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02/07/2014 | FRANCE | N°13-10644

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 juillet 2014, 13-10644


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique : Vu l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;

Attendu que le salarié, qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, et se trouve, de par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration

à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des cont...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique : Vu l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;

Attendu que le salarié, qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, et se trouve, de par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, subit un préjudice spécifique d'anxiété dont l'indemnisation répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement des conditions d'existence résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un transfert de son contrat de travail en vertu d'une cession décidée par jugement du tribunal de commerce, M. X...est devenu, à partir du 10 mars 1995, salarié de la société l'Electricité navale ; que le salarié, bénéficiaire d'une indemnité au titre de l'ACAATA, a saisi la juridiction prud'homale de demandes à titre notamment de dommages-intérêts en réparation tant du préjudice d'anxiété que de celui lié au bouleversement des conditions d'existence ; Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt, après avoir relevé que le principe de la responsabilité civile implique la démonstration de l'établissement de la faute d'autrui, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre eux qui justifie le droit à réparation de l'intégralité des dommages subis, retient d'abord que les seules affirmations de M. X...dont l'emploi est décrit par les bulletins de salaire comme agent technique de la catégorie des employés administratifs, en plus des attestations produites aux débats, ne permettent pas d'établir la réalité d'une exposition à l'amiante pendant la période pendant laquelle il a travaillé pour le compte de cette société, ensuite que le seul fait qu'il ait bénéficié de l'ACAATA par rapport à l'inscription de l'employeur sur la liste des établissements soumis à ce dispositif ne saurait constituer une preuve d'une réelle exposition, enfin que les témoignages n'apportent aucune indication de la période concernée par rapport au fait que le salarié a antérieurement travaillé pour un autre employeur, entre 1965 et 1979, qui n'est pas dans la cause, de sorte que les éléments produits sont insuffisants pour établir, dans le cadre précis de l'espèce, une exposition à l'amiante ; Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté la condition de la preuve d'une exposition personnelle du salarié à l'amiante, a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X...de ses demandes en dommages-intérêts au titre du préjudice d'anxiété et du préjudice lié au bouleversement dans les conditions d'existence, l'arrêt rendu le 16 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; Condamne M. C..., agissant en qualité de mandataire ad hoc de la société L'Electricité navale et l'AGS-CGEA du Sud-Est aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. C..., ès qualités, et l'AGS-CGEA du Sud-Est à payer à M. X...la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Monsieur X...de la demande de condamnation de l'AGS CGEA du Sud Est et de Maître C... es qualité à lui payer la somme de 15. 000 euros en réparation de son préjudice d'anxiété et celle de 15. 000 euros en réparation du préjudice lié au bouleversement de ses conditions d'existence ; AUX MOTIFS QU'il est constant que le principe de la responsabilité civile implique la démonstration de l'établissement d'une faute d'autrui, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre eux qui justifie le droit à réparation de l'intégralité des dommages subis ; qu'il ressort des explications produites que M. X...a été employé par la SARL L'ELECTRICITE NAVALE à partir du 10 mars 1995 jusqu'au 30 novembre 2001, et que cet emploi faisait suite à la cession adoptée par jugement du tribunal de commerce du 9 mars 1995 au profit de cette société des actifs de la société MARITIME ELECTRIQUE en redressement judiciaire, avec transfert du contrat de travail du salarié ; que si la nature de l'activité de la SARL L'ELECTRICITE NAVALE a pu amener cette dernière à faire intervenir une partie de ses salariés sur des navires contenant de l'amiante, pouvant les exposer à ce type de matériaux, pour autant, les seules affirmations de M. X...dont l'emploi est décrit par les bulletins de salaire comme agent technique de la catégorie des employés administratif, en plus des attestations produites aux débats, et au regard de l'argumentation de l'appelant ne permettent pas d'établir la réalité d'une exposition à l'amiante pendant la période au cours de laquelle il a travaillé pour le compte de cette société ; que le seul fait qu'il ait bénéficié de l'ACAATA par rapport à l'inscription de son employeur sur la liste des établissements soumis à ce dispositif ne saurait constituer une preuve d'une réelle exposition à l'amiante ; que de plus, outre que les