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12/04/2012 | FRANCE | N°10-27016

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 12 avril 2012, 10-27016


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique qui est recevable :

Vu les articles 4, 7 alinéa 2-1° et 8 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux ;

Attendu, selon le deuxième de ces textes, que si les époux n'ont ni désigné la loi applicable, ni fait de contrat de mariage, la loi interne de l'Etat où ils ont tous deux leur résidence habituelle devient applicable à leur régime matrimonial, aux lieu et place de celle à laquelle celui-ci était,
conformément a

u premier, initialement soumis, à partir du moment où ils y fixent leur résidence ha...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique qui est recevable :

Vu les articles 4, 7 alinéa 2-1° et 8 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux ;

Attendu, selon le deuxième de ces textes, que si les époux n'ont ni désigné la loi applicable, ni fait de contrat de mariage, la loi interne de l'Etat où ils ont tous deux leur résidence habituelle devient applicable à leur régime matrimonial, aux lieu et place de celle à laquelle celui-ci était,
conformément au premier, initialement soumis, à partir du moment où ils y fixent leur résidence habituelle, si la nationalité de cet Etat est leur nationalité commune, et, selon le troisième, que ce changement de la loi applicable n'a d'effet que pour l'avenir, les biens appartenant aux époux antérieurement n'étant pas soumis à la loi désormais applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et Mme
Y...
, tous deux de nationalité française, se sont mariés le 29 juillet 1999 à Manhattan, Etat de New-York (Etats-Unis), où ils ont vécu pendant un an avant de rentrer en France ; que M. X... a assigné son épouse en divorce en octobre 2007 ;

Attendu que, pour statuer sur la prestation compensatoire au vu du patrimoine estimé ou prévisible des époux après la liquidation du régime matrimonial, la cour d'appel, faisant application des deux derniers des textes susvisés, a considéré que les époux étaient soumis au régime français de la communauté légale du fait de leur résidence commune en France ;

Qu'en statuant ainsi, alors que M. X... et Mme
Y...
, ayant résidé un an à New-York, ont été soumis pendant cette période au régime matrimonial régi par la loi américaine, que le régime légal français de la communauté de biens ne s'est appliqué qu'à leur retour en France, de sorte qu'il convenait de diviser en deux masses les biens des époux pour dissocier ceux soumis au droit américain de ceux soumis au droit français, afin de prendre en compte le sort des biens dépendant de leur premier régime pour envisager le résultat prévisible de la liquidation de leur second régime, la cour d'appel, faisant application du seul droit français, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que le régime matrimonial des époux est celui de la communauté légale et débouté Mme
Y...
de sa demande de prestation compensatoire, l'arrêt rendu le 22 juillet 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne Mme
Y...
aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la loi applicable au régime matrimonial des époux X...-Y...est la loi française et, en conséquence, d'AVOIR dit que le régime matrimonial des époux est celui de la communauté légale ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 4 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978, qui détermine la loi applicable aux régimes matrimoniaux, si les époux n'ont pas avant le mariage désigné la loi applicable à leur régime matrimonial – comme en l'espèce – celui-ci est soumis à la loi internet de l'Etat sur le territoire duquel ils établissent leur première résidence habituelle après le mariage ; qu'aux termes de l'article 7 de la Convention de La Haye, la loi compétente demeure applicable aussi longtemps que les époux n'en ont désigné aucune autre et même s'ils changent de nationalité ou de résidence habituelle ; que toutefois, selon l'alinéa 2 § 1 de cet article, si les époux n'ont ni désigné la loi applicable, ni fait de contrat de mariage, la loi interne de l'Etat où ils ont tous deux leur résidence habituelle devient applicable, aux lieu et place de celle à laquelle leur régime matrimonial était antérieurement soumis à partir du moment où ils y fixent leur résidence habituelle, si la nationalité de cet Etat est leur nationalité commune … ; que l'article 8 prévoit que le changement de loi applicable en vertu de l'article 7, alinéa 2, n'a d'effet que pour l'avenir et les biens appartenant aux époux antérieurement à ce changement ne sont pas soumis à la loi désormais applicable ; que les deux époux ont en commun la nationalité française ; qu'il résulte par ailleurs des pièces versées qu'ils se sont mariés dans l'Etat de New York aux Etats-Unis, où ils ont vécu jusqu'au mois de mai 2000, alors qu'Eric X... travaillait pour l'ONU ; qu'Eric X... soutient qu'à compter de leur retour en France, les époux n'ont jamais repris la vie commune, Marie-Thérèse
Y...
et les enfants vivant à Paris 13ème arrondissement, dans un appartement acquis le 30 août 2000, et lui-même vivant à l'étranger ou chez des amis puis à Thionville et au Luxembourg ; que, selon Marie-Thérèse
Y...
, les époux, à leur retour en France dans le courant de l'année 2000, ont fixé le domicile de la famille ... à Paris et se sont séparés au mois de décembre 2002 ; qu'Eric X... verse au soutien de ses déclarations de nombreuses pièces rédigées en langue anglaise, non traduites, qui seront dès lors écartées des débats ; que les pièces qu'il verse en langue française sont insuffisantes pour établir que les époux n'ont pas eu de résidence habituelle en France à compter de leur retour des Etats-Unis au mois de mai 2000, au regard des éléments produits par Marie-Thérèse
Y...
; que notamment, cette dernière communique plusieurs pièces qui établissent que les époux ont eu une résidence commune habituelle en France sise ...jusqu'à la fin de l'année 2002 ; qu'elle produit notamment des factures en date des 30 mai 2002 et 19 juin 2002 et des correspondances établies au nom des deux époux à cette adresse, un relevé de compte bancaire au nom de Monsieur X...Eric domicilié à cette même adresse et deux mains courantes en date des 3 juin 2002 et 26 décembre 2002 déposées par l'épouse qui dénoncent des faits de violences conjugales commis par son mari au sein de leur domicile à l'adresse sus visée ; qu'elle verse également une ordonnance rendue par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris, saisi par requête d'Eric X... le 30 décembre 2002 aux fins de voir fixer la résidence habituelle des enfants à son domicile ; qu'il ressort de cette décision que lors de l'audience qui s'est tenue en date du 14 mai 2003, Eric X... a indiqué « qu'actuellement, il exerce son activité professionnelle au Luxembourg, qu'il revient à Paris dans l'ancien domicile commun toutes les fins de semaine … » ; qu'au regard de ces éléments, c'est vainement qu'Eric X... soutient qu'au retour des époux en France au mois de mai 2000, ceux-ci n'ont jamais eu de résidence commune ; qu'en conséquence, par application de l'article 7, alinéa 2, de la convention de La Haye, alors qu'il est établi que les époux, tous deux français, ont fixé leur résidence habituelle en France après leur retour des Etats-Unis, la loi française doit être déclarée applicable à leur régime matrimonial, lequel se trouve en conséquence être celui de la communauté légale prévue par les articles 1400 et suivants du Code civil ; qu'Eric X... sera donc débouté de ses demandes sur ce point ;

