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17/12/2013 | FRANCE | N°12-85046

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 décembre 2013, 12-85046


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Yassine X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 4-10, en date du 27 juin 2012, qui, pour vols d'énergie, l'a condamné à 1 500 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 novembre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Barbier conseiller rapporteur, Mme Guirimand, conseiller de

la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller ré...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Yassine X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 4-10, en date du 27 juin 2012, qui, pour vols d'énergie, l'a condamné à 1 500 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 novembre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Barbier conseiller rapporteur, Mme Guirimand, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BARBIER, les observations de la société civile professionnelle MONOD et COLIN, de la société civile professionnelle ROGER, SEVAUX et MATHONNET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BERKANI ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1134 du code civil, 111-4, 311-2, 311-3 du code pénal, 591, 593 du code de procédure pénale, violation de la loi, manque de base légale, dénaturation et contradiction de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de vol commis du 4 février 2006 au 3 février 2009 à La Courneuve, l'a condamné à payer une amende délictuelle de 1 500 euros, a déclaré recevables les constitutions de partie civile des sociétés ERDF et GRDF et a condamné M. X... à payer à la société GRDF la somme de 3 600 euros et à la société ERDF la somme de 389,95 euros, outre 800 euros chacune au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
"aux motifs propres que le prévenu a procédé dès le 20 août 2002 à la résiliation de son contrat de gaz auprès de GRDF ; que depuis le 10 septembre 2003, les services d'ERDF et GRDF n'ont pu contrôler l'index de consommation figurant sur chacun des deux compteurs ; que le prévenu n'a pas contesté que l'index de consommation d'électricité transmis à EDF n'avait pas varié entre le relevé effectué par les agents le 7 août 2001 et le 9 août 2008, alors même qu'il résulte de ses déclarations devant les policiers le 9 mars 2009 qu'il avait habité la maison de 2003 à 2006, qu'il ne justifie pas davantage de l'autorisation d'ERDF pour les travaux de déplacement du compteur à gaz qui auraient été effectués en 2008, ni des factures correspondantes ; que la présence sur les lieux d'un nombre important d'appareils électroménagers fonctionnant par définition à l'électricité suffit à caractériser la mauvaise foi du prévenu qui n'apporte aucune preuve contraire aux constatations précises et circonstanciées des gardes assermentés d'ERDF et GRDF dans leur procès-verbal du 30 janvier 2009 sur les modifications apportées aux deux installations litigieuses lui permettant de bénéficier gratuitement de fourniture de gaz et d'électricité ;
"et aux motifs expressément adoptés que le 4 février 2009, M. Y... déposait plainte au nom d'ERDF et GRDF à l'encontre de M. X... ; que le plaignant, garde assermenté des propriétés d'ERDF-GRDF, avait dressé le 30 janvier 2009 deux procès-verbaux de constats ; que le premier, relatif au compteur à gaz, précisait que M. X... avait indiqué qu'il recontacterait les services d'ERDF-GRDF fin janvier afin de donner accès aux compteurs ; que, faute de nouvelles, l'agent était allé sur place et s¿était vu refuser l'accès par Mme X... ; qu'après information de la suspension d'énergie électrique le 28 janvier 2009, M. X... avait précisé par téléphone à M. Y... que son épouse n'avait pas accès aux compteurs, ceux-ci étant placés dans des placards fermés à clé ; que ce premier procès-verbal relevait que le robinet principal de condamnation du gaz était en position ouvert et qu'il n'y avait plus de compteur à gaz à l'endroit où il devait se trouver mais un morceau de cuivre (by-pass) faisant la jonction entre le tubulure d'arrivée de gaz et le départ de l'installation intérieure ; qu'il notait également qu'un nouvel emplacement prévu pour installer un compteur à gaz avait été créé dans une pièce à l'arrière du pavillon et que sur cette modification étaient raccordées une chaudière à gaz ainsi qu'une table de cuisson au 1er étage et une gazinière au rez-de-chaussée ; que le procès-verbal soulignait que le contrat de fourniture de gaz avait été résilié le 10 septembre 2003 à la demande de M. X...; que des photographies étaient jointes ; que le second procès-verbal, relatif au compteur électrique, faisait apparaître que le tableau de comptage ne comportait aucun scellé, que les plasto-scellés n'étaient pas sertis et que le disque d'enregistrement des consommations ainsi que la plaque signalétique étaient rayés ; qu'il relevait que le client n'avait jamais donné accès aux agents pour effectuer des relevés d'index et avait communiqué une consommation égale