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23/02/2012 | FRANCE | N°11-10216

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 23 février 2012, 11-10216


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que dans la nuit du 17 au 18 décembre 2008, le véhicule appartenant à Mme X... a été incendié ; que le 22 octobre 2009, Mme X... a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) pour obtenir la somme de 860 euros, correspondant à la franchise contractuelle demeurée à sa charge, et une indemnité d'immobilisation, sur le fondement de l'article 706-14-1 du code de procédure pénale ;

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :
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ttendu que le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et autres in...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que dans la nuit du 17 au 18 décembre 2008, le véhicule appartenant à Mme X... a été incendié ; que le 22 octobre 2009, Mme X... a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) pour obtenir la somme de 860 euros, correspondant à la franchise contractuelle demeurée à sa charge, et une indemnité d'immobilisation, sur le fondement de l'article 706-14-1 du code de procédure pénale ;

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :
Attendu que le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et autres infractions (FGTI) fait grief à l'arrêt d'accueillir les demandes de Mme X..., alors, selon le moyen, que seul le préjudice lié à la destruction du véhicule terrestre à moteur brûlé est susceptible d'être indemnisé en application de l'article 706-14-1 du code de procédure pénale ; qu'il en découle, en particulier, que le préjudice tenant à l'immobilisation temporaire d'un véhicule incendié n'est pas indemnisable sur le fondement de ce texte ; qu'en mettant à la charge du FGTI une indemnité de 100 euros au titre du préjudice d'immobilisation invoqué par Mme X..., évalué à 10 euros par jour pendant dix jours, la cour d'appel a, derechef, violé ledit article 706-14-1 ;
Mais attendu que l'arrêt retient à bon droit, par motifs propres et adoptés, que l'article 706-14-1 du code de procédure pénale ne se limite pas à l'indemnisation au seul préjudice matériel ; que le droit à indemnisation couvre l'ensemble du préjudice résultant de l'infraction, dans la limite de l'indemnité maximale prévue par ce texte ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 706-14 et 706-14-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que l'arrêt accueille les demandes d'indemnisation de Mme X... tout en relevant que la victime ne demandait que le paiement du montant de la franchise au titre du préjudice lié à l'incendie de son véhicule ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des productions que la victime ait allégué que l'indemnisation qu'elle avait reçue de son assureur, déduction faite du montant de la franchise, ait été insuffisante, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 706-14 et 706-14-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que pour accueillir les demandes d'indemnisation de Mme X... l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, qu'une réparation peut être considérée comme insuffisante lorsque la victime ne possède qu'une assurance limitée couvrant son dommage ; que pour apprécier le caractère suffisant ou non de la réparation, il n'est pas illégitime, comme l'ont fait les premiers juges, de mettre en rapport le montant de la franchise avec les revenus de l'intéressée ; que la franchise contractuelle laissée à la charge de cette dernière représentait 36,5 % de son revenu mensuel ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le caractère suffisant de l'indemnité reçue de l'assureur devait être apprécié, non par rapport aux ressources de la victime, mais par rapport au montant du préjudice subi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen :
Vu les articles R. 91 et R. 92 15° du code de procédure pénale ;
Attendu que les frais exposés devant les juridictions de première instance et d'appel statuant en matière d'indemnisation des victimes d'infraction sont à la charge du Trésor public ;
Attendu qu'après avoir confirmé la décision de la CIVI, l'arrêt condamne le FGTI aux dépens ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Laisse les dépens à la charge duTrésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civiile, rejette la demande de Mme X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois février deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation de la décision entreprise, alloué à Mlle X... la somme de 860 € ;
