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08/01/2013 | FRANCE | N°11-87252

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 janvier 2013, 11-87252


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Jean-Pierre X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9e chambre, en date du 8 septembre 2011, qui, pour harcèlement moral, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à 3 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 9

du code civil, 121-3, 222-33-2 du code pénal, 459, 512, 591 et 593 du code de procédure p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Jean-Pierre X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9e chambre, en date du 8 septembre 2011, qui, pour harcèlement moral, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à 3 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 9 du code civil, 121-3, 222-33-2 du code pénal, 459, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X...coupable de harcèlement moral ;

" aux motifs qu'il doit être relevé à titre liminaire que l'expertise psychiatrique et psychologique n'est pas exploitable compte tenu de ses insuffisances relevées par la note critique du docteur Y...produite par le prévenu et dont il ressort que la première paraît fondée sur des impressions subjectives, faute d'explication suffisante et de garantie sur la manière de procéder du technicien commis, dont parfois, les diagnostics sont énigmatiques, notamment en ce qu'elle fait référence au caractère jovial, dynamique et sociable sans trouble du comportement de la partie civile, dont on ne sait comment elle a pu le constater étant donné la symptomatologie dépressive de la même personne constatée en même temps dans le rapport ; que les éléments objectifs du dossier permettent de statuer sans qu'il soit besoin de recourir à une nouvelle expertise psychiatrique et psychologique souhaitée par le prévenu ; qu'il convient de reprendre chacun des agissements répétés visés dans la prévention ; que, sur le surveillance injustifiée de la salariée consistant dans la fréquentation la nuit, par M. X..., des abords de son domicile pour contrôler son activité nocturne, attestée par Mme Z..., amie de Mme A..., et par le journal intime du prévenu, qu'il ne peut être tiré du passage de celui-ci devant le domicile de la salariée un acte délibéré de surveillance de celle-ci ; qu'en effet, dès lors que le bureau de la société et le domicile de la femme se trouvaient proches l'un de l'autre, M. X...a pu se rendre à son entreprise, ainsi qu'il le relève dans ses notes personnelles à l'occasion de ses activités associatives ou professionnelles en dehors des heures de travail ; que cet agissement ne peut donc être assimilé à un fait de harcèlement ; qu'il en va de même de l'accès à un site de rencontre « unerencontre. com » au moyen du mot de passe « dimijoan » constitué à partir des prénoms des enfants de Mme A..., à savoir Dimitri et Joanna ; que certes, le prévenu s'est livré à un jeu malsain en inscrivant une personne correspondant au profil de victime sur ce site ; mais qu'il n'est pas démontré que celle-ci était susceptible de s'en rendre compte et pouvait donc en souffrir ; que cet agissement ne pourra pas plus être retenu contre elle comme élément constitutif du délit reproché ; que sur l'immixtion dans la vie privée de la salariée, celle-ci ressort du journal intime dans lequel le prévenu relate questionner la victime sur sa vie privée ; que la mère de la partie civile, Mmes B...et Z..., amie, rapportent avoir reçu des appels téléphoniques de M. X..., non pas pour vérifier à qui correspondait leur numéro, repéré comme utilisé par la salariée durant son temps de travail, mais pour raccrocher sans parler ou pour s'épancher sur ce qu'il pensait de Mme A..., tant sur un plan personnel que sur un plan professionnel ; que l'intéressé lui-même a reconnu avoir appelé des relations et des membres de la famille de la partie civile dont ses enfants en tentant, de manière non convaincante, de justifier cela par des erreurs de manipulation dans le cadre du contrôle des appels privés que donnait sa salariée pendant son temps de travail, ce qui est invraisemblable, compte du nombre de cas d'appels intempestifs, qui ressort des éléments qui précèdent ; que c'est vainement que la défense soutient la fausseté du témoignage de la mère de la partie civile sur la durée supérieure à une heure de l'appel dont elle a fait l'objet de la part de M. X...en invoquant la preuve de ce que celle-ci l'aurait appelée le 18 août 2009 l'espace de 5 minutes du n° ...; qu'en effet, l'attestation en cause se réfère à un appel du n° ...; que de surcroît, le prévenu admet s'être mêlé excessivement de la vie privée de sa salariée dans un document écrit à la suite de la plainte déposée par sa salariée ; que la lettre remise par M. X...à Mme A...à la suite de la plainte du 20 août 2011 comporte le passage suivant : « je reconnais la dérive de harcèlement moral et sexuel de mon comportement vis-à-vis de vous depuis le début de l'année et corrélativement, d'une absence de travail sérieux et continu au sein de l'entreprise, notamment pour vous aider dans votre travail … je vous présente mes excuses, et vous remercie de cet « électrochoc » bien compris. Je n'avais pas réellement pris conscience de mon attitude. Je m'engage à ne pas entrer dans votre vie privée et de reprendre un travail régulier » ; que ces affirmations ont fait l'objet d'une confirmation exprès par M. X...devant les services de police ; que cet aveu qui fait état de harcèlement sexuel, conforte les déclarations précises de la victime relatives aux gestes à connotation sexuelle déplacés dont s'est plainte celle-ci de la part de son employeur, à savoir : main sur la cuisse, sur les fesses de la partie civile, et attouchement ostensible par le prévenu à travers son pantalon de ses parties intimes pendant ses conversations avec elle ; que devant les services de police, loin de nier de tels agissements, il n'a pu se défendre qu'en alléguant qu'il ne s'agissait pas de « gestes méchants », mais de « gestes très doux », sans caractère sexuel, le fait de se toucher les parties génitales correspondant « peut-être » à un « tic » selon lui, ce qui est invraisemblable de la part d'une personne qui avait déjà derrière elle une carrière qu'il estime bonne et qui ne pouvait ignorer les règles élémentaires de comportement ; que la véracité de ces faits ressort aussi des confidences qu'avait faites à l'époque des faits la victime à sa mère et à Mme Z...et rapportées dans les attestations de celles-ci ; que le visionnage non contesté sur son lieu de travail d'images vidéo à caractère pornographique, M. X...les regardait dans son bureau individuel et il suffisait à la partie civile de passer devant sa porte ou d'y entrer, pour voir les images pornographiques, ainsi que le démontrent les photographies des lieux versées aux débats par le prévenu ; que ceci était choquant et de nature à perturber la relation de travail ; que, sur la diminution du salaire mensuel de Mme A...à partir de juin 2009, les feuilles de paie de la partie civile démontrent la suppression des heures supplémentaires à partir de juin et le passage subséquent de la rémunération de 2 237, 95 euros brut en mai 2009 à 2000 euros brut en juin ; que la justification donnée de la baise du chiffre d'affaires de l'entreprise qui était de 7 969, 79 euros en mai 2008 et de 1 3474, 76 euros en mai 2009, n'est pas pertinente car, en tout état de cause, il ne pouvait qu'être perturbant pour la femme de voir brutalement sa rémunération baisser sans explication préalable ; qu'un tel manquement ne peut être innocent de la part d'un cadre expérimenté tel que le prévenu ; que l'ensemble des agissements ainsi retenus ont eu pour effet, selon les certificats médicaux et les attestations produites aux débats de Mmes Z...et C..., de provoquer un amaigrissement de la victime et de lui donner à tout le moins des tendances dépressives confirmées par un arrêt de travail à compter du 31 mars 2010, qui a été prolongé les 15 avril 2010, 17 mai 2010 et 19 juin 2010 en ce qu'ils portent atteinte à sa dignité ; qu'eu égard au passé judiciaire de l'intéressé, à sa personnalité et aux circonstances de l'infraction, il convient de confirmer la peine prononcée par les premiers juges ;

" 1) alors que si les juges apprécient souverainement les éléments de preuve qui leur sont soumis, c'est à la condition que leur appréciation sur ce point ne repose pas sur des motifs erronés ; qu'en l'espèce, le prévenu était parvenu à rapporter la preuve incontestable de la fausseté du témoignage de la mère de la partie civile, laquelle soutenait la prévention en alléguant avoir été appelée par ce dernier pendant une heure le 18 août 2009 à 17 h 06 du numéro ...; que le relevé téléphonique de cette ligne produit aux débats par la défense avait permis d'établir que le 18 août 2009, contrairement aux allégations du témoin, deux appels avaient été passés du numéro susvisé vers le numéro de portable de la mère de la partie civile (soit le n° ...), le premier à 16 h 49, d'une durée de 5 minutes, le second à 17 h 05 de 39 minutes ; que cet élément de preuve était déterminant en ce qu'il était de nature à remettre en cause la véracité des témoignages produits par la plaignante pour justifier des prétendus faits de harcèlement commis par le prévenu à son encontre ; qu'en écartant néanmoins la fausseté de ce témoignage au prix d'une appréciation erronée du relevé téléphonique produit, en procédant d'une confusion entre numéro appelant et numéro appelé, la cour d'appel a non seulement dénaturé les termes de cet élément de preuve à décharge, mais encore justifié sa décision de condamnation sur le fondement de motifs erronés, la privant de ce fait de toute base légale ;

