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09/02/2012 | FRANCE | N°11-10244

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 février 2012, 11-10244


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 octobre 2010), que, poursuivi disciplinairement, M. X..., associé unique de la SELARL Office notarial du forum dont il était le gérant, a été suspendu provisoirement le 15 novembre 2001 ; que la SCP Gilles, Ceyrac, de Burhen, Montes, Bigot (la SCP) a été désignée en qualité d'administrateur ; que par une décision désormais irrévocable (Paris, 19 décembre 2006) rendue sur renvoi après cassation (Cass

1re civ 30 mai 2006 pourvoi n° 05-12.719), le notaire associé a été condamné ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 octobre 2010), que, poursuivi disciplinairement, M. X..., associé unique de la SELARL Office notarial du forum dont il était le gérant, a été suspendu provisoirement le 15 novembre 2001 ; que la SCP Gilles, Ceyrac, de Burhen, Montes, Bigot (la SCP) a été désignée en qualité d'administrateur ; que par une décision désormais irrévocable (Paris, 19 décembre 2006) rendue sur renvoi après cassation (Cass 1re civ 30 mai 2006 pourvoi n° 05-12.719), le notaire associé a été condamné à la peine de la destitution, avec, pour conséquence, la dissolution de la société notariale et la désignation de la SCP en qualité de liquidateur ; que M. X... a engagé une action contre la SCP pour obtenir le paiement de sa rémunération en qualité de gérant pour la période du 15 novembre 2001 au 30 mai 2006 et de dommages-intérêts ;
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que conformément aux dispositions de la loi du 31 décembre 1990 relative aux sociétés d'exercice libéral et du décret du 13 janvier 1993, le gérant de la société bénéficie d'une rémunération fixée par l'assemblée générale des associés et cette rémunération reste due à défaut de décision contraire prise par l'assemblée générale, conformément à l'article 49 de la loi du 24 juillet 1966 et aux règles relatives à la rémunération du gérant ; que la cour d'appel a relevé que, par le seul effet de la suspension de ses fonctions de notaire par décision du 15 novembre 2001, M. X... ne pouvait continuer à exercer ses fonctions de gérant de la société ; que dès lors, la cour d'appel n'a pas opéré de distinction entre les fonctions sociale et professionnelle ni tenu compte de ce que la rémunération du gérant n'est pas liée à l'exercice des fonctions mais reste due jusqu'à leur cessation légalement décidée, cessation pour laquelle la SCP Gilles et autres, administrateur de l'office notarial puis liquidateur de ce même office mais non de la société le détenant, n'avait pas observé le formalisme prévu par le droit des sociétés applicable ; qu'en statuant ainsi, et en niant le droit, pour M. X... d'être payé d'une créance quantifiée, actuelle et existante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées, ensemble de l'article 1er du Protocole 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que dans ses conclusions, M. X... a fait valoir que la SCP Gilles, administrateur puis liquidateur, n'avait pas exécuté les obligations liées à sa mission, avait omis d'accomplir les actes et formalités relatifs au fonctionnement de la société puis à sa liquidation, avait cédé l'office notarial sans lui laisser la faculté de céder ses parts, n'avait pas accompli les actes nécessaires de gestion, ce qui avait conduit à la perte de la valeur de l'office ; que la cour d'appel n'a pas contesté ces manquements mais a relevé que M. X... avait commis des fautes de gestion excluant la responsabilité de la SCP Gilles ; que la cour d'appel a imputé ainsi le préjudice subi par M. X..., constitué tant par le défaut de perception de sa rémunération de gérant que par la perte de valeur de l'office notarial, aux infractions aux règles de sa profession, mais n'a pas recherché les conséquences, quant au préjudice subi, des manquements de la SCP Gilles qui, postérieurs à l'éviction de M. X... et d'une autre nature, avaient affecté la gestion de l'office notarial puis sa liquidation ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, que l'officier public ou ministériel provisoirement suspendu est tenu de s'abstenir de tout acte professionnel en application des articles 26 et 34 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 modifiée ; que la cour d'appel en a exactement déduit que lorsqu'il fait l'objet d'une suspension provisoire, le notaire associé au sein d'une société d'exercice libéral est, le cas échéant, dessaisi des fonctions de dirigeant que l'article 12 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 modifiée réserve aux associés en exercice ; que c'est, partant, à bon droit que l'arrêt retient que M. X... ne pouvait prétendre à une rémunération des fonctions de gérant dont il a été privé par l'effet de la suspension provisoire ; qu'ensuite, ayant constaté, par un motif qui n'est pas critiqué, qu'au soutien de sa demande indemnitaire, le notaire destitué procédait par voie de simples affirmations, sans la moindre offre de preuve, la cour d'appel a estimé que la situation dégradée de l'office était, en réalité, antérieure, et non postérieure, à l'intervention de l'administrateur, puisqu'elle était imputable aux détournements de fonds et aux infractions comptables commis par M. X..., justifiant ainsi légalement sa décision de ce chef ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer à la société Gilles, Ceyrac, de Burhen, Montes, Bigot, Guichard, Lucas la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour M. X....
