LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de la Marne, 10 juin 2011) que Fernande X... a bénéficié du 1er février 1983 au 30 juin 1983, puis du 1er août 1986 au 8 février 2004, jour de son décès, de la prestation non contributive prévue par l'ancien article L 815-2 du code de la sécurité sociale, qui était récupérable sous certaines conditions sur les héritiers ; qu'un certificat d'hérédité a été établi le 22 mars 2004 par la mairie du lieu du décès ; que la caisse régionale d'assurance maladie de Normandie devenue la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie (la caisse) a, après diverses démarches, saisi une juridiction de sécurité sociale contre chacun des héritiers encore vivants, dont M. Jean-Luc X... ;
Attendu que la caisse fait grief au jugement de déclarer l'action prescrite, alors, selon le moyen :
1°/ que l'action en recouvrement des organismes ou services payeurs de l'allocation supplémentaire prévue à l'article L 815-2, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale sur la succession du bénéficiaire après le décès de celui-ci - qui se prescrit par cinq ans à compter du jour où la caisse a eu la possibilité de prendre connaissance d'un écrit ou d'une déclaration enregistrée mentionnant exactement la date et le lieu du décès ainsi que le nom et l'adresse de l'un au moins des ayants droit - ne peut être exercée que si l'actif net de la succession excède un seuil fixé par décret ; qu'en retenant, pour dire tardive l'action engagée par la caisse, que le point de départ de la période de cinq ans était soit la date du 22 mars 2004 à laquelle la mairie de Varengeville-sur-Mer avait établi un certificat d'hérédité faisant état des différents héritiers de Fernande X..., soit celle du 24 mars 2004, date à laquelle le notaire avait écrit à la caisse pour lui faire connaître le décès de Fernande X..., sans constater que ces actes comportaient également une évaluation de l'actif successoral permettant à la caisse de savoir, à cette date, si elle devait ou non agir en recouvrement de l'allocation servie à la défunte, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.815-12 du code de la sécurité sociale ainsi que l'article 2257 ancien du code civil ;
2°/ que selon l'article L. 815-12 du code de la sécurité sociale alors applicable, l'action en recouvrement se prescrivait par cinq ans à compter de l'enregistrement d'un écrit ou d'une déclaration mentionnant exactement la date et le lieu du décès du défunt ainsi que le nom et l'adresse de l'un au moins des ayants droit ; qu'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception mettant en demeure l'un au moins des ayants droit de payer une somme au titre de ce recouvrement vaut commandement interruptif de prescription au sens de l'article 2244 ancien du code civil ; qu'en refusant, pour dire tardive l'action de la caisse, de tenir compte des mises en demeure de payer adressées par la caisse par lettres recommandées à M. X... les 14 avril et 28 novembre 2008, le tribunal a violé l'article L. 815-12, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu, selon le dernier alinéa de l'ancien article L. 815-12 du code de la sécurité sociale, que l'action en recouvrement des organismes ou services payeurs de l'allocation supplémentaire prévue à l'ancien article L.815-2 alinéa 1er du même code sur la succession du bénéficiaire après le décès de celui-ci se prescrit par cinq ans à compter du jour de l'enregistrement d'un écrit ou d'une déclaration mentionnant exactement la date et le lieu du décès ainsi que le nom et l'adresse de l'un au moins des ayants droit ; que l'enregistrement d'un acte s'entend non pas du jour où la caisse en a effectivement eu connaissance mais du jour où il a été rendu public et où la caisse a eu la possibilité d'en prendre connaissance, peu important que la caisse ait eu connaissance de l'importance de l'actif successoral ;
Et attendu que le jugement, après avoir constaté qu'un certificat d'hérédité avait été établi le 22 mars 2004 par la mairie du lieu du décès et rappelé les termes de l'article 2244 du code civil, retient que le premier acte interruptif de prescription est la requête du 3 avril 2009 saisissant le tribunal ;
Que de ces constatations et énonciations le tribunal a exactement déduit que l'action en recouvrement de la caisse était prescrite ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir constaté que l'action exercée par la CARSAT de Normandie en recouvrement des arrérages servis à Mme Fernande X... au titre de l'allocation supplémentaire à l'encontre de ses héritiers était prescrite et d'avoir déclaré irrecevable la demande formée par la CARSAT de Normandie à l'égard de M. Jean-Luc X... ;
AUX MOTIFS QUE «L'ordonnance n°2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse a modifié notamment les articles L 815-1 et suivants du code de la sécurité sociale qui instituaient une allocation supplémentaire ; que l'article 2 de cette ordonnance prévoit que les personnes qui, à la date d'entrée en vigueur de la présente ordonnance, soit le 1er janvier 2006, sont titulaires de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L 815-2, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance, continuent à percevoir ces prestations selon les règles applicables avant cette entrée en vigueur ; qu'aux termes de l'article L 815-12 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2004-605 du 24 juin 2004 précitée, «Les arrérages servis au titre de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-2 ou à l'article L. 815-3 du code de la sécurité sociale sont recouvrés en tout ou en partie sur la succession de l'allocataire lorsque l'actif net est au moins égal à un montant fixé par décret. Lorsque la succession de l'allocataire, en tout ou partie, comprend un capital d'exploitation agricole: terres, cheptel mort ou vif, bâtiments d'exploitation, éléments végétaux constituant le support permanent de la production, tels que arbres fruitiers, vignes, etc., ce capital n'est