seules affirmations de l'intéressé n'ont aucune force probante, les témoignages sommaires qu'il produit (Thierry Y..., Hervé Z..., Jean-Jacques A..., et Jean-Marc B...) n'apportent aucune indication de la période concernée par rapport au fait que M. X...a précédemment travaillé pour un précédent employeur, la société L'INDUSTRIELLE ELECTRIQUE entre 1965 et 1979, qui n'est pas dans la cause, de telle sorte que les éléments produits sont insuffisants pour établir une exposition à l'amiante dans le cadre précis concerné par le litige ; qu'il s'en déduit que la preuve du comportement fautif imputable à l'employeur intimé n'est pas rapportée ; ALORS tout d'abord QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en s'abstenant d'examiner le certificat de travail précisant que le salarié avait exercé la fonction d'agent technique, la cour d'appel a violé les articles 455 du Code de procédure civile et 1353 du Code civil ; ALORS encore QUE le salarié faisait valoir que sa fonction d'agent technique figurait dans la liste jointe à l'arrêté du 7 juillet 2000 mentionnant parmi les métiers impliquant des travaux à bord celui d'agent technique (v. ses conclusions, p. 8, alinéa 1) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen à même d'établir que l'exposant avait été exposé à l'amiante au sein de la société ELECTRICITE NAVALE, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS en tout état de cause QUE le préjudice d'anxiété et le préjudice né du trouble dans les conditions d'existence sont caractérisés par le seul fait pour le salarié d'avoir travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, qui se trouvait, de par le fait de l'employeur, d'une part, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et, d'autre part, confronté à l'impossibilité d'envisager sereinement son avenir et à la nécessité de modifier les orientations de sa vie quotidienne et ses projets de vie ; qu'en faisant grief à Monsieur X...de n'avoir pas rapporté la preuve de son exposition à l'amiante en considérant que ses seules affirmations, l'emploi figurant sur ses bulletins de salaires, les attestations produites aux débats et son argumentation ne permettaient pas d'établir la réalité d'une telle exposition pendant la période au cours de laquelle il avait travaillé pour le compte de la société L'ELECTRICITE NAVALE quand celle-ci figurait sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité (dite ACAATA) du fait de la fabrication et de l'utilisation de l'amiante depuis 1979, la Cour d'appel a fait peser sur le salarié la charge de la preuve de son exposition à l'amiante ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles 1147 et 1315 du Code civil ; ALORS au surplus QUE le bénéfice de l'ACAATA est réservé aux salariés qui ont travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel ; que le salarié qui a travaillé dans l'un de ces établissements pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, s'est trouvé, de par le fait de l'employeur, d'une part, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et, d'autre part, confronté à l'impossibilité d'envisager sereinement son avenir et à la nécessité de modifier les orientations de sa vie quotidienne et ses projets de vie ; qu'en relevant que Monsieur X...avait bénéficié de l'ACAATA par rapport à l'inscription de son employeur sur la liste des établissements soumis à ce dispositif tout en considérant que le bénéfice d'une telle allocation ne saurait constituer une preuve d'une réelle exposition à l'amiante, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et partant a violé l'article 1147 du Code civil ; ALORS en outre QUE le salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés par l'article 41 de la loi de 1998 et figurant dans l'arrêté du 7 juillet 2000 pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, s'est trouvé, de par le fait de l'employeur, d'une part, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et, d'autre part, confronté à l'impossibilité d'envisager sereinement son avenir et à la nécessité de modifier les orientations de sa vie quotidienne et ses projets de vie ; qu'en statuant par des motifs inopérants selon lesquels Monsieur X...n'avait pas apporté d'indication de la période concernée par rapport au fait qu'il avait travaillé dans une autre société de 1965 à 1979 qui n'était pas dans la cause, sans rechercher s'il s'était trouvé au moins depuis 1979, date retenue pour l'exposition à l'amiante des salariés de la société L'ELECTRICITE NAVALE, laquelle s'était vue transférer le contrat de travail de l'intéressé avec la société L'INDUSTRIELLE ELECTRIQUE, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et confronté à l'impossibilité d'envisager sereinement son avenir et à la nécessité de modifier les orientations de sa vie quotidienne et ses projets de vie, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1147 et 1315 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-10644
Date de la décision : 02/07/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 16 novembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 jui. 2014, pourvoi n°13-10644


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.10644
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