Le moyen fait grief à la cour d'appel d'avoir rejeté la demande de Monsieur X... aux fins de voir condamner la SCP GILLES et autres, liquidateur, à lui payer la somme de 619 918 € au titre de sa part de rémunération lui revenant pour la période du 15 novembre 2001 au 19 décembre 2006, charges sociales en sus, et la somme de 15 000 € à titre de dommages intérêts ;
AUX MOTIFS QU'au soutien de son appel, Monsieur X... expose que son activité s'exerçant en SELARL, il était soumis aux dispositions du code de commerce et avait donc, en qualité d'associé unique de l'EURL, fixé à la somme de 10 162 € mensuels sa rémunération par une décision d'assemblée générale du 2 novembre 2001 ; que l'article 48 du décret du 13 janvier 1993, pris pour l'application de la loi du 31 décembre 1990, relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales à statut réglementé précise que l'associé suspendu conserve son droit à rémunération, réduit de moitié, durant toute la période de suspension, que la délibération lui assurant cette rémunération n'ayant pas été contestée selon les règles du droit des sociétés, elle est devenue incontestable, et que, du fait de l'autonomie du droit des sociétés, il peut prétendre non pas à la moitié de la rémunération votée en tant qu'associé suspendu comme il le pensait, mais à sa totalité, en tant que gérant de la SELARL dont il est demeuré associé jusqu'à sa dissolution par arrêt du 16 décembre 2006 ; qu'il fait valoir que la SCP n'a pas établi les comptes de la SELARL comme elle en avait le devoir, ni ne les a soumis à l'assemblée générale pour approbation, alors qu'il est toujours inscrit au registre du commerce comme le gérant ; qu'il invoque l'article 1er du protocole n° 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui serait violé s'il n'était pas fait droit à sa réclamation ; que la SCP fait valoir que Monsieur X... ne peut prétendre à une rémunération de gérant qu'il n'a pas exercée puisque suspendu et donc dessaisi de ses fonctions, seule sa qualité de notaire pouvant lui permettre d'être gérant de la SELARL ; que la demande procède d'une fraude puisque, en votant sa rémunération le 2 novembre 2001, il a manqué aux devoirs de sa charge, puisqu'à cette date, sa comptabilité n'était pas sincère ; que l'ordonnance du 28 juin 1945 n'autorise l'administrateur qu'à payer les charges afférentes au fonctionnement de l'office, ce qui exclut les rémunérations statutaires ; que la situation de l'office était gravement obérée et ne permettait aucun règlement d'aucune nature ; que le texte cité de la convention européenne des droits de l'homme n'est pas applicable, les Etats conservant le droit de réglementer l' usage des biens conformément à l'intérêt général ; que les comptes ne peuvent toujours pas être arrêtés du fait des procédures en cours ; que Monsieur X... entend tirer argument des dispositions de la loi du 31 décembre 1990 qui permettent aux professions réglementées d'exercer sous forme de sociétés d'exercice libéral, pour soutenir que, gérant de la SELARL Office notarial du Forum dont il était l'associé unique, sa rémunération ne pouvait qu'être celle prévue par la délibération qu'il avait prise en ce sens, quelques jours avant sa suspension, toute modification supposant son accord ; que cependant, la SCP lui oppose à juste titre le fait qu'il n'a pu être gérant de la société en question que parce qu'il était notaire, conformément à l'ordonnance du 28 juin 1945, de sorte qu'à compter de sa suspension des fonctions de notaire, par décision du 15 novembre 2001, il ne pouvait plus être gérant d'une société d'exercice de la profession de notaire, et ne l'a d'ailleurs plus été, un administrateur ayant été désigné ; qu'il résulte de ce simple constat, que Monsieur X... n'étant plus gérant, il n'avait plus aucun droit à sa rémunération de gérant, qu'il s'était votée treize jours auparavant, à partir de la date de la décision ci-dessus évoquée, rendant sans portée l'ensemble des autres moyens qu'il invoque à ce titre ; qu'il en est ainsi lorsqu'il soutient qu'en application de l'article 1er du protocole n° 1 de la convention européenne des droits de l'homme, qui prévoit que chacun a droit au respect de ses biens et ne peut en être privé, il a droit au montant qu'il réclame en ce qu'il constitue une créance qu'il détient sur la SCP, du fait des textes du code de commerce et du décret du 13 janvier 1993 ; que ce raisonnement reposant en effet sur le fait que la créance invoquée est celle liée à son statut de gérant, il devient en conséquence inopérant pour les motifs déjà énoncés ; qu'il en va également de même de l'argument tiré du fait que la SCP a engagé sa responsabilité en ne versant pas au greffe du tribunal de commerce la copie de l'arrêt ordonnant la liquidation, en ne convoquant pas l'assemblée générale, en ne déclarant pas la cessation des paiements à défaut de fonds disponibles, pour payer les dettes, en cédant l'office sans lui laisser la faculté de céder ses parts, alors qu'il n'en tire la conséquence d'aucun préjudice qui lui soit personnel, à l'exception du fait que, faute de respect de ces formalités, sa rémunération de gérant lui reste acquise ; que Monsieur X... abandonnant expressément dans ses écritures le moyen tiré de sa qualité d'associé, indépendamment de celle de gérant, qui lui donnerait droit en application de l'article 48 du décret du 13 janvier 1993, à la moitié de sa rémunération, durant la période de suspension, il n'y a plus lieu de s'interroger sur la revendication par lui d'une rémunération qui lui serait due à ce titre ; que Monsieur X... fait encore valoir que la SCP a manqué à ses obligations en ne déposant pas les comptes de la société au tribunal de commerce et en ne les soumettant pas non plus à l'assemblée générale, ce qui a entraîné une baisse du chiffre d'affaires ; que cependant, au-delà de cette affirmation, qu'il n'étaie par aucune pièce de nature à en conforter la réalité, il n'en tire aucune conséquence à son égard, de sorte qu'elle est sans portée ; que Monsieur X... soutient également que la SCP a engagé sa responsabilité en ne faisant pas appel au conseil régional des notaires pour combler les dépenses de fonctionnement, comme le prévoient les articles 20 et 28 de l'ordonnance du 28 juin 1945, ce qui lui aurait permis d'être rétribué puisque sa rémunération est une charge de fonctionnement ; que la SCP lui oppose exactement que sa créance ne pouvait être supportée par le conseil régional, n'étant pas une dépense de fonctionnement, au sens de ces textes, de sorte qu'il n'y a pas eu faute ; qu'elle souligne en outre judicieusement qu'à supposer que le conseil régional ait avancé les sommes en question, elles étaient soumises à recours contre lui, de sorte que son argument est sans valeur ; que de manière répétitive et générale, Monsieur X... prétend que la perte de valeur de son office ou ses mauvais résultats financiers, entraînant sa liquidation et la perte pour lui de la rétribution qu'il en espérait, sont exclusivement dus à l'incurie de la SCP nommé administrateur puis liquidateur, qui n'a pas accompli les diligences indispensables ou négligé les actes de gestion ; qu'il sera rappelé à Monsieur X... les termes de l'arrêt désormais définitif du 19 décembre 2006, ayant prononcé sa destitution, qui énonce que sa comptabilité n'était ni fiable ni sincère, depuis au moins 1999, date de l'inspection ayant donné lieu aux poursuites, soit bien avant l'intervention de l'administrateur, que cet office présentait des « anomalies comptables graves » et que son titulaire avait commis des « manquements persistants aux règles de sa profession » bien avant cette désignation, qu'en 2000, pendant 52 jours, la couverture des comptes clients n'a pas été assurée, que la même année, il a à plusieurs reprises contracté des emprunts personnels sous seing privé auprès de ses clients, fait des prêts personnels à d'autres, et s'est porté caution d'autres encore, qu'il a, en plusieurs occasions, établi des chèques pour des tiers sans être provisionné par des clients, détournant ainsi des sommes d'autres comptes détenus par lui, ou fait des sommes déposées un usage contraire à celui prévu ; que ces motifs excluent eux seuls que la SCP administrateur puisse être tenue responsable de la perte financière de l'office ;
1) ALORS QUE conformément aux dispositions de la loi du 31 décembre 1990 relative aux sociétés d'exercice libéral et du décret du 13 janvier 1993, le gérant de la société bénéficie d'une rémunération fixée par l'assemblée générale des associés et cette rémunération reste due à défaut de décision contraire prise par l'assemblée générale, conformément à l'article 49 de la loi du 24 juillet 1966 et aux règles relatives à la rémunération du gérant ; que la cour d'appel a relevé que, par le seul effet de la suspension de ses fonctions de notaire par décision du 15 novembre 2001, Monsieur X... ne pouvait continuer à exercer ses fonctions de gérant de la société ; que dès lors, la cour d'appel n'a pas opéré de distinction entre les fonctions sociale et professionnelle ni tenu compte de ce que la rémunération du gérant n'est pas liée à l'exercice des fonctions mais reste due jusqu'à leur cessation légalement décidée, cessation pour laquelle la SCP GILLES et autres, administrateur de l'office notarial puis liquidateur de ce même office mais non de la société le détenant, n'avait pas observé le formalisme prévu par le droit des sociétés applicable ; qu'en statuant ainsi, et en niant le droit, pour Monsieur X... d'être payé d'une créance quantifiée, actuelle et existante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées, ensemble de l'article 1er du Protocole 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2) ALORS QUE dans ses conclusions, Monsieur X... a fait valoir que la SCP GILLES, administrateur puis liquidateur, n'avait pas exécuté les obligations liées à sa mission, avait omis d'accomplir les actes et formalités relatifs au fonctionnement de la société puis à sa liquidation, avait cédé l'office notarial sans lui laisser la faculté de céder ses parts, n'avait pas accompli les actes nécessaires de gestion, ce qui avait conduit à la perte de la valeur de l'office ; que la cour d'appel n'a pas contesté ces manquements mais a relevé que Monsieur X... avait commis des fautes de gestion excluant la responsabilité de la SCP GILLES ; que la cour d'appel a imputé ainsi le préjudice subi par Monsieur X..., constitué tant par le défaut de perception de sa rémunération de gérant que par la perte de valeur de l'office notarial, aux infractions aux règles de sa profession, mais n'a pas recherché les conséquences, quant au préjudice subi, des manquements de la SCP GILLES qui, postérieurs à l'éviction de Monsieur X... et d'une autre nature, avaient affecté la gestion de l'office notarial puis sa liquidation ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-10244
Date de la décision : 09/02/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 fév. 2012, pourvoi n°11-10244


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Roger et Sevaux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.10244
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