à zéro depuis le 15 février 2006 ; que le procès-verbal faisait état d'un important parc électroménager recensé ; que l'index relevé était de 10 705 kWh ; qu'entendu le 9 mars 2009, M. X... déclarait que le gaz avait été rouvert par GRDF à sa demande, ajoutant que le compteur de gaz avait été déplacé fin septembre 2008 avec l'autorisation de GRDF ; qu'il précisait qu'il n'avait pas consommé de gaz entre 2003 et 2006 et qu'il possédait des appareils électriques « comme tout le monde » ; qu'une main courante, en date du 17 février, déposée par M. Z..., indiquait que ce dernier louait depuis le mois d'avril 2007 une pièce appartenant à M. X..., ce dernier habitant avec sa famille au premier étage ; que M. Z... se plaignait de se trouver sans chauffage ni électricité alors qu'il payait régulièrement son loyer ; qu'à l'audience, M. X... a confirmé avoir déplacé le compteur à gaz avec l'autorisation d'ERDF et déclaré avoir toujours payé ses factures d'électricité ; qu'il a précisé vivre en Allemagne, le pavillon à La Courneuve étant sa résidence secondaire ; qu'il a fourni un certain nombre de documents dont un constat d'huissier dressé le 11 février 2009, constatant la présence d'un compteur à gaz fixé sur le mur de la façade arrière de la maison, indiquant une consommation de 22 275,060 m3, relié notamment à une chaudière à gaz ; qu'il a ajouté connaître M. Z... qu'il a hébergé à titre gratuit par le passé et avec lequel il a rencontré des difficultés ; qu'ERDF et GRDF ont fait valoir que M. X... a toujours refusé l'accès au compteur électrique, la facturation étant effectuée à partir de ses déclarations, c'est-à-dire une consommation nulle entre le 7 juillet 2001 et le 9 août 2008 ¿ soit un index de 86 640 jusqu'au 30 janvier 2009 ¿ alors que le parc électrique relevé dans le pavillon était important, soit :- aux 1er et 2ème étage : un lave-linge, un combiné frigo/congélateur , un four, une hotte aspirante, un fer à repasser, trois télévisions, deux hi-fi vidéo, un ordinateur, deux convecteurs, deux radiateurs et l'éclairage pour une surface de 150 m2 ;- au sous-sol : un lave-linge, un frigidaire, un micro-ondes, une télévision, une hi-fi, une vidéo, un convecteur électrique ;- dans le garage : un congélateur de 1 000 litres ; que pour ce qui est du gaz, avait été relevée la présence d'une chaudière mixte individuelle et de deux cuisinières à gaz naturel ; que les deux sociétés ont précisé toujours rencontrer des difficultés avec M. X...; que GRDF a réclamé 6 415,86 euros au titre du préjudice économique pour la période allant du 10 septembre 2003 au 28 janvier 2009, date à laquelle le gaz a été coupé ; qu'ERDF a pour sa part réclamé la somme de 398,95 euros ;
"et que sur l'action publique, il résulte du procès-verbal établi par M. Y... que le compteur à gaz a été enlevé de son emplacement d'origine permettant grâce à un « by-pass » une alimentation directe de gaz sans comptabilisation de consommation ; qu'il apparaît également qu'aucun compteur à gaz n'était installé au nouvel emplacement prévu à cet effet à la date du constat établi par l'agent assermenté ; que le constat d'huissier, produit par M. X..., dressé postérieurement, relève la présence d'un compteur à gaz, non scellé, à l'emplacement visé par M. Y... ; que, d'ailleurs, un procès-verbal ultérieur établi le 16 juillet 2009 constate la présence d'un compteur à gaz qui était manquant lors de la précédente intervention ; qu'outre les manoeuvres de dissimulation, déplaisantes, effectuées par l'intéressé, il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'infraction reprochée de soustraction frauduleuse de gaz est constituée, comme l'est celle d'électricité, M. X... ayant consommé de l'électricité en déclarant une consommation nulle pendant plusieurs années ; qu'il convient de condamner M. X... à une peine de 1 500 euros ; que sur l'action civile, il convient de recevoir les constitutions de partie civile d'ERDF et de GRDF ; que quant au fond, l'infraction couvrant la période allant du 4 février 2006 au 3 février 2009, il convient de réduire à due proportion la somme réclamée par GRDF calculée à partir d'une consommation moyenne, et de condamner M. X... à payer la somme de 3 600 euros ; que pour ce qui est d'ERDF, il y a lieu de condamner M. X... à la somme de 398,95 euros ;
"1°) alors que ne constitue pas un vol d'énergie mais une tromperie le fait d'effectuer des manoeuvres sur le compteur en vue de diminuer le volume consommé ; qu'en retenant, pour déclarer M. X... coupable de vol d'électricité et de gaz, que par procès-verbaux d'agents assermentés des sociétés ERDF et GRDF, il avait été constaté des modifications aux compteurs de gaz et d'électricité ayant permis à M. X... de bénéficier gratuitement de fourniture de gaz et d'électricité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"2°) alors que tout jugement doit comporter les motifs propres à justifier le dispositif ; que les motifs insuffisants, contradictoires ou hypothétiques équivalent à leur absence totale ; que le vol, y compris d'énergie, suppose une soustraction réalisée par une prise de possession ou un usage ; que M. X... établissait qu'il n'habitait pas, entre 2006 et 2009, date des faits reprochés, dans les locaux de La Courneuve ; que pour retenir que M. X... avait soustrait frauduleusement de l'électricité et du gaz, la cour d'appel a constaté l'existence d'appareils électroménagers ; qu'en ne constatant pas que ceux-ci étaient utilisés ou même seulement en état de marche, elle n'a pas caractérisé l'élément matériel de l'infraction et ainsi privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen ;