retenu, pour l'application de l'alinéa précédent, que pour 30 p. 100 de sa valeur. Ces dispositions sont applicables aux successions s'ouvrant à compter de la date de publication de la présente loi. Le recouvrement est effectué par les organismes ou services payeurs de l'allocation dans des conditions et selon des modalités fixées par décret. Les sommes recouvrables sont garanties par une hypothèque légale prenant rang à la date de son inscription. L'action en recouvrement se prescrit par cinq ans à compter du jour de l'enregistrement d'un écrit ou d'une déclaration mentionnant exactement la date et le lieu du décès du défunt ainsi que le nom et l'adresse de l'un au moins des ayants droit» ; que l'article D. 815-1 en vigueur à cette date mentionne que le montant à partir duquel il est procédé au recouvrement sur la succession de l'allocataire des arrérages servis à ce dernier au titre de l'allocation supplémentaire du fonds national de solidarité est fixé à 39.000 euros ; qu'il résulte de l'article L 815-12 précité que l'enregistrement d'un acte s'entend non pas du jour où la caisse en a effectivement eu connaissance mais du jour où il a été rendu public et où la caisse a eu la possibilité d'en prendre connaissance ; que de plus, en vertu de l'article 2244 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, « une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir», étant précisé que l'article 2241 du code civil issu de cette loi du 17 juin 2008 prévoit que «la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion» ; qu'en l'espèce, Mme Fernande X..., bénéficiaire d'une allocation supplémentaire versée par la CRAM de Normandie est décédée le 8 février 2004, laissant à sa succession cinq héritiers, M. Alain X..., M. Jean-Luc X..., M. Denis X..., Mme Marie-Andrée X... et M. François X... ; qu'un certificat d'hérédité établi par la mairie de VARENGEVILLE SUR MER le 22 mars 2004 faisait état des différents héritiers de Mme Fernande X..., de sorte que la CRAM était susceptible de connaître à partir de cette date les éléments visés au dernier alinéa de l'article L 815-12 précité, à savoir la date et le lieu du décès du défunt ainsi que le nom et l'adresse de l'un au moins des ayants droit ; qu'en outre, la CRAM indique dans une lettre du 4 juillet 2005 adressée à Me Y..., notaire chargé de la succession de Mme X..., qu'un courrier de ce dernier daté du 24 mars 2004 a été transmis à l'agence comptable de la caisse et que son intervention est tardive en raison de problèmes techniques concernant le basculement informatique entre le service chargé du paiement des arrérages et celui chargé du recouvrement sur la succession ; que dès lors, la caisse était informée à partir du 24 mars 2004 du décès de Mme X... ; qu'or, le premier acte interruptif de prescription est la requête datée du 3 avril 2009 et déposée par la CRAM de Normandie le 6 avril 2009, comme cela résulte du cachet de la poste, étant précisé que le recours est parvenu au secrétariat le 9 avril 2009, date de son enregistrement ; que même si une autre juridiction a condamné l'un des héritiers de Mme X... à payer une somme à la CRAM de Normandie, il convient de noter, d'une part, que le défendeur n'était ni présent ni représenté lors de l'audience devant cette juridiction et, d'autre part, que le moyen tiré de la prescription n'avait pas été soulevé ; que le tribunal de céans ne peut que constater que la requête de la CRAM de Normandie est intervenue plus de cinq ans après le point de départ du délai de prescription fixé au 24 mars 2004 ; qu'en raison de l'acquisition de la prescription prévue par l'article L. 815-12 du code de la sécurité sociale, la demande de la CRAM à l'encontre de M. Jean-Luc X... est irrecevable» ;
1°/ ALORS QUE l'action en recouvrement des organismes ou services payeurs de l'allocation supplémentaire prévue à l'article L. 815-2, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale sur la succession du bénéficiaire après le décès de celui-ci - qui se prescrit par cinq ans à compter du jour où la caisse a eu la possibilité de prendre connaissance d'un écrit ou d'une déclaration enregistrée mentionnant exactement la date et le lieu du décès ainsi que le nom et l'adresse de l'un au moins des ayants droit - ne peut être exercée que si l'actif net de la succession excède un seuil fixé par décret ; qu'en retenant, pour dire tardive l'action engagée par la caisse, que le point de départ de la période de cinq ans était soit la date du 22 mars 2004 à laquelle la mairie de Varengeville sur Mer avait établi un certificat d'hérédité faisant état des différents héritiers de Mme X..., soit celle du 24 mars 2004, date à laquelle le notaire avait écrit à la caisse pour lui faire connaître le décès de Madame X..., sans constater que ces actes comportaient également une évaluation de l'actif successoral permettant à la caisse de savoir, à cette date, si elle devait ou non agir en recouvrement de l'allocation servie à la défunte, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 815-12 du code de la sécurité sociale ainsi que l'article 2257 ancien du code civil ;
2°/ ALORS QUE selon l'article L. 815-12 du code de la sécurité sociale alors applicable, l'action en recouvrement se prescrivait par cinq ans à compter de l'enregistrement d'un écrit ou d'une déclaration mentionnant exactement la date et le lieu du décès du défunt ainsi que le nom et l'adresse de l'un au moins des ayants droits ; qu'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception mettant en demeure l'un au moins des ayants droits de payer une somme au titre de ce recouvrement vaut commandement interruptif de prescription au sens de l'article 2244 ancien du code civil ; qu'en refusant, pour dire tardive l'action de la caisse, de tenir compte des mises en demeure de payer adressées par la CARSAT par lettres recommandées à Monsieur X... les 14 avril et 28 novembre 2008, le tribunal a violé l'article L. 815-12, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale.