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04/02/2015 | FRANCE | N°13-18407

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 février 2015, 13-18407


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X... de son désistement partiel sur le second moyen du pourvoi ;
Sur le premier moyen :
Vu l'accord du 18 juin 2002, l'avenant du 1er mars 2012, ensemble les articles L. 2261-7 et L. 2261-8 du code du travail ;
Attendu qu'un accord ne peut être considéré comme interprétatif qu'autant qu'il se borne à reconnaître, sans rien innover, un état de droit préexistant qu'une définition imparfaite a rendu susceptible de controverse ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a t

ravaillé du 3 mars 1975 au 30 avril 2003 en qualité de mécanicien d'entretien p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X... de son désistement partiel sur le second moyen du pourvoi ;
Sur le premier moyen :
Vu l'accord du 18 juin 2002, l'avenant du 1er mars 2012, ensemble les articles L. 2261-7 et L. 2261-8 du code du travail ;
Attendu qu'un accord ne peut être considéré comme interprétatif qu'autant qu'il se borne à reconnaître, sans rien innover, un état de droit préexistant qu'une définition imparfaite a rendu susceptible de controverse ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a travaillé du 3 mars 1975 au 30 avril 2003 en qualité de mécanicien d'entretien puis d'agent d'encadrement au service de la réparation navale au port autonome de Dunkerque ; que cet établissement a été inscrit, par arrêté ministériel du 11 décembre 2001, sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) ; que par protocole d'accord du 18 juin 2002, relatif à la mise en oeuvre de la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante au sein du Grand Port maritime de Dunkerque, une indemnité bonifiée de fin de carrière a été instaurée au profit des salariés remplissant les conditions pour bénéficier de l'ACAATA et mettant fin de manière anticipée à leur activité professionnelle ; qu'un avenant à l'accord précité a été signé par les partenaires sociaux le 1er mars 2012 ; que le salarié, bénéficiaire de l'ACAATA, a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir réparation de son préjudice d'anxiété et du préjudice résultant du bouleversement de ses conditions d'existence ;
Attendu que pour dire que l'avenant du 1er mars 2012 a un caractère purement interprétatif et le déclarer opposable au salarié, l'arrêt retient qu'il a pour objet de préciser l'interprétation des signataires sur l'objet et la cause de l'indemnité bonifiée de cessation de fonction versée aux salariés en cas de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, qu'il prévoit en son article 1 que cette indemnité a pour cause la volonté des signataires d'indemniser forfaitairement les salariés pour l'ensemble des préjudices de toute nature qu'ils ont subis du fait d'une exposition potentielle à l'amiante et en son article 2, qu'il constitue l'interprétation commune des parties sur la nature de la bonification d'indemnité de fin de carrière prévue par le protocole du 18 juin 2002 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'avenant du 1er mars 2012 qui prévoit que l'indemnité bonifiée de fin de carrière avait pour objet d'indemniser les salariés pour l'ensemble des préjudices de toute nature éventuellement subis du fait d'une exposition potentielle à l'amiante et de réparer forfaitairement "ce préjudice" a ajouté au droit préexistant résultant de l'accord du 18 juin 2002, de sorte que cet avenant n'est pas interprétatif, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit l'accord du 18 juin 2002 interprété par celui du 1er mars 2012 opposable à M. X... et dit que la somme allouée à celui-ci au titre de l'indemnité de fin de carrière bonifiée vient en déduction de celle réparant son préjudice d'anxiété, l'arrêt rendu le 29 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne l'établissement Grand Port maritime de Dunkerque aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'établissement Grand Port maritime de Dunkerque à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit l'accord du 18 juin 2002 interprété par celui du 1er mars 2012 opposable à Monsieur X... et d'avoir, en conséquence, dit que la somme allouée à Monsieur X... au titre de l'indemnité de fin de carrière bonifiée viendra en déduction de celle réparant son préjudice d'anxiété ;
AUX MOTIFS QUE le port de Dunkerque et les organisations syndicales représentatives ont conclu un accord relatif à la mise en oeuvre de la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante le 18 juin 2002 qui a vocation à compléter les dispositions légales régissant la matière ; qu'il prévoit, dans son article 2, que le salarié qui remplit les conditions pour bénéficier du dispositif de cessation anticipée d'activité au titre de l'amiante et qui démissionne reçoit, conformément à l'article 25 bis de la convention collective, une indemnité de fin de carrière bonifiée ; qu'il ajouter que le Port prend à sa charge les cotisations salariales et patronales de retraite complémentaire (article 3) et celle d'assurance prévoyance décès (article 4) ; qu'un avenant du 24 février 2005 prévoit une couverture décès pour les salariés bénéficiant de la cessation anticipée d'activité dans les mêmes conditions que les salariés actifs ; qu'un avenant du 25 novembre 2009 réévalue le montant de l'indemnité pour cessation de fonctions ; que le 1er mars 2012, les partenaires sociaux ont conclu un avenant n° 4 qui précise en préambule avoir pour objet de « préciser l'interprétation des signataires sur l'objet et la cause de l'indemnité pour cessation de fonction versée aux salariés en cas de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante » ; qu'il expose en son article 1er que « la bonification de l'indemnité de fin de carrière accordée aux salariés en vertu du protocole du 18 juin 2002 (...) est un avantage complémentaire accordé en plus du dispositif légal (...) Cette bonification a pour cause la volonté des signataires d'indemniser les salariés pour l'ensemble des préjudices de toute nature éventuellement subis du fait d'une exposition potentielle à l'amiante au cours de leur carrière au sein de l'entreprise, en l'absence de maladie déclarée. Cette bonification a pour objet de