"3°) alors que nul n'est punissable que de son propre fait ; que le vol, y compris d'énergie, suppose une soustraction réalisée par une prise de possession ou un usage ; que M. X... établissait qu'il n'habitait pas, entre 2006 et 2009, date des faits reprochés, dans les locaux de La Courneuve ; que pour retenir que M. X... avait soustrait frauduleusement de l'électricité et du gaz, la cour d'appel a constaté l'existence d'appareils électroménagers ; qu'en déclarant M. X... coupable de vol d'énergie sans constater que les appareils électroménagers appartenaient à M. X... ni que celui-ci les avait utilisés, elle a méconnu le principe de personnalité des peines ;
"4°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que les juges du fond ne peuvent dénaturer par omission les pièces versées aux débats par les parties ; qu'en l'espèce, il résulte du bordereau de pièces versées aux débats annexé aux conclusions d'appel de M. X... que celui-ci a produit la facture de déplacement du compteur de gaz ; qu'en retenant, pour le déclarer coupable de vol de gaz, que M. X... ne justifiait pas des factures correspondant aux travaux de déplacement du compteur à gaz, la cour d'appel a dénaturé la pièce par omission ;
"5°) alors qu'en se bornant à affirmer péremptoirement que M. X... aurait consommé de l'électricité tout en déclarant une consommation nulle pendant plusieurs années, pour en déduire qu'il s'était rendu coupable de vol d'électricité, sans rechercher si chacun des éléments constitutifs de ce délit étaient réunis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
"6°) alors que le vol suppose la démonstration de l'existence d'un dol spécial, à savoir l'intention de se comporter ¿ serait-ce de façon momentanée ¿ comme le propriétaire de la chose appartenant à autrui ; qu'en ne constatant pas l'intention délictueuse de M. X... de s'approprier frauduleusement de l'électricité et du gaz, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 2, 3 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevables les constitutions de partie civile des sociétés ERDF et GRDF et a condamné M. X... à payer à la société GRDF la somme de 3 600 euros et à la société ERDF la somme de 389,95 euros, outre 800 euros chacune au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
"aux motifs expressément adoptés que sur l'action civile, il convient de recevoir les constitutions de partie civile d'ERDF et de GRDF ; que, quant au fond, l'infraction couvrant la période allant du 4 février 2006 au 3 février 2009, il convient de réduire à due proportion la somme réclamée par GRDF calculée à partir d'une consommation moyenne, et de condamner M. X... à payer la somme de 3 600 euros ; que, pour ce qui est d'ERDF, il y a lieu de condamner M. X... à la somme de 398,95 euros ;
"alors que la réparation du préjudice doit être intégrale sans qu'il en résulte ni perte ni profit pour la victime, cette dernière ne devant pas s'enrichir à cette occasion ; que dans ses conclusions d'appel, la société ERDF se bornait à alléguer avoir subi un préjudice qu'elle a chiffré, sans aucune justification, à la somme de 398,95 euros ; qu'en condamnant M. X... à lui payer cette somme en réparation de son préjudice économique, la cour d'appel a privé sa décision de motifs" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué, exempts d'insuffisance comme de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions des parties, permettent à la Cour de cassation de s'assurer que la cour d'appel, qui a exactement qualifié les faits poursuivis, a caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable et ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, des indemnités propres à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens, qui reviennent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. X... devra payer aux sociétés ERDF et GRDF au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept décembre deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 juin 2012


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 17 déc. 2013, pourvoi n°12-85046

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Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Monod et Colin, SCP Roger, Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 17/12/2013
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 12-85046
Numéro NOR : JURITEXT000028356261 ?
Numéro d'affaire : 12-85046
Numéro de décision : C1305924
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2013-12-17;12.85046 ?
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