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25/01/2012 | FRANCE | N°10-83352

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 janvier 2012, 10-83352


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'Autorité de la concurrence,

contre l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 19 février 2010, qui a annulé l'ordonnance n° 25/06 du juge des libertés et de la détention autorisant la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, à effectuer des opérations de visite et de saisie en vue de la recherche de pratiques anti-concurrentielles ;

Vu les mémoires en demand

e, en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'Autorité de la concurrence,

contre l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 19 février 2010, qui a annulé l'ordonnance n° 25/06 du juge des libertés et de la détention autorisant la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, à effectuer des opérations de visite et de saisie en vue de la recherche de pratiques anti-concurrentielles ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 450-4 et R. 450-2 du de commerce, 56 du code de procédure pénale, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a annulé "l'ordonnance rendue le 30 juin 2006" par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Nanterre, en tant qu'elle a autorisé les opérations de visites et saisie dans les locaux de la société Procter et Gamble France et dans ceux de la société Groupe Gillette France, aux droits de laquelle vient Procter et Gamble France ;

"aux motifs que sur le grief d'absence de production, à l'appui de la requête, de l'ensemble des documents détenus par l'administration, aux termes de l'article L. 450-4, deuxième alinéa, du code de commerce : "Le juge doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite" ; qu'en l'occurrence, il s'infère de l'ordonnance entreprise que les indices retenus par le juge des libertés et de la détention pour fonder sa décision reposent pour l'essentiel sur les premières mesures d'enquête ayant fait suite aux opérations de visites et saisie du 3 février 2006 dans le secteur des produits d'entretien et des insecticides ménagers, lesquelles "semblent montrer que l'Ilec et PBMO Corporate pourraient avoir outrepassé leur rôle d'expertise également dans le secteur des produits d'hygiène et du soin du corps, en donnant la possibilité aux entreprises fournissant la grande distribution d'échanger des informations confidentielles leur permettant d'avoir une connaissance globale de l'état des discussions entre distributeurs et fournisseurs et d'adapter en conséquence leur politique commerciale" ; qu'ainsi que le fait justement observer la société Procter et Gamble, aucun procès-verbal, ni aucune pièce provenant d'une précédente mesure d'enquête, censé démontrer que l'ILEC et la société PBMO Corporate auraient mis en place des systèmes permettant d'échanger des informations confidentielles entre entreprises adhérentes, n'a été annexée à la requête soumise au premier juge ; qu'en effet, les pièces annexées à la requête présentée au premier juge ne font pas état des premières mesures d'enquête susvisées, sur lesquelles la décision de première instance s'est appuyée pour autoriser les opérations de visite et saisie ; que l'Autorité de la concurrence, contestant que les documents issus des visites et saisies réalisées le 3 février 2006 dans le secteur des produits d'entretien et des insecticides ménagers aient été utilisés par l'administration pour obtenir l'ordonnance entreprise, soutient que c'est dans le cadre de son obligation de collaboration totale et loyale ultérieure aux opérations de visites et saisies du 3 février 2006 qu'un premier demandeur de clémence a soumis au conseil de la concurrence de nouveaux documents concernant la société PBMO Corporate, et figurant à l'annexe 5 de la note des rapporteurs déposée au titre de la mesure d'autorisation obtenue, également par ordonnance du 30 juin 2006, dans le secteur des produits d'entretien et des insecticides ménagers ; qu'elle précise que les suspicions relatives à l'association ILEC ressortent d'un procès-verbal de déclaration du 3 avril 2006 réalisé sur le fondement du droit de communication de l'article L. 450-3 du code de commerce qui est mentionné dans la note des rapporteurs susvisés ; qu'il n'est pas démontré, ni même allégué, que ces nouveaux éléments issus des mesures d'enquête complémentaire étaient annexés à la requête ayant donné lieu à l'ordonnance, objet du présent recours, se rapportant au secteur des produits d'hygiène et de soin du corps ; qu'il n'apparaît pas davantage que le procès-verbal du 3 avril 2006 dont se prévaut l'Autorité de la concurrence