Aux motifs propres que « la cour est saisie par Mademoiselle X... d'une demande d'indemnisation de son préjudice consécutif à la destruction de son véhicule automobile par incendie survenu le 17 décembre 2008 ; que l'article 706-14-1 du code de procédure pénale tel qu'issu de la loi du 1er juillet 2008 qui a élargi les possibilités d'indemnisation des victimes d'infractions, dispose en effet que : "L'article 706-14 est applicable à toute personne victime de la destruction par incendie d'un véhicule terrestre à moteur lui appartenant qui justifie au moment des faits avoir satisfait aux dispositions du code de la route relatives au certificat d'immatriculation et au contrôle technique ainsi qu'aux obligations prévues à l'article L. 211-1 du code des assurances, sans qu'elle ait à établir qu'elle se trouve dans une situation matérielle ou psychologique grave ; elle peut alors bénéficier d'une indemnité lorsque ses ressources ne dépassent pas 1,5 fois le plafond prévu par le premier alinéa de l'article 706-14. Le présent article s'applique dès lors que le fait a été commis sur le territoire national" ; que Mademoiselle X... justifie tout d'abord que ses ressources ne dépassent pas le plafond prévu par ce texte ; que le moyen d'irrecevabilité soulevé de ce chef par l'appelant, doit être rejeté ; qu'elle justifie encore de ce que son véhicule était en règle au moment de l'incendie ; qu'elle invoque un double préjudice constitué de la franchise prévue à son contrat d'assurance, d'un montant de 760 €, et par l'immobilisation de son véhicule qu'elle chiffre à 10 € par jour, soit un total de 100 € ; que l'appelant conteste ces postes d'indemnisation en faisant valoir qu'ils n'entrent pas dans les prévisions des articles 706-14 et 706-14-1 du code de procédure pénale ; que l'article 706-14 s'applique aux personnes qui ne peuvent obtenir une indemnisation effective et suffisante de leur préjudice ; qu'il n'est pas contestable en l'espèce que Mademoiselle X... a obtenu une indemnisation effective de son préjudice par son assureur ; qu'il est admis qu'une réparation peut être considérée comme insuffisante lorsque la victime ne possède qu'une assurance limitée couvrant son dommage ; que pour apprécier du caractère suffisant ou non de la réparation, il n'est donc pas illégitime, comme l'ont fait les premiers juges, de mettre en rapport le montant de la franchise avec les revenus de l'intéressée ; qu'en constatant que la franchise de 760 € représentait 36,50 % du revenu mensuel de Mademoiselle X..., ils ont pu justement en déduire que l'indemnisation qu'elle avait obtenue de son assureur était insuffisante ; qu'ils ont tout aussi justement rappelé que l'article 706-14 du code de procédure pénale ne se limitait pas à l'indemnisation du seul préjudice matériel ; que le droit à indemnisation couvre en effet l'ensemble du préjudice résultant de l'infraction dans la limite de l'indemnité maximum prévue par ce texte ; que le principe d'un préjudice d'immobilisation a donc été justement retenu et raisonnablement indemnisé à hauteur de 100 € ; que la décision entreprise qui a alloué à Mademoiselle X... une indemnité totale de 860 euros (760 € + 100 €) mérite en définitive entière confirmation » ;
Et aux motifs adoptés de la Civi que « l'article 706-14 du Code de procédure pénale s'applique aux personnes qui ne peuvent obtenir une indemnisation effective et suffisante de leur préjudice ; qu'en l'espèce, Mademoiselle Elsa X... a obtenu une indemnisation effective de son préjudice par son assureur ; qu'il convient toutefois d'apprécier si cette indemnisation est suffisante eu égard au montant de la franchise par rapport à ses revenus ; qu'avec un revenu mensuel moyen de 2.081,75 euros en 2008, la franchise de 760 euros représente 36,50% de son revenu mensuel ; que, dans ces conditions, l'indemnisation par l'assurance n'apparaît pas suffisante, même si Mademoiselle Elsa X... avait accepté le risque contractuel à ce niveau ; qu'il sera fait droit à la requête concernant le remboursement de la franchise ; que l'article 706-14 du Code de procédure pénale ne limite pas l'indemnisation du préjudice au seul préjudice matériel ; que le droit à indemnisation couvre l'ensemble du préjudice résultant de l'infraction dans la limite de l'indemnité maximum fixée par ce texte ; qu'il n'y a pas de raison d'écarter le préjudice d'immobilisation ; qu'en l'espèce, une immobilisation de 10 jours à 10 euros par jours apparaît être une évaluation raisonnable du préjudice d'immobilisation subi par la requérante ; qu'il sera fait droit à l'intégralité de sa demande, inférieure à l'indemnité maximum prévue par l'article 706-14 du Code de procédure pénale » ;