ALORS QUE le changement de loi applicable au régime matrimonial, en raison de la fixation de la nouvelle résidence habituelle des époux dans l'Etat de leur nationalité commune, n'a d'effet que pour l'avenir, les biens appartenant aux époux antérieurement à ce changement n'étant pas soumis à la loi désormais applicable ; qu'en jugeant que le régime matrimonial des époux X...-Y...était soumis à la loi française, quand il résultait de ses propres constatations que ces derniers, de nationalité française, s'étaient mariés aux Etats-Unis et avaient fixé leur résidence habituelle à New York jusqu'au mois de mai 2000, avant revenir en France où ils avaient fixé leur nouvelle résidence habituelle, de sorte que la loi de l'Etat de New York était la première loi applicable à leur régime matrimonial et que la loi française ne pouvait régir leurs biens dès la date de leur mariage, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les articles 7 et 8 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 relative à la loi applicable aux régimes matrimoniaux.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-27016
Date de la décision : 12/04/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de La Haye du 14 mars 1978 - Loi applicable aux régimes matrimoniaux - Défaut de désignation par les époux de la loi applicable et de contrat de mariage - Fixation de la nouvelle résidence habituelle des époux dans l'Etat de leur nationalité commune - Effets - Changement de loi applicable - Effet rétroactif - Exclusion - Conséquences - Détermination - Portée

CONFLIT DE LOIS - Régimes matrimoniaux - Loi applicable - Convention de La Haye du 14 mars 1978 - Défaut de désignation par les époux de la loi applicable et de contrat de mariage - Fixation de la nouvelle résidence habituelle des époux dans l'Etat de leur nationalité commune - Effets - Changement de loi applicable - Effet rétroactif - Exclusion - Conséquences - Biens appartenant aux époux antérieurement non soumis à la nouvelle loi applicable - Portée REGIMES MATRIMONIAUX - Conflit de lois - Loi applicable - Convention de La Haye du 14 mars 1978 - Défaut de désignation par les époux de la loi applicable et de contrat de mariage - Fixation de la nouvelle résidence habituelle des époux dans l'Etat de leur nationalité commune - Effets - Changement de loi applicable - Effet rétroactif - Exclusion - Conséquences - Biens appartenant aux époux antérieurement non soumis à la nouvelle loi applicable - Portée

Il résulte des articles 4, 7, alinéa 2-1°, et 8 de la Convention de La Haye, du 14 mars 1978, sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux, que lorsque les époux n'ont ni désigné la loi applicable, ni fait de contrat de mariage, la loi interne de l'Etat où ils ont tous deux leur résidence habituelle devient applicable à leur régime matrimonial, aux lieu et place de celle à laquelle celui-ci était initialement soumis, à partir du moment où ils y fixent leur résidence habituelle, si la nationalité de cet Etat est leur nationalité commune, et, que ce changement de la loi applicable n'a d'effet que pour l'avenir, les biens appartenant aux époux antérieurement n'étant pas soumis à la loi désormais applicable. Dès lors, encourt la cassation pour violation des textes susvisés, un arrêt d'une cour d'appel qui, pour statuer sur la prestation compensatoire au vu du patrimoine estimé ou prévisible des époux après la liquidation du régime matrimonial, a retenu que ces derniers étaient soumis au régime français de la communauté légale du fait de leur résidence commune en France alors que, les époux ayant initialement résidé aux Etats-Unis, il y avait lieu de faire une application distributive du droit français et du droit américain, conduisant à diviser en deux masses les biens des époux pour dissocier ceux soumis au droit américain et ceux soumis au droit français, afin de prendre en compte le sort des biens dépendant de leur premier régime pour envisager le résultat prévisible de la liquidation de leur second régime


Références :

articles 4, 7 alinéa 2-1° et 8 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 22 juillet 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 12 avr. 2012, pourvoi n°10-27016, Bull. civ. 2012, I, n° 90
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, I, n° 90

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : Mme Falletti
Rapporteur ?: Mme Monéger
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Defrenois et Levis

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.27016
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