ait été communiqué au premier juge, ni que la note des rapporteurs fasse la moindre référence au rôle que l'ILEC a pu jouer dans le cadre des pratiques incriminées dans le domaine des produits d'hygiène et de soin du corps ; qu'il s'ensuit que le magistrat n'a pas été mis en mesure de procéder à l'examen concret des éléments de preuve que l'administration avait apparemment en sa possession ; qu'au regard de ce qui précède, il s'avère que le juge des libertés et de la détention ne disposait pas, au sens de l'article L. 450-4 deuxième alinéa du code de commerce, d'éléments suffisants d'information de nature à justifier la visite des locaux de la société Procter et Gamble et de la société Groupe Gillette France aux droits de laquelle vient Procter et Gamble France, ce qui vicie l'ordonnance dont celle-ci a interjeté appel ; que sur les griefs d'absence de présomptions suffisantes et d'absence de mise en cause de Procter et Gamble par le demandeur de clémence, aux termes de l'article L. 450-4 deuxième alinéa du code de commerce : "Lorsque la visite vise à permettre la constatation d'infractions aux dispositions du livre IV du présent code en train de se commettre, la demande d'autorisation peut ne comporter que des indices permettant de présumer, en l'espèce, l'existence des pratiques dont la preuve est recherchée" ; qu'en l'occurrence, le juge des libertés et de la détention relève que les pratiques illicites, "qui auraient débuté en 2001, se seraient au moins poursuivies jusqu'au 3 février 2006, date à laquelle la DGCCRF a procédé à des visites et saisies sur le fondement de l'article L. 450-4 du code de commerce dans le secteur des produits d'entretien et des insecticides ménagers par autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Nanterre des 31 janvier 2006 et 2 février 2006 ; qu'il n'est pas exclu que ces agissements perdurent dans le secteur des produits d'hygiène et du soin du corps nonobstant les investigations déjà réalisées dans le secteur des produits d'entretien et des insecticides ménagers" ; que toutefois, ainsi que la société Procter et Gamble le met en évidence, il n'existe aucun élément de nature à laisser supposer que ces pratiques illicites se seraient poursuivies au-delà du 3 février 2006, soit durant les quatre mois ayant précédé le prononcé de l'ordonnance entreprise, dans le secteur des produits d'entretien et des insecticides ménagers, et a fortiori dans celui des produits d'hygiène et de soins du corps, qui est l'objet de cette ordonnance ; que dans la mesure où rien n'autorise à conclure que des infractions auraient été commises dans l'intervalle, ou que des pratiques illicites auraient perduré notamment depuis les premières investigations effectuées le 3 février 2006 dans le secteur parallèle des produits d'entretien et des insecticides ménagers, le juge des libertés et de la détention ne pouvait valablement autoriser les opérations de visite et saisie litigieuses sur la base de simples indices permettant de présumer l'existence des pratiques dont la preuve était recherchée ; qu'à titre surabondant, les présomptions susceptibles d'être retenues à l'encontre de la société Procter et Gamble apparaissent d'autant moins caractérisées que, ni le procès verbal de réception du demandeur de clémence, ni la requête soumise au premier juge (lesquelles visent exclusivement la société Gillette) ne mentionnent la participation de représentants de cette société à des réunions dans le secteur des produits d'hygiène et de soins du corps ; qu'à cet égard, si la note établie le 23 juin 2006 par les deux rapporteurs du conseil de la concurrence fait état de ce que la société Gillette (groupe Procter et Gamble) a participé à ces réunions, la circonstance que cette société soit devenue une filiale de Procter et Gamble France le 30 novembre 2005, soit postérieurement aux réunions auxquelles la société Gillette aurait participé, ne peut, à elle seule, constituer un indice suffisant pour présumer que la société Procter et Gamble France serait impliquée dans les pratiques illicites dont la preuve est recherchée ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence d'élément permettant de faire la relation entre la société Procter et Gamble France et les pratiques illicites litigieuses, le premier juge ne pouvait valablement autoriser les opérations de visite et saisie dans les locaux de la société Procter et Gamble France ; que, dès lors, il convient d'annuler cette ordonnance en tant qu'elle a autorisé la visite des locaux des sociétés Procter et Gamble France et Groupe Gillette France, avec toutes conséquences de droit, et d'ordonner la restitution à la société Procter et Gamble des pièces saisies ;