réparer forfaitairement ce préjudice, en se dispensant d'un examen individuel du préjudice éventuel de chaque salarié » ; qu'il est ajouté à l'article 2 que « de l'accord des signataires, cet avenant constitue l'interprétation commune des parties sur la nature de la bonification d'indemnité de fin de carrière prévue par le protocole du 18 juin 2002 » ; que l'employeur expose que Monsieur X..., bénéficiant de cet accord, a perçu une indemnité de fin de carrière de 38 381 euros alors qu'elle aurait été seulement de 10 545 euros s'il n'avait pas mis fin à son activité après avoir été exposé aux risques de l'amiante ; que le salarié a donc bénéficié d'une bonification de son indemnité de fin de carrière de 27 836 euros ; qu'il considère que cet accord n'a pas valeur transactionnelle et n'interdit pas au salarié de rechercher une indemnité plus élevée par voie judiciaire, mais soutient qu'il n'en constitue pas moins un élément d'indemnisation qui, sauf à créer une double indemnisation, doit venir en déduction de l'indemnité qui serait accordée au salarié ; qu'il conclut en sollicitant que la condamnation éventuelle soit prononcée en deniers et quittance, le surcroît d'indemnité perçue en application de l'accord du 18 juin 2002 devant venir en déduction du montant éventuellement alloué par la juridiction saisie, que le salarié soutient que l'avenant du 1er mars 2012 lui est inopposable dès lors qu'il a été signé postérieurement à la date à laquelle il a cessé son activité ; qu'il s'agit toutefois d'un avenant purement interprétatif qui n'ajoute pas au dispositif organisé en 2002 mais précise le fondement de la bonification de l'indemnité de fin de carrière ; qu'il éclaircit donc la commune intention des parties dès l'origine et est, à ce titre, opposable même aux salariés ayant bénéficié de cette bonification d'indemnité de fin de carrière avant la signature de ce document ; que l'indemnité bonifiée a donc vocation à réparer forfaitairement les préjudices de toute nature découlant de l'exposition au risque d'amiante ; que toutefois dès lors que l'employeur ne soutient pas qu'elle interdit au salarié de prétendre à une indemnité complémentaire, il convient de préciser qu'elle viendra en déduction des sommes éventuellement allouées au salarié ;
ALORS QUE, D'UNE PART, le protocole d'accord relatif à la mise en oeuvre de la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante du Grand Port Maritime de Dunkerque signé le 18 juin 2002 prévoit que le salarié, qui remplit les conditions pour bénéficier du dispositif de cessation anticipée d'activité au titre de l'amiante et qui démissionne, reçoit une indemnité de fin de carrière bonifiée ; que l'avenant du 1er mars 2012 qui indique que cette bonification a pour objet d'indemniser les salariés pour l'ensemble des préjudices de toute nature éventuellement subis du fait d'une exposition potentielle à l'amiante au cours de leur carrière au sein de l'entreprise, en l'absence de maladie déclarée, introduit en réalité une disposition nouvelle et ne peut dès lors être considéré comme un avenant interprétatif ; qu'en jugeant au contraire cet avenant purement interprétatif et à ce titre, opposable même aux salariés ayant bénéficié de cette bonification d'indemnité de fin de carrière avant la signature de ce document, la Cour viole les textes précités, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, et en toute hypothèse, le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'opposent à l'ingérence dans l'administration de la justice des partenaires sociaux qui, sous couvert d'un avenant interprétatif, tentent d'influer sur le dénouement judiciaire d'un litige ; qu'en décidant que l'accord du 18 juin 2002 interprété par l'avenant le 1er mars 2012 est opposable à Monsieur X... bien qu'il résulte de ses propres énonciations que cet avenant prétendument interprétatif a été signé alors que l'instance était pendante devant les premiers juges, la Cour viole le texte précité ensemble ce que postule le principe de sécurité juridique.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Jacques X... de sa demande tendant à voir condamner le Grand Port Maritime de Dunkerque des dommages et intérêts en réparation du bouleversement dans ses conditions d'existence lié à la diminution de son espérance de vie ;
AUX MOTIFS QUE le salarié expose que son espérance de vie est diminuée du fait de l'exposition à l'amiante et que ses projets de vue en sont affectés ; que la diminution de l'espérance de vue est une réalité statistique qui n'a de sens que pour le groupe des personnes concernées dans son ensemble et qui ne se traduit pour une personne déterminée que par l'inquiétude qu'il peut éprouver face au risque de voir se développer une affection liée à son exposition à l'amiante ; que ce point spécifique sera examiné ci-dessous ; que pour le surplus nul ne fonde un projet de vie sur son espérance de vie, sauf raisons majeures de penser que sa vie sera effectivement abrégée à brève échéance ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il débouter le salarié de ce chef de demande ;
ALORS QU'indépendamment du préjudice d'anxiété lié au risque de développer à tout moment une pathologie grave, les anciens salariés contaminés du fait de leur exposition aux poussières d'amiante durant leur carrière sont conscients de la diminution de leur espérance de vie et de ce fait, amputés de la possibilité d'anticiper sereinement leur avenir et contraints dans leur vie quotidienne de tenir compte de cette réalité au regard des orientations qu'ils sont amenés à donner à leur existence ; que ce bouleversement dans les conditions d'existence ouvre droit à réparation ; qu'en jugeant le contraire au motif qu'un salarié dont l'espérance de vie est diminuée du fait de son exposition aux fibres d'amiante durant son activité professionnelle ne peut prétendre auprès de son employeur qu'à l'indemnisation de son préjudice d'anxiété, la Cour viole l'article 1147 du Code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-18407
Date de la décision : 04/02/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 29 mars 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 fév. 2015, pourvoi n°13-18407


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.18407
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