" 2) alors que le délit de harcèlement moral suppose, pour être constitué, que le comportement de l'employeur ait eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail ; que tel ne peut être le cas lorsque le comportement reproché à l'employeur relève du droit au respect de l'intimité de sa vie privée dont il dispose, même au temps et au lieu du travail ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que le visionnage, par M. X...sur son lieu de travail d'images vidéo à caractère pornographique n'avait eu lieu que dans son bureau, sur son ordinateur dont l'écran n'était pas visible depuis les locaux de la société, sans qu'il n'ait jamais recherché à en assurer une quelconque diffusion, et encore moins à inviter la partie civile à les visualiser avec lui ; qu'en retenant néanmoins ce visionnage comme constitutif de la matérialité du délit de harcèlement moral quand ce visionnage relevait de la seule intimité de la vie privée du prévenu sur son lieu de travail, la cour d'appel a méconnu les textes et principes susvisés et privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 233-22-2 du code pénal ;

" 3) alors que la cour d'appel ne pouvait retenir, au titre de la matérialité du harcèlement moral l'existence de gestes à connotation sexuelle déplacés, sans même prendre en considération les certificats médicaux produits par M. X...attestant que ce dernier ne pouvait plus avoir de pulsions sexuelles du fait de ses traitements médicamenteux ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si l'existence de ces gestes déplacés invoqués par la plaignante n'était pas remise en cause par les certificats médicaux produits par le prévenu, la cour d'appel n'a pas davantage justifié sa décision ;

" 4) alors que le délit de harcèlement moral ne peut être constitué lorsque le comportement de l'employeur n'a pas outrepassé les limites de l'exercice de son pouvoir de direction ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté qu'à la suite d'une nette baisse du chiffre d'affaires de l'entreprise, M. X...a été contraint de supprimer les heures supplémentaires effectuées jusqu'alors par Mme A..., dans la mesure où celle-ci ne souhaitait pas développer l'activité commerciale de la société, laquelle avait de ce fait été confiée à une prestataire de service ; que cette suppression des heures supplémentaires, justifiée par la nécessité d'accorder le bulletin de salaire de la salariée à la réalité de la situation et aux difficultés de l'entreprise, relevait de l'exercice normal du pouvoir de direction de l'employeur ; qu'en décidant le contraire, après avoir pourtant expressément relevé la baisse sensible du chiffre d'affaires de la société Mac Conseil, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et privé sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen ;

" 5) alors que le délit de harcèlement moral est un délit intentionnel qui suppose que soit établie à la charge de son auteur une intention de nuire, d'humilier ou de dégrader les conditions de travail de la victime ; qu'en l'espèce, l'arrêt qui se borne à relever que le prévenu a admis s'être mêlé excessivement de la vie privée de sa salariée, n'établit en rien en quoi l'attitude de M. X..., dans l'exercice de son pouvoir de direction, aurait été animée par une quelconque intention de nuire, d'humilier ou de dégrader les conditions de travail de Mme A...; qu'en s'abstenant ainsi de caractériser l'élément intentionnel du délit de harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen " ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme sur l'action publique mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les juges du fond, qui ont répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont ils étaient saisis, ont mis en évidence, à la charge du prévenu, des agissements répétés ayant eu pour objet ou pour effet d'entraîner, au préjudice de la victime, une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de harcèlement moral retenu ;

Qu'il s'ensuit que le moyen, qui se borne à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que M. X...devra payer à Mme A...au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président,
Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Beauvais conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Téplier ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-87252
Date de la décision : 08/01/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 08 septembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 jan. 2013, pourvoi n°11-87252


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.87252
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