Alors d'une part qu'aux termes de l'article 706-14-1 du code de procédure pénale, la victime de la destruction par incendie d'un véhicule terrestre à moteur lui appartenant ne peut obtenir une indemnisation au titre de la solidarité nationale qu'à la condition que ses ressources ne dépassent pas 1,5 fois le plafond prévu par l'article 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 pour bénéficier de l'aide juridictionnelle partielle ; qu'il résulte de l'article R. 50-10 du même code que les ressources devant être prises en compte pour apprécier si la victime remplit cette condition sont, à la fois, celles de l'année ayant précédé l'infraction et celles de l'année ayant précédé la saisine de la Civi ; qu'en l'espèce, il ressort, tant des motifs de la décision de première instance entreprise (p. 2, § 9) adoptés par la cour d'appel, que de l'avis d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008 qui était produit aux débats par la victime (conclusions d'appel de Mlle X... signifiées le 25 septembre 2010, p. 5, liste des productions, n° 10), que le revenu mensuel de cette dernière en 2008, au cours de l'année ayant précédé sa requête, était de 2.081,75 € ; que ce montant était supérieur de plus de 1,5 fois au plafond prévu pour l'admission à l'aide juridictionnelle partielle, qui s'élevait à 1.328 € en 2008, à 1.367 € en 2009, au moment de la saisine de la Civi par Mlle X..., et à 1.372 € en 2010, lorsque l'arrêt attaqué a été rendu ; qu'en affirmant néanmoins que la victime justifiait de ce que ses ressources ne dépassaient pas la limite fixée à l'article 706-14-1 du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé ce texte ;
Alors d'autre part que le propriétaire d'un véhicule terrestre à moteur détruit par incendie ne peut prétendre à être indemnisé en application de l'article 706-14-1 du code de procédure pénale que s'il n'a pas la possibilité d'obtenir à un autre titre une indemnisation effective et suffisante de son préjudice ; qu'est suffisante l'indemnisation versée par un assureur sous la seule déduction de la franchise contractuellement prévue ; qu'il s'ensuit, lorsque la victime a été indemnisée par son assureur, que la solidarité nationale n'a pas vocation à supporter le coût de la franchise contractuelle éventuellement déduite de cette indemnisation ; qu'en mettant à la charge du Fonds de garantie la franchise de 760 € supportée par Mlle X..., la cour d'appel a donc violé, de plus fort, le même texte, ensemble l'article 706-14 du code de procédure pénale ;
Alors subsidiairement que le caractère suffisant ou non, au sens des articles 706-14 et 706-14-1 du code de procédure pénale, de l'indemnisation déjà reçue par la victime s'apprécie par rapport au préjudice qu'elle a subi, et non par rapport à ses revenus ; qu'en déduisant le caractère insuffisant de l'indemnisation déjà versée par l'assureur de Mlle X... de ce que la franchise contractuelle laissée à la charge de cette dernière représentait 36,5 % de son revenu mensuel, la cour d'appel a, en toute hypothèse, violé les articles 706-14 et 706-14-1 précités ;
Alors enfin que seul le préjudice lié à la destruction du véhicule terrestre à moteur brûlé est susceptible d'être indemnisé en application de l'article 706-14-1 du code de procédure pénale ; qu'il en découle, en particulier, que le préjudice tenant à l'immobilisation temporaire d'un véhicule incendié n'est pas indemnisable sur le fondement de ce texte ; qu'en mettant à la charge du F.G.T.I. une indemnité de 100 € au titre du préjudice d'immobilisation invoqué par Mlle X..., évalué à 10 € par jour pendant dix jours, la cour d'appel a, derechef, violé ledit article 706-14-1.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions aux dépens d'appel ;
Alors que les frais exposés devant les juridictions de première instance et d'appel statuant en matière d'indemnisation des victimes d'infractions sont à la charge du Trésor public, de sorte qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles R. 91 et R. 92.15° du code de procédure pénale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 11-10216
Date de la décision : 23/02/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION - Régime spécifique de l'article 706-14 du code de procédure pénale - Impossibilité d'obtenir réparation - Eléments pris en considération - Indemnité reçue de l'assureur - Caractère suffisant - Appréciation - Portée

Pour l'application de l'article 706-14-1 du code de procédure pénale, le caractère suffisant de l'indemnité reçue de l'assureur doit être apprécié, non par rapport aux ressources de la victime, mais par rapport au montant du préjudice subi


Références :

Sur le numéro 1 : articles 706-14 et 706-14-1 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 17 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 23 fév. 2012, pourvoi n°11-10216, Bull. civ. 2012, II, n° 39
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, II, n° 39

Composition du Tribunal
Président : M. Bizot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Lautru
Rapporteur ?: M. Adida-Canac
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.10216
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