les questions qu'il a à trancher sont déterminantes pour l'appelant ; qu'il résulte des dispositions de l'arrêt attaqué que cette règle fondamentale n'a pas été observée en la cause ;
"4°) alors que, de surcroît, la cour de Strasbourg considère que lorsque une instance est appelée à connaître d'une décision de révocation d'une mesure de libération conditionnelle, « le caractère équitable de la procédure requis par l'article 5-4 de la Convention européenne des droits de l'homme implique que l'intéressé assiste aux débats » (Hussain c. Royaume-Uni, 21 février 1996, n°21928/93, § 60 ; Waite c. Royaume-Uni, 10 décembre 2002, no. 53236/99, § 59), ; qu'ainsi, en statuant en l'absence de Mme X..., alors que les appréciations portées sur les circonstances de fait, le comportement et la personnalité de celle-ci déterminaient largement l'issue de la procédure suivie devant elle, la cour d'appel a méconnu les dispositions conventionnelles précitées ;
"5°) alors, en toute hypothèse, que pour juger qu'il n'y avait lieu à renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité visant l'article 712-13 du code de procédure pénale, la Cour de cassation a retenu que les droits de la défense étaient sauvegardés devant les deux degrés de juridiction et que constituait à cet égard une garantie suffisante la possibilité donnée à la cour d'appel de procéder à l'audition du condamné, le cas échéant à la demande de celui-ci, par visioconférence ou par l'un de ses membres au sein de l'établissement pénitentiaire ; qu'il ne résulte pas des énonciations de l'arrêt attaqué que la demanderesse ait eu la faculté de demander qu'il soit procédé à son audition" ;
Vu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire et 733 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il se déduit de ces textes que le respect des principes du contradictoire et de l'équilibre des droits des parties interdit à la chambre de l'application des peines prononçant sur une demande de révocation de libération conditionnelle de statuer sans que le condamné qui en fait la demande eut été mis en mesure de comparaître à l'audience;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de procédure que Mme X..., condamnée à seize ans de réclusion criminelle pour meurtre, vol et subornation de témoin, a été admise au bénéfice de la libération conditionnelle avec placement sous surveillance électronique probatoire le 22 février 2013 ; que, constatant plusieurs incidents ou manquements des obligations assortissant la mesure, le juge de l'application des peines a suspendu son exécution le 7 novembre 2013 ; qu'après débat contradictoire en présence de la condamnée et de son avocat, le tribunal de l'application des peines de Rennes a révoqué, par jugement en date du 18 novembre 2013, la mesure de libération conditionnelle ; que, sur appel de la condamnée, la chambre de l'application des peines, par arrêt en date du 17 mars 2014, après débats tenus en la seule présence de son avocat, a confirmé la révocation de la libération conditionnelle ;
Attendu que Mme X..., demeurée en liberté depuis 9 mois et de nouveau écrouée, n'a pas été avertie de son droit à demander sa comparution devant la juridiction d'appel pour se défendre des inobservations reprochées aux mesures énoncées dans la décision de libération conditionnelle ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la chambre de l'application des peines a méconnu les textes et principe ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen de cassation ;
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de RENNES, en date du 17 mars 2014, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel d'Orléans à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de RENNES et sa mention en marge de l'ordonnance annulée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze avril deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-82622
Date de la décision : 15/04/2015
Sens de l'arrêt : Cassation et désignation de juridiction
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

JURIDICTIONS DE L'APPLICATION DES PEINES - Peines - Exécution - Peine privative de liberté - Libération conditionnelle - Révocation - Débat - Comparution personnelle - Demande - Droit - Avis au condamné - Nécessité

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - Principe du contradictoire - Chambre de l'application des peines - Révocation de la libération conditionnelle - Débat - Comparution personnelle - Demande - Droit - Avis au condamné - Nécessité PEINES - Exécution - Peine privative de liberté - Libération conditionnelle - Révocation - Chambre de l'application des peines - Débat - Comparution personnelle - Demande - Droit - Avis au condamné - Nécessité DROITS DE LA DEFENSE - Chambre de l'application des peines - Révocation de la libération conditionnelle - Débat - Comparution personnelle - Demande - Droit - Avis au condamné - Nécessité LIBERATION CONDITIONNELLE - Mesure - Révocation - Chambre de l'application des peines - Débat - Comparution personnelle - Demande - Droit - Avis au condamné - Nécessité

Il se déduit de l'article préliminaire du code de procédure pénale et de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme que le respect des principes du contradictoire et de l'équilibre des droits des parties interdit à la chambre de l'application des peines, prononçant sur une demande de révocation de libération conditionnelle, de statuer sans que le condamné, qui en fait la demande, eût été mis en mesure de comparaître à l'audience


Références :

article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

articles préliminaire et 733 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'application des peines de la Cour d'appel de Rennes, 17 mars 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 avr. 2015, pourvoi n°14-82622, Bull. crim. criminel 2015, n° 92
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2015, n° 92

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Sassoust
Rapporteur ?: M. Moreau
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.82622
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award