1°) "alors que la demande d'autorisation peut ne comporter que les indices permettant de présumer l'existence des pratiques dont la preuve est recherchée, dès lors que la visite vise à permettre la constatation d'infractions aux dispositions du livre IV du code de commerce en train de se commettre ; qu'ainsi, l'existence d'une demande de clémence présentée par une société dénonçant une entente, et la note des rapporteurs qui en rend compte et contient en annexe des pièces relatives aux sociétés du secteur soupçonnées de participer à l'entente, justifient que le juge autorise les visites et saisies à l'encontre des entreprises soupçonnées, ainsi que celles qui les ont absorbées ; qu'en l'espèce, pour infirmer l'autorisation de visites et saisies dans les locaux de la société Procter et Gamble, le premier président de la cour d'appel a jugé qu'il n'existait aucun élément de nature à laisser supposer que les pratiques illicites se seraient poursuivies au-delà du 3 février 2006 et, que la société Gillette n'était devenue une filiale de la société Procter et Gamble que le 30 novembre 2005 ; qu'en statuant ainsi, tandis que le procès verbal de réception de la demande de clémence, faisant état de pratiques prohibées, datait du 28 février 2006, que la note des rapporteurs, explicitant les pratiques des entreprises du secteur en vigueur depuis plusieurs années, datait du 23 juin 2006 et qu'y étaient jointes des annexes impliquant à la fois la société Procter et Gamble et la société Gillette France, peu important dès lors la date à laquelle cette dernière est devenue filiale de Procter et Gamble, puis a été absorbée, le premier président a privé sa décision de base légale ;

2°) "alors qu' en toute hypothèse, en annulant "l'ordonnance rendue le 30 juin 2006", tandis qu'il était saisi d'un recours contre deux ordonnances (n° 25/06 et 26/06) rendues le même jour, mais concernant des produits différents, le premier président, qui n'a pas précisé laquelle de ces deux ordonnances il annulait, a privé sa décision de base légale" ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure qu'une société dans les locaux de laquelle avaient été effectuées, le 3 février 2006, des visites et saisies en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurentielles dans le secteur des produits d'entretien et des insecticides ménagers, a présenté auprès du Conseil de la concurrence une demande de clémence pour sa participation à de telles pratiques dans le domaine des produits d'hygiène et de soins du corps ; que, sur requête, en date du 29 juin 2006, de la direction nationale des enquêtes de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, le juge des libertés et de la détention a, par ordonnance du 30 juin 2006, autorisé des visites et saisies, notamment dans les locaux de la société Procter et Gamble, pour rechercher la preuve desdites pratiques dans le secteur des produits d'hygiène et soins du corps ;

Attendu que, pour infirmer cette décision, sur appel de la société précitée et annuler la mesure litigieuse, l'ordonnance énonce qu'aucun élément ne laisse supposer que les pratiques illicites se seraient poursuivies au-delà du 3 février 2006, dans le secteur des produits d'hygiène et soins du corps ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi par des motifs insuffisants au regard de la poursuite des pratiques dénoncés par la demande de clémence dans le secteur d'activité concerné et alors que la demande d'autorisation contestée peut ne comporter que les indices permettant dans un secteur et à l'égard d'entreprises déterminés, de présumer l'existence de pratiques illicites dont la preuve est recherchée, le juge n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu d'examiner la seconde branche du moyen ;

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance sus-visée du premier président de la cour d'appel de Versailles, en date du 19 février 2010, relative à la décision n° 25/06 critiquée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de VERSAILLES, sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Bayet conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Leprey ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-83352
Date de la décision : 25/01/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 19 février 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 jan. 2012, pourvoi n°10-83352


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.83352
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